Retraite et responsabilité : l’importance de l’affiliation et des déclarations en temps voulu.

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Retraite et responsabilité : l’importance de l’affiliation et des déclarations en temps voulu.

L’Essentiel : M. [S] [D] a contesté le refus de la CIPAV de valider ses trimestres de retraite, suite à son affiliation rétroactive au 1er janvier 2016. Le tribunal a débouté M. [S] [D] le 4 mars 2021, estimant qu’il n’avait pas déclaré son début d’activité, entraînant son absence d’affiliation. En appel, M. [S] [D] a demandé la reconstitution de sa carrière et des dommages-intérêts. La CIPAV a plaidé l’irrecevabilité pour prescription, mais la cour a reconnu que l’action n’était pas prescrite. Finalement, l’appel a été jugé recevable, mais le jugement initial a été confirmé, condamnant M. [S] [D] aux dépens.

Contexte de l’affaire

M. [S] [D] a contesté la décision de la commission de recours amiable de la Caisse interprofessionnelle de prévoyance et d’assurance vieillesse (CIPAV) qui a refusé de valider gratuitement ses trimestres de retraite. Ce refus est survenu après son affiliation rétroactive au 1er janvier 2016, alors qu’il exerçait en tant qu’architecte urbaniste depuis le 11 avril 2007, en tant que professionnel libéral affilié à l’URSSAF.

Décision du tribunal

Le tribunal a rendu un jugement le 4 mars 2021, déboutant M. [S] [D] de toutes ses demandes et rejetant la demande de la CIPAV au titre de l’article 700 du code de procédure civile. M. [S] [D] a été condamné aux dépens et l’exécution du jugement a été ordonnée. Le tribunal a estimé que M. [S] [D] avait manqué à son obligation de déclarer son début d’activité à la CIPAV, ce qui a conduit à son absence d’affiliation.

Appel de M. [S] [D]

M. [S] [D] a interjeté appel le 18 mars 2021, demandant à la cour d’infirmer le jugement du tribunal et de déclarer recevable son action. Il a sollicité la reconstitution de sa carrière de 2007 à 2015, la validation de ses trimestres de cotisations, ainsi que des dommages-intérêts pour la perte de chance de cotiser et d’acquérir des droits à retraite.

Arguments de la CIPAV

La CIPAV a demandé à la cour de déclarer irrecevable le recours de M. [S] [D] pour cause de prescription. Elle a également soutenu qu’il n’y avait pas eu de faute de sa part dans l’affiliation de M. [S] [D] et a demandé le rejet de ses demandes.

Prescription et responsabilité

M. [S] [D] a fait valoir que le délai de prescription ne commençait qu’à partir de la date à laquelle il a eu connaissance du dommage, ce qui a été confirmé par la jurisprudence. La cour a reconnu que la CIPAV n’avait pas informé M. [S] [D] de son affiliation avant 2017, ce qui a permis de considérer que l’action n’était pas prescrite.

Faute de la CIPAV

M. [S] [D] a soutenu que la CIPAV avait commis une faute en omettant d’appeler les cotisations dues. Cependant, la cour a conclu qu’il n’avait pas prouvé que la CIPAV avait été informée de son activité avant 2017, ce qui a conduit à l’absence d’affiliation.

Conclusion de la cour

La cour a déclaré recevable l’appel de M. [S] [D], mais a confirmé le jugement du tribunal de Bobigny. Elle a condamné M. [S] [D] à payer 500 euros à la CIPAV au titre de l’article 700 du code de procédure civile et a ordonné qu’il soit condamné aux dépens.

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la portée de l’article R. 643-1 du code de la sécurité sociale dans le cadre de l’affiliation à la CIPAV ?

L’article R. 643-1 du code de la sécurité sociale stipule que :

« Toute personne qui commence ou cesse d’exercer une profession libérale est tenue de le déclarer dans le délai d’un mois à la section professionnelle dont elle relève, en vue de son immatriculation ou de sa radiation. »

Dans le cas de M. [S] [D], le tribunal a jugé que cet article impose une obligation de déclaration pour l’affiliation à la CIPAV.

