L’Essentiel : Mme [F] [M] a engagé une procédure pour revendiquer la nationalité française par filiation paternelle, suite à un refus de certificat en 2017. Née en Tunisie, elle affirme que son père, [B] [M], a été déclaré français en 2011. Cependant, le tribunal a noté que les actes d’état civil fournis étaient des photocopies non probantes et que son acte de naissance, mentionnant une rectification par un jugement tunisien, n’était pas valide. En conséquence, le tribunal a conclu qu’elle ne justifiait pas d’un état civil fiable et a débouté sa demande, ordonnant une mention au registre.
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Contexte de l’affaireMme [F] [M] a engagé une procédure judiciaire en vue de revendiquer la nationalité française par filiation paternelle. Elle a été assignée le 4 octobre 2021, et le ministère de la justice a délivré un récépissé le 27 décembre 2021, confirmant la régularité de la procédure. Revendiquer la nationalité françaiseNée le 18 mars 1970 à [Localité 5] (Tunisie), Mme [F] [M] affirme que son père, [B] [M], a été déclaré français par un jugement du tribunal de grande instance de Paris en 2011. Elle conteste un refus de délivrance d’un certificat de nationalité française qui lui a été opposé en 2017, arguant qu’elle n’a pas pu prouver sa nationalité par filiation. Demande de certificat de nationalitéMme [F] [M] a demandé au tribunal d’ordonner la délivrance d’un certificat de nationalité française. Toutefois, le tribunal a noté que si sa nationalité était reconnue, la délivrance du certificat serait automatique, rendant la demande superflue. Charge de la preuveSelon le code civil, la charge de la preuve incombe à celui qui revendique la nationalité. Mme [F] [M] doit prouver la nationalité française de son père et établir un lien de filiation légalement reconnu, ce qu’elle n’a pas réussi à faire avec des actes d’état civil probants. Actes d’état civilLes actes d’état civil fournis par Mme [F] [M] étaient des photocopies, jugées non probantes en raison de leur manque d’authenticité. De plus, son acte de naissance mentionne une rectification par un jugement tunisien, dont la copie n’a pas été produite, rendant l’acte de naissance non valide pour établir sa nationalité. Décision du tribunalLe tribunal a conclu que Mme [F] [M] ne justifiait pas d’un état civil fiable et ne pouvait donc pas revendiquer la nationalité française. Elle a été déboutée de sa demande, et il a été statué qu’elle n’est pas de nationalité française. Mention au registreConformément à l’article 28 du code civil, le tribunal a ordonné qu’une mention soit portée en marge de l’acte de naissance de Mme [F] [M] concernant la décision relative à sa nationalité. DépensEn application du code de procédure civile, Mme [F] [M] a été condamnée aux dépens, étant la partie perdante dans cette affaire. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelles sont les conditions de régularité de la procédure selon l’article 1043 du code de procédure civile ?L’article 1043 du code de procédure civile stipule que, dans toutes les instances où s’élève à titre principal ou incident une contestation sur la nationalité, une copie de l’assignation doit être déposée au ministère de la justice, qui en délivre récépissé. En l’espèce, le ministère de la justice a délivré ce récépissé le 27 décembre 2021, ce qui signifie que la condition de l’article 1043 est respectée. Ainsi, la procédure est considérée comme régulière au regard de ces dispositions, permettant au tribunal de statuer sur le fond de l’affaire sans vice de forme. Quelles sont les implications de l’article 30 alinéa 1 du code civil sur la charge de la preuve en matière de nationalité ?L’article 30 alinéa 1 du code civil précise que la charge de la preuve en matière de nationalité incombe à celui qui revendique la qualité de Français, sauf s’il est déjà titulaire d’un certificat de nationalité. Dans le cas de Mme [F] [M], qui ne détient pas de certificat de nationalité française, il lui incombe de prouver sa nationalité française par