L’Essentiel : La société Codiv Enquêtes Privées, immatriculée à Versailles, se spécialise dans les enquêtes pour particuliers et professionnels. Mme [B], engagée en tant qu’enquêteur privé depuis le 14 février 2018, a connu plusieurs arrêts de travail en raison de la Covid-19 et de congés maternité. Le 6 juillet 2021, elle a notifié la rupture de son contrat, invoquant des manquements de l’employeur. Le conseil de prud’hommes a jugé cette rupture comme une démission, accordant néanmoins une prime de télétravail. En appel, la cour a confirmé la prime, mais a infirmé les dommages et intérêts pour préjudice matériel.
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Présentation de la société Codiv Enquêtes PrivéesLa société Codiv Enquêtes Privées est une SAS immatriculée au RCS de Versailles, spécialisée dans les services d’enquête et d’investigation pour les particuliers et les professionnels. Elle emploie moins de 11 salariés. Engagement de Mme [B]Mme [B] a été engagée par la société en tant qu’enquêteur privé à temps complet par un contrat de travail à durée indéterminée, à compter du 14 février 2018. Elle travaillait principalement en télétravail, avec une durée de travail de 35 heures par semaine et un salaire brut moyen de 3 360,15 euros par mois. Contexte de l’arrêt de travailÀ partir de mars 2020, la société a mis en place l’activité partielle en raison de la Covid-19. Mme [B] a été en arrêt de travail pour maladie du 19 juin au 27 août 2020, puis en congé maternité du 28 août au 17 décembre 2020, et à nouveau en arrêt de travail jusqu’au 30 septembre 2021. Prise d’acte de rupture du contratLe 6 juillet 2021, Mme [B] a notifié à son employeur la prise d’acte de la rupture de son contrat de travail, invoquant plusieurs manquements de l’employeur, notamment le non-versement d’indemnités spécifiques de télétravail et des erreurs dans le calcul de son salaire. Demande auprès du conseil de prud’hommesMme [B] a saisi le conseil de prud’hommes de Rambouillet le 30 juillet 2021, demandant que la rupture de son contrat soit considérée comme un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Jugement du conseil de prud’hommesLe 15 avril 2022, le conseil a jugé que la prise d’acte était assimilable à une démission et a débouté Mme [B] de la plupart de ses demandes, tout en lui accordant une prime de télétravail de 56,21 euros et 5 000 euros de dommages et intérêts pour préjudice matériel. Appel de la société Codiv Enquêtes PrivéesLa société a interjeté appel du jugement le 18 mai 2022, contestant les condamnations financières et demandant la confirmation de sa position. Examen des moyens d’appelLa cour a examiné la recevabilité de l’appel et a statué sur les prétentions de la société, notamment concernant la prime de télétravail et les dommages et intérêts pour préjudice matériel. Décision de la courLa cour a confirmé la condamnation de la société à verser 56,21 euros pour la prime de télétravail, tout en infirmant la décision relative aux 5 000 euros de dommages et intérêts pour préjudice matériel, considérant que l’employeur n’avait pas manqué à ses obligations concernant les attestations de salaire. Conclusion sur les dépensChaque partie a été condamnée à supporter ses propres dépens, et la demande de la société au titre de l’article 700 du code de procédure civile a été rejetée. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelles sont les obligations de l’employeur en matière de versement de primes spécifiques liées au télétravail ?L’employeur a l’obligation de verser les primes spécifiques prévues dans le contrat de travail, y compris celles liées au télétravail. Selon l’article 3-6 du contrat de travail de Mme [B], il est stipulé que « l’indemnité spécifique liée au télétravailleur au titre de l’occupation professionnelle de son domicile est attribuée au salarié. Son montant forfaitaire est fixé à 35 euros par mois ». Cette disposition implique que l’indemnité doit être versée intégralement, sans proratisation, même si le salarié est placé en activité partielle. En effet, le jugement du conseil de prud’hommes a confirmé que la prime de télétravail est due en intégralité, car aucune clause contractuelle ne prévoit de proratisation en fonction du temps de travail effectif. Ainsi, la société Codiv Enquêtes Privées a été condamnée à verser à Mme [B] la somme de 56,21 euros au titre de la prime de télétravail, confirmant que l’employeur doit respecter ses engagements contractuels, même en période d’activité partielle. Quels sont les droits des salariés en matière