Il a été établi que M. [S] [D] n’a pas effectué cette déclaration dans le délai imparti, ce qui a conduit à son absence d’affiliation jusqu’en 2016.

La cour a également noté que la responsabilité de la caisse ne peut être engagée en raison de la carence de l’assuré à respecter ses obligations déclaratives.

Ainsi, la non-déclaration de son activité a eu pour conséquence directe l’absence de validation de ses droits à la retraite pour la période concernée.

Comment la prescription est-elle appliquée dans le cadre de l’action en responsabilité ?

L’article 2224 du code civil précise que :

« Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer. »

Dans cette affaire, la CIPAV a soulevé la prescription de l’action de M. [S] [D], arguant qu’il aurait dû être conscient de son absence de cotisations dès 2007.

Cependant, la cour a retenu que la prescription ne court qu’à compter de la réalisation du dommage ou de sa révélation à la victime.

La cour a constaté que M. [S] [D] n’a été informé de son affiliation qu’en 2017, ce qui a retardé sa prise de conscience du dommage.

Ainsi, l’action introduite en 2020 n’était pas prescrite, car M. [S] [D] avait agi dans les délais légaux après avoir pris connaissance de la situation.

Quelles sont les obligations de la CIPAV en matière d’appel de cotisations ?

L’article L. 642-5 du code de la sécurité sociale stipule que :

« Les sections professionnelles assurent, pour le compte de la Caisse nationale d’assurance vieillesse des professions libérales, le recouvrement des cotisations prévues à l’article L. 642-1. »

La cour a souligné que la CIPAV a une obligation légale d’appeler les cotisations dues par ses affiliés.

M. [S] [D] a soutenu qu’il avait déclaré ses revenus chaque année, mais la cour a noté qu’il n’a pas prouvé que la CIPAV avait été informée de son statut d’affilié avant 2017.

Sans appel de cotisation, il est difficile pour l’assuré de connaître ses obligations.

La cour a donc conclu que la CIPAV n’avait pas commis de faute en ne lui ayant pas proposé de régulariser ses cotisations pour les années antérieures à son affiliation.

Quelle est la responsabilité de l’assuré en matière de déclaration de ses revenus ?

L’article D. 642-1 du code de la sécurité sociale précise que :

« Les cotisations mentionnées à l’article L. 642-1 sont dues, sous réserve des dispositions de l’article L. 131-6-1, à compter du premier jour du trimestre civil qui suit le début d’activité. »

Il incombe à l’assuré de s’assurer qu’il a bien effectué toutes les démarches nécessaires pour son affiliation.

Dans le cas présent, M. [S] [D] a déclaré ses revenus, mais il n’a pas prouvé qu’il avait informé la CIPAV de son activité.

La cour a donc estimé que la responsabilité de l’absence d’affiliation ne pouvait pas être imputée à la CIPAV, car M. [S] [D] n’a pas respecté ses obligations déclaratives.

Ainsi, la cour a confirmé que la méconnaissance de ses obligations par l’assuré a conduit à la non-validation de ses droits à la retraite.

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 13

ARRÊT DU 10 Janvier 2025

(n° , 8 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : S N° RG 22/03419 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CFMCH

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 04 Mars 2021 par le Pole social du TJ de BOBIGNY RG n° 20/00203

APPELANT

Monsieur [S] [D]

[Adresse 1]

[Localité 4]

représenté par Me Dimitri PINCENT, avocat au barreau de PARIS, toque : A0322

INTIMEE

LA CAISSE INTERPROFESSIONNELLE DE PREVOYANCE ET D’ASSURANCE VIEILLESSE (CIPAV)

[Adresse 3]

[Localité 2]

représentée par Me Hélène LECAT, avocat au barreau de PARIS, toque : P0027 substituée par Me Malaury RIPERT, avocat au barreau de PARIS, toque : D0408

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 14 novembre 2024, en audience publique et double rapporteur, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Monsieur Raoul CARBONARO, Président de chambre et Madame Sophie COUPET, Conseillère, chargés du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Raoul CARBONARO, Président de chambre

