L’Essentiel : Par acte sous seing privé en date du 30 novembre 2017, un bail commercial a été conclu entre un bailleur et un locataire pour des locaux situés à [Localité 14], [Adresse 4]. Ce bail, d’une durée de neuf ans, couvre diverses activités avec un loyer annuel fixé à 179.000 euros hors taxes et hors charges. Le 25 septembre 2023, le locataire a demandé la révision triennale du loyer, le fixant à 80.000 euros. Le 30 juin 2024, le locataire a assigné le bailleur devant le juge des loyers commerciaux, demandant une expertise pour évaluer la valeur locative.
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Constitution du bail commercialPar acte sous seing privé en date du 30 novembre 2017, la société SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE ACM a conclu un bail commercial avec la société EK AUSTERLITZ pour des locaux situés à [Localité 14], [Adresse 4]. Ce bail, d’une durée de neuf ans, couvre diverses activités telles que la boulangerie, pâtisserie, et restauration, avec un loyer annuel fixé à 179.000 euros hors taxes et hors charges. Demande de révision du loyerLe 25 septembre 2023, la société EK AUSTERLITZ a demandé la révision triennale du loyer, le fixant à 80.000 euros hors taxes et hors charges, en vertu de l’article L.145-38 du code de commerce. Cette demande a été suivie d’une notification par lettre recommandée le 9 janvier 2024, précisant le montant révisé souhaité. Assignation en justiceLe 30 juin 2024, la société EK AUSTERLITZ a assigné la société SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE ACM devant le juge des loyers commerciaux du tribunal judiciaire de Paris. L’audience a eu lieu le 20 décembre 2024, avec la représentation des deux parties par leurs avocats. Demandes des partiesDans son dernier mémoire, la société EK AUSTERLITZ a demandé au juge de fixer le loyer à 80.000 euros, d’ordonner une mesure d’instruction, de fixer un loyer provisionnel à ce même montant, et d’ordonner l’exécution provisoire. En revanche, la société SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE ACM a demandé le rejet des demandes de EK AUSTERLITZ et a proposé un loyer révisé de 209.397 euros, tout en sollicitant une expertise. Arguments des partiesLa société EK AUSTERLITZ a soutenu qu’une modification notable des facteurs locaux de commercialité avait eu lieu, entraînant une baisse de la valeur locative due à des impacts de la crise sanitaire et à des travaux de démolition à proximité. En revanche, la société SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE ACM a contesté cette affirmation, arguant que la crise sanitaire n’était pas un facteur local et que la valeur locative n’avait pas subi de variation significative. Décision du jugeLe juge a décidé qu’il était nécessaire de recourir à une mesure d’expertise pour évaluer les éléments de preuve fournis par les parties concernant la modification des facteurs locaux de commercialité. Il a également fixé le loyer provisionnel pour la durée de l’instance au montant du dernier loyer dû, tout en proposant une médiation pour faciliter une résolution rapide du litige. Procédures d’expertise et de médiationL’expert désigné a pour mission de convoquer les parties, d’évaluer les locaux, et de déterminer la valeur locative au 1er décembre 2017 et au 25 septembre 2023. La médiation a été ordonnée pour permettre aux parties de trouver un accord, avec des dispositions pour la reprise des opérations d’expertise si la médiation échoue. Consignation et suivi de l’expertiseLa société EK AUSTERLITZ doit consigner une provision de 4.000 euros pour la rémunération de l’expert, avec un rappel prévu pour vérifier le versement. Le juge a également désigné un magistrat pour contrôler le suivi des opérations d’expertise. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelle est la procédure de révision triennale du loyer commercial selon l’article L.145-38 du code de commerce ?La procédure de révision triennale du loyer commercial est régie par l’article L.145-38 du code de commerce, qui stipule que : « La demande en révision ne peut être formée que trois ans au moins après la date d’entrée en jouissance du locataire ou après le point de départ du bail renouvelé. La révision du loyer prend effet à compter de la date de la demande en révision. De nouvelles demandes peuvent être formées tous les trois ans à compter du jour où le nouveau prix sera applicable. » Cet article précise également que, par dérogation aux dispositions de l’article L. 145-33, la majoration ou la diminution de loyer consécutive à une révision triennale ne peut excéder la variation de l’indice trimestriel des loyers commerciaux ou de l’indice trimestriel des loyers des activités tertiaires, sauf preuve d’une modification matérielle des facteurs locaux de commercialité ayant entraîné une variation de plus de 10 % de la valeur locative. Ainsi, la société EK AUSTERLITZ a respecté cette procédure en sollicitant la révision du loyer le 25 septembre 2023, soit trois ans après l’entrée en jouissance du bail. Quelles sont les conditions pour qu’une révision de loyer soit acceptée selon l’article L.145-33 du code de commerce ?L’article L.145-33 du code de commerce stipule que : « Le montant des loyers des baux commerciaux renouvelés ou révisés doit correspondre à la valeur locative. A défaut d’accord, cette valeur est déterminée d’après : Pour qu’une révision de loyer soit acceptée, il est donc nécessaire que le montant du loyer corresponde à la valeur locative, qui doit être déterminée en tenant compte des éléments mentionnés ci-dessus. Dans le cas présent, la société EK AUSTERLITZ soutient qu’il y a eu une modification des facteurs locaux de commercialité, ce qui pourrait justifier une révision à la baisse du loyer. Comment sont évalués les facteurs locaux de commercialité selon l’article R.145-6 du code de commerce ?L’article R.145-6 du code de commerce précise que : « Les facteurs locaux de commercialité dépendent principalement de l’intérêt que présente pour le commerce considéré, l’importance de la ville, du quartier ou de la rue où il est situé, du lieu de son implantation, de la répartition des diverses activités dans le voisinage, des moyens de transport, de l’attrait particulier ou des sujétions que peut présenter l’emplacement pour l’activité considérée et des modifications que ces éléments subissent d’une manière durable ou provisoire. » Ainsi, l’évaluation des facteurs locaux de commercialité repose sur plusieurs critères, notamment l’importance de l’emplacement, la concurrence dans le voisinage et les impacts des changements dans l’environnement commercial. Dans cette affaire, la société EK AUSTERLITZ fait valoir que des modifications notables ont eu lieu, justifiant une révision du loyer. Quelles sont les conséquences d’une modification matérielle des facteurs locaux de commercialité ?Il est établi qu’en présence d’une modification matérielle des facteurs locaux de commercialité ayant entraîné une variation de plus de 10 % de la valeur locative, le loyer du bail révisé doit être fixé à la valeur locative, quel que soit le montant de celle-ci, même si ce dernier est inférieur au loyer en vigueur. En l’absence de preuve d’une telle modification, le loyer révisé doit être fixé soit au montant du plafond résultant de la variation indiciaire, soit à la valeur locative, soit au montant du loyer en cours, selon les circonstances. Dans le cas présent, la société SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE ACM conteste l’existence d’une telle modification, tandis que la société EK AUSTERLITZ soutient le contraire. Le juge devra donc examiner les éléments de preuve présentés par les parties pour déterminer si une modification matérielle a eu lieu. Quelle est la procédure d’expertise ordonnée par le juge des loyers commerciaux ?Le juge des loyers commerciaux a ordonné une mesure d’expertise conformément à l’article R.145-30 du code de commerce, qui permet de rassembler les éléments d’appréciation nécessaires pour statuer sur les demandes des parties. L’expert désigné a pour mission de : – convoquer les parties et se faire communiquer tous documents nécessaires, Cette procédure vise à garantir un examen impartial et approfondi des éléments de preuve, afin que le juge puisse rendre une décision éclairée sur la révision du loyer. |
JUDICIAIRE
DE PARIS
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Loyers commerciaux
N° RG 24/07778
N° Portalis 352J-W-B7I-C5E5R
N° MINUTE : 1
Assignation du :
13 Juin 2024
Jugement avant dire droit
[1]
[1] Expéditions
exécutoires
délivrées le :
Expert : [C] [H][2]
[2]
[Adresse 6]
[Localité 9]
