Rupture de contrat et obligations de l’employeur : enjeux de la remise des documents de fin de contrat.

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Rupture de contrat et obligations de l’employeur : enjeux de la remise des documents de fin de contrat.

L’Essentiel : Mme [U] [N] a été engagée par la SARL Solutia en tant qu’auxiliaire de vie, puis a pris acte de la rupture de son contrat le 18 juin 2021. Le 6 août, elle a saisi le conseil de prud’hommes pour obtenir son salaire de juin et les documents de fin de contrat. La SARL Solutia a été condamnée à verser des sommes et à remettre les documents requis. En décembre 2022, le juge de l’exécution a liquidé l’astreinte à 2632 euros et a accordé des dommages-intérêts pour résistance abusive, mais la cour a infirmé cette dernière demande.

Embauche et rupture du contrat de travail

Mme [U] [N] a été engagée par la SARL Solutia [Localité 1] en tant qu’auxiliaire de vie, d’abord sous deux contrats à durée déterminée, puis sous un contrat à durée indéterminée à temps partiel. Le 18 juin 2021, elle a pris acte de la rupture de son contrat de travail.

Demande en référé

Le 6 août 2021, Mme [N] a saisi le conseil de prud’hommes de Montluçon pour obtenir le paiement de son salaire de juin 2021 et la remise des documents de fin de contrat. Par ordonnance du 29 septembre 2021, la SARL Solutia a été condamnée à lui verser diverses sommes et à lui remettre les documents requis sous astreinte.

Commandement de payer et assignation

Le 28 octobre 2021, Mme [N] a délivré un commandement de saisie-vente pour obtenir le paiement des sommes dues. Elle a ensuite assigné la SARL Solutia devant le juge de l’exécution pour obtenir la liquidation de l’astreinte et des dommages-intérêts pour résistance abusive.

Jugement du juge de l’exécution

Le 16 décembre 2022, le juge de l’exécution a liquidé l’astreinte à 2632 euros pour la période concernée et a condamné la SARL Solutia à verser des dommages-intérêts pour résistance abusive. La SARL Solutia a interjeté appel de cette décision.

Appel et conclusions des parties

L’appel a été enregistré le 2 janvier 2023, et les conclusions des parties ont été échangées jusqu’à la clôture de l’instruction prononcée le 5 septembre 2024. Les prétentions respectives des parties ont été renvoyées aux conclusions.

Liquidation de l’astreinte

La cour a rappelé que l’astreinte doit être liquidée en tenant compte du comportement du débiteur. La SARL Solutia n’a pas prouvé avoir exécuté ses obligations avant la saisine du conseil de prud’hommes, et la cour a constaté que l’astreinte devait être liquidée à 4935 euros.

Demande de dommages et intérêts

Concernant la demande de dommages-intérêts pour résistance abusive, la cour a noté que le lien de causalité entre le retard de l’employeur et la date d’ouverture des droits de Mme [N] à l’allocation chômage n’était pas établi. Le jugement initial a été infirmé sur ce point.

Dépens et frais irrépétibles

La cour a confirmé la décision sur les dépens, sauf pour le coût du commandement de payer. La SARL Solutia a été condamnée à payer 2000 euros à Mme [N] au titre des frais irrépétibles.

Décision finale

La cour a statué en confirmant certaines décisions et en infirmant d’autres, notamment en liquidant l’astreinte à 4935 euros et en déboutant Mme [N] de sa demande de dommages-intérêts pour résistance abusive. La SARL Solutia a été condamnée aux dépens d’appel.

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les obligations de l’employeur en matière de remise des documents de fin de contrat ?

L’employeur a l’obligation de remettre à son salarié, à la fin de son contrat de travail, plusieurs documents essentiels. Selon l’article L1234-19 du Code du travail, l’employeur doit fournir :

– Un certificat de travail,
– Un reçu pour solde de tout compte,
– Un bulletin de salaire pour la période travaillée,
– Une attestation destinée à Pôle emploi.

Ces documents sont cruciaux pour permettre au salarié de faire valoir ses droits, notamment en matière d’indemnisation chômage.

