Risques de péril et obligations de sécurisation entre voisins : enjeux et responsabilités.

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Risques de péril et obligations de sécurisation entre voisins : enjeux et responsabilités.

L’Essentiel : Madame [Y] [B] et Madame [M] [G] sont en conflit concernant leurs propriétés voisines à [Localité 5]. Le tribunal a précédemment condamné Madame [B] à indemniser Madame [G] pour des travaux de sécurisation. En juin 2024, Madame [B] a assigné Madame [G] pour exiger des travaux de démolition, invoquant des blocs rocheux menaçant sa parcelle. Cependant, Madame [G] conteste cette demande, soutenant que le risque concerne sa propre cour. Le rapport d’expertise indique un faible risque de péril, et le tribunal a finalement débouté Madame [B], concluant à l’absence de péril imminent.

Propriétés en Conflit

Madame [Y] [B] possède une parcelle de terrain à [Localité 5], tandis que Madame [M] [G] détient la parcelle voisine. Les deux propriétés sont cadastrées respectivement AZ [Cadastre 3] et AZ [Cadastre 4].

Jugement Précédent

Le 10 novembre 2020, le tribunal a condamné Madame [B] à verser 3.000 € à Madame [G] pour des travaux de sécurisation de la maison de cette dernière, suite à des risques liés à la structure de la cour de Madame [G].

Demande de Travaux de Sécurisation

Madame [B] a entrepris des travaux de sécurisation de son terrain, alertée par un entrepreneur sur le danger que représentaient des blocs rocheux sur la parcelle de Madame [G]. Elle a assigné cette dernière le 5 juin 2024 pour exiger des travaux de démolition et de reconstruction, ainsi que la sécurisation du talus.

Arguments de Madame [B]

Madame [B] soutient qu’en l’absence de travaux de Madame [G], des blocs rocheux menacent de tomber sur sa propriété, ce qui empêche la poursuite de ses propres travaux de construction. Elle a fourni un constat attestant de l’absence de sécurisation malgré le jugement antérieur.

Réponse de Madame [G]

Madame [G] conteste la demande, affirmant que le rapport d’expertise indique que le risque de chute de pierres concerne sa propre cour et non la parcelle de Madame [B]. Elle souligne que la situation est relativement stable et qu’aucune urgence n’est caractérisée.

Analyse de la Situation

Le rapport d’expertise de 2017 a révélé un vide sous la fondation du muret de Madame [G], mais a également noté que le risque de péril pour les biens était faible. Les constatations récentes ne montrent pas d’évolution dangereuse de la situation.

Décision du Tribunal

Le tribunal a conclu qu’aucun péril imminent n’était prouvé, déboutant ainsi Madame [B] de sa demande. Elle a été condamnée aux dépens, et les parties ont été renvoyées à se pourvoir.

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la portée de l’article 835 du code de procédure civile dans le cadre de la demande de Madame [B] ?

L’article 835 du code de procédure civile stipule que :

« Le président du tribunal judiciaire peut toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite. Dans le cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, il peut accorder une provision au créancier ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire. »

Dans le cas présent, Madame [B] a sollicité des mesures conservatoires en raison d’un risque de chute de pierres provenant de la parcelle de Madame [G].

Cependant, le tribunal a constaté qu’aucun élément probant ne démontrait l’existence d’un péril imminent. Les expertises antérieures avaient établi que, bien que la situation puisse être précaire, le risque de péril pour les biens restait faible.

Ainsi, la demande de Madame [B] n’a pas été jugée fondée, car elle n’a pas réussi à prouver l’urgence et la nécessité des travaux demandés.

Quels sont les critères d’urgence et de péril imminent selon la jurisprudence ?

La jurisprudence a établi que pour qu’une mesure conservatoire soit ordonnée, il doit exister un péril imminent.

L’article 835 du code de procédure civile précise que le président peut agir pour prévenir un dommage imminent. Cela implique que le risque doit être réel et non hypothétique.

Dans cette affaire, le tribunal a noté que les constatations faites par le commissaire de justice en 2023 ne différaient pas de celles de l’expert en 2017.

Il a été établi que la situation du talus était relativement stable et qu’aucun élément nouveau ne permettait de conclure à un péril imminent.

Ainsi, l’absence de preuve d’un danger immédiat a conduit à débouter Madame [B] de sa demande.

Quelles sont les conséquences de la décision sur les dépens et les frais irrépétibles ?

Selon l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est généralement condamnée aux dépens.

Dans cette affaire, Madame [B], ayant été déboutée de sa demande, a été condamnée aux dépens.

