Retraite et cotisations : enjeux de validation des droits en période de crise sanitaire

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Retraite et cotisations : enjeux de validation des droits en période de crise sanitaire

L’Essentiel : M. [T] [X], né le 26 décembre 1954, a demandé sa retraite à la CARSAT NORD-EST pour le 1er octobre 2020. Contestant les éléments de calcul, il a saisi la commission de recours amiable, qui a rejeté sa demande. Le tribunal judiciaire de Nancy a ensuite infirmé cette décision, accordant à M. [T] une retraite à taux plein. Cependant, la CARSAT a interjeté appel, et lors de l’audience, la Cour a noté les difficultés de M. [T] à obtenir des explications sur son calcul de retraite. Finalement, la Cour a confirmé un taux de retraite de 48,75 %, condamnant M. [T] aux dépens.

Contexte de la demande de retraite

M. [T] [X], né le 26 décembre 1954, a exercé une activité professionnelle en tant qu’indépendant puis auto-entrepreneur. Le 23 septembre 2020, il a demandé à la CARSAT NORD-EST de bénéficier de sa retraite personnelle à partir du 1er octobre 2020.

Contestation des éléments de calcul

Le 29 janvier 2021, la CARSAT a envoyé à M. [T] [X] un courrier avec un imprimé d’option. Le 9 février 2021, il a contesté les éléments de calcul de sa retraite auprès de la commission de recours amiable de la CARSAT NORD-EST. Cette commission a rejeté son recours par décision notifiée le 9 avril 2021.

Procédure judiciaire

Le 8 juin 2021, M. [T] [X] a saisi le tribunal judiciaire de Nancy pour contester la décision de la commission. Le tribunal a rendu un jugement le 6 février 2024, infirmant la décision de la commission et accordant à M. [T] [X] une retraite à taux plein de 50 %.

Appel de la CARSAT

La CARSAT a interjeté appel de ce jugement le 4 mars 2024, demandant la confirmation de sa décision initiale et le rejet des demandes de M. [T] [X]. À l’audience du 2 octobre 2024, M. [T] [X] a demandé la confirmation du jugement de première instance.

Arguments et décisions de la Cour

La Cour a pris en compte la situation de M. [T] [X] et les difficultés rencontrées pour obtenir des explications sur le calcul de sa retraite. Elle a également noté que les cotisations non versées durant la crise sanitaire ne devraient pas affecter les droits à retraite. Cependant, elle a constaté que M. [T] [X] n’avait pas acquitté les cotisations litigieuses avant la date limite du 31 décembre 2020.

Conclusion de la Cour

La Cour a infirmé le jugement du tribunal de Nancy, confirmant que le taux de retraite de M. [T] [X] est de 48,75 %, comme déterminé par la CARSAT. M. [T] [X] a été condamné aux dépens de première instance et d’appel.

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la portée de la liquidation unique des régimes alignés (LURA) dans le calcul des droits à la retraite ?

La liquidation unique des régimes alignés (LURA) est régie par les articles L 173-1-2 et R 173-4-4-1 du Code de la sécurité sociale.

L’article L 173-1-2 stipule que :

« La liquidation unique des régimes alignés (LURA) permet de déterminer les droits à retraite des assurés en fonction des trimestres validés dans les régimes alignés. »

Cet article précise que le calcul des droits à la retraite se fait en tenant compte des trimestres validés, ce qui est essentiel pour déterminer le taux de retraite applicable.

En l’espèce, M. [T] [X] a validé 163 trimestres, ce qui lui confère un taux de retraite de 48,75 %.

Pour bénéficier d’un taux plein de 50 %, il aurait dû valider 165 trimestres, ce qui nécessite un report de son départ à la retraite.

Ainsi, la LURA joue un rôle crucial dans la détermination des droits à retraite, en fonction des trimestres validés et des taux applicables.

Comment les cotisations non versées durant la crise sanitaire affectent-elles les droits à la retraite ?

Les articles L 351-1 et L 351-8 du Code de la sécurité sociale traitent des droits à la retraite et des conditions de validation des trimestres.

L’article L 351-1 précise que :

« Pour bénéficier d’une pension de retraite, l’assuré doit justifier d’un certain nombre de trimestres validés. »

L’article L 351-8, quant à lui, indique que :

« Les trimestres validés peuvent être affectés par le non-versement des cotisations, sauf dispositions spécifiques. »

Dans le contexte de la pandémie de COVID-19, des mesures ont été mises en place pour exonérer certaines cotisations.

Cependant, il est stipulé que les cotisations non versées durant cette période ne peuvent être prises en compte pour le calcul des droits à retraite, sauf si elles sont régularisées avant le 31 décembre 2020.

Dans le cas de M. [T] [X], les cotisations des deuxième et troisième trimestres de 2020 n’ont pas été acquittées avant cette date, ce qui a conduit à leur non-prise en compte dans le calcul de sa retraite.

