Révision du taux d’incapacité permanente partielle suite à un accident du travail

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Révision du taux d’incapacité permanente partielle suite à un accident du travail

L’Essentiel : Le tribunal a examiné le recours de la société [5] contre la décision de la CPAM, qui avait attribué un taux d’incapacité permanente partielle (IPP) de 12% à Monsieur [N] [M]. Lors de l’audience du 29 novembre 2024, l’employeur a contesté ce taux, arguant l’absence de preuve de préjudice professionnel. Après consultation médicale, le Professeur [I] a proposé de ramener le taux à 8%. Le tribunal a finalement déclaré le recours recevable, rejeté les demandes d’inopposabilité et d’annulation, et a fixé le taux d’IPP à 8%, ordonnant l’exécution provisoire de sa décision.

Contexte du litige

La société [5] a contesté, par une lettre recommandée en date du 20 septembre 2022, une décision implicite de rejet de son recours par la Commission Médicale de recours Amiable (CMRA). Cette décision confirmait celle de la CPAM de la DROME, qui avait attribué un taux d’incapacité permanente partielle (IPP) de 12% à Monsieur [N] [M] à compter du 13 décembre 2021, suite à un accident du travail survenu le 25 novembre 2019. Les séquelles de cet accident étaient décrites comme des « séquelles modérées d’une contusion de l’épaule gauche » avec des limitations de mouvement.

Audience et arguments des parties

Lors de l’audience publique du 29 novembre 2024, la société [5], représentée par ses avocats, a demandé l’inopposabilité ou l’annulation du taux d’incapacité, arguant que la CPAM n’avait pas prouvé de préjudice professionnel. En alternative, elle a sollicité une réduction du taux à 5%, se basant sur les observations d’un médecin qui considérait que le salarié ne présentait qu’une périarthrite, sans lien avec l’accident. La CPAM, bien que non présente, a envoyé des conclusions demandant la confirmation du taux de 12% et le rejet du recours.

Consultation médicale et conclusions

Le tribunal a ordonné une consultation médicale sur pièces, confiée au Professeur [I]. Ce dernier a examiné le dossier médical de Monsieur [N] [M] et a présenté ses constatations. Ses conclusions écrites ont été jointes au jugement. Le tribunal a ensuite délibéré avant de rendre son jugement le 20 janvier 2025.

Recevabilité du recours

La recevabilité du recours n’a pas été contestée par la CPAM. Le tribunal a vérifié d’office cette recevabilité, confirmant que l’employeur avait bien contesté la décision de la CPAM devant la CMRA, et que le recours avait été introduit dans les délais.

Inopposabilité et preuve de préjudice professionnel

Le tribunal a examiné les arguments concernant l’inopposabilité du taux d’incapacité. Selon le Code de la sécurité sociale, le taux d’incapacité est déterminé en fonction de divers critères, y compris la nature de l’infirmité et l’état général de la victime. La CPAM a soutenu que le taux retenu était conforme au barème et que les séquelles justifiaient un taux d’IPP.

Évaluation du taux médical d’IPP

Le tribunal a également évalué le taux médical d’IPP, tenant compte des observations du Professeur [I], qui a proposé de ramener le taux à 8% en raison des limitations de mouvement constatées. Le tribunal a conclu que les éléments médicaux justifiaient un taux d’IPP de 8% à compter de la date de consolidation.

Décision du tribunal

Le tribunal a déclaré le recours recevable, rejeté les demandes d’inopposabilité et d’annulation du taux d’IPP, et a réformé la décision de la CPAM en fixant le taux d’IPP à 8%. Il a également ordonné l’exécution provisoire de la décision et condamné la CPAM aux dépens.

Q/R juridiques soulevées :

Sur la recevabilité du recours

La recevabilité du recours est régie par l’article 125 du Nouveau Code de Procédure Civile (NCPC) et l’article L142-4 du Code de la Sécurité Sociale (CSS).

L’article 125 du NCPC stipule que :

« Le recours administratif préalable est une condition de recevabilité du recours contentieux. »

De plus, l’article L142-4 du CSS précise que :

« Les litiges relatifs à l’incapacité permanente résultant d’accident du travail ou maladie professionnelle sont soumis à un recours préalable devant la Commission Médicale de Recours Amiable. »

Dans cette affaire, il est établi que l’employeur a bien contesté la décision de la CPAM devant la CMRA, ce qui confirme la recevabilité du recours.