Monsieur Gilles REVELLES, Conseiller

Madame Sophie COUPET, Conseillère

Greffier : Madame Agnès IKLOUFI, lors des débats

ARRÊT :

– CONTRADICTOIRE

– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, prévu le vendredi 10 janvier 2025, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

-signé par Monsieur Raoul CARBONARO, Président de chambre et Madame Fatma DEVECI, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La cour statue sur l’appel interjeté par M. [S] [D] (l’assuré) d’un jugement rendu le 4 mars 2021 par le tribunal judiciaire de Bobigny dans un litige l’opposant à la Caisse interprofessionnelle de prévoyance et d’assurance vieillesse (la Cipav).

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Les circonstances de la cause ayant été correctement rapportées par le tribunal dans son jugement au contenu duquel la cour entend se référer pour un plus ample exposé, il suffit de rappeler que M. [S] [D] a formé un recours à l’encontre de la décision de la commission de recours amiable de la Caisse interprofessionnelle de prévoyance et d’assurance vieillesse ayant refusé de valider gratuitement ses trimestres de retraite sur les régimes de retraite de base et de retraite complémentaire à la suite de son affiliation avec effet rétroactif au 1er janvier 2016 dans le cadre de l’exercice de son activité d’architecte urbaniste à compter du 11 avril 2007, du fait de son affiliation à l’URSSAF en qualité de professionnel libéral.

Par jugement en date du 4 mars 2021, le tribunal a :

– débouté M. [S] [D] de l’ensemble de ses demandes ;

-rejeté la demande présentée par la Caisse interprofessionnelle de prévoyance et d’assurance vieillesse au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

-condamné M. [S] [D] aux dépens ;

-ordonné l’exécution provisoire.

Le tribunal a jugé qu’en application des dispositions de l’article R. 643-1 du code de la sécurité sociale, l’assuré était tenu de déclarer son début d’activité auprès de l’organisation autonome d’assurance vieillesse professions libérales en vue de son immatriculation. Le tribunal a jugé qu’il ne pouvait se prévaloir des dispositions de l’article 2 de la loi n° 94-126 du 11 février 1994 qui n’est pas applicable aux relations entre les entreprises et les organismes gérant les régimes de protection sociale relevant du code de la sécurité sociale. Du fait de sa propre carence, il ne saurait donc pour le tribunal rechercher la responsabilité de la caisse.

Le jugement a été notifié par lettre recommandée avec demande d’accusé de réception remise le 11 mars 2021 à M. [S] [D] qui en a interjeté appel par déclaration remise au greffe le 18 mars 2021.

Par conclusions écrites n°2 visées et développées oralement à l’audience par son avocat, M. [S] [D] demande à la cour de :

– infirmer le jugement rendu par le Tribunal judiciaire de Bobigny en date du 4 mars 2021 ;

et statuant à nouveau,

– déclarer recevable l’action de M. [S] [D] ;

à titre principal,

– condamner la CIPAV à reconstituer gratuitement la carrière de M. [S] [D] sur la période du 1er juillet 2007 au 31 décembre 2015 en validant les trimestres de cotisations, points de retraite de base et points de retraite complémentaire par référence aux revenus déclarés, à savoir 2007, 31197 euros, 2008, 47 959 euros, 2009, 3917 euros, 2010, 41 756 euros, 2011, 45 226 euros, 2012, – 1943 euros, 2013, – 1043 euros, 2014, 6 738 euros et 2015, 9180 euros ;

– enjoindre à la CIPAV de transmettre à M. [S] [D] un relevé de situation individuelle conforme dans le délai d’un mois à compter de la notification du jugement à intervenir et, passé ce délai, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

à titre subsidiaire,

-condamner la CIPAV à verser à M. [S] [D] la somme de 26 500 euros de dommages-intérêts en réparation de la perte de chance de cotiser et d’acquérir des droits à retraite sur la période 2007-2015 ;

en tout état de cause,

-condamner la CIPAV à verser à M. [S] [D] la somme de 3 000 euros en réparation du préjudice moral subi ;

-condamner la CIPAV à verser à M. [S] [D] la somme de 6 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile sur l’intégralité de la procédure ;

-condamner la CIPAV aux dépens.

