COUR D’APPEL DE BORDEAUX
1ère CHAMBRE CIVILE ————————– ARRÊT DU : 06 JUIN 2023 RP N° RG 23/00962 – N° Portalis DBVJ-V-B7H-NEJV [Y] [D] c/ S.A.S. GEONEF Nature de la décision : APPEL D’UNE ORDONNANCE DE MISE EN ETAT JONCTION AVEC DOSSIER RG : 23/00371 Notifié par LRAR le : Grosse délivrée le : aux avocats Décision déférée à la cour : ordonnance rendue le 09 janvier 2023 par le Juge de la mise en état du Tribunal Judiciaire de BORDEAUX (chambre : 1, RG : 21/06567) suivant déclaration d’appel 24 janvier 2023 (RG : 23/00371) suivie d’une assignation à jour fixe en date du 09 février 2023 (RG : 23/00962) APPELANT et demandeur sur assignation à jour fixe : [Y] [D] né le 25 Juillet 2000 à [Localité 3] (BELGIQUE) de nationalité Française demeurant [Adresse 1] représenté par Maître David DUMONTET, avocat postulant au barreau de BORDEAUX, et assisté de Maître Stanley CLAISSE de la SELAS MORVILLIERS SENTENAC & ASSOCIES, avocat plaidant au barreau de TOULOUSE INTIMÉE et défenderesse sur assignation à jour fixe : S.A.S. GEONEF, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis [Adresse 2] non représentée, assignée selon dépôt de l’acte à l’étude d’huissier COMPOSITION DE LA COUR : L’affaire a été examinée le 25 avril 2023 en audience publique, devant la cour composée de : M. Roland POTEE, Président Mme Bérengère VALLEE, Conseiller M. Emmanuel BREARD, Conseiller Greffier lors des débats : Madame Véronique SAIGE Le rapport oral de l’affaire a été fait à l’audience avant les plaidoiries. ARRÊT : – par défaut – prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile. * * * EXPOSÉ DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE Revendiquant des droits d’auteur sur des lignes de code réalisées au cours d’un stage auprès de la SAS Geonef et se plaignant de la rupture anticipée, brutale et vexatoire de sa convention de stage, M. [Y] [D] a fait assigner la société Geonef devant le tribunal judiciaire de Bordeaux en contrefaçon, en paiement de la gratification de stage afférente à la période de rupture et en indemnisation du préjudice résultant de la rupture anticipée. Dans ses conclusions d’incident déposées le 9 avril 2022, la société Geonef invoquait l’incompétence du tribunal judiciaire de Bordeaux et demandait la disjonction de l’instance et le renvoi à mieux se pourvoir de M. [D] devant le tribunal judiciaire de Paris concernant ses demandes pour actes de contrefaçon de droits d’auteur et devant le tribunal de commerce ou le tribunal judiciaire d’Evry-Courcouronnes concernant ses demandes pour rupture abusive de la convention de stage. Par ordonnance du 9 janvier 2023, le juge de la mise en état de la 1ère chambre civile du tribunal judiciaire de Bordeaux a : – dit que le tribunal judiciaire de Bordeaux est incompétent territorialement pour connaître de l’action en contrefaçon de droits d’auteur opposant M. [Y] [D] à la SAS GEONEF, – renvoyé l’affaire, s’agissant des demandes en contrefaçon de droits d’auteur, devant le tribunal judiciaire de Paris, – disjoint les demandes fondées sur la rupture de la convention de stage, – dit que le tribunal judiciaire de Bordeaux est incompétent territorialement pour connaître de l’action fondée sur une rupture fautive de la convention de stage, – renvoyé l’affaire, s’agissant des demandes fondées sur la rupture fautive de la convention de stage devant le tribunal judiciaire d’Evry Courcouronnes, – dit que le greffe transmettra le dossier de l’affaire avec copie de la présente décision à défaut d’appel, au tribunal judiciaire de Paris et au tribunal judiciaire d’Evry Courcouronnes, – dit que le greffe procédera à la notification du jugement aux parties par lettre recommandée avec demande d’avis de réception et à la notification du jugement à leur avocat en application de l’article 84 du code procédure civile, – rejeté les demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile, – condamné M. [Y] [D] aux dépens. M. [D] a relevé appel de cette ordonnance par déclaration du 24 janvier 2023 et, autorisé par ordonnance du 1er février 2023, il a fait délivrer à la société