Il n’y a pas de preuve de forclusion, et le recours est donc déclaré recevable.

Sur l’inopposabilité ou l’annulation du taux faute de preuve d’un préjudice professionnel de l’assuré

L’article L.434-1 du Code de la Sécurité Sociale stipule que :

« Une indemnité en capital est attribuée à la victime d’un accident du travail atteinte d’une incapacité permanente inférieure à un pourcentage déterminé. Son montant est fonction du taux d’incapacité de la victime et déterminé par un barème forfaitaire fixé par décret. »

L’article L.434-2 précise que :

« Le taux de l’incapacité permanente est déterminé d’après la nature de l’infirmité, l’état général, l’âge, les facultés physiques et mentales de la victime ainsi que d’après ses aptitudes et sa qualification professionnelle. »

La CPAM a soutenu que le taux d’incapacité de 12% est conforme au barème, et que les séquelles de l’accident justifient ce taux.

La jurisprudence récente de la Cour de cassation a établi que la rente ne répare pas le déficit fonctionnel permanent, mais uniquement le préjudice professionnel.

Ainsi, le tribunal a rejeté la demande d’inopposabilité ou d’annulation du taux d’IPP, considérant que les séquelles de l’accident ont bien une incidence professionnelle.

Sur l’évaluation du taux médical d’IPP

L’article L.434-2 du Code de la Sécurité Sociale indique que :

« Le taux d’incapacité permanente est déterminé d’après la nature de l’infirmité, l’état général, l’âge, les facultés physiques et mentales de la victime, d’après ses aptitudes et qualifications professionnelles. »

Le Professeur [I], médecin consultant, a observé qu’il n’existe pas d’état antérieur clinique et a proposé un taux d’IPP de 8%, en se basant sur les limitations de mouvements constatées.

Le tribunal a donc conclu que le taux d’incapacité permanente partielle doit être fixé à 8%, conformément aux éléments médicaux et au barème indicatif.

La décision de la CPAM a été réformée en ce sens, et le tribunal a ordonné l’exécution provisoire de cette décision.

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LYON
POLE SOCIAL

Jugement du 20 Janvier 2025

Minute n° :
Audience du : 29 novembre 2024
Salarié : M. [N] [M]

Requête n° : N° RG 22/01871 – N° Portalis DB2H-W-B7G-XF3G

PARTIES EN CAUSE

partie demanderesse

S.A. [5]
[Adresse 1]
[Localité 4]

représentée par Maître Guy DE FORESTA de la SELAS DE FORESTA AVOCATS, avocats au barreau de LYON

partie défenderesse

CPAM DE LA DROME
[Adresse 3]
[Localité 2]
dispensée de comparution

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Lors des débats tenus en audience publique et du délibéré :
Présidente : Justine AUBRIOT
Assesseur collège employeur : Jean-Jacques SARKISSIAN
Assesseur collège salarié : Fabienne PERRET

Assistés lors des débats et du délibéré de : Isabelle BELACCHI, Greffière

Notification le :
Une copie certifiée conforme à :

S.A. [5] ; CPAM DE LA DROME ; la SELAS DE FORESTA AVOCATS, vestiaire : 653
Une copie certifiée conforme au dossier