Par conclusions écrites visées et développées oralement à l’audience par son avocat, la Caisse interprofessionnelle de prévoyance et d’assurance vieillesse demande à la cour de :

à titre-principal ;

-déclarer irrecevable le recours de M. [S] [D] pour cause de prescription ;

à titre subsidiaire :

-rejeter la demande de validation gratuite de trimestres de cotisations et de points de retraite de base et complémentaire sur la période 2007 ‘ 2015 ;

-juger de l’absence de faute commise par la Caisse interprofessionnelle de prévoyance et d’assurance vieillesse dans l’affiliation de M. [S] [D] ;

-débouter M. [S] [D] de l’ensemble de ses demandes ;

-condamner M. [S] [D] à verser à la Caisse interprofessionnelle de prévoyance et d’assurance vieillesse la somme de 500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais jrrépétibles qu’elle a été contrainte d’engager.

Pour un exposé complet des prétentions et moyens des parties, la cour renvoie à leurs conclusions écrites visées par le greffe à l’audience du 14 novembre 2024 qu’elles ont respectivement soutenues oralement.

SUR CE

– sur la prescription

Moyens des parties :

M. [S] [D] expose que le délai de prescription de l’action en responsabilité court à compter de la date de réalisation du dommage ou à la date où la victime est en mesure d’agir ; que dans son arrêt du 2 juin 2022, la Cour de Cassation a accueilli une exception d’inconventionnalité de l’article R. 643-10 du code de la sécurité sociale en raison de l’atteinte disproportionnée qu’il induit au droit de propriété protégé par l’article 1er du Protocole additionnel n° 1 à la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales : « lorsque les cotisations arriérées n’ont pas été acquittées dans le délai de cinq ans suivant la date de leur exigibilité, les périodes correspondantes ne sont pas prises en considération pour le calcul de la pension de retraite ; que l’article R. 643-10 du code de la sécurité sociale a été abrogé ; qu’il résulte de cette jurisprudence et de cette abrogation de texte une possibilité de régulariser des cotisations anciennes, notamment celles de la période 2007-2015 ; qu’il a fallu attendre début 2023 pour qu’il apprenne au cours de la procédure d’appel, grâce au conseil soussigné, que le paiement de cotisations de plus de cinq années était devenu possible, depuis l’abrogation de l’article R. 643-10 du code de la sécurité sociale ; que la découverte de ce dommage est nécessairement postérieure à la prise de connaissance de cette décision judiciaire novatrice et de l’abrogation de cet article ; que le dommage en seconde séquence tient au refus de la CIPAV courant 2022-2023 de régler des cotisations arriérées de plus de cinq ans ; que ce second dommage à l’évidence ne peut pas être considéré comme prescrit ; qu’il n’est même pas encore tout à fait réalisé ; que le premier dommage a quant à lui été découvert par l’intéressé en 2017 lorsqu’il se rend compte qu’il n’a aucun droit à la retraite ; que l’action a été introduite le 4 février 2020, donc l’allégation d’une prescription est dénuée de sérieux

La Caisse interprofessionnelle de prévoyance et d’assurance vieillesse réplique que depuis 2006, M. [S] [D] ne pouvait ignorer qu’il ne lui réglait pas de cotisations ; qu’il a manqué de diligences en ne se rapprochant d’elle que le 4 novembre 2019 en saisissant la commission de recours amiable ; qu’il n’a donc entrepris aucune démarche pour payer ses cotisations de 2007 à 2019 soit pendant douze ans ; qu’il aurait dû se rendre compte dès 2007 qu’il ne cotisait pas auprès d’elle ; que la démarche de M. [S] [D] ne saurait lui permettre de valider des trimestres pour les périodes 2007-2015, ces années étant prescrites au regard des de la législation et de la jurisprudence susvisée.