GEONEF, par acte du 9 février 2023 remis à l’étude, une assignation à jour fixe pour l’audience collégiale du 25 avril 2023 à 14h. Par conclusions du 30 janvier 2023, M. [D] demande à la cour de : – rejetant toutes conclusions contraires comme injustes et en tout cas mal fondées, – recevoir M. [Y] [D] en son appel de l’ordonnance entreprise, – le dire bien fondé, – infirmer l’ordonnance dans toutes ses dispositions, Et, statuant à nouveau : – juger que le tribunal judiciaire de Bordeaux est celui dans le ressort duquel le dommage a été subi et subsidiairement celui dans le lequel le fait dommageable a été constaté, – juger que le tribunal judiciaire de Bordeaux est donc seul compétent pour connaitre de l’action en contrefaçon de droit d’auteur de M. [Y] [D] à l’encontre de la société GEONEF, – juger qu’une soit disant violation d’un droit de propriété intellectuelle est à l’origine de l’arrêt brutal du stage de M. [Y] [D] par la société GEONEF, – juger que le tribunal judiciaire de Bordeaux est seul compétent pour trancher de l’existence ou de l’absence d’acte contrefaisant prétendument commis par M. [Y] [D] et ayant été à l’origine de la rupture anticipée, abusive, brutale et vexatoire de la convention de stage par la société GEONEF, – juger que le tribunal judiciaire de Bordeaux est par conséquent seul compétent pour connaitre de l’action relative à la rupture anticipée, abusive, brutale et vexatoire de la convention de stage conclue entre [Y] [D] et la société GEONEF le 30 juin 2020 fondée sur la réalisation prétendue d’acte de contrefaçon, – juger que le greffe du tribunal judiciaire de Bordeaux n’aura pas à transmettre le dossier de l’affaire avec copie de l’ordonnance susmentionnée au tribunal judiciaire de Paris et d’Evry Courcouronnes, – juger que le greffe de la cour d’appel de Bordeaux renverra le dossier au tribunal judiciaire de Bordeaux afin qu’il soit statué sur le fond du litige, – réserver le paiement de sommes relatives aux dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, – condamner la société GEONEF aux entiers dépens de première instance et d’appel. La société GEONEF, assignée à l’étude d’huissier, n’a pas comparu. MOTIFS DE LA DÉCISION Sur la compétence territoriale relative à la contrefaçon de droit d’auteur Pour affirmer la compétence du tribunal judiciaire de Bordeaux en cette matière délictuelle, l’appelant soutient, au visa de l’article 46 du code de procédure civile, que cette juridiction est celle du lieu où s’est produit le fait dommmageable dès lors que M.[D] est l’auteur de lignes de code originales reproduites sans son autorisation par la société GEONEF, au sein d’une application mobile téléchargeable sur internet, l’accessibilité dans le ressort de la juridiction saisie d’un site internet diffusant un élément litigieux suffisant à retenir sa compétence comme juridiction du lieu de la matérialisation du dommage allégué. A l’appui de cette affirmation, l’appelant produit en pièce 12 un capture d’écran relative à l’application mobile GEONEF. Cette pièce qui se contente de décrire le fonctionnement de cette application mobile ne contient aucun élément d’information concernant l’auteur des lignes de code. Quant à la pièce 2 représentant un schéma décrivant les réalisations de M.[D] pour ‘environ 160 lignes’ de codes de fonctionnalités ‘Stick to Path’ contre ‘environ 10 lignes’ à GEONEF , dans le cadre de l’application mobile, et la pièce 18 ‘exemple de rédaction de codes alternatifs’, ces documents établis par l’appelant lui même, ne présentent aucun caractère probant. De la même manière, aucun élément ne démontre que les lignes de code produites en pièce 15-1 à 15-12 dont M.[D] se dit l’auteur aient été utilisées par la société GEONEF pour le développement de son application mobile. Enfin, il n’est pas non plus établi que le code source présenté en pièce 17 sous forme de capture d’écran d’un fichier K:STANLEYDOSSIER[D]GEONEF soit bien celui de l’application en cause. Il sera au surplus observé que, dans le courrier de la société GEONEF adressé le 22 mars 2021 au conseil de M.