Les frais irrépétibles, quant à eux, sont régis par l’article 700 du même code, qui stipule que :

« La partie qui succombe peut se voir allouer une somme au titre des frais irrépétibles. »

Cependant, dans ce cas, Madame [B] n’a pas obtenu gain de cause, ce qui signifie qu’elle ne pourra pas demander le remboursement de ses frais.

En conséquence, la décision du tribunal a des implications financières directes pour Madame [B], qui devra assumer les frais de la procédure.

Comment la décision s’inscrit-elle dans le cadre des obligations de voisinage ?

Les obligations de voisinage sont régies par le principe de la bonne foi et de la coopération entre propriétaires voisins.

L’article 544 du code civil stipule que :

« La propriété est le droit de jouir et de disposer des choses de la manière la plus absolue, sous les restrictions établies par la loi. »

Dans ce contexte, Madame [B] a tenté d’imposer des travaux à Madame [G] en raison d’un risque perçu.

Cependant, le tribunal a jugé que les travaux préconisés par l’expert visaient à sécuriser la propriété de Madame [G] et non à prévenir un danger imminent pour celle de Madame [B].

Ainsi, la décision souligne l’importance de prouver l’existence d’un risque avant d’imposer des obligations à un voisin, renforçant ainsi le cadre des obligations de voisinage.

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE ST DENIS

MINUTE N°

CHAMBRE DES REFERES
AFFAIRE N° RG 24/00256 – N° Portalis DB3Z-W-B7I-GXBI
NAC : 70E

ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ

AUDIENCE DU 21 Novembre 2024

DEMANDERESSE

Mme [Y] [B]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Localité 5]
Rep/assistant : Me Frédérique FAYETTE, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION

DEFENDERESSE

Mme [M] [V] [G]
[Adresse 1]
[Localité 5]
Rep/assistant : Me Sylvie MOUTOUCOMORAPOULE, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

LORS DES DÉBATS :

Président : Catherine VANNIER
Greffier : Isabelle SOUNDRON 
Audience Publique du : 31 Octobre 2024

LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Ordonnance prononcée le 21 Novembre 2024 , par décision réputée contradictoire en premier ressort, et par mise à disposition au greffe de la juridiction par Madame Catherine VANNIER, Première Vice-présidente, assistée de Madame Marina GARCIA, Greffier 

Copie exécutoire délivrée le :
Copie certifiée conforme à Maître FAYETTE et Maître MOUTOUCOMORAPOULE délivrée le :

FAITS PROCEDURE PRETENTIONS

Madame [Y] [B] est propriétaire d’une parcelle de terrain située [Adresse 2] à [Localité 5] cadastrée AZ [Cadastre 3]. Madame [M] [G] est propriétaire de la parcelle voisine cadastrée AZ [Cadastre 4], située [Adresse 1] à [Localité 5].

Par jugement du 10 novembre 2020, Madame [B] a été condamnée à verser à Madame [G] la somme de 3.000 € correspondant à des travaux aux fins de sécuriser la maison de Madame [G].

Madame [B] a souhaité réaliser des travaux de sécurisation de son terrain par le prolongement du mur de soutènement construit en 2015. Elle a fait intervenir un entrepreneur qu’il alertait sur le fait que plusieurs blocs rocheux situés sur le terrain voisin penchaient dangereusement sur sa parcelle et constituait un risque de chute de pierres.

Estimant le dommage imminent en l’absence de travaux effectués par Madame [G] et préconisés par l’expert lors de la précédente instance, Madame [B] a, par acte de commissaire de justice en date du 5 juin 2024, fait assigner Madame [G] aux fins de voir :

Condamner Madame [G] à la réalisation de travaux de démolition et de reconstruction d’un ouvrage de blocage latéral tel que préconisé par l’expert judiciaire, ainsi que la sécurisation du talus par l’enlèvement des blocs rocheux et pierres menaçant de chuter et la consolidation de ce dernier, sous astreinte de 150 € par jour de retard à compter de la signification de l’ordonnance à venir et ce, pendant un délai de six mois,Condamner Madame [G] à payer à Madame [B] la somme de 2.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
Elle expose qu’en l’absence de travaux effectués par Madame [G], des blocs rocheux menacent de tomber sur sa parcelle. Il existe un risque de chute de pierres. Elle rappelle avoir versé à Madame [B] la somme de 3.000 € pour leur réalisation. Elle verse un constat d’un commissaire de justice démontrant qu’aucun travaux de sécurisation n’a été réalisé malgré le jugement du 10 novembre 2020. Il existe donc un risque d’affaissement de terrains en raison de plusieurs blocs rocheux qui penchent dangereusement sur sa parcelle. Le risque de chute de terre et de pierres empêche la réalisation des travaux prévus par Madame [B], travaux destinés à la poursuite de la construction du mur de soutènement jusqu’à la limite de sa parcelle. Elle rappelle encore que l’expert judiciaire avait relevé l’absence d’assise du muret qui bloque latéralement la cour arrière et génère une situation précaire sous l’effet de l’érosion. Une partie des ouvrages de la cour pourrait s’affaisser et chuter. .

