L’Essentiel : Pour évaluer le risque de confusion entre dénominations sociales, il est essentiel de considérer la localisation géographique. Dans l’affaire Le Comptoir des Métaux, la cour a jugé que la société SOVAMEP ne pouvait être tenue responsable d’une confusion, car elle n’opérait pas sur la même aire géographique. Bien que les zones d’activité soient voisines, il n’a pas été prouvé qu’il existait une zone de chalandise suffisamment large pour affecter les résultats financiers de l’appelante. En conséquence, l’absence de trouble manifestement illicite a conduit à la confirmation de l’ordonnance de référé du tribunal de commerce de Bordeaux.
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Pour apprécier le risque de confusion entre dénominations sociales, la localisation géographique doit impérativement être prise en compte. Affaire Le Comptoir des MétauxIl a été jugé que la société poursuivie peut prétendre légitimement ne pas avoir voulu ou avoir provoqué par une carence la confusion dont se prévaut la société Le Comptoir des Métaux, faute d’intervenir sur la même aire géographique. La zone de chalandiseS’il est exact que les zones d’activité des deux parties sont voisines et que les domaines visés sont les mêmes, il ne résulte pas de ces éléments une interférence sur l’activité de l’appelante par le seul nom d’enseigne de l’intimée. En effet, il n’est pas établi qu’il existe une zone de chalandise suffisamment étendue pour que la dénomination utilisée ait une conséquence sur les résultats financiers des entreprises concernées. Il s’ensuit qu’il n’est pas rapporté la preuve non seulement d’une faute, mais également d’un préjudice, donc d’une violation manifeste des articles 1240 et suivants du code civil. L’absence de rouble manifestement illiciteEn l’absence d’une trouble manifestement illicite, l’ordonnance de référé rendue le 9 août 2022 par la présidente du tribunal de commerce de Bordeaux ne pourra être que confirmée du présent chef. ————– COUR D’APPEL DE BORDEAUX
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE ARRÊT DU : 31 MARS 2023 N° RG 22/04048 – N° Portalis DBVJ-V-B7G-M3QI S.A.R.L. LE COMPTOIR DES METAUX c/ S.A.S. SOVAMEP SOCIETE DE VALORISATION DES METAUX ET METAUX PRECIEUX Nature de la décision : APPEL D’UNE ORDONNANCE DE REFERE Grosse délivrée le :31 mars 2023 aux avocats Décision déférée à la cour : ordonnance de référé rendue le 09 août 2022 par le Tribunal de Commerce de BORDEAUX (RG : 2022R00182) suivant déclaration d’appel du 24 août 2022 APPELANTE : S.A.R.L. LE COMPTOIR DES METAUX, agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis [Adresse 8] Représentée par Me Thierry WICKERS de la SELAS ELIGE BORDEAUX, avocat au barreau de BORDEAUX et assistée par Me Sophien BEN ZAIED, avocat au barreau de BAYONNE INTIMÉE : S.A.S. SOVAMEP – SOCIETE DE VALORISATION DES METAUX ET METAUX PRECIEUX, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège sis [Adresse 1] et en secondaire sise Comptoir des métaux, [Adresse 7] Représentée par Me Pierre FONROUGE de la SELARL LEXAVOUE BORDEAUX, avocat au barreau de BORDEAUX et assistée par Me Jeannine ROSSIER-DEBRUS, avocat au barreau de TOULOUSE COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 805 et 912 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 09 février 2023 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Emmanuel BREARD, conseiller, chargé du rapport, Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de : Roland POTEE, président, Bérengère VALLEE, conseiller, Emmanuel BREARD, conseiller, Greffier lors des débats : Séléna BONNET ARRÊT : – contradictoire – prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile. EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE La SARL Le comptoir des Métaux, créée en 2015 dont le siège social est à [Localité 2] (64), développe une activité spécialisée dans la collecte, le tri et le recyclage et la valorisation des métaux ferreux et non ferreux. La SAS SOVAMEP, société de valorisation des métaux et métaux précieux, ci-après la société SOVAMEP, dont le siège social est au [Localité 6] (31), développe la même activité que la société le comptoir des métaux. Depuis décembre 2021, la société SOVAMEP a ouvert un établissement à [Localité 4] (33) qu’elle exploite sous l’enseigne ‘le comptoir des métaux’. La société Le comptoir des Métaux a mis en demeure le 11 octobre 2021 la société SOVAMEP afin de voir cesser l’utilisation du nom d’enseigne ‘Comptoir des métaux’ pour l’établissement situé à [Localité 4]. Par acte du 23 février 2023 la société Le comptoir des Métaux a assigné la société SOVAMEP devant le tribunal de commerce de Bordeaux aux fins de voir ordonner l’interdiction de l’utilisation de ce nom d’enseigne. Par ordonnance de référé du 9 août 2022, le juge des référés du tribunal de commerce de Bordeaux a : – dit n’y avoir lieu à référé sur les demandes de la société Le comptoir des métaux, – condamné la société Le comptoir des métaux à payer à la société SOVAMEP la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, – condamné la société Le comptoir des métaux aux dépens. La société Le comptoir des Métaux a relevé appel de cette ordonnance par déclaration du 24 août 2022. Par conclusions déposées le 11 janvier 2023, la société Le comptoir des métaux demande à la cour de : – infirmer l’ordonnance entreprise rendue le 9 août 2022 par le président du tribunal de commerce de Bordeaux en ce qu’il a : * dit n’y avoir lieu à référé sur les demandes de la société Le comptoir des métaux, * condamné la société Le comptoir des métaux à payer à la société SOVAMEP la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, * condamné la société Le comptoir des métaux aux dépens, Statuant à nouveau, – déclarer la société Le comptoir des métaux recevable et bien fondée en son action, – juger que l’utilisation par la société SOVAMEP du nom ‘le comptoir des métaux’ constitue un acte de concurrence déloyale au préjudice de la société Le comptoir des métaux, – enjoindre à la société SOVAMEP de modifier l’enseigne de ses établissements secondaires de [Localité 4] (33), de [Localité 5] (19), et de [Localité 3] (31), et ce sous astreinte de 200 euros par jour de retard commençant à courir 15 jours après l’ordonnance à intervenir, – condamner la société SOVAMEP à payer à la société Le comptoir des métaux une indemnité de 6 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, – condamner la société SOVAMEP aux entiers dépens. Par conclusions déposées le 11 janvier 2023, la société SOVAMEP demande à la cour de : – confirmer l’ordonnance rendue le 9 août 2022 par M. le président du tribunal de commerce de Bordeaux statuant en référé, – dire n’y avoir lieu à référé, – débouter la société Le comptoir des métaux de l’ensemble de ses demandes, – la condamner à régler à la société SOVAMEP la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile outre aux entiers dépens. L’affaire a été fixée à l’audience rapporteur du 9 février 2023, avec clôture de la procédure à la date du 26 janvier 2023. MOTIFS DE LA DÉCISION I Sur l’existence d’un acte de concurrence déloyale. L’article 873 du code de procédure civile prévoit que ‘Le président peut, dans les mêmes limites, et même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite. Dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, il peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire’. Il est constant que constitue un trouble manifestement illicite la violation évidente d’une règle de droit résultant d’un fait matériel ou juridique. L’appelante soutient être confrontée à des actes de concurrence déloyale de la part de l’intimée en ce que celle-ci a repris en 2021 pour ses établissements secondaires la dénomination commerciale ‘Le comptoir des métaux’ qu’elle utilise depuis 2015. Elle estime qu’il existe un risque de confusion de la part de ce concurrent, ayant été interrogée par plusieurs clients pour savoir si les établissements de [Localité 4] et [Localité 3], qui ne lui appartiennent pas, faisaient partie de son groupe. Elle note à ce titre avoir été destinataire d’un courrier des services de la commune de [Localité 4] la confondant avec son adversaire à propos de déclarations pour des supports fixes et visibles de toute voie ouverte à la circulation publique. Elle observe que le nom utilisé et l’activité sont les mêmes, dans une zone géographique proche, établissant le risque de confusion et qu’il importe peu l’absence d’intention adverse, ce d’autant que la société SOVAMEP n’ignorait pas cette dénomination, ayant été en relation d’affaire avec elle précédemment. Se fondant sur l’action en concurrence déloyale, elle estime que le débat sur l’originalité n’a pas lieu d’être comme en matière de propriété intellectuelle, ce d’autant que le terme de ‘comptoir’ est désuet, peu utilisé, donc distinctif. Elle conteste l’argumentation du premier juge en ce que celui-ci a retenu une contestation sérieuse et la notion d’urgence, alors