En cas de non-remise de ces documents, l’employeur peut être condamné à verser une astreinte, comme stipulé dans l’ordonnance de référé. Cette astreinte est destinée à inciter l’employeur à s’exécuter dans les délais impartis.

Il est à noter que l’absence de remise de ces documents peut entraîner des préjudices pour le salarié, notamment en retardant l’accès à ses droits sociaux.

Comment se calcule l’astreinte en cas de non-exécution d’une obligation ?

L’article L131-4 du Code des procédures civiles d’exécution précise que :

« Le montant de l’astreinte provisoire est liquidé en tenant compte du comportement de celui à qui l’injonction a été adressée et des difficultés qu’il a rencontrées pour l’exécuter. »

L’astreinte est calculée sur la base d’un montant journalier, fixé par le juge, et commence à courir à partir de la date à laquelle l’obligation aurait dû être exécutée.

Dans le cas présent, l’astreinte a commencé à courir le 16 octobre 2021, après l’expiration du délai de 15 jours accordé à la SARL Solutia pour remettre les documents de fin de contrat.

Le juge doit également prendre en compte les difficultés rencontrées par le débiteur pour s’exécuter, mais il appartient à ce dernier de prouver ces difficultés. En l’absence de preuve, l’astreinte peut être liquidée sans réduction.

Quelles sont les conséquences d’une résistance abusive de l’employeur ?

L’article L121-3 du Code des procédures civiles d’exécution stipule que :

« Le juge de l’exécution a le pouvoir de condamner le débiteur à des dommages-intérêts en cas de résistance abusive. »

La résistance abusive se caractérise par le refus injustifié de l’employeur de s’exécuter à une obligation légale ou judiciaire. Dans ce cas, le salarié peut demander des dommages-intérêts pour le préjudice subi.

Cependant, il est important de noter que le juge de l’exécution ne peut statuer que sur les questions relatives à l’astreinte et aux difficultés d’exécution. Les demandes de dommages-intérêts doivent être fondées sur des éléments de preuve solides, établissant un lien de causalité entre la résistance de l’employeur et le préjudice subi par le salarié.

Dans l’affaire en question, le juge a considéré que le lien de causalité n’était pas démontré, ce qui a conduit à l’infirmation de la demande de dommages-intérêts pour résistance abusive.

Comment se prononce le juge sur les dépens et les frais irrépétibles ?

Les dépens sont régis par l’article 696 du Code de procédure civile, qui précise que :

« Les dépens comprennent les frais de justice exposés par les parties pour la défense de leurs intérêts. »

Dans le cadre d’une procédure, le juge peut condamner la partie perdante à rembourser les dépens de la partie gagnante.

Concernant les frais irrépétibles, l’article 700 du Code de procédure civile dispose que :

« Le juge peut condamner la partie perdante à payer à l’autre partie une somme au titre des frais irrépétibles. »

Ces frais incluent les honoraires d’avocat et autres frais engagés pour la procédure. Dans l’affaire examinée, la SARL Solutia a été condamnée à payer des frais irrépétibles à Mme [N] en raison de sa résistance à l’exécution de l’ordonnance de référé.

Le juge a également précisé que certains frais, comme ceux liés à un commandement de payer, ne peuvent pas être inclus dans les dépens, car ils ne relèvent pas de l’instance elle-même.

COUR D’APPEL

DE RIOM

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

Du 14 janvier 2025

N° RG 23/00016 – N° Portalis DBVU-V-B7H-F53T

-LB- Arrêt n°

S.A.R.L. SOLUTIA [Localité 1] / [U] [N]

Jugement au fond, origine Juge de l’exécution du Tribunal Judiciaire de Montluçon, décision attaquée en date du 16 Décembre 2022, enregistrée sous le n° 22/00082

Arrêt rendu le MARDI QUATORZE JANVIER DEUX MILLE VINGT CINQ

COMPOSITION DE LA COUR lors du délibéré :

M. Philippe VALLEIX, Président

Mme Laurence BEDOS, Conseiller

Mme Clémence CIROTTE,

En présence de :

Mme Marlène BERTHET, greffier lors de l’appel des causes et du prononcé

ENTRE :

