Rétention administrative et garanties procédurales : enjeux de la protection des droits des étrangers.

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Rétention administrative et garanties procédurales : enjeux de la protection des droits des étrangers.

L’Essentiel : Mme [P] [W], ressortissante ukrainienne, a été placée en rétention administrative après un arrêté d’obligation de quitter le territoire français. Son appel contre la prolongation de cette rétention a été jugé recevable, bien que certains moyens aient été déclarés irrecevables. Le tribunal a validé l’utilisation de la visioconférence pour l’audience, confirmant que les conditions de confidentialité étaient respectées. Il a également constaté que le procureur avait été informé en temps utile. Finalement, l’ordonnance de prolongation de la rétention a été confirmée, laissant la possibilité d’un pourvoi en cassation.

Contexte de l’affaire

Mme [P] [W], ressortissante ukrainienne, a été soumise à un arrêté d’obligation de quitter le territoire français le 24 décembre 2024, accompagné d’une interdiction de retour d’un an. Ce même jour, elle a été placée en rétention administrative après une garde à vue.

Procédure de rétention

La prolongation de sa rétention a été autorisée par le juge du tribunal judiciaire de Rouen le 28 décembre 2024, pour une durée de vingt-six jours. Mme [P] [W] a interjeté appel de cette décision, soulevant plusieurs moyens.

Moyens invoqués par Mme [P] [W]

Dans son appel, elle a contesté l’irrégularité de la visioconférence, la tardiveté de l’avis au procureur sur son placement en rétention, l’absence de nécessité de cette mesure, une erreur d’appréciation du préfet, ainsi que l’insuffisance des diligences de l’administration française.

Réponse du parquet général

Le parquet général a requis la confirmation de l’ordonnance de prolongation de la rétention. Lors de l’audience, le conseil de Mme [P] [W] a réitéré ses arguments tout en ajoutant des moyens relatifs à l’irrecevabilité de la requête du préfet et à la notification des droits en garde à vue.

Recevabilité de l’appel

L’appel de Mme [P] [W] a été jugé recevable par le tribunal. Cependant, les moyens non mentionnés dans la déclaration d’appel ont été déclarés irrecevables en raison du non-respect du principe du contradictoire.

Visioconférence et conditions d’audience

Le recours à la visioconférence a été validé, car les conditions de confidentialité et de qualité de transmission étaient respectées. La salle d’audience était indépendante du centre de rétention et accessible au public.

Information du procureur de la République

Le tribunal a constaté que le procureur de la République avait été informé en temps utile du placement en rétention de Mme [P] [W], ce qui a été jugé conforme aux exigences légales.

Nécessité du placement en rétention

Le juge a souligné qu’il ne pouvait pas substituer son appréciation à celle du préfet concernant la nécessité du placement en rétention, ce qui a conduit à rejeter ce moyen.

Erreur manifeste d’appréciation

La décision de placement en rétention a été considérée comme ne présentant pas d’erreur manifeste d’appréciation, car les circonstances justifiant cette décision avaient été correctement énoncées.

Diligences de l’administration et perspectives d’éloignement

Le tribunal a noté que l’administration avait engagé des démarches pour l’éloignement de Mme [P] [W], et bien que l’éloignement vers l’Ukraine ne soit pas envisageable, d’autres options demeuraient possibles.

Conclusion de la décision

En conséquence, l’ordonnance de prolongation de la rétention a été confirmée dans toutes ses dispositions, et les parties ont été informées de leur droit de former un pourvoi en cassation.

Q/R juridiques soulevées :

Sur la recevabilité de l’appel

L’appel interjeté par Mme [P] [W] à l’encontre de l’ordonnance rendue le 28 décembre 2024 est déclaré recevable.

Cette décision repose sur le principe du contradictoire, qui est fondamental en matière de procédure civile. Selon l’article 15 du Code de procédure civile, « les parties doivent être en mesure de discuter de toutes les questions soulevées par l’instance ».

De plus, l’article 16 du même code précise que « le juge doit veiller à ce que le contradictoire soit respecté ».