d’attestations de salaire et de dommages-intérêts en cas d’erreurs ?Les salariés ont le droit de recevoir des attestations de salaire correctes, qui reflètent fidèlement leurs revenus pour permettre le calcul des indemnités de sécurité sociale. Selon l’article L. 323-4 du code de la sécurité sociale, l’indemnité journalière est calculée sur la base des revenus d’activités antérieurs soumis à cotisations. Dans le cas de Mme [B], le conseil de prud’hommes a constaté que les attestations de salaire transmises à la CPAM étaient erronées, ce qui a conduit à un préjudice matériel. En conséquence, il a alloué à Mme [B] la somme de 5 000 euros pour ce préjudice, en raison des erreurs dans les attestations qui ont affecté le montant des indemnités perçues durant ses arrêts de travail. Cependant, la cour d’appel a infirmé cette décision, considérant que l’employeur n’était pas tenu de mentionner l’indemnité d’activité partielle sur les attestations, car celle-ci n’est pas soumise à cotisations sociales. Cela souligne l’importance pour les employeurs de fournir des attestations précises, mais aussi que les erreurs doivent être évaluées dans le cadre des obligations légales. Comment se déroule la procédure en cas de litige sur la rupture du contrat de travail ?En cas de litige concernant la rupture d’un contrat de travail, la procédure est régie par le code de procédure civile. Selon l’article 473, lorsque le défendeur ne comparaît pas, le jugement est réputé contradictoire si la citation a été délivrée à la personne du défendeur. Dans le cas présent, Mme [B] a saisi le conseil de prud’hommes pour faire reconnaître que la prise d’acte de la rupture de son contrat de travail devait être considérée comme un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Le conseil a rendu un jugement qui a été contesté par la société Codiv Enquêtes Privées en appel. L’article 472 précise que si l’intimé ne conclut pas, le juge statue sur le fond, en examinant la régularité et la recevabilité des prétentions de l’appelant. Cela signifie que la cour d’appel a dû évaluer les arguments de la société tout en tenant compte des décisions antérieures du conseil de prud’hommes. Ainsi, la procédure permet aux parties de faire valoir leurs droits et de contester les décisions antérieures, tout en respectant les règles de procédure établies. |
DE
VERSAILLES
Code nac : 80A
Chambre sociale 4-3
ARRÊT N°
RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE
DU 06 JANVIER 2025
N° RG 22/01632 –
N° Portalis DBV3-V-B7G-VGNZ
AFFAIRE :
S.A.S. CODIV ENQUETES PRIVEES RCS VERSAILLES
C/
[V] [B]
Décision déférée à la cour : Jugement rendue le 15 Avril 2022 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de RAMBOUILLET
N° Chambre :
N° Section : AD
N° RG : 21/00157
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :
Me Ariane MINEUR
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE SIX JANVIER DEUX MILLE VINGT CINQ,
La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
S.A.S. CODIV ENQUETES PRIVEES RCS VERSAILLES
N° SIRET : 808 322 887
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentant : Me Ariane MINEUR de l’AARPI META, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : J144
APPELANTE
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Madame [V] [B]
née le 21 Juin 1984 à [Localité 5] (93)
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Localité 4]
INTIMÉE- Défaillante, déclaration d’appel signifiée par acte d’huissier de justice du 12 juillet 2022 à personne physique
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 05 Décembre 2024 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Aurélie GAILLOTTE, Conseillère chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Laurence SINQUIN, Présidente,
Mme Florence SCHARRE, Conseillère,
Madame Aurélie GAILLOTTE, Conseillère,
Greffier lors des débats : Madame Angeline SZEWCZIKOWSKI,
La société Codiv Enquêtes Privées est une société par actions simplifiée (SAS) immatriculée au registre du commerce et des sociétés (RCS) de Versailles sous le n° 808 322 887.
La société Codiv Enquêtes Privées a pour activité l’exécution de prestations de services d’enquête et d’investigation en matière civile, commerciale, de direction et gestion d’entreprise, à destination des particuliers et des professionnels. Elle emploie moins de 11 salariés.
Par contrat de travail à durée indéterminée en date du 13 février 2018, Mme [V] [B] a été engagée par la société Codiv Enquêtes Privées en qualité d’enquêteur privé à temps complet, statut employé, à compter du 14 février 2018.