filiation. Cela implique qu’elle doit démontrer la nationalité française de son parent et établir un lien de filiation légalement reconnu, ce qui nécessite des actes d’état civil probants. Comment l’article 47 du code civil influence-t-il la valeur probante des actes d’état civil ?L’article 47 du code civil stipule que tout acte de l’état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf preuve du contraire. En l’espèce, Mme [F] [M] a produit des photocopies de ses actes d’état civil, qui ne garantissent pas leur intégrité et authenticité. Par conséquent, ces photocopies sont dépourvues de valeur probante, ce qui complique sa capacité à prouver sa nationalité française. Quelles sont les conséquences de l’absence de production du jugement rectificatif sur l’acte de naissance de Mme [F] [M] ?Le tribunal a relevé que l’acte de naissance de Mme [F] [M] mentionne une rectification par jugement du tribunal de première instance de Tunis, mais ce jugement n’a pas été produit. L’absence de ce jugement rectificatif est cruciale, car un acte de naissance rectifié en exécution d’une décision de justice est indissociable de celle-ci. Ainsi, sans la production de ce jugement, l’acte de naissance ne peut pas faire foi au sens de l’article 47 du code civil, ce qui empêche Mme [F] [M] de justifier d’un état civil fiable. Quelles sont les implications de l’article 28 du code civil concernant la mention de la nationalité ?L’article 28 du code civil prévoit que mention sera portée, en marge de l’acte de naissance, des actes administratifs et des déclarations ayant pour effet l’acquisition, la perte de la nationalité française. Dans le cas présent, le tribunal a ordonné que cette mention soit effectuée, ce qui est une formalité administrative nécessaire pour tenir à jour l’état civil de la demanderesse. Cette mention est essentielle pour la traçabilité des décisions relatives à la nationalité française de Mme [F] [M]. Quelles sont les conséquences des dépens selon l’article 696 du code de procédure civile ?L’article 696 du code de procédure civile stipule que la partie qui succombe dans ses prétentions est condamnée aux dépens. Dans cette affaire, Mme [F] [M] a été déboutée de sa demande de reconnaissance de nationalité française, ce qui entraîne sa condamnation aux dépens. Cela signifie qu’elle devra supporter les frais de la procédure, ce qui est une conséquence classique dans le cadre des litiges civils. |
JUDICIAIRE
DE PARIS
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1/2/1 nationalité A
N° RG 21/14239
N° Portalis 352J-W-B7F-CVG2X
N° PARQUET : 21-988
N° MINUTE :
Assignation du :
04 octobre 2020
V.B.
[1]
[1] Expéditions
exécutoires
délivrées le :
JUGEMENT
rendu le 22 Janvier 2025
DEMANDERESSE
Madame [F] [M]
[Adresse 1]
[Localité 2] – TUNISIE
représentée par Me Michèle KRIEF, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #E0077
DEFENDERESSE
LA PROCUREURE DE LA REPUBLIQUE
Parquet 01 Nationalités
[Adresse 4]
[Localité 3]
Madame Isabelle MULLER-HEYM, substitute
Décision du 22 janvier 2025
Chambre du contentieux
de la nationalité Section A
RG n° 21/14239
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Madame Maryam Mehrabi, Vice-présidente
Présidente de la formation
Madame Antoanela Florescu-Patoz, Vice-présidente
Madame Victoria Bouzon, Juge
Assesseurs
assistées de Madame Hanane Jaafar, greffière lors des débats et de Madame Christine Kermorvant, greffère lors de la mise à disposition
DEBATS
A l’audience du 27 Novembre 2024 tenue publiquement sans opposition des représentants des parties, conformément aux dispositions de l’article 805 du Code de Procédure Civile par Madame Victoria Bouzon, magistrate rapporteure, qui a entendu les plaidoiries et en a rendu compte au tribunal dans son délibéré.
JUGEMENT
Contradictoire
en premier ressort
Rendu publiquement, par mise à disposition au greffe, les parties ayant été avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Maryam Mehrabi, vice-présidente et par Madame Hanane Jaafar, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.