En l’espèce, bien que le procureur général ait été régulièrement convoqué, son absence à l’audience a permis de considérer que les moyens développés par Mme [P] [W] étaient recevables, car ils avaient été communiqués dans le cadre de la déclaration d’appel.

Sur le recours à la visioconférence

Le recours à la visioconférence est encadré par l’article L.743-7 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA).

Cet article stipule que « l’audience se tient dans la salle d’audience attribuée au ministère de la justice spécialement aménagée à proximité immédiate du lieu de rétention ».

Il est également précisé que « le juge peut, de sa propre initiative ou sur demande des parties, suspendre l’audience lorsqu’il constate que la qualité de la retransmission ne permet pas à l’étranger ou à son conseil de présenter ses explications dans des conditions garantissant une bonne administration de la justice ».

Dans le cas présent, la salle d’audience était indépendante du centre de rétention, accessible au public, et la qualité de la transmission a été jugée satisfaisante.

Ainsi, le recours à la visioconférence a été validé, respectant les exigences de confidentialité et de qualité de transmission.

Sur l’avis donné au procureur de la République sur le placement en rétention administrative

L’article L.741-8 du CESEDA impose que « le procureur de la République doit être immédiatement avisé de la décision de maintien en rétention ».

Il est établi que l’avis au procureur peut être implicite, comme le souligne la jurisprudence (2e Civ., 4 novembre 2004).

En l’espèce, le procès-verbal indique que le procureur a été informé le 24 décembre 2024, ce qui respecte le délai requis.

Le moyen soulevé par Mme [P] [W] concernant la tardiveté de l’avis est donc rejeté, car l’information a été donnée dans les délais impartis.

Sur l’absence de nécessité du placement en rétention

Le juge judiciaire, lorsqu’il est saisi d’une requête pour contester la légalité d’un placement en rétention, exerce un contrôle limité à l’erreur manifeste d’appréciation.

Il ne peut substituer son appréciation à celle du préfet, qui est seul compétent pour décider de l’opportunité d’un placement en rétention.

Ainsi, le moyen soulevé par Mme [P] [W] est inopérant, car le juge ne peut que vérifier si l’administration a commis une erreur manifeste dans son appréciation des faits.

Sur l’erreur manifeste d’appréciation

L’article L.731-1 du CESEDA stipule que l’autorité administrative peut décider d’assigner à résidence un étranger dont l’éloignement est une perspective raisonnable.

La décision de placement en rétention doit être fondée sur des faits établis.

Dans le cas de Mme [P] [W], la décision mentionne qu’elle est démunie de documents d’identité et n’a pas justifié d’une résidence stable.

Ainsi, l’administration n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en ordonnant son placement en rétention.

Sur les diligences entreprises par l’administration française et les perspectives d’éloignement

Il est établi que l’administration française a satisfait à son obligation de diligences en saisissant les autorités ukrainiennes le 25 décembre 2024.

Bien que l’éloignement vers l’Ukraine ne soit pas envisageable, il n’est pas prouvé qu’aucune autre destination ne puisse être envisagée.

Le fait que l’époux de Mme [P] [W] soit de nationalité biélorusse ouvre des perspectives d’éloignement.

Par conséquent, le moyen soulevé par Mme [P] [W] est rejeté, et l’ordonnance de maintien en rétention est confirmée.

N° RG 24/04437 – N° Portalis DBV2-V-B7I-J26P

COUR D’APPEL DE ROUEN

JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT

ORDONNANCE DU 31 DECEMBRE 2024

Brigitte HOUZET, Conseillère à la cour d’appel de Rouen, spécialement désignée par ordonnance de la première présidente de ladite cour pour la suppléer dans les fonctions qui lui sont spécialement attribuées,

Assistée de Marie DEMANNEVILLE, Greffière ;

Vu les articles L 740-1 et suivants du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

Vu l’arrêté du préfet du Pas-de-Calais en date du 24 décembre 2024 portant obligation de quitter le territoire français pour Madame [P] [W]

née le 03 Novembre 1987 à [Localité 1] (UKRAINE), de nationalité Ukrainienne ;

Vu l’arrêté du préfet du Pas-de-Calais en date du 24 décembre 2024 de placement en rétention administrative de Mme [P] [W] ayant pris effet le 24 décembre 2024 à 17h05 ;