S.A.R.L. SOLUTIA [Localité 1]

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représentée par Maître David AYELE, avocat au barreau de MONTLUCON et par Maître Vincent MERRIEN de la SELARL ACVF ASSOCIES, avocat au barreau de COLMAR

Timbre fiscal acquitté

APPELANTE

ET :

Mme [U] [N]

(bénéficie d’une aide juridictionnelle totale numéro 2023/004024 du 26/05/2023 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de CLERMONT-FERRAND)

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représentée par Maître Dorian TRESPEUX de la SELAS ALLIES AVOCATS, avocat au barreau de MONTLUCON

INTIMEE

DÉBATS :

L’affaire a été débattue à l’audience publique du 31 octobre 2024, en application des dispositions de l’article 786 du code de procédure civile, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme BEDOS, rapporteur.

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 14 janvier 2025, après prorogé du délibéré initiallement prévu le17 décembre 2024 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;

Signé par M. VALLEIX, président et par  Mme BERTHET, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DES FAITS, DE LA PROCÉDURE ET DES PRÉTENTIONS DES PARTIES

Mme [U] [N] a été embauchée par la SARL Solutia [Localité 1] en qualité d’auxiliaire de vie, dans un premier temps dans le cadre de deux contrats à durée déterminée, du 22 octobre au 30 novembre 2020 puis du 1er décembre 2020 au 31 mars 2021, ensuite dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée à temps partiel.

Le 6 août 2021, Mme [N], qui avait pris acte de la rupture de son contrat de travail par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 18 juin 2021, a saisi la formation de référé du conseil de prud’hommes de Montluçon pour obtenir la condamnation de la SARL Solutia Montluçon à lui payer le salaire du mois de juin 2021 et à lui communiquer les documents de fin de contrat.

Par ordonnance en date du 29 septembre 2021, réputée contradictoire et rendue en dernier ressort, la formation de référé du conseil de prud’hommes a statué en ces termes :

-Condamne la SARL Solutia [Localité 1], en la personne de son représentant légal, à verser à Mme [U] [N] les sommes suivantes :

-729,88 euros au titre du salaire du mois de juin 2021 ;

-72,98 euros au titre des congés payés afférents ;

-1000 euros de dommages et intérêts à titre de provision ;

-1000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

-Condamne la SARL Solutia [Localité 1], en la personne de son représentant légal, à remettre à Mme [U] [N] le bulletin de salaire pour la période travaillée ainsi que l’attestation Pôle emploi dûment complétée, le certificat de travail et le reçu pour solde de tout compte, sous astreinte d’un montant de 50 euros par jour de retard en cas de non remise des documents de fin de contrat dans un délai de 15 jours suivant la réception de la notification de la présente décision ;

-Condamne la SARL Solutia [Localité 1], en la personne de son représentant légal, aux dépens de la présente instance.

Cette décision a été notifiée à la SARL Solutia [Localité 1] par les soins du greffe le 1er octobre 2021.

Le 28 octobre 2021, Mme [N] a fait délivrer à la SARL Solutia [Localité 1] un commandement aux fins de saisie-vente pour obtenir le paiement des sommes mises à sa charge par l’ordonnance de référé. Dans le même acte, il a été fait sommation à la SARL Solutia [Localité 1] de remettre à Mme [N] les documents de fin de contrat.

Par acte d’huissier en date du 24 janvier 2022, Mme [N] a fait assigner devant le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Montluçon la SARL Solutia Montluçon pour obtenir sa condamnation au paiement de la somme de 4100 euros au titre de la liquidation de l’astreinte, outre celle de 5000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la résistance abusive de la défenderesse. À l’audience devant le juge de l’exécution, Mme [N] a actualisé sa demande au titre de la liquidation de l’astreinte à la somme de 16’450 euros, suivant décompte arrêté au 9 septembre 2022, date de ses dernières écritures.