Réponse de la Cour :

L’article 2224 du code civil énonce que :

« Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer. »

En l’espèce, la CIPAV se prévaut de la prescription de l’action de M. [S] [D] excipant de ce que dès l’origine, en 2007, celui-ci était en mesure de constater qu’il n’avait versé aucune cotisation à une caisse de retraite et ne se créait aucun droit, date à laquelle était révélé le dommage.

Toutefois, la prescription d’une action en responsabilité ne court qu’à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime si celle-ci établit qu’elle n’en avait pas eu précédemment connaissance.

Or, la caisse n’a informé l’assuré de son affiliation que le 18 mai 2017 en lui indiquant la rétroactivité de cette dernière au 1er janvier 2016.

La caisse ne justifie aucunement que l’assuré a eu connaissance de ce qu’il ne versait aucune cotisation retraite et ne se créait aucun droit dès 2006, peu important qu’il était toutefois tenu de verser des cotisations en application de l’article L. 642-1 du code de la sécurité sociale, dès lors qu’il remplissait ses obligations de déclaration commune des revenus des professions indépendantes, qu’il réglait des cotisations au RSI et qu’il pouvait se méprendre sur l’existence de cotisations pour sa retraite auprès de ces organismes.

La saisine de la commission de recours amiable ayant été faite le 4 novembre 2019, et le tribunal ayant été saisi dans les délais légaux sur recours de la décision rendue, l’action n’était pas atteinte de la prescription.

Les demandes de M. [S] [D] sont donc recevables.

– sur la faute et la réparation :

Moyens des parties :

M. [S] [D] expose qu’il a débuté son activité indépendante en date du 11 avril 2007 ; qu’il est constant que l’affiliation à une caisse de retraite est obligatoire pour toute personne exerçant une activité professionnelle ; qu’il devait donc être affilié à un régime d’assurance vieillesse dès le début de son activité, soit au 1er juillet 2007, premier jour du trimestre civil suivant son immatriculation ; que l’article 2 de la loi n° 94-126 du 11 février 1994 relative à l’initiative et à l’entreprise individuelle est applicable aux « organismes gérant des régimes de protection sociale relevant du code de la sécurité sociale » ; qu’en sa qualité d’architecte, profession libérale, il exerçait sous le statut de l’entreprise individuelle ; qu’en procédant aux formalités de création d’activité auprès du CFE compétent, l’intéressé a satisfait aux obligations déclaratives qui lui incombent dès lors qu’il résulte des textes sus mentionnés que la réalisation des déclarations auprès du CFE compétent a également pour objet de transmettre les informations recueillies à cette occasion auprès des organismes désignés par les annexes de ces textes, au nombre desquelles figurent les organismes d’assurance maladie et d’assurance vieillesse des professions artisanales, industrielles, commerciales et libérales,

Que s’agissant de l’activité de gérant majoritaire de société, activité libérale par nature, l’URSSAF devait donc le déclarer auprès du RSI concernant le régime obligatoire d’assurance maladie et auprès de la CNAVPL, caisse mère de la CIPAV, au titre des régimes obligatoires d’assurance vieillesse et d’invalidité-décès. ; qu’il a procédé à l’ensemble des formalités qui lui incombaient s’agissant de la création de son activité ; qu’en ce sens, la déclaration P0PL de début d’activité, réceptionnée par l’URSSAF le 13 avril 2007 et transmise aux organismes sociaux concernés le 19 avril suivant, précise de manière explicite que « Le présent document constitue déclaration aux services fiscaux, aux organismes de sécurité sociale, à l’INSEE, s’il y a lieu à l’inspection du travail, au registre spécial des agents commerciaux » ; que la mention « UIDFK » en haut à droite de ce document confirme ainsi que celui-ci a été communiqué aux organismes suivants, suivant la nomenclature interne de l’URSSAF ; qu’il ne fait dès lors aucun doute qu’il revenait bien à la Chambre de commerce et de l’industrie en tant que CFE de transmettre sa déclaration d’activité à la caisse de retraite dont il devait dépendre, ce qu’elle a effectivement fait puisque l’ensemble des organismes de sécurité sociale se sont rapprochés de lui ; que la caisse ne saurait ainsi, sans se contredire, exciper d’une part de l’article R 643-1 du code de la sécurité sociale et d’une prétendue impossibilité pour ses services de procéder à une affiliation sans déclaration réglementaire en 2007 et d’autre part, reconnaître un processus d’affiliation parfaitement autonome et indépendant de la volonté de ses adhérents à compter de 2016, date à laquelle elle a effectivement procédé à son affiliation ;