JUGEMENT
rendu le 31 Janvier 2025
DEMANDERESSE
S.A.R.L. EK AUSTERLITZ
[Adresse 4]
[Adresse 12]
[Localité 14]
représentée par Maître Gilles HITTINGER-ROUX, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #P0497
DEFENDERESSE
S.C.I. ACM
[Adresse 7]
[Localité 8]
représentée par Maître Laurent MARTIGNON, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #A0354
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Sabine FORESTIER, Vice-présidente, Juge des loyers commerciaux
Siégeant en remplacement de Monsieur le Président du Tribunal judiciaire de Paris, conformément aux dispositions de l’article R.145-23 du code de commerce ;
assistée de Camille BERGER, Greffière
DEBATS
A l’audience du 20 Décembre 2024 tenue publiquement
JUGEMENT
Rendu publiquement par mise à disposition au greffe
Contradictoire
En premier ressort
Par acte sous seing privé en date du 30 novembre 2017, la société SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE ACM a donné à bail commercial à la société EK AUSTERLITZ des locaux dépendant d’un immeuble situé à [Localité 14], [Adresse 4], pour une durée de neuf années du 1er décembre 2017 au 30 novembre 2026, l’exercice de l’activité de « Boulangerie, Pâtisserie, Viennoiserie, Sandwicheries, Traiteur, Confiserie, Epicerie, Café, Glacier, Salon de thé, restauration sous toutes ses formes à déguster sur place ou à emporter, incluant la fabrication, la préparation, la vente à emporter et la consommation sur place des produits issus de ces activités », ainsi qu’un loyer annuel de 179.000 euros hors taxes et hors charges.
Par acte de commissaire de justice signifié le 25 septembre 2023, la société EK AUSTERLITZ a sollicité de la société SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE ACM la révision triennale du loyer à la somme de 80.000 euros hors taxes et hors charges en application de l’article L.145-38 du code de commerce.
Puis, par lettre recommandée avec avis de réception en date du 09 janvier 2024, la société EK AUSTERLITZ a notifié à la société SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE ACM un mémoire préalable en fixation du loyer révisé au 25 septembre 2023 à la somme annuelle de 80.000 euros, hors taxes et hors charges.
Par acte de commissaire de justice signifié le 30 juin 2024, la société EK AUSTERLITZ a assigné la société SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE ACM à comparaître devant le juge des loyers commerciaux du tribunal judiciaire de Paris.
L’affaire a été retenue à l’audience du 20 décembre 2024 à laquelle la société EK AUSTERLITZ et la société SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE ACM étaient représentées par leur avocat.
Aux termes de son dernier mémoire régulièrement notifié, la société EK AUSTERLITZ demande au juge des loyers commerciaux de :
– fixer le prix du bail au 25 septembre 2023 à la somme annuelle de 80.000 euros, hors taxes er hors charges ;
– subsidiairement, ordonner une mesure d’instruction en attribuant à l’expert la mission qu’elle précise ;
– fixer le loyer provisionnel pour la durée de l’instance à la somme annuelle de 80.000 euros ;
– ordonner l’exécution provisoire.
Sur le fondement de l’article L.145-38 du code de commerce, la société EK AUSTERLITZ soutient qu’il est intervenu au cours de la période triennale du bail une modification notable des facteurs locaux de commercialité ayant entraîné une variation de plus de 10 % de la valeur locative. Elle explique, d’une part, que les mesures administratives prises durant la période sanitaire ont eu un impact majeur sur la commercialité de la rue en raison de la fermeture de nombreux bureaux, des restrictions de déplacement et du recours au télétravail qui s’est par la suite maintenu, et, d’autre part, que le quartier résidentiel situé à proximité a été démoli pour laisser place à un vaste chantier toujours en cours sans clientèle potentielle. Elle poursuit en indiquant que la surface est de 359,70 m² et la surface pondérée de 217,12 m². En ce qui concerne la valeur locative, elle produit plusieurs références de comparaison et ajoute qu’il y a lieu d’appliquer un abattement de 50 % sur les valeurs pratiquées avant la survenance de l’épidémie de covid-19 à défaut de disposer d’une quantité suffisante de références. Elle en conclut que la valeur locative s’élève à 80.000 euros.