Par jugement rendu le 16 décembre 2022, le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Montluçon a statué en ces termes :

-Liquide à la somme de 2632 euros l’astreinte pour la période ayant couru entre le 16 octobre 2021 et le 9 septembre 2022 ;

-Condamne la SARL Solutia [Localité 1] à payer cette somme à Mme [U] [N] ;

-Condamne la SARL Solutia [Localité 1] à payer à Mme [U] [N] la somme de 1000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive ;

-Condamne la SARL Solutia [Localité 1] à payer à Mme [U] [N] la somme de 1500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

-Condamne la SARL Solutia [Localité 1] aux entiers dépens comprenant le coût du commandement de payer aux fins de saisie-vente du 28 octobre 2021 ;

-Rappelle que le présent jugement bénéficie de l’exécution provisoire de droit en vertu des dispositions de l’article R. 121-21 du code des procédures civiles d’exécution.

La SARL Solutia [Localité 1] a relevé appel de cette décision par déclaration électronique du 2 janvier 2023.

La clôture de l’instruction a été prononcée par ordonnance du 5 septembre 2024.

Vu les conclusions de la SARL Solutia [Localité 1] transmise le 3 avril 2023 ;

Vu les conclusions de Mme [U] [N] transmises le 30 juin 2023 ;

En application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions susvisées pour l’exposé complet des prétentions respectives des parties et de leurs moyens.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Il sera rappelé en premier lieu qu’en application des dispositions de l’article 954 du code de procédure civile la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions et qu’elle n’a pas à se prononcer sur les demandes de « constater que… » ou de « dire et juger que…» lorsque celles-ci ne correspondent pas à des prétentions au sens des articles 4, 31 et 954 du code de procédure civile, mais en réalité à des moyens ou arguments invoqués au soutien des véritables prétentions.

– Sur la demande en liquidation d’astreinte :

L’article L131-4 du code des procédures civiles d’exécution dispose:

« Le montant de l’astreinte provisoire est liquidé en tenant compte du comportement de celui à qui l’injonction a été adressée et des difficultés qu’il a rencontrées pour l’exécuter.

Le taux de l’astreinte définitive ne peut jamais être modifié lors de sa liquidation.
L’astreinte provisoire ou définitive est supprimée en tout ou partie s’il est établi que l’inexécution ou le retard dans l’exécution de l’injonction du juge provient, en tout ou partie, d’une cause étrangère. »

L’astreinte, qu’elle soit provisoire ou définitive, ne peut être supprimée que si le débiteur de l’obligation démontre l’existence d’une cause étrangère, notion qui désigne la force majeure, le fait du tiers et le fait de la victime (ici le fait du créancier).

S’agissant de l’astreinte provisoire, seule susceptible de modulation, le juge appelé à liquider l’astreinte, en cas d’inexécution totale ou partielle de l’obligation, doit tenir compte des difficultés rencontrées par le débiteur pour l’exécuter et de sa volonté de se conformer à l’injonction, et encore apprécier, de manière concrète, lorsque la demande lui en est faite, s’il existe un rapport raisonnable de proportionnalité entre le montant auquel il liquide l’astreinte et l’enjeu du litige, [Cass. 2e civ., 20 janvier 2022, pourvoi n° 19-23.72 ; [Cass. 2e civ., 9 novembre 2023, pourvoi n° 21-25.582], sans avoir à prendre en compte les facultés financières du débiteur [Cass. 2e civ., 20 janvier 2022, pourvoi n° 19-22.435].

Il appartient au débiteur d’une obligation de faire de rapporter la preuve de l’exécution des obligations auxquelles il a été condamné, étant précisé que l’exécution tardive est sanctionnée au même titre que l’inexécution.

En l’espèce, l’ordonnance rendue le 29 septembre 2021par la formation de référé du conseil de prud’hommes de Montluçon mettait à la charge de la SARL Solutia Montluçon l’obligation de « remettre à Mme [U] [N] le bulletin de salaire pour la période travaillée ainsi que l’attestation Pôle emploi dûment complétée, le certificat de travail et le reçu pour solde de tout compte », ce sous astreinte d’un montant de 50 euros par jour de retard en cas de non remise des documents de fin de contrat dans un délai de 15 jours suivant la réception de la notification de la décision.