Quelle est la valeur juridique des réponses ministérielles dans le cadre des litiges relatifs à la retraite ?

Les réponses ministérielles, bien qu’informatives, n’ont pas de valeur légale ou réglementaire.

Dans le cas présent, la réponse du secrétaire d’État publiée le 4 février 2021, qui stipule que le non-versement des cotisations durant la crise sanitaire ne doit pas affecter les droits à retraite, n’a pas d’effet contraignant.

Cela signifie que cette réponse ne peut pas être invoquée pour contester une décision administrative ou judiciaire.

La jurisprudence a établi que seules les dispositions législatives et réglementaires ont force obligatoire dans le cadre des litiges relatifs aux droits à la retraite.

Ainsi, la cour a jugé que la réponse ministérielle n’avait pas d’impact sur le litige de M. [T] [X], qui devait se conformer aux règles établies par le Code de la sécurité sociale.

Quelles sont les conséquences d’un jugement infirmé en matière de retraite ?

Lorsqu’un jugement est infirmé, comme dans le cas de M. [T] [X], cela signifie que la décision initiale est annulée et remplacée par une nouvelle décision.

En vertu de l’article 450 du Code de procédure civile, la cour a le pouvoir de statuer à nouveau sur les demandes des parties.

Dans cette affaire, la cour a infirmé le jugement du tribunal de Nancy, ce qui a conduit à la confirmation du taux de retraite de 48,75 % pour M. [T] [X].

Les conséquences de cette infirmation incluent également la condamnation de M. [T] [X] aux dépens, tant pour la première instance que pour l’appel.

Cela souligne l’importance de la décision de la cour, qui a réaffirmé l’application des règles de calcul des droits à la retraite en fonction des trimestres validés et des cotisations acquittées.

ARRÊT N° /2025

SS

DU 08 JANVIER 2025

N° RG 24/00436 – N° Portalis DBVR-V-B7I-FKKK

Pole social du TJ de NANCY

21/00183

06 février 2024

COUR D’APPEL DE NANCY

CHAMBRE SOCIALE

SECTION 1

APPELANTE :

CARSAT NORD-EST prise en la personne de son représentant légal pour ce domicilié au siège social

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représentée par Madame [U] [B], régulièrement munie d’un pouvoir de représentation

INTIMÉ :

Monsieur [T] [X]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Comparant

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors des débats, sans opposition des parties

Président : M. LIZET

Siégeant en conseiller rapporteur

Greffier : Madame PAPEGAY (lors des débats)

Lors du délibéré,

En application des dispositions de l’article 945-1 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été débattue en audience publique du 02 Octobre 2024 tenue par M. LIZET, magistrat chargé d’instruire l’affaire, qui a entendu les plaidoiries, les avocats ne s’y étant pas opposés, et en a rendu compte à la Cour composée de Corinne BOUC, présidente, Jérôme LIZET, président assesseur et Dominique BRUNEAU, conseiller, dans leur délibéré pour l’arrêt être rendu le27 Novembre 2024; puis à cette date le délibéré a été prorogé au 18 Décembre 2024 puis au 08 Janvier 2025 ;

Le 08 Janvier 2025, la Cour après en avoir délibéré conformément à la Loi, a rendu l’arrêt dont la teneur suit :

Faits, procédure, prétentions et moyens

M. [T] [X], né le 26 décembre 1954, a exercé une activité professionnelle sous forme indépendante puis une activité d’auto-entrepreneur.

Le 23 septembre 2020, il a sollicité de la CARSAT NORD-EST le bénéfice de sa retraite personnelle au 1er octobre 2020.

Le 29 janvier 2021, la CARSAT lui a adressé un courrier accompagné d’un imprimé d’option.

Le 9 février 2021, M. [T] [X] a saisi la commission de recours amiable de la CARSAT NORD EST aux fins de contester les éléments de calcul de sa retraite communiqués par l’URSSAF.

Par décision du 7 avril 2021, notifiée le 9 avril 2021, la commission a rejeté son recours.

Le 8 juin 2021, M. [T] [X] a contesté cette décision devant le pôle social du tribunal judiciaire de Nancy.

Par jugement du 6 février 2024, le tribunal, après un premier jugement du 30 août 2023 de réouverture des débats, a :

– infirmé la décision de la commission de recours amiable de la CARSAT NORD-EST en date du 9 avril 2021,

– dit que M. [T] [X] doit bénéficier d’une retraite à taux plein (50 % au lieu de 48,25 %) depuis le versement de celle-ci,

– condamné la CARSAT NORD-EST à payer à M. [T] [X] les sommes omises de ce chef, après calcul de celles-ci,

– condamné la CARSART aux entiers frais et dépens.

Par acte du 4 mars 2024, la CARSAT a interjeté appel de ce jugement.