Dans son dernier mémoire régulièrement notifié, la société SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE ACM demande au juge des loyers commerciaux de :
– débouter la société EK AUSTERLITZ de ses demandes ;
A titre principal,
– fixer le loyer révisé à la somme de 209.397 euros hors taxes et hors charges ;
A titre subsidiaire,
– ordonner une expertise en attribuant à l’expert la mission qu’elle indique ;
– fixer le loyer provisionnel au montant du loyer en cours ;
En tout état de cause,
– ordonner l’exécution provisoire ;
– condamner la société EK AUSTERLITZ au paiement de la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.
Sur le fondement des articles L.145-38 et R.145-6 du code de commerce, la société SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE ACM expose que la société EK AUSTERLITZ ne rapporte pas la preuve d’une modification matérielle des facteurs locaux de commercialité ayant entraîné par elle-même une variation de la valeur locative à la baisse. Elle explique que la crise sanitaire ne constitue pas une modification matérielle des facteurs locaux de commercialité puisqu’il s’agit d’un fait qui n’est pas local et d’un fait temporaire qui ne peut affecter la permanence de la valeur locative. Elle considère qu’il n’y a pas lieu d’appliquer un abattement sur la valeur locative en raison de la crise sanitaire aux motifs que les emplacements de voies secondaires ont été moins touchés que les emplacements « prime » par les effets de la crise sanitaire et que les valeurs ont connu un effet rebond par rapport à celles d’avant la crise sanitaire. Elle ajoute que durant la crise sanitaire le commerce de la société EK AUSTERLITZ était considéré comme essentiel. S’agissant de la réhabilitation du quartier résidentiel, elle indique que de nouveaux immeubles ont été construits, que de nouvelles sociétés les occupent et que l’opération de réhabilitation a donné une plus forte attractivité à la zone durant la période de révision. Elle en conclut que le loyer doit être révisé selon la variation de l’indice des loyers commerciaux entre le 1er décembre 2017 et le 25 septembre 2023, soit un loyer annuel de 209.397 euros.
Subsidiairement, en ce qui concerne l’évaluation de la valeur locative, la société SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE ACM fait valoir que la surface doit être fixée à 407,80 m² GLA selon le nouveau zonage et la surface pondérée à 296 m². Eu égard aux références qu’elle produit, elle évalue la valeur locative unitaire à 600 euros/m²P et la valeur locative totale à 117.600 euros. Elle en conclut qu’il n’y a pas eu de variation de plus de 10 % de la valeur locative depuis la fixation initiale du loyer à 179.000 euros.
L’affaire a été mise en délibéré au 31 janvier 2025.
1- Sur la demande de révision triennale du loyer
L’article L. 145-38 du code de commerce dispose que la demande en révision ne peut être formée que trois ans au moins après la date d’entrée en jouissance du locataire ou après le point de départ du bail renouvelé. La révision du loyer prend effet à compter de la date de la demande en révision.
De nouvelles demandes peuvent être formées tous les trois ans à compter du jour où le nouveau prix sera applicable.
Par dérogation aux dispositions de l’article L. 145-33, et à moins que ne soit rapportée la preuve d’une modification matérielle des facteurs locaux de commercialité ayant entraîné par elle-même une variation de plus de 10 % de la valeur locative, la majoration ou la diminution de loyer consécutive à une révision triennale ne peut excéder la variation de l’indice trimestriel des loyers commerciaux ou de l’indice trimestriel des loyers des activités tertiaires mentionnés aux premier et deuxième alinéas de l’article L. 112-2 du code monétaire et financier, intervenue depuis la dernière fixation amiable ou judiciaire du loyer. Dans le cas où cette preuve est rapportée, la variation de loyer qui en découle ne peut conduire à des augmentations supérieures, pour une année, à 10 % du loyer acquitté au cours de l’année précédente.
En aucun cas il n’est tenu compte, pour le calcul de la valeur locative, des investissements du preneur ni des plus ou moins-values résultant de sa gestion pendant la durée du bail en cours.
Selon l’article L. 145-33 du code de commerce, le montant des loyers des baux commerciaux renouvelés ou révisés doit correspondre à la valeur locative.
A défaut d’accord, cette valeur est déterminée d’après :
1- les caractéristiques du local concerné ;
2- la destination des lieux ;
3- les obligations respectives des parties ;
4- les facteurs locaux de commercialité ;
5- les prix couramment pratiqués dans le voisinage.