Vu la requête de Mme [P] [W] en contestation de la régularité de la décision de placement en rétention administrative ;

Vu la requête du préfet du Pas-de-Calais tendant à voir prolonger pour une durée de vingt six jours la mesure de rétention administrative qu’il a prise à l’égard de Madame [P] [W] ;

Vu l’ordonnance rendue le 28 Décembre 2024 à 13h30 par le Juge des libertés et de la détention de ROUEN, déclarant la décision de placement en rétention prononcée à l’encontre de Madame [P] [W] régulière, et ordonnant en conséquence son maintien en rétention pour une durée de vingt six jours à compter du 28 décembre 2024 à 17h05 jusqu’au 23 janvier 2025 à la même heure;

Vu l’appel interjeté par Mme [P] [W], parvenu au greffe de la cour d’appel de Rouen le 30 décembre 2024 à 11h52 ;

Vu l’avis de la date de l’audience donné par le greffier de la cour d’appel de Rouen :

– aux services du directeur du centre de rétention de [Localité 2],

– à l’intéressée,

– au préfet du Pas-de-Calais,

– à Me Marie CAMAIL, avocat au barreau de ROUEN, de permanence,

– à Mme [K] [I], interprète en langue ukrainienne,

Vu les dispositions des articles L 743-8 et R 743-5 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

Vu la décision prise de tenir l’audience grâce à un moyen de télécommunication audiovisuelle et d’entendre la personne retenue par visioconférence depuis les locaux dédiés à proximité du centre de rétention administrative de [Localité 2] ;

Vu la demande de comparution présentée par Mme [P] [W];

Vu l’avis au ministère public ;

Vu les débats en audience publique, en présence de Mme [K] [I], interprète en langue ukrainienne, expert assermenté, de Me Rebecca ILL, avocate au barreau de Paris, représentant le PREFET DU PAS DE CALAIS, et en l’absence du ministère public ;

Vu la comparution de Mme [P] [W] par visioconférence depuis les locaux dédiés à proximité du centre de rétention administrative de [Localité 2] ;

Me Marie CAMAIL, avocat au barreau de ROUEN, étant présente au palais de justice ;

Vu les réquisitions écrites du ministère public ;

Les réquisitions et les conclusions ont été mises à la disposition des parties ;

L’appelant et son conseil ayant été entendus ;

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Décision prononcée par mise à disposition de l’ordonnance au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

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FAITS, PROCÉDURE ET MOYENS

Mme [P] [W] déclare être ressortissante ukrainienne.

Elle a fait l’objet d’un arrêté portant obligation de quitter le territoire français sans délai assorti d’une interdiction de retour d’une durée de un an le 24 décembre 2024.

Elle a été placée en rétention administrative le 24 décembre 2024, à l’issue d’une mesure de garde à vue.

La prolongation de sa rétention administrative a été autorisée par ordonnance du juge du tribunal judiciaire de Rouen du 28 décembre 2024 pour une durée de vingt-six jours.

Mme [P] [W] a interjeté appel de cette décision.

Au soutien de son appel, elle fait valoir :

-l’irrégularité du recours à la visioconférence

-la tardiveté de l’avis donné au procureur de la République sur son placement en rétention

-l’absence de nécessité de son placement en rétention, eu égard à son droit au maintien sur le territoire français durant l’examen de sa demande d’asile et à l’absence de perspectives d’éloignement vers l’Ukraine

-l’erreur d’appréciation commise par le préfet

-l’insuffisance des diligences entreprises par l’administration française et l’absence de prespectives d’éloignement

Le dossier a été communiqué au parquet général qui, par avis écrit du 30 décembre 2024, a requis la confirmation de l’ordonnance.

A l’audience, son conseil a réitéré les moyens développés dans l’acte d’appel, y ajoutant des moyens tenant à l’irrecevabilité de la requête du préfet, la notification des droits en garde à vue et l’ambiguïté affectant la fin de la garde à vue.

Le préfet du Pas-de-Calais, représenté par son conseil, a conclu à la confirmation de l’ordonnance.

Mme [P] [W], a été entendue en ses observations.