Que la CIPAV, agissant sur délégation de la CNAVPL, a manifestement commis une faute en omettant d’appeler les cotisations dont il était redevable ; qu’il a déclaré chaque année au RSI (devenu SSI) ses revenus au moyen de la Déclaration sociale des indépendants (DSI, anciennement DCR) afin que soit notifié à chaque organisme concerné (dont la CNAVPL à laquelle est rattachée la CIPAV), cette donnée permettant d’appeler les cotisations (pièce 3) ; que conformément à l’article R. 115-5 du code de la sécurité sociale, les travailleurs indépendants sont en effet tenus déclarer leurs revenus via une déclaration unique auprès du RSI ; que les informations collectées par le RSI sont transmises à la CNAVPL en vertu d’une convention conclue entre les deux organismes, raison pour laquelle le logo de la seconde apparaît sur l’imprimé de déclaration des revenus ; qu’il appartient ensuite à la CNAVPL de communiquer cette information aux caisses de retraite placées sous sa tutelle, dont la CIPAV ; que la CIPAV a reçu chaque année l’information mais ne l’a pas traitée ;

Que par son arrêt publié rendu en date du 2 juin 2022, la Cour de Cassation a accueilli une exception d’inconventionnalité de l’article R. 643-10 du code de la sécurité sociale en raison de l’atteinte disproportionnée qu’il induit au droit de propriété protégé par l’article 1er du Protocole additionnel n° 1 à la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales ; que les principes dégagés par l’arrêt doivent s’appliquer mutatis mutandis aux cotisations de régime de retraite complémentaire puisque, selon les dispositions de l’article 3 du décret 79-262 du 21 mars 1979 modifié, seules applicables au paiement des cotisations de retraite complémentaire de la CIPAV, la cotisation au régime d’assurance vieillesse complémentaire des assurés relevant de la section professionnelle gérée par la CIPAV, est versée à celle-ci dans les mêmes formes et conditions que la cotisation du régime d’assurance vieillesse de base ; que si la CIPAV était liée en 2017 par l’article R. 643-10, ce n’est plus le cas à partir de juin 2022 ; que la caisse a toute latitude depuis cet arrêt pour lui faire une proposition afin que ce dernier puisse créditer des droits à la retraite ;

Que la question de la quérabilité ou de la portabilité des cotisations n’intéresse que la question de la preuve de l’extinction de l’obligation du paiement ; que sans appel de cotisation, il est impossible pour l’adhérent de déterminer, outre le montant dont il doit s’acquitter, la date d’exigibilité des cotisations ; qu’aucune faute ne peut lui être reprochée, puisqu’il a rempli toutes les obligations déclaratives qui étaient à sa charge tant au moment de sa déclaration d’activité qu’au cours de son exercice professionnel par le biais de ses DSI ; que le préjudice subi est donc à hauteur des droits qui auraient dû être validés sur la période; que s’il avait été affilié à cette époque, il aurait pu régler l’ensemble de ses cotisations en temps et en heure sans perte de droits à la retraite et n’aurait pas eu à saisir la justice pour faire valoir ses droits.