EXPOSÉ DU LITIGE

Par une lettre recommandée avec accusé de réception en date du 20/09/2022, la société [5] a formé un recours à l’encontre d’une décision implicite de rejet de son recours par la Commission Médicale de recours Amiable (CMRA) confirmant la décision de la CPAM de la DROME notifiée le 01/03/2022 et qui attribue un taux d’incapacité permanente partielle (IPP) de 12% au profit de Monsieur [N] [M] à compter de la date de consolidation fixée le 13/12/2021, en raison d’un accident du travail du 25/11/2019, dont les séquelles sont décrites de la manière suivante : «séquelles modérée d’une contusion de l’épaule gauche chez un conducteur de BOM droitier avec diminution de tous les mouvements et antépulsion inférieure à 90°» .
Le greffe de la juridiction a convoqué les parties, conformément à l’article R142-10-3 du Code de la sécurité sociale, pour l’audience du 29/11/2024.
À cette date, en audience publique :
La société [5] représentée par Me DE FORESTA substitué par Me MARTI-BONVENTRE conclut oralement à titre principal à l’inopposabilité ou à l’annulation du taux d’incapacité notifié au motif que la caisse ne rapporte pas la preuve d’un préjudice professionnel causé par les séquelles de l’assuré alors que la Cour de cassation juge désormais que la rente répare exclusivement le préjudice professionnel résultant de l’incapacité à l’exclusion du déficit fonctionnel permanent.A titre subsidiaire la société sollicite la diminution du taux médical notifié à 5% sur la base des observations du Dr [D] qui estime que le salarié ne présente aucune lésion de l’accident mais seulement une périarthrite, la lésion déclarée le 15/06/2020 ayant fait l’objet d’un refus de prise en charge par la caisse.
– La CPAM de la DROME, non comparante, a envoyé ses conclusions reçues le 25/11/2024. La caisse sollicite la confirmation du taux de 12% et le rejet du recours. Elle soutient que la Cour de cassation en excluant le déficit fonctionnel permanent de la rente n’a pas remis en question les critères d’évaluation du taux d’IPP, mais seulement permis la réparation du DFP dans le cadre d’une procédure en responsabilité pour faute de l’employeur ou d’un tiers. Sur l’évaluation faite par le médecin-conseil, elle souligne que le taux retenu est conforme au barème et que la périarthrite douloureuse ne peut s’évaluer seule mais comme un taux supplémentaire à ajouter à celui découlant des limitations de mobilité.
En raison de la nature du litige, le tribunal a ordonné une consultation médicale sur pièces confiée au Professeur [I], mesure qui a été exécutée sur-le-champ.
A l’issue de cette consultation, le médecin consultant, commis conformément aux dispositions des articles R 142-16 et suivants du Code de la sécurité sociale, après avoir pris connaissance du dossier médical de Monsieur [N] [M] a exposé oralement la synthèse de ses constatations médicales.
Les conclusions écrites du médecin consultant du tribunal sont jointes à la minute du présent jugement.
Puis, le tribunal s’est retiré et a délibéré de l’affaire conformément à la loi, avant de rendre son jugement par mise à la disposition au greffe le 20/01/2025.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la recevabilité du recours
La recevabilité du recours n’est pas discutée par la caisse. Il appartient néanmoins au juge de la vérifier d’office, l’exercice d’un recours administratif préalable conditionnant le recours contentieux en vertu de l’article 125 du NCPC et de l’article L142-4 du Code de la sécurité sociale (visant les litiges relatifs à l’incapacité permanente résultant d’accident du travail ou maladie professionnelle), applicable aux décisions notifiées à compter du 1er janvier 2020.

En l’espèce il ressort des pièces communiquées que l’employeur a bien contesté la décision de la CPAM devant la CMRA le 18/03/2022 laquelle n’a pas rendu de décision, confirmant ainsi implicitement la décision de la caisse. L’employeur a introduit son recours le 20/09/2022.
Le recours est déclaré recevable en l’absence de preuve d’une forclusion.
Sur l’inopposabilité ou l’annulation du taux faute de preuve d’un préjudice professionnel de l’assuré

Selon l’article L.434-1 du code de la sécurité sociale «Une indemnité en capital est attribuée à la victime d’un accident du travail atteinte d’une incapacité permanente inférieure à un pourcentage déterminé. Son montant est fonction du taux d’incapacité de la victime et déterminé par un barème forfaitaire fixé par décret dont les montants sont revalorisés au 1er avril de chaque année par application du coefficient mentionné à l’article L. 161-25. Il est révisé lorsque le taux d’incapacité de la victime augmente tout en restant inférieur à un pourcentage déterminé. Cette indemnité est versée lorsque la décision est devenue définitive. Elle est incessible et insaisissable.»