Au dernier état de la relation de travail, Mme [B] exerçait essentiellement ses fonctions en télétravail, était soumise à une durée du travail de 35 heures hebdomadaires et percevait un salaire moyen brut de 3 360,15 euros par mois, comprenant une part variable de rémunération indexée sur des objectifs. (Cf. Conclusions d’appelant ‘ p. 3)
Les relations contractuelles étaient régies par les dispositions de la convention collective nationale du personnel des prestataires de services dans le domaine du secteur tertiaire.
A compter du mois de mars 2020, la société Codiv Enquêtes Privées a eu recours au dispositif gouvernemental d’activité partielle, proposé dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire lié à l’épidémie de la Covid-19.
Du 19 juin au 27 août 2020, Mme [B] a été placée en arrêt de travail pour cause de maladie.
Du 28 août au 17 décembre 2020, Mme [B] a bénéficié d’un congé maternité.
Du 18 décembre 2020 au 30 septembre 2021, Mme [B] a été placée en arrêt de travail pour cause de maladie.
Par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 6 juillet 2021, Mme [B] a, par l’intermédiaire de son conseil, notifié à la société Codiv Enquêtes Privées la prise d’acte de la rupture de son contrat de travail, en ces termes :
« [‘] Par la présente et en ma qualité d’avocat de Madame [B], au nom et pour le compte de ma cliente, je vous informe de la prise d’acte de la rupture de son contrat de travail en raison des violations de vos obligations d’employeur à son égard :
NON VERSEMENT DE L’INDEMNITÉ SPÉCIFIQUE DE TELETRAVAIL :
EN AVRIL 2020 :
Vous ne lui avez versé que la somme de 3,50 euros sur 35 euros (montant forfaitaire allocation spécifique télétravail) en Avril 2020. Vous lui devez donc 31,50 euros.
EN MAI 2020 :
Vous ne lui avez versé que la somme de 10,29 euros sur 35 euros (montant forfaitaire allocation spécifique télétravail) en Mai 2020. Vous lui devez donc 24,71 euros.
NON VERSEMENT CORRECT DE MON SALAIRE
Vous n’avez pas versé le complément de salaire en Avril 2020, alors que Madame [B] travaillait même si vous l’aviez placé en chômage partiel : vous lui devez donc 180 euros au titre de son salarie, ainsi que les congés payés y afférents pour 18,00 euros.
Vous n’avez pas versé le complémentaire de salaire en Mai 2020, alors que Madame [B] travaillait même si vous l’aviez placée en chômage partiel : vous lui devez donc 528,75 euros au titre de son salaire, ainsi que les congés payés y afférents pour 52,87 euros.
Je vous remercie en conséquence de rectifier ses bulletins de salaires et me les adresser.
SUR LES MENTIONS LÉGALES CONCERNANT LES HEURES TRAVAILLÉES
En Mars, Avril et Mai 2020, j’ai travaillé 151,67 heures.
Or sur ses bulletins de salaires :
Vous indiquez qu’elle aurait été au chômage partiel pour Mars 2021 pour 61,60 heures, c’est complètement faux puisqu’elle a toujours travaillé.
Vous indiquez qu’elle aurait été au chômage partiel pour Avril 2021 pour 138,60 heures, c’est complètement faux puisqu’elle a toujours travaillé.
Vous indiquez qu’elle aurait été au chômage partiel pour Mai 2021 pour 107,10 heures, c’est complètement faux, puisqu’elle a toujours travaillé.
Je vous remercie en conséquence de rectifier ses bulletins de salaire et me les adresser.
SUR LES MONTANTS BRUTS TOTALEMENT ERRONÉS DE MES FICHES DE PAIE
En Mars 2020, vous indiquez un brut de 2.821,94 euros et un net de 3.187,44 euros
En Avril 2020, vous indiquez un brut de 183,50 euros et un net de 2.190,96 euros
En Mai 2020, vous indiquez un brut de 539,24 euros et un net de 2.054,06 euros
Je vous remercie en conséquence de rectifier ses bulletins de salaire et me les adresser.
SUR LES ATTESTATIONS DE SALAIRE
Vous lui avez transmis deux attestations de salaires, pour les mois de Mars, avril et mai 2021, différentes l’une de l’autre.
En effet, les montants sont très différents de l’une à l’autre.