Il n’est pas contesté que cette ordonnance, de droit exécutoire à titre provisoire en vertu des articles 514 et 514-1 du code de procédure civile, a été notifiée par les soins du greffe à la SARL Solutia [Localité 1] le 1er octobre 2021, de sorte que le délai accordé à celle-ci pour s’acquitter de son obligation expirait le 15 octobre 2021, l’astreinte ayant commencé à courir à compter du 16 octobre 2021.

Il sera observé en premier lieu que, contrairement à ce que soutient la SARL Solutia [Localité 1], le premier juge a bien considéré que l’astreinte prononcée était une astreinte provisoire, les explications développées par l’appelante dans ses écritures relativement au caractère provisoire de l’ordonnance de référé elle-même étant totalement étrangères à la question de la qualification de l’astreinte.

Par ailleurs, au regard du caractère de droit exécutoire à titre provisoire de l’ordonnance, qui a été notifiée conformément aux dispositions de l’article 503 du code de procédure civile, les considérations de l’appelante relatives aux conditions dans lesquelles l’ordonnance a été rendue au regard du respect des règles assurant l’exercice des droits de la défense sont tout aussi inopérantes.

Sur le fond, la société Solutia [Localité 1] soutient avoir rempli ses obligations par l’envoi à Mme [N] le 26 juin 2021 de l’ensemble des documents de fin de contrat, ce par lettre recommandée avec accusé de réception.

À l’appui de ses prétentions, la SARL Solutia [Localité 1] produit les pièces suivantes, qui ont été consultées par la cour sur le réseau privé virtuel des avocats (RPVA), les pièces du « dossier papier » remis à l’audience étant en grande partie illisibles :

-Un certificat de travail daté du 30 juin 2021, mentionnant que Mme [N] a travaillé au sein de la société du 22 octobre 2020 au 30 juin 2021 ;

-Les bulletins de salaire de Mme [N] du mois d’octobre 2020 au mois de juin 2021 ;

-L’attestation de l’employeur destinée à l’organisme Pôle emploi, signée par M. [H], gérant de la SARL Solutia [Localité 1], et datée du 30 juin 2021, mentionnant comme motif de la rupture du contrat de travail, « prise d’acte », dans la rubrique « autre motif », indiquant en outre comme « dernier jour travaillé payé », la date du 28 février 2022 ;

-La photocopie d’un document constituant la « preuve de dépôt » d’un courrier recommandé avec avis de réception, non daté, portant le numéro d’envoi 1A 168 950’15074, mentionnant comme destinataire Mme [U] [N] et comme expéditeur M. [H] ;

-La photographie d’une enveloppe éditée spécialement par la poste pour l’envoi d’un recommandé avec accusé de réception, qui semble vide, qui ne mentionne aucune identité et aucune adresse dans le paragraphe réservé à cet effet, mentionnant le numéro d’envoi 1A 168 950’15074, la date de l’envoi (24 juin 2021), la date de départ (25 juin 2021) et la date de présentation (26 juin 2021).

Mme [N] relève à juste titre que l’imprimé collé sur l’enveloppe dans laquelle auraient été envoyés les documents fait état d’un envoi à la date du 24 juin 2021, alors que le certificat de travail et l’attestation destinée à l’organisme Pôle emploi sont signés à la date du 30 juin 2021, et encore que la date de dernier jour travaillé mentionnée sur la même attestation est le 28 février 2022. Il peut être observé encore que les éléments qui seraient constitutifs de la preuve de l’envoi ne sont pas produits en originaux et sont tous incomplets, de sorte que leur recoupement ne confère aux affirmations de l’appelante aucun caractère probant, l’hypothèse d’un montage ne pouvant nullement être exclue.

Il résulte de ces explications que la SARL Solutia Montluçon ne rapporte pas suffisamment la preuve par les pièces produites qu’avant la saisine de la formation de référé du conseil de prud’hommes, elle s’était acquittée de l’obligation mise à sa charge d’adresser à Mme [N] les documents de fin de contrat.