Que les adhérents sont tenus de procéder au paiement de leurs cotisations à leur date d’exigibilité (à défaut de quoi l’organisme créancier est en droit d’initier une procédure de recouvrement forcé) et que la charge de la preuve leur appartient, encore faut-il que ceux-ci aient été préalablement mis en mesure de déterminer l’étendue de leur obligation envers la caisse ; qu’en pratique, tout organisme chargé du recouvrement de cotisations est tenu d’émettre et d’adresser à ses adhérents un document (appel de cotisations) indiquant le montant des cotisations à régler, la date d’exigibilité ainsi que la période d’assurance concernée ; que sans appel de cotisation, il est impossible pour l’adhérent de déterminer, outre le montant dont il doit s’acquitter, la date d’exigibilité des cotisations ; que le recouvrement des cotisations qui consiste avant tout dans l’appel desdites cotisations constitue une obligation légale à la charge de la CIPAV conformément aux dispositions de l’article L. 642-5 du code de la sécurité sociale ; que, dès lors et en tout état de cause, la question de la portabilité des cotisations ne saurait exonérer la CIPAV de son obligation d’appeler les cotisations et donc de sa responsabilité.

La Caisse interprofessionnelle de prévoyance et d’assurance vieillesse expose; que la jurisprudence est constante et abondante et prévoit qu’une simple déclaration à l’URSSAF en sa qualité de CFE, de commencement ou de reprise d’activité ne saurait valoir déclaration à la CIPAV ; que si M. [S] [D] prétend avoir transmis son dossier de commencement d’activité au CFE en 2007, il n’a en revanche aucunement informé la CIPAV ; que ce n’est donc qu’en 2017 que la CIPAV a eu connaissance de l’activité libérale exercée par celui-ci, raison pour laquelle elle l’a logiquement affilié de manière rétroactive au 01 janvier 2016 ; qu’en l’espèce, M. [S] [D] ne justifie donc aucunement avoir déclaré à la CIPAV son commencement d’activité au 01 janvier 2011 ; que les cotisations sont portables ; qu’en l’absence de réception d’appel de cotisation, M. [S] [D] saurait dû s’apercevoir dès 2007 qu’il ne payait aucune cotisation retraite ; qu’il n’a donc entrepris aucune démarche pour y remédier entre 2007 et 2019 ; qu’il ne saurait dès lors prétendre que la CIPAV serait responsable d’une quelconque faute dans son affiliation.

Réponse de la Cour :

L’abrogation de l’article R. 643-10 du code de la sécurité sociale a pour effet de rétablir des droits à la retraite du fait du paiement de cotisations échues de plus de cinq ans, pour peu qu’elles aient été appelées. Elle n’a pas pour effet d’obliger l’URSSAF à recevoir un paiement pour des cotisations non appelées et à lui imputer le refus à faute, sans que ne soit tranchée préalablement la question de l’affiliation et celle de l’obligation de cotiser.

Selon l’article L. 642-1 du code de la sécurité sociale, toute personne exerçant une activité professionnelle relevant de l’organisation autonome d’assurance vieillesse des professions libérales est tenue de verser des cotisations destinées à financer notamment les prestations du régime d’assurance vieillesse de base dont elle relève.

Selon l’article L. 642-5 du même code, les sections professionnelles assurent, pour le compte de la Caisse nationale d’assurance vieillesse des professions libérales, le recouvrement des cotisations prévues à l’article L. 642-1.

Aux termes de l’article D. 642-1 du code de la sécurité sociale, les cotisations mentionnés à l’article L. 642-1 du même code sont dues, sous réserve des dispositions de l’article L. 131-6-1, à compter du premier jour du trimestre civil qui suit le début d’activité et jusqu’au dernier jour du trimestre civil au cours duquel la radiation intervient. Les cotisations sont exigibles annuellement et d’avance. Les frais de versement des cotisations sont à la charge de la partie payante.

En vertu de l’article D. 642-1 du code de la sécurité sociale, les cotisations sont portables et non quérables, de sorte qu’en l’absence d’appel de cotisations, il appartient à l’assuré de se rapprocher de la caisse afin de régulariser sa situation.

En 2007, la réglementation relative au dépôt du dossier unique était fixée par le décret n°96-650 du 19 juillet 1996 relatif aux centres de formalités des entreprises modifié par décret n°2002-375 du 19 mars 2002. L’annexe I de ce décret mentionnait parmi les principaux destinataires des formalités des entreprises selon leur compétence « les organismes d’assurance maladie et d’assurance vieillesse des professions artisanales, industrielles, commerciales et libérales ».