[D] (sa pièce 9), le responsable de cette société indique au chapitre de la question de la propriété intellectuelle que:’ les ‘éléments développés par M.[D]’ ne constituant pas une oeuvre de l’esprit présentant un caractère original, le contrat de cession de droits évoqué dans votre courrier est sans objet. Toutes les tâches réalisées par M.[D] au cours de son stage constituent un travail d’exécution sous ma supervision’. Pour ces motifs, l’appelant échoue à démontrer la réalisation dans le ressort du tribunal judiciaire de Bordeaux du fait dommageable qu’il invoque et il en est de même, par voie de conséquence, du lieu où le dommage a été subi que l’appelant situe aussi dans ce ressort en faisant valoir qu’il a fait une partie de son stage en télétravail à son domicile de Colomiers. L’ordonnance sera en conséquence confirmée en ce qu’elle a fait droit à l’exception d’incompétence soulevée au profit du tribunal judiciaire de Paris. Sur la compétence territoriale relative à l’action en rupture abusive de stage M.[D] soutient que la rupture abusive de la convention de stage est le fait de la société GEONEF en relation avec des allégations de contrefaçon et qu’il convient de saisir le tribunal judiciaire de Bordeaux de l’ensemble du litige dans la mesure où il sera nécessaire, pour apprécier la caractère abusif de la rupture du stage, d’examiner les actes qualifiés de contrefaisants reprochés à l’appelant. Cependant, si M.[D] dans son assignation délivrée le 26 juillet 2021 se plaint de l’utilisation par la société GEONEF sans autorisation ni cession de droits d’auteurs, des lignes de code dont il se dit l’auteur et qu’il demande à ce titre au tribunal d’enjoindre l’intimée de cesser sous astreinte toute exploitation d’un produit intégrant des éléments contrefaits, il ne fait aucun lien entre cette action et la rupture anticipée de son stage qu’il explique par la réaction de M.[F], responsable de GEONEF face à la publication non autorisée par l’appelant de lignes de code informatique de la société. Il apparaît en effet, au vu du courriel de M.[F] adressé à M.[D] le 19 janvier 2021( pièce 3), que la rupture anticipée du stage a été motivée par le divulgation de code source, la divulgation d’un image graphique en haute résolution et le mauvais emploi du temps de travail de manière répétée, tous griefs expressément admis par l’appelant dans l’attestation qu’il verse lui même aux débats (pièce 4). En l’absence de lien de connexité entre la rupture de la convention de stage et l’action en contrefaçon de l’appelant, c’est à juste titre que le premier juge a fait droit à la demande de disjonction et renvoyé le litige relatif à la rupture de la convention de stage devant le tribunal judiciaire d’Evry-Courcouronnes, juridiction du ressort du domicile du défendeur compétente en matière contractuelle. Sur ce dernier point, c’est en vain que l’appelant fait grief au juge de la mise en état de ne pas lui avoir laissé l’option de saisir la juridiction consulaire, comme il en avait la possibilité, puisque n’étant pas commerçant, il peut saisir à son choix le juge civil ou commercial car, en appel, M.[D] n’indique toujours pas quel serait ce choix en cas d’infirmation de l’ordonnance désignant le tribunal judiciaire de Paris. L’ordonnance entreprise mérite ainsi pleine confirmation. PAR CES MOTIFS LA COUR Confirme l’ordonnance entreprise; Dit que l’appelant supportera la charge des dépens. Le présent arrêt a été signé par Monsieur Roland POTEE, président, et par Madame Véronique SAIGE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire. Le Greffier, Le Président, |