Mme [N] indique que c’est seulement le 25 février 2022, dans le cadre de l’instance en cours devant la formation de référé du conseil de prud’hommes, que la SARL Solutia Montluçon s’est acquittée partiellement de ses obligations, en transmettant le certificat de travail et le solde de tout compte. Elle soutient qu’en revanche l’attestation destinée à l’organisme Pôle emploi, communiquée à la même date, n’était pas conforme en ce qu’elle ne mentionnait aucun motif de la rupture, ce qui est pourtant nécessaire et obligatoire.

Ses affirmations sont étayées par le courrier adressé par son conseil au conseil de la SARL Solutia [Localité 1] le 28 février 2022, qui fait état de cette difficulté, et par sa pièce n°9, qui correspond à une attestation de l’employeur destinée à Pôle emploi, signée à la date du 30 juin 2021, ne précisant curieusement aucun motif de la rupture du contrat de travail alors que l’attestation communiquée devant la cour et datée du même jour, mentionne, comme cela a été indiqué précédemment, « prise d’acte » comme motif de la rupture du contrat.

Cette argumentation n’est pas valablement contredite par la SARL Solutia [Localité 1] qui ne démontre pas avoir communiqué, avant la transmission de ses pièces devant la cour le 30 avril 2023, une attestation dûment renseignée s’agissant du motif de la rupture du contrat de travail, étant observé que l’attestation produite comporte encore des erreurs, s’agissant notamment du dernier jour travaillé qui est toujours indiqué comme étant le 28 février 2022.

Il apparaît ainsi que le premier juge a exactement considéré qu’à la date des dernières écritures de Mme [N] devant lui, soit le 9 septembre 2022, la SARL Solutia [Localité 1] n’avait rempli que partiellement ses obligations. Le premier juge, pour tenir compte de l’exécution partielle de ses obligations par la SARL Solutia [Localité 1], a considéré qu’il convenait de liquider l’astreinte, pour la période du 16 octobre 2021 au 9 septembre 2022, à la somme de 2632 euros, soit 329 jours sur la base d’un montant d’astreinte journalier réduit à 8 euros.

Mme [N] conteste cette décision, soulignant que le montant total de l’astreinte liquidée en application de l’ordonnance du 29 septembre 2021 s’élève à 16’450 euros (329 x 50 euros). Elle estime en effet que l’appelante ne justifie aucunement avoir été confrontée à des difficultés pour s’acquitter de son obligation, de sorte qu’il n’y a pas lieu selon elle de réduire le montant de l’astreinte, au moins pour la période courant du 16 octobre 2021 au 25 février 2022 (soit 133 jours), précisant encore que, si le montant de l’astreinte devait être réduit pour la période ayant couru du 26 février 2022 au 9 septembre 2022, le taux journalier devrait être fixé à 25 euros par jour. Elle réclame en conséquence la condamnation de la SARL Solutia [Localité 1] à lui payer la somme totale de 11’525 euros au titre de la liquidation de l’astreinte.

Il ne peut en effet être considéré que le montant de l’astreinte liquidée devrait être réduit au regard des critères prévus par l’article L131-4 du code des procédures civiles d’exécution, alors que la SARL Solutia [Localité 1] n’évoque aucune difficulté particulière susceptible d’expliquer l’exécution tardive, et seulement partielle, de son obligation, puisqu’elle se limite à soutenir qu’elle a bien transmis les pièces en temps utile, sans nullement l’établir. En outre, il n’y pas lieu de distinguer deux périodes pour la détermination du taux journalier de l’astreinte, l’exécution partielle de l’obligation impartie, en cours de procédure, ne caractérisant pas suffisamment la volonté de l’employeur de se conformer à l’injonction impartie.

L’essentiel de l’argumentation de l’appelante, au-delà de ses développements relatifs aux conditions de la rupture du contrat de travail, étrangers au débat, repose en réalité sur l’appréciation de la proportionnalité entre le montant liquidé de l’astreinte et l’enjeu du litige.