Suivant conclusions reçues au greffe le 12 septembre 2024, la CARSAT demande à la cour de :

– juger que c’est à juste titre que la retraite personnelle de M. [X] dans le cadre de la L.U.R.A. a été liquidée au taux réduit de 48,75 % à effet au 1er octobre 2020, compte tenu de la validation d’un seul trimestre d’assurance au titre de l’année 2020,

– confirmer la décision de sa commission de recours amiable du 7 avril 2021,

– infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 6 février 2024 par le pôle social du tribunal judiciaire de Nancy,

– débouter M. [X] des fins de toutes ses demandes,

– condamner la partie perdante à la charge des dépens.

M. [T] [X] n’a pas pris de conclusions à hauteur d’appel.

A l’audience du 2 octobre 2024 il a sollicité la confirmation du jugement entrepris, indiquant reprendre les mêmes arguments qu’en première instance.

La CARSAT, représentée, s’en est rapportée à ses écritures.

L’affaire a été mise en délibéré au 27 novembre 2024, prorogé au 8 janvier 2025 en considération de la charge de travail du service.

SUR CE, LA COUR

Le tribunal de NANCY a fait droit à la demande de monsieur [X] en faisant valoir :

que la juridiction ne peut qu’être sensible à la situation de monsieur [X] qui n’a pu obtenir des explications détaillées que de nombreux mois après sa demande et sous la forme d’écritures difficiles à exploiter pour lui (Monsieur [X]) compte tenu de leur technicité indéniable ;

qu’une réponse du secrétaire d’Etat auprès du ministre du travail, publiée le 4 février 2021, fait valoir que le non versement des cotisations durant la crise sanitaire de l’année 2020 ne doit pas affecter la constitution des droits à retraite.

Les articles L 173-1-2, R 173-4-4-1, L 351-1, L 351-8 et R 351-27 du code de la sécurité sociale définissent la liquidation unique des régimes alignés (LURA), le calcul des droits en fonction des trimestres validés, et le taux appliqué.

En l’espèce la CARSAT NORD-EST a informé monsieur [X] de ce qu’il validait 163 trimestres au titre des régimes alignés, lui octroyant un taux de retraite de 48,75 % pour une retraite à compter du 1er octobre 2020, et qu’une retraite à taux plein de 50 % pour 165 trimestres, situation correspondant à son année de naissance soit 1954, nécessitait une continuation d’activité et donc un report de départ en retraite au 1er août 2021 (annexe 3 CARSAT).

Monsieur [X] a choisi l’option d’un départ au 1er octobre 2020, avant d’informer par suite la caisse qu’il contestait la non-prise en compte des deuxième et troisième trimestres de l’année 2020 du fait de l’exonération de cotisations sur cette période du fait de la pandémie de COVID, et revendiquant de ce fait une retraite au taux de 50 %. Il revendique avoir finalement réglé les cotisations en cause de sorte qu’il estime injuste de ne pouvoir bénéficier du taux plein.

Il ressort des fiches consignes de la CNAV n° 2020-13 du 24 novembre 2020, relatif à l’impact des mesures COVID sur les droits de retraite des travailleurs indépendants, que les cotisations non appelées durant la période COVID pouvaient en cas de versement volontaire être prises en compte pour le calcul de la retraite, jusqu’au 31 décembre 2020 au plus tard.

Or pour les cotisations en litige des deuxième et troisième trimestre 2020 monsieur [X] n’a commencé à s’en acquitter, au travers d’un échéancier, qu’à compter du 8 juillet 2022 (annexes 21 et 22 CARSAT).

Par ailleurs la réponse ministérielle dont se prévaut monsieur [X], publiée le 4 février 2021, n’a pas de portée légale ou réglementaire : elle est dès lors sans effet sur le présent litige.

Il faut au final constater que c’est à bon droit que les trimestres litigieux non acquittés à la date du 31 décembre 2020 n’ont pas été pris en compte pour la retraite de monsieur [X] arrêtée au 1er octobre 2020 selon l’option validée par lui.

Le jugement entrepris sera infirmé en toutes ses dispositions.

Statuant à nouveau il sera dit que le taux de retraite de monsieur [X], basé sur 163 trimestres, s’élève bien à 48,75 % ainsi que déterminé par la CARSAT NORD EST en sa décision contestée.

Monsieur [X] sera tenu aux dépens de première instance. Il le sera également pour les dépens d’appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour, chambre sociale, statuant contradictoirement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, après débats en audience publique et après en avoir délibéré,

INFIRME le jugement du 6 février 2024 du tribunal judiciaire de NANCY en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau,

DIT que le taux de retraite de monsieur [T] [X] est de 48,75 % ;

CONDAMNE monsieur [T] [X] aux dépens de première instance ;

Y ajoutant,

CONDAMNE monsieur [X] aux dépens d’appel.

Ainsi prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Et signé par madame Corinne BOUC, présidente de chambre et par Madame Laurène RIVORY, greffier.

LE GREFFIER LE PRESIDENT DE CHAMBRE

Minute en quatre pages


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