Révision du taux d’incapacité permanente partielle et ajustement socio-professionnel

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Révision du taux d’incapacité permanente partielle et ajustement socio-professionnel

L’Essentiel : Le 25 juillet 2022, la société [4] a contesté une décision de la CPAM du Rhône attribuant à Madame [P] [O] un taux d’incapacité permanente partielle (IPP) de 10 %. Lors de l’audience du 12 novembre 2024, la société a demandé une réduction à 2 %, s’appuyant sur un rapport médical. La CPAM a défendu le taux de 5 %. Après consultation médicale, le tribunal a constaté que les séquelles étaient moins graves et a décidé de réduire l’IPP à 2 %. Finalement, le tribunal a fixé le taux opposable à 6 %, ordonnant l’exécution provisoire de la décision.

Contexte du litige

Le 25 juillet 2022, la société [4] a contesté une décision de la CPAM du Rhône, notifiée le 16 janvier 2022, qui avait attribué à Madame [P] [O] un taux d’incapacité permanente partielle (IPP) de 10 %, dont 5 % pour le taux socio-professionnel, en raison d’une maladie professionnelle survenue le 28 juin 2019. Les séquelles de cette maladie étaient décrites comme des douleurs et des paresthésies liées à une compression du nerf ulnaire au coude droit.

Déroulement de l’audience

Lors de l’audience publique du 12 novembre 2024, la société [4], représentée par ses avocats, a demandé une réduction du taux d’IPP à 2 %, s’appuyant sur un rapport médical du Docteur [X] qui indiquait un examen clinique normal. La CPAM du Rhône a, quant à elle, demandé la confirmation du taux médical de 5 % et a soutenu que le salarié était en fin de carrière. Le tribunal a ordonné une consultation médicale sur pièces, confiée au Professeur [T] [V].

Consultation médicale et conclusions

Le médecin consultant a examiné le dossier médical de Madame [P] [O] et a constaté un syndrome canalaire du nerf ulnaire droit, avec un bon résultat fonctionnel post-opératoire. Il a proposé de réduire le taux d’IPP à 2 %, considérant que les séquelles étaient moins graves que celles initialement évaluées.

Recevabilité du recours

Le tribunal a vérifié la recevabilité du recours, confirmant que l’employeur avait bien contesté la décision de la CPAM devant la Commission Médicale de Recours Amiable, ce qui rendait le recours contentieux recevable.

Évaluation du taux médical d’IPP

Le tribunal a examiné l’application du barème et des dispositions légales concernant l’évaluation du taux d’IPP. Après avoir pris en compte les éléments médicaux, il a décidé de réduire le taux d’incapacité permanente partielle à 2 %, en se basant sur les constatations médicales objectives.

Évaluation du taux socio-professionnel

Concernant le taux socio-professionnel, le tribunal a noté que l’assurée, âgée de 62 ans, avait été déclarée inapte et licenciée. Bien qu’il y ait eu une incidence professionnelle, le tribunal a décidé de réduire le coefficient socio-professionnel à 4 %, afin de respecter la proportionnalité avec le taux médical.

Décision finale du tribunal

Le tribunal a déclaré le recours recevable, a réformé la décision de la CPAM en fixant le taux opposable à 6 % (dont 4 % de taux socio-professionnel) à compter de la date de consolidation. Il a également ordonné l’exécution provisoire de la décision et a condamné la CPAM du Rhône aux dépens.

Q/R juridiques soulevées :

Sur la recevabilité du recours

La recevabilité du recours est un point essentiel dans le cadre de la procédure contentieuse. Selon l’article 125 du Nouveau Code de Procédure Civile (NCPC), il est stipulé que « le recours administratif préalable est une condition de recevabilité du recours contentieux ».

De plus, l’article L142-4 du Code de la sécurité sociale précise que « les litiges relatifs à l’incapacité permanente résultant d’accident du travail ou maladie professionnelle sont soumis à un recours administratif préalable ».