Sur ce point, la SARL Solutia [Localité 1] fait valoir à juste titre qu’il existe une disproportion

entre le montant liquidé de l’astreinte, tel qu’il est réclamé, et l’enjeu pécuniaire du litige alors que le total des sommes demandées lors de la saisine de la formation de référé du conseil de prud’hommes s’élevait à 2802,86 euros, comprenant l’indemnité due au titre de l’article 700 du code de procédure civile, et que les prétentions cumulées de Mme [N] devant le conseil de prud’hommes, statuant au fond, sont inférieures à 10’000 euros. Cependant, si cet élément est à prendre en considération, il apparaît aussi que l’enjeu du litige ne revêt pas uniquement un aspect financier et qu’il convient également de tenir compte, en dehors de tout recours à la notion de préjudice, de l’importance que représentait la remise des documents de fin de contrat pour Mme [N], tenue d’apporter à des tiers, justificatifs à l’appui, certaines informations précises afin de faire valoir ses droits, que ses démarches aboutissent ou non.

Au regard de l’ensemble de ces éléments, il apparaît qu’il n’existe pas un rapport raisonnable de proportionnalité entre la somme réclamée, soit 11’525 euros, et l’enjeu pécuniaire du litige, mais que le premier juge, pour fixer à 2632 euros le montant de l’astreinte liquidée, n’a pas apprécié la notion d’« enjeu du litige » dans toute sa dimension.

En conséquence, il sera alloué à Mme [N] au titre de la liquidation de l’astreinte une somme de 4935 euros, calculée sur la base d’un montant journalier de 15 euros, appliqué sur toute la période considérée, soit 329 jours du 16 octobre 2021 au 9 septembre 2022, étant précisé que l’intimée indique dans ses écritures qu’elle ne réclame pas la liquidation de l’astreinte pour la période postérieure à cette date, même si l’attestation délivrée par l’organisme Pôle emploi recèle encore des non-conformités.

Le jugement sera dès lors infirmé sur le montant alloué.

-Sur la demande de dommages et intérêts :

Selon l’article L131-2 du code des procédures civiles d’exécution, l’astreinte est indépendante des dommages-intérêts.

Par ailleurs, l’article L. 121-3 du même code dispose que le juge de l’exécution a le pouvoir de condamner le débiteur à des dommages-intérêts en cas de résistance abusive.

En l’espèce Mme [N] expose qu’en raison du retard de communication par l’employeur de l’attestation destinée à l’organisme Pôle emploi, elle n’a pu faire valoir ses droits à la perception de l’allocation de retour à l’emploi qu’à compter du 17 mars 2022, alors qu’elle aurait pu saisir l’instance paritaire régionale (IPR) dès le mois d’octobre 2021 afin de solliciter le réexamen de son dossier et bénéficier des allocations chômage.

Elle produit une attestation de Pôle emploi démontrant qu’elle a en effet perçu l’allocation de retour à l’emploi à compter du 17 mars 2022. Elle expose encore qu’elle se trouve dans une situation précaire, ce dont elle justifie par les pièces communiquées, en particulier par une assignation en résiliation du bail qui lui a été délivrée le 20 mai 2022 pour défaut de paiement de ses loyers, ajoutant aussi que sa situation a été aggravée par le fait que l’employeur ne s’est pas acquitté des sommes mises à sa charge par l’ordonnance de référé rendue le 29 septembre 2021.

Le premier juge a justement relevé que l’existence d’un lien de causalité entre l’absence de remise par l’employeur de l’attestation destinée à l’organisme Pôle emploi et la date d’ouverture des droits de Mme [N] à l’allocation de retour à l’emploi n’était pas démontrée, alors qu’elle a perçu cette prestation dès le mois de mars 2022 sans disposer pourtant à ce moment-là d’une attestation conforme. Il peut être ajouté d’une part que Mme [N] ne produit aucune pièce relative aux démarches qu’elle aurait entreprises en vain pour percevoir l’ARE, d’autre part que, précisément, l’instance paritaire régionale peut être saisie lorsque les droits à l’allocation d’aide au retour à l’emploi ne peuvent être étudiés en raison de l’absence de transmission de l’attestation.

Le premier juge a toutefois condamné la SARL Solutia [Localité 1] au paiement de la somme de 1000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de l’absence de paiement des sommes mises à sa charge par l’ordonnance du 29 septembre 2021, en relevant que Mme [N] avait fait délivrer à l’appelante le 28 octobre 2021 un commandement de payer aux fins de saisie-vente pour tenter d’obtenir le règlement de ces sommes.

