L’Essentiel : La société [8] a contesté une décision de la CPAM de la Loire attribuant un taux d’incapacité permanente partielle (IPP) de 40% à Monsieur [I] [M] suite à un accident de travail. Lors de l’audience du 29 novembre 2024, la société a demandé une réduction à 30%, soutenue par un rapport médical indiquant des troubles psychologiques liés à un état dépressif préexistant. Le tribunal a ordonné une consultation médicale, et le Professeur [U] [C] a proposé un taux d’IPP de 30%. Le 20 janvier 2025, le tribunal a réformé la décision de la CPAM, abaissant le taux à 30%.
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Contexte du litigeLa société [8] a introduit un recours devant le Pôle Social du Tribunal Judiciaire de Lyon le 27 juillet 2022, contestation d’une décision de la CPAM de la Loire datée du 4 janvier 2022. Cette décision attribuait un taux d’incapacité permanente partielle (IPP) de 40% à Monsieur [I] [M], suite à un accident de travail survenu le 28 novembre 2018. Les séquelles incluent des douleurs à l’épaule droite et des troubles psychologiques post-traumatiques. Déroulement de l’audienceLors de l’audience publique du 29 novembre 2024, la société [8], représentée par Me TIROL, a demandé une réduction du taux d’IPP à 30%, s’appuyant sur un rapport médical du Docteur [Y]. Ce dernier a souligné que les troubles psychiatriques étaient liés à un état dépressif préexistant. La société [7] a également soutenu cette demande, tandis que la CPAM de la Loire a demandé la confirmation du taux de 40%, arguant d’une réduction significative des mouvements de l’épaule et d’un état psychologique perturbé. Consultation médicale ordonnéeEn raison de la nature du litige, le tribunal a ordonné une consultation médicale sur pièces, confiée au Professeur [U] [C]. Ce dernier a examiné le dossier médical de Monsieur [I] [M] et a présenté ses constatations lors de l’audience. Ses conclusions écrites ont été jointes au jugement. Recevabilité du recoursLe tribunal a vérifié la recevabilité du recours, qui n’a pas été contestée par la CPAM. Il a constaté que l’employeur avait bien contesté la décision de la CPAM devant la Commission Médicale de Recours Amiable avant d’introduire son recours contentieux, rendant ainsi le recours recevable. Évaluation du taux d’incapacitéLe tribunal a examiné l’évaluation du taux d’IPP, en tenant compte des dispositions du Code de la Sécurité Sociale. Le Professeur [U] [C] a noté des séquelles psychologiques évaluées à 20% et des séquelles à l’épaule à 10%. Il a proposé de fixer le taux d’IPP à 30%, en se basant sur les éléments médicaux disponibles. Décision du tribunalLe tribunal a décidé de réformer la décision de la CPAM, abaissant le taux d’IPP à 30% à compter de la date de consolidation. Il a également ordonné l’exécution provisoire de cette décision, en raison de l’ancienneté du litige, et a condamné la CPAM de la Loire aux dépens. Le jugement a été rendu le 20 janvier 2025. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelle est la recevabilité du recours formé par la société [8] ?La recevabilité du recours est confirmée par le tribunal. Selon l’article 125 du Nouveau Code de Procédure Civile (NCPC), il est impératif d’exercer un recours administratif préalable avant de pouvoir introduire un recours contentieux. L’article L142-4 du Code de la Sécurité Sociale précise que ce dernier s’applique aux litiges relatifs à l’incapacité permanente résultant d’accidents du travail ou de maladies professionnelles. Dans cette affaire, il est établi que l’employeur a bien contesté la décision de la CPAM devant la Commission Médicale de Recours Amiable (CMRA) le 21 février 2022, et a introduit son recours contentieux le 27 juillet 2022. Ainsi, le tribunal déclare le recours recevable, car toutes les conditions légales ont été respectées. Comment est évalué le taux d’incapacité permanente partielle (IPP) ?L’évaluation du taux d’incapacité permanente partielle (IPP) est régie par l’article L434-2 du Code de la Sécurité Sociale. Cet article stipule que le taux d’incapacité permanente est déterminé en fonction de plusieurs critères, notamment la nature de l’infirmité, l’état général de la victime, son âge, ainsi que ses facultés physiques et mentales. Le barème indicatif d’invalidité est également pris en compte pour établir ce taux. Dans le cas présent, le Professeur [U] [C], médecin consultant, a examiné les séquelles psychologiques et physiques de Monsieur [I] [M]. Concernant les séquelles psychologiques, le médecin a noté des séquelles dépressives estimées à 20%, tout en indiquant qu’un état psychotique indépendant de l’accident de travail a été découvert. Pour les séquelles au niveau de l’épaule, l’examen a été difficile en raison de l’état psychique de l’assuré, ce qui a conduit à une évaluation de 10% pour les séquelles fonctionnelles. Au total, le Professeur [U] [C] a proposé de minorer le taux d’IPP à 30%, réparti comme suit : 20% pour les séquelles psychologiques et 10% pour les séquelles de l’épaule. Le tribunal a donc décidé de fixer le taux d’IPP à 30% à compter de la date de consolidation, conformément aux éléments médicaux et aux dispositions de l’article L434-2. Quelles sont les conséquences de la décision du tribunal ?La décision du tribunal a plusieurs conséquences importantes. Tout d’abord, le tribunal déclare le recours formé par la société [8] recevable et réformé la décision de la CPAM de la Loire du 4 janvier 2022. Le taux d’incapacité permanente partielle (IPP) est fixé à 30% à compter de la date de consolidation, le 2 janvier 2022, en raison de l’accident de travail survenu le 28 novembre 2018. En application de l’article L142-11 du Code de la Sécurité Sociale, les frais de consultation médicale ordonnée au cours de l’audience sont à la charge de la caisse nationale d’assurance maladie. De plus, le tribunal ordonne l’exécution provisoire de la décision, compte tenu de l’ancienneté du litige, ce qui signifie que la décision doit être appliquée immédiatement, même si elle peut faire l’objet d’un appel. Enfin, la CPAM de la Loire est condamnée aux dépens exposés à compter du 1er janvier 2019, ce qui implique qu’elle devra rembourser les frais engagés par la société [8] dans le cadre de cette procédure. |
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LYON
POLE SOCIAL
Jugement du 20 Janvier 2025
Minute n° :
Audience du : 29 novembre 2024
Salarié : M. [I] [M]
Requête n° : N° RG 22/01540 – N° Portalis DB2H-W-B7G-XCFB
PARTIES EN CAUSE
partie demanderesse
Société [8]
[Adresse 2]
[Localité 5]
représentée par Maître Xavier BONTOUX de la SAS BDO AVOCATS LYON, avocats au barreau de LYON, substitué par Maître TIROL, avocat
partie défenderesse
CPAM DE LA LOIRE
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Localité 3]
dispensée de comparution
partie intervenante
Société [7]
[Adresse 4]
[Localité 6]
représentée par Me Valéry ABDOU, avocat au barreau de LYON, substitué par Maître GUILLE, avocat
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Lors des débats tenus en audience publique et du délibéré :
Présidente : Justine AUBRIOT
Assesseur collège employeur : Jean-Jacques SARKISSIAN
Assesseur collège salarié : Fabienne PERRET
Assistés lors des débats et du délibéré de : Isabelle BELACCHI, Greffiere
Notification le :
Société [8] ; CPAM DE LA LOIRE ; Société [7]
Me Valéry ABDOU, vestiaire : 2 ; la SAS BDO AVOCATS LYON, vestiaire : 1134
Une copie certifiée conforme au dossier
Par une lettre recommandée avec accusé de réception en date du 27/07/2022, la société [8] a formé un recours devant le Pôle Social du Tribunal Judiciaire de LYON à l’encontre d’une décision de la CPAM de la Loire notifiée le 04/01/2022, confirmée implicitement par la Commission Médicale de Recours Amiable et qui attribue un taux d’incapacité permanente partielle (IPP) de 40% au profit de Monsieur [I] [M] à compter de la date de consolidation fixée le 02/01/2022, en raison d’un accident de travail du 28/11/2018, dont les séquelles sont décrites de la manière suivante : «Tableaux douloureux de l’épaule droite chez un droitier avec limitation importante de plusieurs mouvements et troubles psychologiques post traumatiques évalués par avis sapiteur psychiatre».
Le greffe de la juridiction a convoqué les parties, conformément à l’article R142-10-3 du Code de la sécurité sociale, pour l’audience du 29/11/2024.
À cette date, en audience publique :
La société [8] représentée par Me TIROL conclut oralement à la diminution du taux d’IPP médical à 30% attribué à Monsieur [I] [M] (10% au titre des séquelles de l’épaule et 20% sur le plan psychiatrique). Elle se fonde sur le rapport médical du Docteur [Y] qui fait valoir que l’examen clinique n’est pas fiable compte tenu du contexte psychiatrique. Le médecin conseillant l’employeur indique que les troubles psychiatriques résultent d’un état dépressif autonome déjà indemnisé par une invalidité catégorie 2, ce qui revient à indemniser deux fois une même affection.La société [7] a comparu et était représentée par Me GUILLE. Elle indique s’associer aux conclusions de la société [8].– La CPAM de la Loire n’a pas comparu mais a sollicité une dispense de comparution reçue par mail le 28/11/2024. Ses conclusions étaient reçues par courrier du 05/09/2024. Elle sollicite la confirmation du taux de 40% en l’absence d’élément probant de la part de l’employeur. Elle souligne une réduction importante des mouvements de l’épaule dominante, ainsi qu’un état psychologique post-traumatique réactionnel (perturbation du sommeil, fluctuation de l’humeur et de l’appétit).
En raison de la nature du litige, le tribunal a ordonné une consultation médicale sur pièces confiée au Professeur [U] [C], mesure qui a été exécutée sur-le-champ.