Aux termes de l’article L.434-2 du code de la sécurité sociale «le taux de l’incapacité permanente est déterminé d’après la nature de l’infirmité, l’état général, l’âge, les facultés physiques et mentales de la victime ainsi que d’après ses aptitudes et sa qualification professionnelle, compte tenu d’un barème indicatif d’invalidité.
Lorsque l’incapacité permanente est égale ou supérieure à un taux minimum, la victime a droit à une rente égale au salaire annuel multiplié par le taux d’incapacité qui peut être réduit ou augmenté en fonction de la gravité de celle-ci.»

L’article R.434-32 prévoit qu’au vu de tous les renseignements recueillis, la caisse primaire se prononce sur l’existence d’une incapacité permanente et, le cas échéant, sur le taux de celle-ci et sur le montant de la rente due à la victime ou à ses ayants-droits.
Les barèmes indicatifs d’invalidité dont il est tenu compte pour la détermination du taux d’incapacité permanente d’une part en matière d’accidents du travail et d’autre part en matière de maladies professionnelles sont annexés au présent livre. Lorsque ce dernier barème ne comporte pas de référence à la lésion considérée, il est fait application du barème indicatif d’invalidité en matière d’accidents du travail.

Les annexes I et II au code de la sécurité sociale prises en application de cet article définissent les barèmes indicatifs d’invalidité applicables en matière d’accidents du travail et de maladie professionnelle.

L’annexe I du barème indicatif d’invalidité accidents du travail (application de l’article R434-32 du CSS) définit précisément les éléments constitutifs du taux d’IPP :
«… l’incapacité permanente est déterminée d’après la nature de l’infirmité, l’état général, l’âge, les facultés physiques et mentales de la victime, ainsi que d’après ses aptitudes et sa qualification professionnelle.
Les quatre premiers éléments de l’appréciation concernent donc l’état du sujet considéré, du strict point de vue médical.
Le dernier élément concernant les aptitudes et la qualification professionnelle est un élément médico-social ; il appartient au médecin chargé de l’évaluation, lorsque les séquelles de l’accident ou de la maladie professionnelle lui paraissent devoir entraîner une modification dans la situation professionnelle de l’intéressé, ou un changement d’emploi, de bien mettre en relief ce point susceptible d’influer sur l’estimation globale.
Les éléments dont le médecin doit tenir compte, avant de proposer le taux médical d’incapacité permanente, sont donc :
1° La nature de l’infirmité. Cet élément doit être considéré comme la donnée de base d’où l’on partira, en y apportant les correctifs, en plus ou en moins, résultant des autres éléments. Cette première donnée représente l’atteinte physique ou mentale de la victime, la diminution de validité qui résulte de la perte ou de l’altération des organes ou des fonctions du corps humain. Le présent barème doit servir à cette évaluation.
2° L’état général. Il s’agit là d’une notion classique qui fait entrer en jeu un certain nombre de facteurs permettant d’estimer l’état de santé du sujet. Il appartient au médecin chargé de l’évaluation d’adapter en fonction de l’état général, le taux résultant de la nature de l’infirmité. Dans ce cas, il en exprimera clairement les raisons. L’estimation de l’état général n’inclut pas les infirmités antérieures – qu’elles résultent d’accident ou de maladie – ; il en sera tenu compte lors de la fixation du taux médical.
3° L’âge. Cet élément, qui souvent peut rejoindre le précédent, doit être pris en considération sans se référer exclusivement à l’indication tirée de l’état civil, mais en fonction de l’âge organique de l’intéressé. Il convient ici de distinguer les conséquences de l’involution physiologique, de celles résultant d’un état pathologique individualisé. Ces dernières conséquences relèvent de l’état antérieur et doivent être estimées dans le cadre de celui-ci. On peut ainsi être amené à majorer le taux théorique affecté à l’infirmité, en raison des obstacles que les conséquences de l’âge apportent à la réadaptation et au reclassement professionnel.
4° Facultés physiques et mentales. Il devra être tenu compte des possibilités de l’individu et de l’incidence que peuvent avoir sur elles les séquelles constatées. Les chiffres proposés l’étant pour un sujet normal, il y a lieu de majorer le taux moyen du barème, si l’état physique ou mental de l’intéressé paraît devoir être affecté plus fortement par les séquelles que celui d’un individu normal.
5° Aptitudes et qualification professionnelles. La notion de qualification professionnelle se rapporte aux possibilités d’exercice d’une profession déterminée. Quant aux aptitudes, il s’agit là des facultés que peut avoir une victime d’accident du travail ou de maladie professionnelle de se reclasser ou de réapprendre un métier compatible avec son état de santé.
Lorsqu’un accident du travail ou une maladie professionnelle paraît avoir des répercussions particulières sur la pratique du métier, et, à plus forte raison, lorsque l’assuré ne paraît pas en mesure de reprendre son activité professionnelle antérieure, le médecin conseil peut demander, en accord avec l’intéressé, des renseignements complémentaires au médecin du travail. La possibilité pour l’assuré de continuer à occuper son poste de travail – au besoin en se réadaptant – ou au contraire, l’obligation d’un changement d’emploi ou de profession et les facultés que peut avoir la victime de se reclasser ou de réapprendre un métier, devront être précisées en particulier du fait de dispositions de la réglementation, comme celles concernant l’aptitude médicale aux divers permis de conduire.»
Les annexes sus-visées rappellent également que le barème n’a qu’un caractère indicatif. Les taux d’incapacité proposés sont des taux moyens, et le médecin chargé de l’évaluation garde, lorsqu’il se trouve devant un cas dont le caractère lui paraît particulier, l’entière liberté de s’écarter des chiffres du barème ; il doit alors exposer clairement les raisons qui l’y ont conduit.
[Ce] barème indicatif a pour but de fournir les bases d’estimation du préjudice consécutif aux séquelles des accidents du travail et, éventuellement, des maladies professionnelles dans le cadre de l’article L. 434-2 applicable aux salariés du régime général et du régime agricole. Il ne saurait se référer en aucune manière aux règles d’évaluation suivies par les tribunaux dans l’appréciation des dommages au titre du droit commun.