Dans cette affaire, il est établi que l’employeur a bien contesté la décision de la CPAM devant la Commission Médicale de Recours Amiable (CMRA) le 28 février 2022, qui a confirmé implicitement la décision de la caisse.

Ainsi, le recours contentieux a été introduit le 25 juillet 2022, respectant les délais et conditions posés par la législation.

Par conséquent, le tribunal a jugé le recours recevable.

Sur l’évaluation du taux médical d’IPP

L’évaluation du taux d’incapacité permanente partielle (IPP) est régie par l’article L434-2 du Code de la sécurité sociale, qui stipule que « le taux d’incapacité permanente est déterminé d’après la nature de l’infirmité, l’état général, l’âge, les facultés physiques et mentales de la victime, d’après ses aptitudes et qualifications professionnelles, compte tenu d’un barème indicatif d’invalidité ».

Dans cette affaire, le Professeur [T] [V], médecin consultant, a noté un syndrome canalaire du nerf ulnaire droit opéré, avec un bon résultat fonctionnel.

L’examen clinique réalisé par le médecin conseil n’a montré aucune limitation de mobilité ni douleurs aux mouvements contrariés.

Ces éléments médicaux objectifs ont conduit le médecin consultant à proposer de minorer le taux attribué à 2 %, ce qui est jugé plus conforme à la réalité des séquelles.

Ainsi, le tribunal a décidé de réduire le taux d’IPP à 2 %, en se fondant sur les éléments médicaux et le barème indicatif.

Sur l’évaluation du taux socio-professionnel

L’article L434-2 du Code de la sécurité sociale, déjà cité, précise également que le taux d’incapacité permanente doit prendre en compte « la nature de l’infirmité, l’état général, l’âge, les facultés physiques et mentales de la victime ainsi que ses aptitudes et qualifications professionnelles ».

L’annexe I à l’article R. 434-32 du même code indique que « la notion de qualification professionnelle se rapporte aux possibilités d’exercice d’une profession déterminée ».

Pour qu’une majoration du taux d’incapacité soit accordée au titre du retentissement professionnel, il est nécessaire de prouver une perte d’emploi ou un préjudice économique en lien direct avec la maladie professionnelle.

Dans cette affaire, il a été établi que l’assurée, âgée de 62 ans, a été déclarée inapte et licenciée, ce qui démontre une incidence professionnelle de la maladie.

Cependant, le tribunal a décidé de réduire le coefficient socio-professionnel à 4 % pour respecter la proportionnalité avec le taux médical, en tenant compte des circonstances de l’affaire.

Ainsi, le tribunal a fixé le taux socio-professionnel à 4 %.

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LYON
POLE SOCIAL

Jugement du 20 Janvier 2025

Minute n° :
Audience du : 12 novembre 2024
Salarié : Mme [P] [O]

Requête n° : N° RG 22/01512 – N° Portalis DB2H-W-B7G-XBTV

PARTIES EN CAUSE

partie demanderesse

Société [4] SA
[Adresse 1]
[Localité 2]
représentée par Me Michaël RUIMY substitué par Me Quentin JOREL, avocats au barreau de LYON

partie défenderesse

CPAM DU RHONE
Service contentieux général
[Localité 3]
comparante en la personne de M. [Z] [D], muni d’un pouvoir spécial

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Lors des débats tenus en audience publique et du délibéré :
Présidente : Justine AUBRIOT
Assesseur collège employeur : Lydie REINBOLD
Assesseur collège salarié : Fouzia MOHAMED ROKBI

Assistés lors des débats et du délibéré de : Anne DESHAYES, Greffière

Notification le :
Une copie certifiée conforme à :

Société [4] SA
Me Michaël RUIMY – T 1309
CPAM DU RHONE
Une copie certifiée conforme au dossier

EXPOSÉ DU LITIGE

Par une lettre recommandée avec accusé de réception le 25/07/2022, la société [4] a formé un recours à l’encontre d’une décision de la CPAM du Rhône notifiée le 16/01/2022, confirmée implicitement par la Commission Médicale de Recours Amiable, et qui attribue un taux d’incapacité permanente partielle (IPP) de 10 % dont 5 % de taux socio-professionnel au profit de Madame [P] [O] à compter de la date de consolidation fixée le 02/11/2021, en raison d’une maladie professionnelle le 28/06/2019, dont les séquelles sont décrites de la manière suivante :  » séquelles d’une compression du nerf ulnaire au coude droit chez une droitière traitée chirurgicalement consistant en des douleurs séquellaires avec sensations de paresthésies sans perte de sensibilité ou de force objectivées « .