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Quelles sont les conditions pour qu’un acte soit considéré comme du harcèlement moral selon l’article L.1152-1 du code du travail ?L’article L.1152-1 du code du travail stipule qu’aucun salarié ne doit subir des agissements répétés de harcèlement moral. Ces agissements doivent avoir pour objet ou effet une dégradation des conditions de travail du salarié, ce qui peut porter atteinte à ses droits et à sa dignité. Cela inclut également des conséquences sur la santé physique ou mentale du salarié, ainsi que des impacts sur son avenir professionnel. Pour qu’il y ait harcèlement, il est donc nécessaire que les actes soient répétés et qu’ils entraînent une dégradation significative des conditions de travail. Il est important de noter que la simple existence d’un conflit ou d’une tension au travail ne suffit pas à établir un cas de harcèlement moral. Les faits doivent être suffisamment graves et récurrents pour justifier une telle qualification. Comment se déroule la procédure en cas de litige relatif au harcèlement moral ?En vertu de l’article L.1154-1 du code du travail, lorsqu’un litige survient concernant l’application des articles relatifs au harcèlement moral, le salarié doit établir des faits qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement. Une fois ces faits établis, il incombe à l’employeur de prouver que les agissements en question ne constituent pas du harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs, étrangers à tout harcèlement. Le juge doit examiner l’ensemble des éléments présentés par le salarié, y compris les documents médicaux, pour déterminer si les faits établis permettent de présumer l’existence d’un harcèlement moral. Si tel est le cas, le juge doit ensuite apprécier si l’employeur a réussi à prouver que ses actions étaient justifiées. Quelles sont les implications de l’absence d’invitation à une réunion pour un salarié ?L’absence d’invitation d’un salarié à une réunion, même si elle peut sembler significative, ne suffit pas à établir un cas de harcèlement moral. Dans le cas mentionné, la cour a jugé que le fait que la salariée n’ait pas été conviée à une réunion ne remplissait pas la condition de récurrence exigée par l’article L.1152-1 du code du travail. Il est essentiel que l’absence d’invitation soit mise en perspective avec d’autres éléments de preuve pour établir un schéma de comportement répétitif et dégradant. Une seule instance d’exclusion ne peut pas être considérée comme un acte de harcèlement, à moins qu’elle ne soit accompagnée d’autres comportements similaires qui démontrent une intention de nuire ou de dévaloriser le salarié. Quels éléments doivent être pris en compte pour établir un cas de harcèlement moral ?Pour établir un cas de harcèlement moral, plusieurs éléments doivent être pris en compte. Tout d’abord, il est déterminant d’examiner les faits matériels établis par le salarié, qui peuvent inclure des témoignages, des échanges de courriels, des SMS, ainsi que des documents médicaux attestant de l’impact sur la santé du salarié. Le juge doit également considérer le contexte dans lequel ces faits se sont produits, notamment les relations de travail, les changements organisationnels, et les communications entre le salarié et l’employeur. Il est également important d’évaluer si les agissements allégués sont répétés et s’ils ont eu un effet dégradant sur les conditions de travail du salarié. La prise en compte de l’ensemble de ces éléments permettra de déterminer si les conditions de harcèlement moral sont réunies. Quelle est la position de la cour d’appel concernant la réorganisation des fonctions de la salariée ?La cour d’appel a considéré que la réorganisation des fonctions de la salariée, qui a été mise en place en raison d’une réorientation de l’activité de l’entreprise, ne constituait pas un acte de harcèlement moral. Elle a noté que la concertation avec la salariée sur l’évolution de son poste était nécessaire et qu’elle avait eu lieu dans un esprit de collaboration, excluant ainsi toute intention de nuire. La cour a également souligné que les changements apportés aux fonctions de la salariée étaient justifiés par des éléments objectifs liés à la situation de l’entreprise, et non par des motifs de harcèlement. Ainsi, la réorganisation a été perçue comme une réponse légitime aux défis rencontrés par l’entreprise, plutôt que comme une tentative de dévaloriser ou d’exclure la salariée. |
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