La Cour de cassation, par deux arrêts (Ass. plén., 20 janvier 2023, pourvoi n° 21-23.947 et n°21-23.673) a décidé que la rente versée à la victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle ne répare pas le déficit fonctionnel permanent en sorte que la victime d’une faute inexcusable de l’employeur peut obtenir une réparation distincte du préjudice causé par les souffrances physiques et morales par elle endurées.
Le déficit fonctionnel permanent se définit ainsi : « Il s’agit ici de réparer les incidences du dommage qui touchent exclusivement à la sphère personnelle de la victime. Il convient d’indemniser, à ce titre, non seulement les atteintes aux fonctions physiologiques de la victime, mais aussi la douleur permanente qu’elle ressent, la perte de la qualité de vie et les troubles dans les conditions d’existence qu’elle rencontre au quotidien après sa consolidation. Ce poste de préjudice cherche à indemniser un préjudice extra-patrimonial découlant d’une incapacité constatée médicalement qui établit que le dommage subi a une incidence sur les fonctions du corps humain de la victime […] Il s’agit ici de réparer les incidences du dommage qui touchent exclusivement à la sphère personnelle de la victime ».
Ainsi le capital ou la rente versée à la victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle indemnise les pertes de gains professionnels et l’incidence professionnelle de l’incapacité.

En effet il résulte de l’article L451-1 du CSS qu’ » […] aucune action en réparation des accidents et maladies mentionnés par le présent livre ne peut être exercée conformément au droit commun, par la victime ou ses ayants-droits « , ce qui a pour contrepartie une réparation forfaitaire versée par l’assurance-maladie.
Ainsi, en cas d’AT/MP sans reconnaissance de faute inexcusable de l’employeur, le principe demeure celui de l’exclusion de la responsabilité de l’employeur et de l’indemnisation forfaitaire de la victime par l’organisme de sécurité sociale, telle que prévue par l’article L434-2 et le barème indicatif auquel il renvoie.
L’indemnisation revêt un caractère forfaitaire, né de l’ensemble des éléments constitutifs de l’incapacité, qui ne couvre donc pas l’ensemble du préjudice personnel subi par la victime (DFP) dont la victime ou ses ayant droits peuvent obtenir réparation en cas de faute inexcusable de l’employeur.

Cela ne signifie pas, pour autant, que l’attribution d’un taux d’incapacité est subordonnée à l’existence d’une incidence professionnelle effective telle qu’un licenciement ou une perte de salaire, dès lors que les séquelles de l’accident ou de la maladie, constatées par le médecin conseil, sont suffisamment importantes pour qu’elles aient une répercussion sur le travail du salarié (ex : pénibilité du travail dû aux douleurs).