Le greffe de cette juridiction a donc convoqué les parties, conformément à l’article R142-10-3 du Code de la sécurité sociale, pour l’audience du 12/11/2024.

À cette date, en audience publique :

– la société [4] représentée par Me KUZMA substitué par Me JOREL conclut oralement à la diminution du taux d’IPP médical à 2 % attribué à Madame [P] [O]. Elle se fonde sur le rapport médical du Docteur [X] qui relève  » un examen clinique normal et que les seuls éléments retenus sont une douleur alléguée au coude droit, en médial, et des paresthésies du 5ème doigt droit […], sans trouble sensitivo-moteur objectif dans le territoire ulnaire droit. Aucune prise d’antalgique « .

La société requérante sollicite également de ramener à 2 % le correctif socio-professionnel proportionnellement au taux médical.

– la CPAM du Rhône a comparu et est représentée par Monsieur [D]. Elle demande la confirmation du taux médical de 5 % et indique s’en remettre à l’avis du médecin conseil.

Sur le taux socio-professionnel, la caisse demande la confirmation du taux dans son principe et dans son montant et fait valoir que le salarié était en fin de carrière.

En raison de la nature du litige, le tribunal a ordonné une consultation médicale sur pièces confiée au Professeur [T] [V], mesure qui a été exécutée sur-le-champ.

A l’issue de cette consultation, le médecin consultant, commis conformément aux dispositions des articles R 142-16 et suivants du Code de la sécurité sociale, après avoir pris connaissance du dossier médical de Madame [P] [O] a exposé oralement la synthèse de ses constatations médicales.

Les conclusions écrites du médecin consultant du tribunal sont jointes à la minute du présent jugement.

Puis, le tribunal s’est retiré et a délibéré de l’affaire conformément à la loi, avant de rendre son jugement par mise à la disposition au greffe le 20/01/2025.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la recevabilité du recours

La recevabilité du recours n’est pas discutée par la caisse.

Il appartient néanmoins au juge de la vérifier d’office, l’exercice d’un recours administratif préalable conditionnant le recours contentieux en vertu de l’article 125 du NCPC et de l’article L142-4 du Code de la sécurité sociale (visant les litiges relatifs à l’incapacité permanente résultant d’accident du travail ou maladie professionnelle), applicable aux décisions notifiées à compter du 1er janvier 2019.

En l’espèce, il ressort des pièces communiquées que l’employeur a bien contesté la décision de la CPAM devant la CMRA le 28/02/2022, laquelle a confirmé implicitement la décision de la caisse. Il a introduit son recours contentieux le 25/07/2022.

Le recours est par conséquent recevable.

Sur l’évaluation du taux médical d’IPP

La juridiction saisie du recours, doit vérifier l’application du barème et des dispositions de l’article L 434-2 du Code de la Sécurité Sociale, l’employeur soutenant une réduction du taux notifié à 2 % et la caisse le maintien du taux médical à 5 %.

En application de l’article L.434-2 du Code de la Sécurité Sociale, le taux d’incapacité permanente est déterminé d’après la nature de l’infirmité, l’état général, l’âge, les facultés physiques et mentales de la victime, d’après ses aptitudes et qualifications professionnelles, compte tenu d’un barème indicatif d’invalidité.