MOTIVATION DE LA DECISION

Sur la recevabilité de l’appel

Il résulte des énonciations qui précédent que l’appel interjeté par Mme [P] [W] à l’encontre de l’ordonnance rendue le 28 Décembre 2024 par le magistrat du siège du tribunal judiciaire de Rouen est recevable.

Sur le fond

*sur les moyens non invoqués dans la déclaration d’appel et tenant à l’irrecevabilité de la requête du préfet, la notification des droits en garde à vue et l’ambiguïté affectant la fin de la garde à vue:

Vu les articles 15 et 16 du code de procédure civile :

Si les moyens de l’acte d’appel peuvent être complétés par de nouveaux moyens dans le délai de recours de 24h, en revanche il est constant qu’en l’absence d’une des parties, seuls les moyens énoncés dans la déclaration d’appel peuvent être invoqués (1ère Civ. 23 juin 2010, pourvoi n° 09-14.958). Il s’agit du principe du contradictoire dont le juge civil est le gardien.

En l’espèce, bien que régulièrement convoqué, le procureur général est absent à l’audience de ce jour.

Il est également constaté que les moyens tirés de l’irrecevabilité de la requête du préfet, la notification des droits en garde à vue et l’ambiguïté affectant la fin de la garde à vue ne lui ont pas été communiqués ni mis à disposition par une pièce présente au dossier et consultable au greffe de la chambre des rétentions (1ère Civ 1er juin 2011 pourvoi n°10-14.415).

Dès lors, le principe du contradictoire n’a pas été respecté en l’espèce, ces moyens n’ayant été développés qu’oralement à l’audience de ce jour. Ils seront donc déclarés irrecevables.

*sur le recours à la visioconférence:

L’article L.743-7 du CESEDA, dans sa rédaction issue de la loi du 26 janvier 2024, dispose : « Afin d’assurer une bonne administration de la justice et de permettre à l’étranger de présenter ses explications, l’audience se tient dans la salle d’audience attribuée au ministère de la justice spécialement aménagée à proximité immédiate du lieu de rétention.

Le juge peut toutefois siéger au tribunal judiciaire dans le ressort duquel se situe le lieu de rétention. Les deux salles d’audience sont alors ouvertes au public et reliées entre elles en direct par un moyen de communication audiovisuelle garantissant la confidentialité et la qualité de la transmission.

Dans le cas mentionné au deuxième alinéa, le conseil de l’étranger, de même que le représentant de l’administration, peuvent assister à l’audience dans l’une ou l’autre salle. Il a le droit de s’entretenir avec son client de manière confidentielle. Une copie de l’intégralité du dossier est mise à la disposition du requérant. Un procès-verbal attestant de la conformité des opérations effectuées au présent article est établi dans chacune des salles d’audience.

Le juge peut, de sa propre initiative ou sur demande des parties, suspendre l’audience lorsqu’il constate que la qualité de la retransmission ne permet pas à l’étranger ou à son conseil de présenter ses explications dans des conditions garantissant une bonne administration de la justice.

Par dérogation au premier alinéa, lorsqu’aucune salle n’a été spécialement aménagée à proximité immédiate ou en cas d’indisponibilité de la salle, l’audience se tient au siège du tribunal judiciaire dans le ressort duquel se situe le lieu de rétention.

Par dérogation au présent article, lorsqu’est prévue une compétence territoriale dérogatoire à celle fixée par voie réglementaire, l’audience se tient au siège du tribunal judiciaire auquel appartient le juge compétent. Le juge peut toutefois décider que l’audience se déroule avec l’utilisation de moyens de communication audiovisuelle, dans les conditions prévues aux deuxième et troisième alinéas. »

Tant le Conseil d’Etat (18 novembre 2011) que la Cour de cassation (notamment 12 octobre 2011) ont estimé que si la salle d’audience était autonome et hors de l’enceinte du centre de rétention administrative, qu’elle était accessible au public par une porte autonome donnant sur la voie publique, que la ou les salles d’audience n’étaient pas reliées aux bâtiments composant le centre, qu’une clôture la séparait du centre de rétention, ces conditions permettent au juge de statuer publiquement, dans le respect de l’indépendance des magistrats et de la liberté des parties.