Il résulte par ailleurs de l’article R. 643-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable au litige, que toute personne qui commence ou cesse d’exercer une profession libérale est tenue de le déclarer dans le délai d’un mois à la section professionnelle dont elle relève, en vue de son immatriculation ou de sa radiation.

La charge de la preuve de cette démarche incombe au travailleur non salarié. Il appartient ainsi à l’assuré de justifier avoir effectué les formalités déclaratives auprès de la CIPAV (2e Civ., 2 juin 2022, pourvoi n° 19-15.669).

L’obligation d’information incombant aux organismes gestionnaires de l’assurance vieillesse en application de l’article L. 161-17 du code de la sécurité sociale ne peut être étendue au-delà des prévisions de ce texte. Celle, générale, découlant de l’article R. 112-2 du même code dont les organismes de sécurité sociale sont débiteurs envers leurs assurés, leur impose seulement de répondre aux demandes qui leur sont soumises.

Or, il ne résulte pas des productions que le CFE ait transmis quant à la situation de M. [S] [D] une information à la CNAVPL pour orientation, ou directement à la CIPAV. et M. [S] [D] ne rapporte pas la preuve qu’il a remis à l’occasion de sa déclaration unique les documents nécessaires à son affiliation auprès de la CIPAV, faisant notamment mention de la date du début d’activité, alors que l’article R. 643-1 du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable, prévoit que  » toute personne qui commence ou cesse d’exercer une profession libérale est tenue de le déclarer dans le délai d’un mois à la section professionnelle dont elle relève, en vue de son immatriculation ou de sa radiation. (…) » .

Par suite il ne saurait être considéré que la déclaration au CFE valait déclaration à la CNAVPL ou à la CIPAV pour affiliation.

M. [S] [D] invoque que la CIPAV a commis une faute en omettant d’appeler les cotisations, alors qu’il a déclaré chaque année ses revenus au moyen de la déclaration sociale des indépendants et que la CIPAV et la CNAVPL ont reçu chaque année l’information mais ne l’ont pas traitée.

Cependant la faute de la CIPAV ne pourrait être engagée que si l’intéressé apportait la preuve qu’elle a effectivement reçu ses déclarations de revenus d’une manière permettant de l’identifier comme devant être l’un de ses affiliés.

Il résulte des motifs qui précèdent, et en l’absence de toute pièce de son dossier sur ce point, que l’intéressé ne démontre pas que la caisse a été informée pendant le cours de son activité professionnelle, avant le 18 mai 2017, qu’il exerçait une activité nécessitant son affiliation.

M. [S] [D] ne saurait utilement faire valoir que les dysfonctionnements de la CIPAV sont de notoriété publique pour voir reconnaître la responsabilité de la caisse, dès lors qu’il n’établit pas l’existence d’une faute commise à son égard par la caisse dans la gestion de son dossier ayant conduit à son absence d’affiliation à compter de 2007.

M. [S] [D] ne rapporte donc pas la preuve d’une faute de la CIPAV dans son défaut d’affiliation avant le 1er janvier 2016, alors que l’absence de prise en compte des années 2007 à 2015 dans le calcul de sa retraite a pour seule origine une méconnaissance par celui-ci de ses obligations à l’égard de la CIPAV.

La Caisse n’avait donc aucune obligation de lui proposer de lui faire cotiser sur les cinq années antérieures à sa date d’affiliation.

Les demandes de M. [S] [D] seront donc rejetées.

Le jugement déféré sera donc confirmé.

M. [S] [D], qui succombe, sera condamné aux dépens ainsi qu’au paiement de la somme de 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

LA COUR,

DÉCLARE recevable l’appel de M. [S] [D] ;

CONFIRME le jugement rendu le 4 mars 2021 par le tribunal judiciaire de Bobigny ;

CONDAMNE M. [S] [D] à payer à la Caisse interprofessionnelle de prévoyance et d’assurance vieillesse la somme de 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE M. [S] [D] aux dépens.

La greffière Le président


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