L’Essentiel : M. [T], engagé en 2000 par l’association [Localité 4] innovation Sud développement, a pris sa retraite en 2009 avant de signer un contrat à durée déterminée. En 2016, l’association a convoqué M. [T] pour une mise à la retraite, qu’il a contestée, la considérant comme un licenciement abusif. La cour d’appel a jugé que cette mise à la retraite constituait un licenciement sans cause réelle, condamnant l’association à verser des indemnités. La cour a précisé que l’âge de M. [T] au moment de son engagement ne permettait pas une telle mise à la retraite, violant ainsi la législation en vigueur.
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Engagement et évolution du contrat de travailM. [T], né en 1946, a été engagé le 1er février 2000 par l’association [Localité 4] innovation Sud développement en tant que délégué général. Il a pris sa retraite le 1er octobre 2009. Le 5 octobre 2009, un contrat à durée déterminée a été signé, avec un terme fixé au 30 septembre 2011, pour un poste de directeur à temps partiel. Un avenant a été signé le 2 mai 2013, transformant le contrat en un contrat à durée indéterminée. Mise à la retraite et contestationLe 20 janvier 2016, l’association a convoqué M. [T] pour un entretien concernant une mise à la retraite, qui a été notifiée par lettre le 5 février 2016, en se basant sur les articles L. 1237-5 et L. 1237-5-1 du code du travail. En réponse, M. [T] a contesté cette mise à la retraite, la considérant comme un licenciement sans cause réelle et sérieuse, et a saisi la juridiction prud’homale le 30 mars 2017. Arguments de l’association et réponse de la CourL’association a soutenu que la mise à la retraite était légale, car M. [T] avait atteint l’âge de 70 ans au moment de sa mise à la retraite. Cependant, la cour d’appel a jugé que la mise à la retraite s’analysait en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, condamnant l’association à verser diverses indemnités au salarié. La cour a fondé sa décision sur l’âge de 60 ans, âge auquel M. [T] pouvait prendre sa retraite, sans tenir compte de l’âge légal pour une mise à la retraite d’office. Analyse de la légalité de la mise à la retraiteLa cour a statué que, selon l’article L. 1237-5 du code du travail, l’âge du salarié au moment de son engagement ne permettait pas à l’employeur de mettre fin au contrat de travail. En effet, M. [T] avait été engagé à 63 ans, n’atteignant pas l’âge de 70 ans requis pour une mise à la retraite d’office. La cour a donc conclu que l’association avait violé la législation en vigueur. Conséquences de la décision de la CourLa cassation de la décision de la cour d’appel concernant la mise à la retraite de M. [T] comme licenciement sans cause réelle et sérieuse a été prononcée. Toutefois, cette cassation n’a pas affecté la condamnation de l’association aux dépens, qui était justifiée par une autre condamnation non contestée. |
Q/R juridiques soulevées :
Quel est le parcours professionnel de M. [T] ?M. [T], né en 1946, a été engagé le 1er février 2000 par l’association [Localité 4] innovation Sud développement en tant que délégué général. Il a pris sa retraite le 1er octobre 2009. Le 5 octobre 2009, un contrat à durée déterminée a été signé, avec un terme fixé au 30 septembre 2011, pour un poste de directeur à temps partiel. Un avenant a été signé le 2 mai 2013, transformant le contrat en un contrat à durée indéterminée. Quelles sont les circonstances de la mise à la retraite de M. [T] ?Le 20 janvier 2016, l’association a convoqué M. [T] pour un entretien concernant une mise à la retraite, qui a été notifiée par lettre le 5 février 2016. Cette décision s’est basée sur les articles L. 1237-5 et L. 1237-5-1 du code du travail. En réponse, M. [T] a contesté cette mise à la retraite, la considérant comme un licenciement sans cause réelle et sérieuse, et a saisi la juridiction prud’homale le 30 mars 2017. Quels arguments l’association a-t-elle avancés concernant la mise à la retraite ?L’association a soutenu que la mise à la retraite était légale, car M. [T] avait atteint l’âge de 70 ans au moment de sa mise à la retraite. Cependant, la cour d’appel a jugé que la mise à la retraite s’analysait en un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Elle