A l’issue de cette consultation, le médecin consultant, commis conformément aux dispositions des articles R 142-16 et suivants du Code de la sécurité sociale, après avoir pris connaissance du dossier médical de Monsieur [I] [M] a exposé oralement la synthèse de ses constatations médicales.
Les conclusions écrites du médecin consultant du tribunal sont jointes à la minute du présent jugement.
Puis, le tribunal s’est retiré et a délibéré de l’affaire conformément à la loi, avant de rendre son jugement par mise à la disposition au greffe le 20/01/2025.
Sur la recevabilité du recours
La recevabilité du recours n’est pas discutée par la caisse. Il appartient néanmoins au juge de la vérifier d’office, l’exercice d’un recours administratif préalable conditionnant le recours contentieux en vertu de l’article 125 du NCPC et de l’article L142-4 du Code de la sécurité sociale (visant les litiges relatifs à l’incapacité permanente résultant d’accident du travail ou maladie professionnelle), applicable aux décisions notifiées à compter du 1er janvier 2020.
En l’espèce il ressort des pièces communiquées que l’employeur a bien contesté la décision de la CPAM devant la CMRA le 21/02/2022 qui en a accusé réception le 24/02/2022. Il a introduit son recours contentieux le 27/07/2022.
Le recours est déclaré recevable.
Sur l’évaluation du taux médical d’IPP
La juridiction saisie du recours, doit vérifier l’application du barème et des dispositions de l’article L 434-2 du Code de la Sécurité Sociale, l’employeur soutenant une réduction du taux notifié à 30% et la CPAM le maintien du taux de 40%.
En application de l’article L.434-2 du Code de la Sécurité Sociale, le taux d’incapacité permanente est déterminé d’après la nature de l’infirmité, l’état général, l’âge, les facultés physiques et mentales de la victime, d’après ses aptitudes et qualifications professionnelles, compte tenu d’un barème indicatif d’invalidité.
Le Professeur [U] [C], médecin consultant, note à la date de consolidation :
-s’agissant des séquelles psychologiques : un avis spécialisé d’un psychiatre qui relève des séquelles dépressives estimées à 20%, avec découverte d’un état psychotique indépendant de l’accident de travail. Le médecin consultant ajoute ne pas avoir d’appréciations à faire sur le taux de 20% compte tenu de cet avis sapiteur.
-s’agissant des séquelles au niveau de l’épaule : l’examen de l’épaule est très difficilement réalisé. L’absence d’un examen somatique complet lié à l’état psychique de l’assuré ne permet pas d’aboutir à un taux de 20%. Le médecin consultant note néanmoins des séquelles fonctionnelles permettant un taux de 10%.
Au regard de l’ensemble de ces remarques, le Professeur [U] [C] propose de minorer le taux attribué à 30 % (20% pour les séquelles psychologiques et 10% pour les séquelles au niveau de l’épaule droite).
Ainsi en l’état des éléments médicaux objectifs, spécialement ceux retenus lors de l’examen clinique et figurant dans le rapport du médecin conseil de la caisse, dans l’avis du médecin désigné par l’employeur et dans le rapport de l’expert consulté par la juridiction, les séquelles qualifiées dans la décision attaquée et en rapport avec l’accident du travail justifient un taux médical de 30% à compter de la date de consolidation, en application du barème indicatif et des dispositions de l’article L 434-2 du Code la Sécurité Sociale.
En conséquence, le tribunal considère qu’il dispose de suffisamment d’éléments pour déclarer que le taux d’incapacité permanente partielle opposable à l’employeur doit être abaissé à 30%. La décision contestée est donc réformée en ce sens.
Il convient par ailleurs d’ordonner l’exécution provisoire compte tenu de l’ancienneté du litige.
Le tribunal, statuant publiquement par jugement contradictoire en premier ressort,
DÉCLARE recevable en la forme le recours formé par la société [8].DECLARE le présent jugement opposable à la société utilisatrice [7]. REFORME la décision de la CPAM de la Loire du 04/01/2022 et FIXE à 30% le taux opposable à l’employeur au titre de l’incapacité permanente partielle (IPP) de Monsieur [I] [M] à compter de la date de consolidation fixée le 02/01/2022, en raison d’un accident de travail du 28/11/2018.RAPPELLE, en application de l’article L142-11 du Code de la Sécurité Sociale introduit par l’article 61 (VII) de la loi n° 2019-774 du 24 juillet 2019 relative à l’organisation et à la transformation du système de santé, que les frais de consultation médicale ordonnée au cours de l’audience sont à la charge de la caisse nationale d’assurance maladie.ORDONNE l’exécution provisoire de la décision.CONDAMNE la CPAM de la Loire aux dépens exposés à compter du 1er/01/2019 .
Jugement rendu par mise à la disposition au greffe le 20 janvier 2025 dont la minute a été signée par la Présidente et la Greffière.
La Greffière La Présidente
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