Vu l’assignation délivrée le 4 octobre 2021 par Mme [F] [M] au procureur de la République,
Vu les dernières conclusions de Mme [F] [M] notifiées par la voie électronique le 7 juin 2023,
Vu les dernières conclusions du ministère public notifiées par la voie électronique le 29 novembre 2023,
Vu l’ordonnance de clôture rendue le 29 août 2024 ayant fixé l’affaire à l’audience de plaidoiries du 27 novembre 2024,
Sur la procédure
Aux termes de l’article 1043 du code de procédure civile, dans sa rédaction applicable à la date de l’assignation, dans toutes les instances où s’élève à titre principal ou incident une contestation sur la nationalité, une copie de l’assignation est déposée au ministère de la justice qui en délivre récépissé.
En l’espèce, le ministère de la justice a délivré ce récépissé le 27 décembre 2021. La condition de l’article 1043 du code de procédure civile est ainsi respectée. Il y a donc lieu de dire que la procédure est régulière au regard de ces dispositions.
Sur l’action déclaratoire de nationalité française
Mme [F] [M], se disant née le 18 mars 1970 à [Localité 5] (Tunisie), revendique la nationalité française par filiation paternelle, sur le fondement de l’article 18 code civil. Elle fait valoir que son père, [B] [M], né le 8 février 1938 à [Localité 5] (Tunisie), a été déclaré français par jugement du tribunal de grande instance de Paris du 14 janvier 2011.
Son action fait suite à la décision de refus de délivrance d’un certificat de nationalité française qui lui a été opposée le 29 septembre 2017 par le directeur des services de greffe judiciaires du service de la nationalité des Français nés et établis hors de France au motif qu’elle était irrecevable à faire la preuve qu’elle avait, par filiation, la nationalité française en application de l’article 30-3 du code civil (pièce n°2 de la demanderesse).
Sur la demande de délivrance d’un certificat de nationalité française
Mme [F] [M] sollicite du tribunal que soit ordonné « la délivrance par les services compétents d’un certificat de nationalité française ». Toutefois, il est rappelé que s’il était fait droit à la demande tendant à voir dire que la demanderesse est de nationalite française, la délivrance d’un certificat de nationalite française serait de droit de sorte qu’il n’y a pas lieu à statuer sur cette demande.
Sur le fond
En application de l’article 30 alinéa 1 du code civil, la charge de la preuve en matière de nationalité incombe à celui qui revendique la qualité de Français lorsqu’il n’est pas déjà titulaire d’un certificat de nationalité délivré à son nom conformément aux dispositions des articles 31 et suivants du même code.
Conformément à l’article 17-1 du code civil, compte tenu de la date de naissance revendiquée par la demanderesse, l’action relève des dispositions de l’article 17 du code de la nationalité française dans sa rédaction issue de la loi du 9 janvier 1973, aux termes duquel est français l’enfant, légitime ou naturel, dont l’un des parents au moins est français.
Il appartient ainsi à Mme [F] [M], qui n’est pas titulaire d’un certificat de nationalité française, de démontrer, d’une part, la nationalité française du parent duquel elle la tiendrait et, d’autre part, un lien de filiation légalement établi a l’égard de celui-ci, au moyen d’actes d’état civil probants au sens de l’article 47 du code civil, étant précisé qu’afin de satisfaire aux exigences de l’article 20-1 du code civil, cet établissement doit être intervenu pendant sa minorité pour avoir des effets sur la nationalité.
Aux termes de l’article 47 du code civil, tout acte de l’état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d’autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l’acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. Celle-ci est appréciée au regard de la loi française.
Il est précisé à cet égard que dans les rapports entre la France et la Tunisie, les actes d’état civil sont dispensés de légalisation par l’article 3 de la convention franco-tunisienne du 28 juin 1972, publiée au Journal Officiel du 20 juillet 1973 et entrée en vigueur le 1er mars 1973. En vertu de l’article 4 de cette convention, il suffit que ces actes soient revêtus de la signature et du sceau officiel de l’autorité ayant qualité pour les délivrer.