a condamné l’association à verser diverses indemnités au salarié, fondant sa décision sur l’âge de 60 ans, âge auquel M. [T] pouvait prendre sa retraite. Quelle a été l’analyse de la légalité de la mise à la retraite par la cour ?La cour a statué que, selon l’article L. 1237-5 du code du travail, l’âge du salarié au moment de son engagement ne permettait pas à l’employeur de mettre fin au contrat de travail. En effet, M. [T] avait été engagé à 63 ans, n’atteignant pas l’âge de 70 ans requis pour une mise à la retraite d’office. La cour a donc conclu que l’association avait violé la législation en vigueur. Quelles ont été les conséquences de la décision de la Cour ?La cassation de la décision de la cour d’appel concernant la mise à la retraite de M. [T] comme licenciement sans cause réelle et sérieuse a été prononcée. Cependant, cette cassation n’a pas affecté la condamnation de l’association aux dépens, qui était justifiée par une autre condamnation non contestée. Quels étaient les moyens de contestation de l’association ?L’association a fait grief à l’arrêt de dire que la mise à la retraite du salarié le 5 février 2016 s’analysait en un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Elle a contesté la condamnation à payer au salarié certaines sommes au titre de l’indemnité de licenciement, de l’indemnité compensatrice de préavis, des congés payés afférents et à titre de dommages-intérêts pour licenciement abusif. L’association a soutenu que M. [T] avait atteint, au moment de son engagement, l’âge permettant à l’employeur de le mettre à la retraite, sans son accord, en application de l’article L. 1237-5 du code du travail. |
ZB1
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 27 novembre 2024
Cassation partielle
M. SOMMER, président
Arrêt n° 1231 FS-B
Pourvoi n° Q 22-13.694
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 27 NOVEMBRE 2024
L’association [Localité 4] innovation Sud développement, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° Q 22-13.694 contre l’arrêt rendu le 19 janvier 2022 par la cour d’appel de Bordeaux (chambre sociale, section A), dans le litige l’opposant à M. [L] [T], domicilié [Adresse 3], défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Rinuy, conseiller, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de l’association [Localité 4] innovation Sud développement, de la SCP Gouz-Fitoussi, avocat de M. [T], et l’avis de Mme Laulom, avocat général, après débats en l’audience publique du 23 octobre 2024 où étaient présents M. Sommer, président, M. Rinuy, conseiller rapporteur, M. Huglo, conseiller doyen, Mmes Ott, Sommé, Bouvier, Bérard, M. Dieu, conseillers, Mmes Chamley-Coulet, Lanoue, Ollivier, Arsac, conseillers référendaires, Mme Laulom, avocat général, et Mme Dumont, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l’article R. 431-5 du code de l’organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
1. Selon l’arrêt attaqué (Bordeaux, 19 janvier 2022), M. [T], né le [Date naissance 1] 1946, a été engagé, le 1er février 2000, en qualité de délégué général par l’association [Localité 4] innovation Sud développement (l’association). Le 1er octobre 2009, il a été admis à faire valoir ses droits à la retraite.
2. Le 5 octobre 2009, les parties ont conclu un contrat à durée déterminée dont le terme était fixé au 30 septembre 2011, le salarié étant engagé à temps partiel, en qualité de directeur affecté à des missions précisées au contrat.
3. Le 2 mai 2013, les parties ont signé un avenant, rappelant que le contrat de travail à durée déterminée, s’étant poursuivi au-delà de son terme, s’était transformé en contrat de travail à durée indéterminée.
4. Le 20 janvier 2016, l’association a convoqué le salarié en vue d’un entretien fixé au 28 janvier, exposant qu’elle envisageait sa mise à la retraite. Par lettre du 5 février 2016, elle lui a notifié sa mise à la retraite en application des articles L. 1237-5 et L. 1237-5-1 du code du travail.
5. Le 30 mars 2017, contestant sa mise à la retraite d’office et sollicitant qu’elle soit analysée en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, outre le paiement de diverses sommes, le salarié a saisi la juridiction prud’homale.