Afin d’appréhender l’incidence professionnelle de l’accident ou de la maladie, le médecin conseil de la CPAM apprécie les critères tels que fixés par l’article L. 434-2 du Code de la sécurité sociale et l’annexe 1 de l’article R. 434-2 du Code de la sécurité sociale.

En l’espèce, il résulte du rapport du médecin conseil de la CPAM d’évaluation des séquelles que l’assuré, conducteur de camions et grue a repris son travail à la date de l’examen le 25/01/2022 mais avec aménagement de son poste. Il s’en déduit que le salarié a conservé une gêne dans l’exécution de ses tâches justifiant un aménagement rendu nécessaire par les séquelles qu’il conserve de l’accident et qui constitue donc bien une incidence professionnelle.

Par conséquent le taux d’incapacité permanente partiel a été fixé en considération des critères habituels retenus par les textes susvisés, et la demande d’inopposabilité ou de réduction du taux d’IPP à 0% sollicitée par l’employeur, doit être rejetée.

Sur l’évaluation du taux médical d’IPP

La juridiction saisie du recours, doit vérifier l’application du barème et des dispositions de l’article L 434-2 du Code de la Sécurité Sociale, l’employeur soutenant une réduction du taux notifié à 5% et la CPAM le maintien du taux de 12%.
En application de l’article L.434-2 du Code de la Sécurité Sociale, le taux d’incapacité permanente est déterminé d’après la nature de l’infirmité, l’état général, l’âge, les facultés physiques et mentales de la victime, d’après ses aptitudes et qualifications professionnelles, compte tenu d’un barème indicatif d’invalidité.
Le Professeur [I], médecin consultant, observe au préalable qu’il n’existe pas d’état antérieur clinique et que d’après l’examen clinique réalisé par le médecin conseil il existe à la consolidation une limitation de certains mouvements de manière légère à moyenne tandis que d’autres sont complets, ce qui selon lui justifie de ramener le taux d’IPP à 8%, plus conforme au barème indicatif pour le côté non dominant.

Ainsi en l’état des éléments médicaux objectifs, spécialement ceux retenus lors de l’examen clinique et figurant dans le rapport du médecin conseil de la caisse, dans l’avis du médecin désigné par l’employeur et dans le rapport de l’expert consulté par la juridiction, les séquelles qualifiées dans la décision attaquée et en rapport avec l’accident du travail justifient un taux médical de 8% à compter de la date de consolidation, en application du barème indicatif et des dispositions de l’article L 434-2 du Code la Sécurité Sociale.

En conséquence, le tribunal considère qu’il dispose de suffisamment d’éléments pour déclarer que le taux d’incapacité permanente partielle opposable à l’employeur doit être abaissé à 8%. La décision contestée est donc réformée en ce sens.

Il convient par ailleurs d’ordonner l’exécution provisoire compte tenu de l’ancienneté du litige.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant par jugement contradictoire en premier ressort,
DÉCLARE recevable en la forme le recours formé par la société [5].REJETTE les demandes d’inopposabilité et d’annulation du taux d’IPP de M. [N] [M].REFORME la décision de la CPAM de la DROME et FIXE à 8% le taux opposable à l’employeur au titre de l’incapacité permanente partielle (IPP) de Monsieur [N] [M] à compter de la date de consolidation fixée le 13/12/2021, en raison d’un accident du travail du 25/11/2019.RAPPELLE, en application de l’article L142-11 du Code de la Sécurité Sociale introduit par l’article 61 (VII) de la loi n° 2019-774 du 24 juillet 2019 relative à l’organisation et à la transformation du système de santé, que les frais de consultation médicale ordonnée au cours de l’audience sont à la charge de la caisse nationale d’assurance maladie.ORDONNE l’exécution provisoire de la décision.CONDAMNE la CPAM de la DROME aux dépens exposés à compter du 1er/01/2019.Jugement rendu par mise à la disposition au greffe le 20 janvier 2025 dont la minute a été signée par la Présidente et la Greffière.

La Greffière La Présidente


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