Les articles R. 145-2 à R 145-11 du code de commerce précisent la consistance de ces éléments.
Selon l’article R.145-6 du code de commerce, les facteurs locaux de commercialité dépendent principalement de l’intérêt que présente pour le commerce considéré, l’importance de la ville, du quartier ou de la rue où il est situé, du lieu de son implantation, de la répartition des diverses activités dans le voisinage, des moyens de transport, de l’attrait particulier ou des sujétions que peut présenter l’emplacement pour l’activité considérée et des modifications que ces éléments subissent d’une manière durable ou provisoire.
Il est acquis qu’en présence d’une modification matérielle des facteurs locaux de commercialité ayant entraîné une variation de plus de 10 % de la valeur locative, le loyer du bail révisé doit être fixé à la valeur locative, quel que soit le montant de celle-ci, même si ce dernier est inférieur au loyer en vigueur, et indépendamment du sens de la variation de l’indice. En l’absence de modification matérielle des facteurs locaux de commercialité ayant entraîné une variation de plus de 10 % de la valeur locative, le loyer révisé doit être fixé soit au montant du plafond résultant de la variation indiciaire lorsque la valeur locative est supérieure à celui-ci, soit à la valeur locative lorsque celle-ci se situe entre le montant du loyer en cours et celui du plafond résultant de la variation indiciaire, soit au montant du loyer en cours lorsque la valeur locative est inférieure à celui-ci, de sorte qu’il appartient au juge de rechercher en tout état de cause le montant de la valeur locative.
En l’espèce, les parties sont liées par un contrat de bail commercial conclu le 30 novembre 2017 pour une durée de neuf ans, à compter du 1er décembre 2017, et c’est par acte signifié le 25 septembre 2023 que la société EK AUSTERLITZ a sollicité pour la première fois la révision triennale du loyer.
Il convient dès lors de rechercher s’il y a eu une modification matérielle des facteurs locaux de commercialité ayant entraîné par elle-même une variation de plus de 10 % de la valeur locative entre le 1er décembre 2017, date d’effet du bail renouvelé, et le 25 septembre 2023, date de la demande de révision du loyer.
Les parties s’opposent tant sur l’existence d’une modification matérielle des facteurs locaux de commercialité ayant entraîné par elle-même une variation de plus de 10 % de la valeur locative, que sur l’évaluation de la valeur locative.
En l’état des pièces produites, le juge des loyers commerciaux ne dispose pas des éléments nécessaires pour statuer. Il convient de rechercher et rassembler les éléments d’appréciation des faits invoqués par les parties. Ces éléments ne peuvent résulter des vérifications personnelles du juge ou d’un constat.
Par conséquent, il est nécessaire de recourir à une mesure d’expertise en application de l’article R.145-30 du code de commerce, selon les modalités fixées au dispositif et aux frais avancés de la société EK AUSTERLITZ qui sollicite la fixation judiciaire du loyer révisé.
En application de l’article L. 145-57 du code de commerce, il convient de fixer le loyer provisionnel dû par la société EK AUSTERLITZ pour la durée de l’instance au montant du dernier loyer dû en principal, outre les charges.
En outre, au regard de la nature du litige, il est de l’intérêt des parties de recourir, dans le cadre de l’expertise, à une mesure de médiation leur offrant la possibilité de parvenir à une solution rapide et négociée ; il convient en conséquence de la leur proposer. Afin que les parties bénéficient des explications nécessaires à une décision éclairée sur l’acceptation d’une telle mesure, un médiateur sera commis pour recueillir leur avis, en application de l’article 124-1 du code de procédure civile et selon les modalités prévues au dispositif.
Dans l’attente du dépôt du rapport de l’expert, il sera sursis à statuer sur les demandes et les dépens seront réservés.