Il est par ailleurs acquis que l’utilisation de la visioconférence lors de l’audience devant le juge des libertés et de la détention ne contrevient pas aux dispositions de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme garantissant le droit à un procès équitable.

Il en résulte que le recours à la visioconférence est subordonné à la condition que soit assurée la confidentialité de la transmission entre le tribunal et la salle d’audience spécialement aménagée à cet effet, ouverte au public et située dans les locaux attribués au ministère de la justice (décision n°2018-770 DC du 6 septembre 2018, §28) à proximité immédiate et non à l’intérieur du centre de rétention ou dans des locaux relevant du Ministère de l’Intérieur, étant précisé que le fait que cette salle soit éventuellement gérée par le ministère de l’intérieur n’est pas de nature à remettre en cause son attribution au ministère de la justice ;

En l’espèce, sur le caractère adapté ou non de la salle d’audience aménagée, la cour relève que ladite salle, la salle de télévision où se trouve la personne retenue et la salle réservée aux entretiens confidentiels avec l’avocat, sont situées dans l’enceinte territoriale de l’Ecole de [3] de [Localité 2], comme le centre de rétention administrative lui-même, mais dans des locaux totalement indépendants du centre, en ce qu’elle n’est pas reliée aux bâtiments composant le centre, qu’elle est accessible au public par une porte autonome donnant sur la voie publique, une clôture séparant son accès du centre de rétention. En tout état de cause, il n’est pas soutenu, et a fortiori justifié de ce que des personnes se seraient présentées pour assister à l’audience depuis la salle située à [Localité 2] et en auraient été empêchées.

L’audience devant le juge des libertés et de la détention de Rouen s’est donc tenue, conformément au deuxième alinéa de l’article précité, dans une salle ouverte au public au tribunal judiciaire située à proximité immédiate des locaux du centre de rétention, spécialement aménagée à cet effet et attribuée au ministère de la justice, par un moyen de communication audiovisuelle garantissant, la clarté, la sincérité et la publicité des débats, la confidentialité et la qualité de la transmission, un procès-verbal de l’audience en visio-conférence ayant été établi à cet effet.

En conséquence, le moyen sera rejeté.

*sur l’avis donné au procureur de la République sur le placement en rétention administrative:

La rétention administrative est une mesure privative de liberté de sorte que le législateur a prévu, parmi les garanties entourant une telle mesure, l’information immédiate du procureur de la République (article L. 741-8 du CESEDA).

L’avis au procureur peut être implicite et se déduire du fait que le procès-verbal de notification de l’arrêté de maintien dans des locaux ne dépendant pas de l’administration pénitentiaire mentionne que les fonctionnaires de police agissent sur instructions de ce procureur (2e Civ., 4 novembre 2004, pourvoi n° 04-50.021).

Un seul procureur de la République doit être immédiatement avisé de la décision de maintien en rétention prise par le représentant de l’État dans le département (1re Civ., 8 novembre 2005, pourvoi n° 04-50.144, Bull. 2005, I, n°406).

Le procureur de la République à aviser peut être celui du lieu de décision de cette mesure ou celui du lieu de rétention (1re Civ., 8 novembre 2005, pourvoi n° 04-50.126, Bull. 2005, I, n° 405).

En l’espèce, il résulte du procès-verbal n°241 1882 2024 (p18), que Mme [Z], substitut du procureur de la République près le tribunal judiciaire de Arras a été avisée par attache téléphonique le 24 décembre 2024 à 13h20 du placement en retenue de Mme [P] [W] et a donné pour instructions de mettre fin à la garde à vue et de lui transmettre la présente procédure en vue d’un classement 61 (autres poursuites ou sanctions non pénales).

Il en résulte que le procureur de la République près le tribunal judiciaire de Arras a suivi la procédure dirigée à l’encontre de Mme [P] [W], de son début, le placement en garde à vue, à sa fin, levée de la mesure de retenue et notification du placement en rétention administrative le même jour de 17h15 à 17h25, qu’il a donné ses instructions quant à la clôture de cette procédure et a, par conséquent été informé du placement en rétention administrative.