En l’espèce, le Professeur [T] [V], médecin consultant, relève un syndrome canalaire du nerf ulnaire droit opéré. Il note une intervention avec un bon résultat fonctionnel selon le chirurgien en consultation 2 mois après l’intervention, ce qui est corroboré par l’examen clinique réalisé par le médecin conseil qui ne montre aucune limitation de mobilité, ni douleurs aux mouvements contrariés à droite.

Compte tenu de ces éléments, le médecin consultant propose de minorer le taux attribué à 2 %, plus conforme à la réalité des séquelles.

Ainsi en l’état des éléments médicaux objectifs, spécialement ceux retenus lors de l’examen clinique et figurant dans le rapport du médecin conseil de la caisse, dans l’avis du médecin désigné par l’employeur et dans le rapport de l’expert consulté par la juridiction, les séquelles qualifiées dans la décision attaquée et en rapport avec la maladie professionnelle justifient un taux médical de 2 % à compter de la date de consolidation, en application du barème indicatif et des dispositions de l’article L 434-2 du Code la Sécurité Sociale.

En conséquence, le tribunal considère qu’il dispose de suffisamment d’éléments pour déclarer que le taux d’incapacité permanente partielle opposable à l’employeur doit être abaissé à 2 %.

La décision contestée est donc réformée en ce sens.

Sur l’evaluation du taux socio-professionnel

L’article L. 434-2 du code de la sécurité sociale dispose que le taux de l’incapacité permanente est déterminé d’après la nature de l’infirmité, l’état général, l’âge, les facultés physiques et mentales de la victime ainsi que d’après ses aptitudes et sa qualification professionnelle, compte tenu d’un barème indicatif d’invalidité.

L’annexe I à l’article R. 434-32 du code de la sécurité sociale précise que la notion de qualification professionnelle se rapporte aux possibilités d’exercice d’une profession déterminée. Quant aux aptitudes, il s’agit là des facultés que peut avoir une victime d’accident du travail ou de maladie professionnelle de se reclasser ou de réapprendre un métier compatible avec son état de santé.

La majoration du taux d’incapacité au titre du retentissement professionnel suppose que soit rapportée la preuve d’une perte d’emploi ou d’un préjudice économique en lien direct et certain avec la maladie professionnelle.

En l’espèce, il ressort des pièces versées que l’assurée, âgé de 62 ans à la date de consolidation, a été déclaré inapte le 03/11/2021, et licenciée avec impossibilité de reclassement le 15/11/2021 (pièces CPAM). Elle occupait un poste de manutentionnaire avec une ancienneté de 17 ans dans la société. Il y a donc bien une incidence professionnelle à la maladie déclarée.

Toutefois il convient de réduire le coefficient socio-professionnel à 4 % pour respecter une certaine proportionnalité entre le taux médical.

Compte tenu de ces éléments, il convient de minorer le taux socio-professionnel à 4 %.

Il convient par ailleurs d’ordonner l’exécution provisoire compte tenu de l’ancienneté du litige.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant par jugement contradictoire en premier ressort,

– DÉCLARE recevable en la forme le recours formé par la société [4] ;

– REFORME la décision de la CPAM du Rhône notifiée le 16/01/2022, et confirmée implicitement par la CMRA et FIXE à 6 % (dont 4 % de taux socio-professionnel) le taux opposable à l’employeur au titre de l’incapacité permanente partielle de Madame [P] [O] à compter de la date de consolidation fixée le 02/11/2021, en raison d’une maladie professionnelle le 28/06/2019 ;

– RAPPELLE, en application de l’article L142-11 du Code de la Sécurité Sociale introduit par l’article 61 (VII) de la loi n° 2019-774 du 24 juillet 2019 relative à l’organisation et à la transformation du système de santé, que les frais de consultation médicale ordonnée au cours de l’audience sont à la charge de la caisse nationale d’assurance maladie.

– ORDONNE l’exécution provisoire de la décision.

– CONDAMNE la CPAM du RHONE aux dépens exposés à compter du 1er janvier 2019.

Jugement rendu par mise à la disposition au greffe le 20 janvier 2025 dont la minute a été signée par la présidente et par la greffière.

La Greffière La Présidente


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