Le juge des loyers commerciaux, statuant publiquement, par jugement contradictoire et avant dire-droit, mis à disposition au greffe,
Ordonne une mesure d’expertise ;
Désigne pour y procéder :
M. [C] [H]
[Adresse 6] – [Localité 9]
[XXXXXXXX02] – [Courriel 11]
expert près la cour d’appel de Paris,
avec mission de :
– convoquer les parties, et, dans le respect du principe du contradictoire,
– se faire communiquer tous documents et pièces nécessaires à l’accomplissement de sa mission,
– visiter les locaux litigieux situés à [Localité 14], [Adresse 4], et les décrire,
– entendre les parties en leurs dires et explications,
– donner son avis sur une éventuelle modification matérielle des facteurs locaux de commercialité ayant entraîné par elle-même une variation de plus de 10 % de la valeur locative qui serait intervenue entre le 1er décembre 2017 et le 25 septembre 2023,
– rechercher la valeur locative des locaux loués au 1er décembre 2017, d’une part, et au 25 septembre 2023, d’autre part, au regard des articles L.145-33 et R.145-3 à R.145-8 du code de commerce,
– déterminer le montant du loyer révisé au 25 septembre 2023 suivant les indices applicables en précisant les modalités de calcul,
– rendre compte du tout et donner son avis motivé,
– dresser un rapport de ses constatations et conclusions ;
Dit que l’expert sera saisi et effectuera sa mission conformément aux dispositions des articles 263 et suivants du code de procédure civile et qu’il déposera l’original de son rapport au greffe de la juridiction avant le 06 février 2026 ;
Fixe à la somme de 4.000 euros la provision à valoir sur la rémunération de l’expert, somme qui devra être consignée par la société EK AUSTERLITZ à la régie du tribunal judiciaire de Paris ([Adresse 16], [Localité 15]) au plus tard le 04 avril 2025 inclus, avec une copie de la présente décision ;
Dit que l’affaire sera rappelée le 16 mai 2025 à 9h30 pour vérification du versement de la consignation ;
Dit que, faute de consignation de la provision dans ce délai, la désignation de l’expert sera caduque et privée de tout effet ;
Désigne le juge des loyers commerciaux aux fins de contrôler le suivi des opérations d’expertise;
Fixe le loyer provisionnel pour la durée de l’instance au montant du dernier loyer dû en principal, outre les charges ;
Donne injonction aux parties de rencontrer un médiateur, en la personne de :
Madame [P] [R]
[Adresse 5] – [Localité 10]
[XXXXXXXX01] – [XXXXXXXX03]
[Courriel 13]
Dit que le médiateur n’interviendra pour satisfaire à l’injonction ainsi ordonnée qu’après que l’expert l’aura informé qu’il a adressé aux parties sa note de synthèse ;
Dit qu’après avoir apporté cette information au médiateur, et en attendant que celui-ci ait mené à bien sa mission, l’expert suspendra ses opérations d’expertise ;
Dit que le médiateur ainsi informé par l’expert aura pour mission :
– d’expliquer aux parties le principe, le but et les modalités d’une mesure de médiation,
– de recueillir leur consentement ou leur refus de cette mesure,
Dit qu’à l’issue de ce premier rendez-vous d’information, dans l’hypothèse où au moins l’une des parties refuserait le principe de la médiation, ou à défaut de réponse d’au moins l’une des parties dans le délai fixé par le médiateur, ce dernier en avisera l’expert et le juge chargé du contrôle des expertises ; le médiateur cessera alors ses opérations, sans défraiement, et l’expert reprendra le cours de sa mission ;
Dit que dans l’hypothèse où les parties donneraient leur accord à la médiation :
– le médiateur pourra commencer immédiatement les opérations de médiation,
– le médiateur en informera l’expert, et le cours de l’expertise demeurera suspendu, sauf si des investigations complémentaires sont nécessaires à la solution du litige,
Dit qu’au terme de la médiation, le médiateur informera l’expert et le juge chargé du contrôle des expertises, soit que les parties sont parvenues à un accord, soit qu’elles n’y sont pas parvenues ;
Dit que si les parties sont parvenues à un accord, l’expert déposera son rapport en l’état de la dernière note aux parties qu’il aura établie, et pourra solliciter la taxation de ses honoraires correspondant ;
Dit que si les parties ne sont pas parvenues à un accord, les opérations d’expertise reprendront ;
Sursoit à statuer sur les demandes dans l’attente du dépôt du rapport de l’expert ;
Réserve les dépens.
Fait et jugé à PARIS, le 31 janvier 2025.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE
C. BERGER S. FORESTIER
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