Enfin et ce qui lui est gravement préjudiciable et que vous n’avez pas voulu corriger, malgré ses demandes, vous mentionnez des sommes totalement erronées en brut, et en conséquence, elle a été gravement pénalisée par rapport aux sommes qu’elle a perçues de l’assurance maladie.
Les faits ci-dessus énoncés dont la responsabilité vous incombe entièrement la contraignent à vous notifier par la présente prise d’acte de la rupture de son contrat de travail. [‘] »
Par requête introductive reçue au greffe le 30 juillet 2021, Mme [B] a saisi le conseil de prud’hommes de Rambouillet d’une demande tendant à ce que la prise d’acte de la rupture de son contrat de travail soit jugée comme étant intervenue aux torts de l’employeur et produisant les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Par jugement rendu le 15 avril 2022, auquel renvoie la cour pour l’exposé des demandes initiales des parties et de la procédure antérieure, le conseil de prud’hommes de Rambouillet a :
– dit et jugé la moyenne de salaire de Mme [V] [B] à 3 360,15 euros
– dit et jugé la prise d’acte assimilable à une démission
– débouté Mme [V] [B] sur ses demandes :
* au titre d’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,
* au titre d’indemnité légale de licenciement,
* au titre d’indemnités de préavis,
* au titre des congés payés afférents,
* au titre de rappel de salaire pour mars 2020,
* au titre de rappel de salaire pour avril 2020,
* au titre de rappel de salaire pour mai 2020,
* au titre de rappel de salaire pour juin 2020,
* au titre de rappel de congés payés y afférents,
* au titre de dommages et intérêts pour préjudice moral,
* au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
– condamné la société Codiv Enquêtes Privées à verser à Mme [V] [B] les sommes de :
* 56,21 euros au titre de la prime de télétravail ;
* 5 000,00 euros au titre des dommages et intérêts pour préjudice matériel.
– ordonné la remise des attestations de salaire rectifiées à destination de la Caisse d’Assurance Maladie ainsi que les bulletins de salaire d’avril et mai 2020 et documents de fin de contrat sous astreinte de 100,00 euros par jour de retard à compter du lendemain de la date de mise à disposition du présent jugement, soit le 16 avril 2022 ;
– débouté les parties de toutes autres demandes différentes, plus amples ou contraires au présent dispositif ;
– dit que chaque partie conservera la charge de ses propres dépens.
Par déclaration d’appel reçue au greffe le 18 mai 2022, la société Codiv Enquêtes Privées a interjeté appel de ce jugement.
La déclaration d’appel, ainsi que les conclusions d’appelant ont été signifiées à Mme [B] par acte de commissaire de justice en date du 12 juillet 2022, dans le délai d’un mois à compter de l’avis du greffe notifié le 23 juin 2022.
Mme [B] n’a pas constitué avocat.
La clôture de l’instruction a été prononcée le 6 novembre 2024.
MOYENS ET PRÉTENTIONS
Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par le RPVA le 11 juillet 2022, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé des moyens et prétentions conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la société Codiv Enquêtes Privées, appelante, demande à la cour de :
– déclarer la société Codiv Enquêtes Privées recevable et bien fondée en son appel ;
– infirmer le jugement rendu le 15 avril 2022 par le conseil de prud’hommes de Paris (sic) en ce qu’il a :
* condamné la société Codiv Enquêtes Privées à verser à Mme [B] les sommes de :
o 56,21 euros au titre de la prime de télétravail,
o 5 000 euros au titre des dommages et intérêts pour préjudice matériel ;
* Ordonné la remise des attestations de salaire rectifiées à destination de la caisse d’assurance maladie ainsi que les bulletins de salaire d’avril et mai 2020 et documents de fin de contrat sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du lendemain de la date de mise à disposition du présent jugement, soit le 16 avril 2022 ;
– condamner Mme [V] [B] aux entiers dépens, et à verser à la société Codiv Enquêtes Privées la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Sur la procédure
Selon l’article 473 du code de procédure civile, lorsque le défendeur ne comparaît pas, le jugement est réputé contradictoire lorsque la décision est susceptible d’appel ou lorsque la citation a été délivrée à la personne du défendeur.
En l’espèce, l’arrêt étant rendu en dernier ressort et Mme [B] ayant été citée à sa personne, le 12 juillet 2022 par commissaire de justice, le présent arrêt sera réputé contradictoire.