Madame [G] s’oppose à cette demande. Elle réplique que l’expert avait relevé dans son rapport que le risque de chute de pierres concernait la cour arrière de Madame [G]. Il préconisait la construction d’un ouvrage de blocage latéral de la cour arrière de cette dernière. Il précisait qu’il n’y avait pas de construction à l’aplomb direct de la partie du talus non consolidé. Madame [B] se prévaut du risque de chute de pierres depuis le talus qui surplombe sa propriété tout au long de la limite séparative. Or, l’expert indiquait dans son rapport qu’il était souhaitable de prolonger le mur de soutènement pour stabiliser le talus mais notait qu’en l’absence de construction à l’aplomb direct de la partie du talus non consolidé, la situation était précaire mais le risque de péril pour les biens restait faible.

Madame [G] relève encore l’expert judiciaire avait constaté que la situation à l’arrière de sa cour était relativement stable depuis 2010, date de la chute du rocher à l’origine de la situation actuelle. Dès lors aucune urgence n’est caractérisée.

L’affaire a été mise en délibéré au 21 novembre 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la demande principale :

Aux termes de l’article 835 du code de procédure civile, le président du tribunal judiciaire peut toujours même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite. Dans le cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, il peut accorder une provision au créancier ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire.

Le rapport d’expertise judiciaire en date du 19 juin 2017 a établi l’existence d’un vide sous la fondation du muret de la cour de Madame [G]. Madame [B] a fait construire un mur de soutènement en limite de propriété en 2013. Cependant, ce mur était resté inachevé et ne résorbait pas le vide sous le muret de la cour de Madame [G], vide qui est lié à la chute d’une pierre en 2010. C’est dans ces conditions que, par jugement 10 novembre 2020, le tribunal a condamné Madame [B] à verser à Madame [G] la somme de 3.000 € correspondant aux travaux de sécurisation à réaliser. Il convient de noter que les travaux préconisés par l’expert avait pour but de consolider la cour de Madame [G] située au-dessus de ce vide et non de prévenir des chutes de pierres.

Le rapport d’expertise précisait qu’il était souhaitable que le mur de soutènement édifié par Madame [B] soit prolongé pour stabiliser le talus. Il ajoutait qu’en l’absence de construction à l’aplomb direct de la partie du talus non consolidé, la situation pouvait être précaire mais que le risque de péril pour les biens était faible.

Le constat versé par Madame [B] en date du 18 août 2023 précise qu’au commencement du mur voisin, au sol, le commissaire de justice a constaté la présence d’un bloc rocheux et d’un tronc d’arbre. Le mur de Madame [G] est ancien. Plusieurs pierres dépassent du côté du terrain de Madame [B]. Il est encore noté que le terrain voisin est couvert de végétation. A la jonction entre le mur de soutènement et le mur de clôture de la propriété voisine un grillage en fer est ancien et rouillé de même qu’une feuille de tôle.

Ces constatations ne sont guère différentes de celles décrites par l’expert dans le cadre de la précédente procédure. Entre 2017, date de l’expertise, et 2023, date du constat, il n’apparaît pas que la situation du talus ait dangereusement évoluée. Bien plus, la situation constatée en 2017 semble toujours aussi stable en 2023.

Aucun élément ne permet donc de conclure à l’existence d’un péril imminent au sens de l’article 835 du code de procédure civile. Madame [B] reste défaillante à en rapporter la preuve. En conséquence, elle sera déboutée de sa demande.

Sur les dépens et les frais irrépétibles :

Madame [B], partie perdante, sera condamnée aux dépens.

PAR CES MOTIFS

Nous, Juge des référés, statuant par ordonnance contradictoire, en premier ressort et par mise à disposition au greffe :

Au principal, RENVOYONS les parties à se pourvoir, mais dès à présent, tous droits et moyens des parties réservées,

DÉBOUTONS Madame [Y] [B] de sa demande,

CONDAMNONS Madame [Y] [B] aux dépens.

Ainsi prononcé les jour, mois et an indiqués ci-dessus, et signé du Président et du Greffier.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT


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