Or, si le juge de l’exécution a le pouvoir, en application des dispositions rappelées, de condamner le débiteur à des dommages-intérêts en cas de résistance abusive, ce pouvoir s’exerce dans les limites de sa compétence, à savoir le domaine de l’astreinte et celui des difficultés relatives à un titre exécutoire à l’occasion des contestations portant sur les mesures d’exécution forcée engagées sur le fondement de ce titre, étant précisé que la cour saisie d’un recours contre une décision rendue par le juge de l’exécution statue dans les limites des pouvoirs attribués à celui-ci.

En l’occurrence, d’une part le juge de l’exécution n’est pas saisi dans le cadre de la présente instance d’une contestation du commandement aux fins de saisie-vente signifié le 28 octobre 2021, d’autre part l’absence de paiement par l’employeur des sommes mises à sa charge par l’ordonnance du 29 septembre 2021 au titre du salaire du mois de juin et de la provision accordée sur dommages et intérêts est étrangère à la procédure de liquidation d’astreinte.

Le jugement sera en conséquence infirmé. Il sera statué à nouveau et Mme [N] sera déboutée de sa demande indemnitaire au titre de la résistance abusive opposée par l’employeur à l’obligation de remettre les documents de fin contrat. Il sera précisé en outre qu’il n’entre pas dans les pouvoirs du juge de l’exécution de statuer sur la demande indemnitaire ressortant de l’absence de paiement par l’employeur des sommes mises à sa charge par l’ordonnance du 29 septembre 2021.

– Sur les dépens et les frais irrépétibles :

Le jugement sera confirmé sur les dépens, sauf en ce qui concerne l’inclusion dans les dépens du coût du commandement de payer aux fins de saisie-vente signifié le 28 octobre 2021, diligence extérieure à l’instance elle-même, qui n’a pas été ordonnée par le juge et qui relève de l’article 700 du code de procédure civile. Le jugement sera aussi confirmé sur l’application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

La SARL Solutia [Localité 1] supportera les dépens d’appel. Il serait inéquitable de laisser Mme [N] supporter l’intégralité des frais qu’elle a dû exposer pour faire assurer la défense de ses intérêts devant la cour. La SARL Solutia [Localité 1] sera condamnée à lui payer la somme réclamée au titre des irrépétibles en application de l’article 700 du code de procédure civile, soit 2000 euros.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant publiquement et contradictoirement,

Confirme le jugement en ce qu’il a :

-Condamné la SARL Solutia [Localité 1] aux entiers dépens, sauf à préciser que ceux-ci ne comprennent pas le coût du commandement de payer aux fins de saisie-vente signifié le 28 octobre 2021;

-Condamné la SARL Solutia [Localité 1] à payer à Mme [U] [N] la somme de 1500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

Infirme le jugement pour le surplus et statuant à nouveau,

– Liquide l’astreinte provisoire prononcée par l’ordonnance de référé rendue par la formation de référé du conseil de prud’hommes de Montluçon le 29 septembre 2021 à la somme de 4935 euros pour la période du 16 octobre 2021 au 9 septembre 2022 ;

-Condamne la SARL Solutia [Localité 1] à payer à Mme [U] [N] la somme de 4935 euros au titre de l’astreinte liquidée ;

-Déboute Mme [U] [N] de sa demande indemnitaire au titre de la résistance abusive opposée par l’employeur à l’obligation de remettre les documents de fin contrat ;

– Constate qu’il n’entre pas dans les pouvoirs du juge de l’exécution de statuer sur la demande indemnitaire au titre du préjudice résultant de l’absence de paiement par l’employeur des sommes mises à sa charge par l’ordonnance du 29 septembre 2021 ;

-Condamne la SARL Solutia [Localité 1] aux dépens d’appel ;

-Condamne la SARL Solutia [Localité 1] à payer à Mme [U] [N] la somme de 2000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés pour les besoins de la procédure devant la cour.

Le greffier Le président


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