L’avis ainsi donné au procureur n’apparaît pas tardif.

Dans cette configuration, en présence d’un transfert depuis les locaux de la retenue vers le centre de rétention, l’avis donné à un seul procureur est suffisant et le moyen sera rejeté.

*sur l’absence de nécessité du placement en rétention:

Le juge judiciaire, saisi d’une requête aux fins d’autorisation de la prolongation de la rétention administrative ou d’une contestation de la légalité de l’arrêté de placement, exerce, sur les motifs de celui-ci, un contrôle minimum, limité à l’erreur manifeste d’appréciation ou à l’insuffisance de la motivation de l’arrêté.

En dehors de ces hypothèses le juge ne peut aucunement substituer une quelconque appréciation à celle du préfet, seul compétent pour décider de l’opportunité d’un placement en rétention.

Dès lors, le moyen est inopérant.

*sur l’erreur manifeste d’appréciation,

L’article L. 731-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, prévoit que l’autorité administrative peut prendre une décision d’assignation à résidence à l’égard de l’étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l’éloignement demeure une perspective raisonnable. Il est constant que la décision de placement en rétention est entachée d’une erreur manifeste d’appréciation lorsque l’administration s’est trompée grossièrement dans l’appréciation des faits qui ont motivé sa décision. Le juge peut sanctionner une erreur manifeste d’appréciation des faits à condition qu’elle soit grossière, flagrante, repérable par le simple bon sens, et qu’elle entraîne une solution choquante dans l’appréciation des faits par l’autorité administrative.

En l’espèce, la décision de placement en rétention cite les textes applicables à la situation de Mme [P] [W] et énonce les circonstances qui justifient l’application de ces dispositions. Elle précise notamment que Mme [P] [W] est démunie de documents d’identité et de voyage et n’a pas déclaré le lieu de sa résidence effective ou permanente. Mme [P] [W] soutient avoir communiqué une adresse.

Mme [P] [W] n’a cependant pas justifié du caractère stable de la dite résidence, alors qu’elle avait déclaré, au cours de sa garde à vue, être sans domicile fixe. En conséquence, l’autorité préfectorale n’a pas commis d’erreur d’appréciation en ordonnant le placement en rétention administrative de l’intéressé.

Ce moyen est inopérant.

*sur les diligences entreprises par l’administration française et les perspectives d’éloignement:

Mme [P] [W] est démunie de passeport et de documents d’identité. Les autorités ukrainiennes ont été saisies le 25 décembre 2024. L’administration française a ainsi satisfait à son obligation de diligences.

Par ailleurs, s’il est constant qu’un éloignement à destination de l’Ukraine n’est pas envisageable actuellement, il n’est pas établi qu’une autre destination ne puisse être fixée, ce, alors que l’époux de Mme [P] [W] est de nationalité biélorusse et que le couple peut vivre en Biélorussie. Par suite, rien ne permet de conclure à une absence de perspectives d’éloignement. Le moyen sera donc rejeté.

En conséquence, l’ordonnance entreprise sera confirmée en toutes ses dispositions.

PAR CES MOTIFS :

Statuant publiquement, par ordonnance réputée contradictoire et en dernier ressort,

Déclare irrecevables les moyens non invoqués dans la déclaration d’appel et tenant à l’irrecevabilité de la requête du préfet, la notification des droits en garde à vue et l’ambiguïté affectant la fin de la garde à vue;

Déclare recevable l’appel interjeté par Mme [P] [W] à l’encontre de l’ordonnance rendue le 28 Décembre 2024 par le magistrat du siège du tribunal judiciaire de Rouen ordonnant son maintien en rétention pour une durée de vingt six jours,

Confirme la décision entreprise en toutes ses dispositions.

Fait à Rouen, le 31 Décembre 2024 à 14h32.

LE GREFFIER, LA CONSEILLERE,

NOTIFICATION

La présente ordonnance est immédiatement notifiée contre récépissé à toutes les parties qui en reçoivent une expédition et sont informées de leur droit de former un pourvoi en cassation dans les deux mois de la présente notification et dans les conditions fixées par les articles 973 et suivants du code de procédure civile.


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