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
6. L’association fait grief à l’arrêt de dire que la mise à la retraite du salarié le 5 février 2016 s’analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et de la condamner, en conséquence, à payer au salarié certaines sommes au titre de l’indemnité de licenciement, de l’indemnité compensatrice de préavis, des congés payés afférents et à titre de dommages-intérêts pour licenciement abusif, alors « que lorsque le salarié avait atteint, au moment de son engagement, l’âge permettant à l’employeur de le mettre à la retraite, sans son accord, en application de l’article L. 1237-5 du code du travail, son âge ne peut constituer un motif permettant à l’employeur de mettre fin au contrat de travail ; que pour requalifier la mise à la retraite d’office du salarié à l’âge de 70 ans en licenciement sans cause réelle et sérieuse, la cour d’appel a jugé qu’ »à la date de conclusion de son contrat de travail à durée déterminée, soit le 8 octobre 2009, M. [T], né le [Date naissance 1] 1946, avait atteint l’âge lui permettant alors de prendre sa retraite, soit 60 ans, ainsi que le nombre maximum de trimestres de cotisations alors applicable, soit 156 » ; qu’en se fondant ainsi, au jour de l’engagement de M. [T] par l’association, sur l’âge légal de départ à la retraite du salarié (60 ans) au lieu et place de l’âge permettant à l’employeur de le mettre d’office à la retraite (70 ans), alors qu’il ressortait de ses constatations que M. [T] avait été engagé par l’association à l’âge de 63 ans, ce dont il résultait que sa mise à la retraite d’office à l’âge de 70 ans était légale, la cour d’appel a violé l’article L. 1237-5, dernier alinéa, du code du travail. »
Recevabilité du moyen
7. Le salarié conteste la recevabilité du moyen. Il fait valoir que l’association soutient pour la première fois, devant la Cour de cassation, que la prohibition d’une mise à la retraite d’office par l’employeur ne concernerait que l’hypothèse où le salarié a déjà atteint, à la date de son embauche, l’âge de 70 ans.
8. Cependant, dans ses conclusions d’appel, l’employeur faisait valoir qu’à partir de 70 ans, la mise à la retraite d’office est possible, que l’employeur a dès lors toute liberté pour prononcer la mise à la retraite d’un salarié ayant au moins 70 ans, sans avoir à solliciter le salarié sur ses intentions, que la jurisprudence admet par ailleurs la légalité de la procédure de mise à la retraite d’un salarié qui, au moment de son embauche, était déjà titulaire d’une pension de vieillesse à taux plein, que le salarié, lors de la signature du contrat à durée déterminée le 5 octobre 2009 était âgé de 63 ans, et quand bien même il avait liquidé ses droits à la retraite le 1er octobre 2009, l’employeur était fondé à prononcer sa mise à la retraite conformément aux arrêts de la Cour de cassation.
9. Le moyen est, dès lors, recevable.
Bien-fondé du moyen
Vu l’article L. 1237-5 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-1330 du 17 décembre 2008 :
10. Lorsque le salarié a atteint, au moment de son engagement, l’âge permettant à l’employeur de le mettre à la retraite sans son accord en application de l’article L. 1237-5 du code du travail, son âge ne peut constituer un motif permettant à l’employeur de mettre fin au contrat de travail.
11. Pour dire que la mise à la retraite d’office s’analyse en un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et condamner, en conséquence, l’association à payer au salarié certaines sommes à titre d’indemnité de licenciement, d’indemnité compensatrice de préavis, de congés payés afférents et de dommages-intérêts pour licenciement abusif, l’arrêt retient qu’en l’espèce, à la date de la conclusion de son contrat de travail à durée déterminée, soit le 5 octobre 2009, le salarié, né le [Date naissance 1] 1946, avait atteint l’âge lui permettant alors de prendre sa retraite, soit 60 ans, ainsi que le nombre maximum de trimestres de cotisations alors applicable, soit 156, et que l’association ne peut valablement soutenir qu’il y aurait lieu, a posteriori, de retenir un autre âge légal, résultant des différentes réformes successives des régimes de retraite intervenues depuis lors et ayant repoussé l’âge légal de départ en retraite, réformes qui, à la date à laquelle le contrat de travail à durée déterminée a été conclu, n’étaient encore ni effectives ni applicables.
12. En statuant ainsi, par des motifs erronés tenant à l’âge auquel le salarié est en droit de faire valoir ses droits à la retraite s’il le souhaite, alors qu’il ressortait de ses constatations que le salarié avait été engagé tandis qu’il était âgé de 63 ans, ce dont il résultait qu’il n’avait pas atteint, au moment de son engagement le 5 octobre 2009, l’âge de 70 ans permettant à l’employeur de le mettre à la retraite d’office en application des dispositions de la loi n° 2008-1330 du 17 décembre 2008 entrée en vigueur le 19 décembre 2008, la cour d’appel a violé le texte susvisé.
Portée et conséquences de la cassation
13. La cassation des chefs de dispositif disant que la mise à la retraite du salarié le 5 février 2016 s’analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamnant l’association à verser au salarié des sommes au titre de l’indemnité de licenciement, à titre d’indemnité compensatrice de préavis, de congés payés afférents et à titre de dommages-intérêts pour licenciement abusif n’emporte pas celle du chef de dispositif de l’arrêt condamnant l’association aux dépens, justifié par une autre condamnation non remise en cause.
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