En application de l’article 472, en appel, si l’intimé ne conclut pas, il est néanmoins statué sur le fond, et le juge ne fait droit aux prétentions et moyens de l’appelant que dans la mesure où il les estime réguliers, recevables et bien fondés. Il incombe ainsi à la cour d’examiner, au vu des moyens d’appel, la pertinence des motifs par lesquels les premiers juges se sont déterminés.
Selon l’article 954 du code de procédure civile, la partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement, est réputée s’en approprier les motifs.
Sur la prime de télétravail
Le conseil de prud’hommes a alloué la somme de 56,21 euros au titre du reliquat de prime de télétravail pour les mois d’avril 2020 et de mai 2020 au motif que, « à l’instar des chèques déjeuner qui, par ordonnance, ont dû être maintenu à l’identique durant la période d’activité partielle relative à la crise sanitaire, le conseil considère la prime de résidence comme un avantage social qui ne doit pas être proratisé dans une période aussi exceptionnelle ».
La société conclut à la réformation du jugement entrepris au motif que cette indemnité spécifique de 35 euros prévue au contrat de travail doit être proratisée au regard de son temps de travail, qui n’a été que de 10 % en avril et de 30 % en mai 2020 compte tenu de son placement en chômage partiel dans le cadre des mesures gouvernementales liées à la pandémie de COVID-19.
Aux termes du contrat de travail du 13 février 2018, Mme [B] a été engagée en qualité d’enquêteur privé par la société Codiv Enquêtes privées. Selon l’article 3, il a été convenu qu’elle travaille à son domicile, pour une durée hebdomadaire de 35 heures et, en application de l’article 3-6 : « indemnité spécifique liée au télétravailleur au titre de l’occupation professionnelle de son domicile est attribuée au salarié. Son montant forfaitaire est fixé à 35 euros par mois ».
La cour relève que le versement de l’indemnité spécifique est prévu, à titre forfaitaire, d’un montant de 35 heures au regard de l’exécution du contrat de travail sous la forme du télétravail, ce qui exclut toute proratisation au regard du temps de travail effectif.
En l’espèce, il est établi que Mme [B] a exécuté son contrat de travail en avril et mai 2020 sous la forme du télétravail, de sorte que la prime forfaitaire est due en intégralité, en l’absence de disposition contractuelle prévoyant la proratisation en fonction du temps de travail réellement effectué. Sur ce point, le fait que la salariée ait bénéficié d’une indemnité au titre de l’activité partielle ne suffit pas à supprimer le bénéfice de cette prime contractuelle forfaitaire.
En conséquence, il convient de confirmer le jugement entrepris ayant condamné la société Codiv Enquêtes Privées à verser à Mme [B] la somme de 56,21 euros au titre de la prime de télétravail, et ordonné sous astreinte la remise des bulletins de salaire d’avril et mai 2020 rectifiés au regard du montant de cette prime.
Sur les dommages et intérêts pour préjudice matériel
En première instance, Mme [B] a sollicité une somme de 12 873,71 euros de dommages-intérêts pour préjudice matériel en raison des attestations de salaire erronées transmises à la sécurité sociale et 5 000 euros au titre du préjudice moral résultant de ces erreurs.
Le conseil des prud’hommes a alloué à Mme [B] la somme de 5 000 euros au titre des dommages et intérêts pour préjudice matériel compte tenu des attestations de salaire erronées transmises par la société à la CPAM, ne reprenant pas les indemnités pour activité partielle perçues par la salariée, de sorte que cette dernière a perçu des indemnités inférieures à celles qui auraient dû lui être attribuées durant ses arrêts maladie et maternité. Il a considéré que le préjudice moral n’était pas démontré. Il a enfin ordonné la remise des attestations de salaire rectifiées à destination de la caisse d’assurance maladie afin que la salariée puisse faire valoir ses droits auprès de la caisse, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du lendemain de la date de mise à disposition du présent jugement, soit le 16 avril 2022.