que ces conditions ne sont pas visées à l’article 873 du code de procédure civile précité. Elle remet en cause le critère géographique également retenu par la même décision, soulignant au contraire la proximité régionale des parties au présent litige, ces dernières intervenants toutes les deux dans le Sud-Ouest à l’occasion d’une activité similaire et donc proposant leurs prestations à la même clientèle. S’agissant du préjudice, la société Le Comptoir des Métaux, elle retient que la croyance de la part des tiers montre des difficultés, ayant même fait l’objet d’une taxation par les services de la commune de [Localité 4], qui a fini par reconnaître la confusion. *** La cour constate qu’il revient à l’appelante de démontrer une faute, un préjudice et un lien de causalité entre ces deux premiers éléments afin d’établir l’existence d’une concurrence déloyale, celle-ci devant au surplus constituer une violation évidente pour être retenue par la présente juridiction. S’agissant de la faute, il doit être remarqué que celle-ci, du fait des écritures mêmes de l’appelante, ne saurait être intentionnelle de la part de la société SOVAMEP, mais résulterait d’une abstention fautive, liée au risque de confusion découlant de l’usage de l’appellation objet du litige. Néanmoins, il doit être remarqué que la société intimée peut prétendre légitimement ne pas avoir voulu ou avoir provoqué par une carence la confusion dont se prévaut la société Le Comptoir des Métaux, faute d’intervenir sur la même aire géographique. S’il est exact que les zones d’activité des deux parties sont voisines et que les domaines visés sont les mêmes, il ne résulte pas de ces éléments une interférence sur l’activité de l’appelante par le seul nom d’enseigne de l’intimée. En effet, il n’est pas établi qu’il existe une zone de chalandise suffisamment étendue pour que la dénomination utilisée ait une conséquence sur les résultats financiers des entreprises concernées. Il s’ensuit qu’il n’est pas rapporté la preuve non seulement d’une faute, mais également d’un préjudice, donc d’une violation manifeste des articles 1240 et suivants du code civil. En l’absence d’une trouble manifestement illicite, l’ordonnance de référé rendue le 9 août 2022 par la présidente du tribunal de commerce de Bordeaux ne pourra être que confirmée du présent chef. II Sur les demandes annexes. Aux termes de l’article 696, alinéa premier, du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie. Sur ce fondement, la société Le Comptoir des Métaux, qui succombe au principal, supportera la charge des dépens. En application de l’article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. En l’espèce, l’équité commande que la société Le Comptoir des Métaux soit condamnée à verser à la société SOVAMEP la somme de 2.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile. PAR CES MOTIFS
La cour, CONFIRME l’ordonnance de référé rendue par la présidente du tribunal de commerce de Bordeaux le 9 août 2022 ; y ajoutant, CONDAMNE la société Le Comptoir des Métaux à verser à la société SOVAMEP la somme de 2.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ; CONDAMNE la société Le Comptoir des Métaux aux entiers dépens. Le présent arrêt a été signé par Monsieur Roland POTEE, président, et par Madame Séléna BONNET, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire. Le Greffier, Le Président, |
Q/R juridiques soulevées :
Quel est le rôle de la localisation géographique dans l’appréciation du risque de confusion entre dénominations sociales ?La localisation géographique joue un rôle crucial dans l’évaluation du risque de confusion entre dénominations sociales. En effet, la proximité géographique des entreprises peut influencer la perception des consommateurs et, par conséquent, le risque de confusion. Dans l’affaire Le Comptoir des Métaux, il a été établi que la société SOVAMEP, bien qu’opérant dans un domaine similaire, n’intervenait pas sur la même aire géographique que la société Le Comptoir des Métaux. Cela signifie que, malgré des activités voisines, l’absence d’une zone de chalandise suffisamment étendue a été déterminante pour conclure qu’il n’y avait pas de confusion manifeste. Ainsi, la cour a souligné que sans preuve d’une interférence sur l’activité de l’appelante, il n’y avait pas de base pour établir une faute ou un préjudice, ce qui est essentiel pour prouver une concurrence déloyale. Quelles sont les implications de la zone de chalandise dans cette affaire ?La zone de chalandise est un concept clé dans le droit commercial, car elle détermine l’étendue géographique dans laquelle une entreprise attire ses clients. Dans cette affaire, bien que les zones d’activité des deux sociétés soient voisines, la cour a jugé qu’il n’existait pas de zone de chalandise suffisamment large pour justifier une confusion entre les deux dénominations. La cour a noté que l’absence d’une interférence sur l’activité de la société Le Comptoir des Métaux par le seul nom d’enseigne de SOVAMEP était significative. En d’autres termes, même si les deux entreprises opèrent dans le même secteur, le fait qu’elles ne se chevauchent pas géographiquement a été déterminant pour conclure qu’il n’y avait pas de préjudice financier ou de concurrence déloyale. Cela souligne l’importance de la zone de chalandise dans les litiges commerciaux, car elle peut influencer la décision de la cour sur la légitimité des plaintes pour concurrence déloyale. Quelles conclusions ont été tirées concernant l’absence de trouble manifestement illicite ?L’absence de trouble manifestement illicite a été un point central dans la décision de la cour d’appel. Selon l’article 873 du code de procédure civile, un trouble manifestement illicite est défini comme une violation évidente d’une règle de droit résultant d’un fait matériel ou juridique. Dans cette affaire, la cour a confirmé l’ordonnance de référé du tribunal de commerce de Bordeaux, qui avait jugé qu’il n’y avait pas de trouble manifestement illicite. Cela signifie que la société Le Comptoir des Métaux n’a pas réussi à prouver qu’il y avait eu une violation évidente de ses droits, ni qu’il y avait eu une intention malveillante de la part de SOVAMEP. En conséquence, la cour a statué que l’absence de preuve d’une faute ou d’un préjudice, ainsi que l’absence d’une zone de chalandise suffisante, justifiaient la confirmation de l’ordonnance initiale. Cela met en lumière l’importance de fournir des preuves solides pour établir un trouble manifestement illicite dans les affaires de concurrence déloyale. Quels étaient les arguments de la société Le Comptoir des Métaux concernant la concurrence déloyale ?La société Le Comptoir des Métaux a avancé plusieurs arguments pour soutenir sa plainte pour concurrence déloyale. Elle a fait valoir que l’utilisation par SOVAMEP de la dénomination « Le comptoir des métaux » pour ses établissements secondaires créait un risque de confusion parmi les clients. L’appelante a mentionné avoir reçu des interrogations de clients qui pensaient que les établissements de SOVAMEP faisaient partie de son groupe. De plus, elle a cité un courrier des services de la commune de [Localité 4] qui a également confondu les deux sociétés, renforçant ainsi son argument selon lequel il existait une confusion dans l’esprit du public. Elle a également souligné que, bien que le terme « comptoir » soit désuet, il était distinctif dans le contexte de leur activité. L’appelante a contesté la décision du premier juge, arguant que la proximité géographique et l’identité des activités justifiaient une réévaluation de la situation. Cependant, malgré ces arguments, la cour a conclu qu’il n’y avait pas de preuve suffisante d’une faute ou d’un préjudice, ce qui a conduit à la confirmation de l’ordonnance de référé initiale. Quelles ont été les conséquences financières pour la société Le Comptoir des Métaux ?Les conséquences financières pour la société Le Comptoir des Métaux ont été significatives suite à la décision de la cour. En plus de voir ses demandes rejetées, la société a été condamnée à payer des frais à la société SOVAMEP. La cour a ordonné à la société Le Comptoir des Métaux de verser une somme de 2 000 euros à SOVAMEP au titre de l’article 700 du code de procédure civile, qui concerne les frais exposés et non compris dans les dépens. Cela signifie que la société a non seulement perdu son appel, mais a également été contrainte de supporter des coûts supplémentaires en raison de la procédure judiciaire. De plus, la société a été condamnée aux entiers dépens, ce qui implique qu’elle doit couvrir tous les frais liés à la procédure, augmentant ainsi son fardeau financier. Cette décision souligne l’importance pour les entreprises de bien évaluer leurs chances de succès avant d’engager des actions en justice, surtout dans des cas de concurrence déloyale où la preuve de la faute et du préjudice est essentielle. |
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