Par ailleurs, nul ne peut se voir attribuer la nationalité française à quelque titre que ce soit s’il ne justifie pas de façon certaine de son état civil et de celui des ascendants qu’il revendique, par la production de copies intégrales d’actes d’état civil en original, étant précisé que le premier bulletin de la procédure rappelle la nécessité de produire de tels actes.
En l’espèce, l’ensemble des actes d’état civil, en ce compris l’acte de naissance de la demanderesse, sont produits en simples photocopies (pièce n°2 de la demanderesse).
Or, une photocopie étant exempte de toute garantie d’intégrité et d’authenticité, les actes d’état civil produits par Mme [F] [M] sont dépourvus de toute valeur probante.
En tout état de cause, il est relevé avec le ministère public que les copies de l’acte de naissance de la demanderesse, produites lors de sa demande de certificat de nationalité française, indiquent en mentions marginales une rectification par jugement du tribunal de première instance de Tunis n°64034 du 24 septembre 2012 (pièces n°2 du ministère public).
Le ministère public fait valoir qu’en l’absence de production du jugement rectificatif, l’acte de naissance de la demanderesse n’est pas probant.
Mme [F] [M] indique qu’elle tente d’obtenir la copie dudit jugement auprès des services de l’état civil tunisien et la produira si elle l’obtient.
Le tribunal constate que ce jugement n’a pas été versé aux débats.
Or, il est rappelé qu’un acte de naissance rectifié en exécution d’une décision de justice est indissociable de celle-ci. En effet, l’efficacité de ladite décision de justice, même si elle existe de plein droit, reste toujours subordonnée à sa propre régularité internationale. La valeur probante de l’acte de naissance est ainsi subordonnée à la régularité internationale du jugement en exécution duquel il a été rectifié.
Il en résulte qu’à défaut de production du jugement n°64034 rendu le 24 septembre 2012 par le tribunal de première instance de Tunis, l’acte de naissance de la demanderesse, dont il est indissociable, ne peut faire foi au sens de l’article 47 du code civil.
Ne justifiant pas d’un état civil fiable et certain, Mme [F] [M] ne peut se voir reconnaître la nationalité française à quelque titre que ce soit.
En conséquence, et sans qu’il y ait lieu d’examiner les autres moyens soulevés par le ministère public, Mme [F] [M] sera déboutée de sa demande tendant à se voir reconnaître la nationalité française par filiation paternelle. En outre, dès lors qu’elle ne peut revendiquer la nationalité française à aucun titre, il sera jugé, conformément à la demande reconventionnelle du ministère public, qu’elle n’est pas de nationalité française.
Sur la mention prévue à l’article 28 du code civil
Aux termes de l’article 28 du code civil, mention sera portée, en marge de l’acte de naissance, des actes administratifs et des déclarations ayant pour effet l’acquisition, la perte de la nationalité française ou la réintégration dans cette nationalité. Il sera fait de même mention de toute première délivrance de certificat de nationalité française et des décisions juridictionnelles ayant trait à cette nationalité. En conséquence, cette mention sera en l’espèce ordonnée.
Sur les dépens
En application de l’article 696 du code de procédure civile, Mme [F] [M], qui succombe, sera condamnée aux dépens.
LE TRIBUNAL, statuant publiquement, contradictoirement, en premier ressort et par mise à disposition au greffe :
Dit la procédure régulière au regard des dispositions de l’article 1043 du code de procédure civile ;
Déboute Mme [F] [M] de sa demande tendant à voir juger qu’elle est de nationalité française ;
Juge que Mme [F] [M], se disant née le 18 mars 1970 à [Localité 5] (Tunisie), n’est pas de nationalité française ;
Ordonne la mention prévue par l’article 28 du code civil ;
Condamne Mme [F] [M] aux dépens.
Fait et jugé à Paris le 22 Janvier 2025
La Greffière La Présidente
C.Kermorvant M. Mehrabi
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