L’employeur indique d’une part que l’attestation de salaire adressée à la CPAM ne comporte pas le montant de l’indemnité d’activité partielle perçue par la salariée de mars à mai 2020, soit durant les trois mois précédant l’arrêt de travail car ces sommes n’ont pas à être mentionnées sur l’attestation comme l’indique la notice du formulaire CERFA. En effet, seuls les montants bruts soumis à cotisations sociales doivent l’être, ce qui n’est pas le cas de l’indemnité d’activité partielle. La société en déduit qu’il incombait à la CPAM de reconstituer le salaire de référence en ajoutant l’indemnité partielle aux salaires figurant sur l’attestation transmise par l’employeur.
La société soutient d’autre part que si ces attestations sont erronées, une rectification aboutirait à un recalcul des indemnités par la CPAM, de sorte que l’allocation de dommages-intérêts reviendrait à lui faire bénéficier d’une double indemnisation.
Dans le cadre de l’épidémie de COVID-19, un dispositif dérogatoire d’activité partielle a été instauré à compter du 12 mars 2020 par le gouvernement dans son ordonnance n°2020-346 du 27 mars 2020 en faveur des salariés placés dans l’impossibilité de continuer à travailler, ce qui a été le cas pour Mme [B].
Le salarié en position d’activité partielle bénéficie d’une indemnité d’activité partielle unique versée par l’employeur qui, lui-même, reçoit une allocation d’activité partielle à la charge de l’Etat.
L’indemnité d’activité partielle versée au salarié constitue un revenu de remplacement qui n’est pas assujetti aux cotisations de sécurité sociale.
Selon l’article L. 323-4 du code de la sécurité sociale, l’indemnité journalière est égale à une fraction des revenus d’activités antérieurs soumis à cotisations à la date de l’interruption du travail, retenus dans la limite d’un plafond et ramenés à une valeur journalière. Le revenu d’activité antérieur est déterminé selon les modalités prévues à l’article R. 323-4 du code de la sécurité sociale au regard du montant des trois dernières paies des mois civils antérieurs à la date de l’interruption de travail lorsque le revenu d’activité antérieur est réglé mensuellement.
En application des articles précités, lorsque, au cours de la période de référence, l’assuré n’a pas perçu de revenus d’activité pendant tout ou partie de celle-ci par suite de chômage partiel, l’employeur n’est pas tenu de mentionner sur l’attestation de salaire l’indemnité d’activité partielle qui n’est pas soumise à cotisation et dont il n’est pas tenu compte pour le calcul de l’indemnité journalière.
Au regard de l’ensemble de ces éléments, la cour retient que c’est à juste titre que la société n’a pas mentionné sur les attestations de salaire transmises à la CPAM l’indemnité d’activité partielle, de sorte qu’il n’est pas établi de manquement de ce chef.
En conséquence, il convient d’infirmer la décision des premiers juges ayant alloué à Mme [B] la somme de 5 000 euros de dommages et intérêts au titre du préjudice matériel et au titre de la remise des attestations de salaire rectifiées à destination de la caisse d’assurance maladie afin que la salariée puisse faire valoir ses droits auprès de la caisse, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du lendemain de la date de mise à disposition du présent jugement, soit le 16 avril 2022.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
Au regard de la solution du litige, chaque partie supportera la charge de ses dépens.
L’équité ne commande pas de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile de sorte que la société sera déboutée de sa demande en cause d’appel.
La cour, statuant par arrêt réputé contradictoire, en dernier ressort et prononcé par mise à disposition au greffe, dans la limite de l’appel :
CONFIRME le jugement entrepris en ce qu’il a condamné la société Codiv Enquêtes Privées à verser à Mme [B] la somme de 56,21 euros au titre de la prime de télétravail, et ordonné sous astreinte la remise des bulletins de salaire d’avril et mai 2020 rectifiés au regard du montant de cette prime,
INFIRME le jugement déféré en ce qu’il a condamné la société Codiv Enquêtes Privées à verser à Mme [B] la somme de 5 000 euros de dommages et intérêts au titre du préjudice matériel et ordonné la remise des attestations de salaire rectifiées à destination de la caisse d’assurance maladie afin que la salariée puisse faire valoir ses droits auprès de la caisse, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du lendemain de la date de mise à disposition du présent jugement, soit le 16 avril 2022,
Y ajoutant,
DÉBOUTE la société Codiv Enquêtes privées de sa demande formulée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
DIT que chaque partie supportera la charge de ses dépens.
– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Madame Laurence SINQUIN, Présidente et par Madame Angeline SZEWCZIKOWSKI, Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Greffière La Présidente
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