Rétention administrative et protection des victimes de violences conjugales : enjeux et limites.

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Rétention administrative et protection des victimes de violences conjugales : enjeux et limites.

L’Essentiel : M. [P] [I] [H], né le 23 octobre 1983 en Côte d’Ivoire, de nationalité italienne, a été ordonné de quitter le territoire français par le préfet de la Moselle le 26 décembre 2024. Après avoir contesté sa rétention, le juge des libertés a ordonné sa remise en liberté le 31 décembre, tout en rappelant son obligation de départ. Le préfet a interjeté appel le 2 janvier 2025, arguant que M. [P] [I] [H] représentait une menace pour l’ordre public. Cependant, la cour a confirmé la décision du juge, soulignant les garanties de représentation de l’intéressé.

Identité de l’Intéressé

M. [P] [I] [H], né le 23 octobre 1983 à [Localité 2] en Côte d’Ivoire, est de nationalité italienne et réside à [Adresse 1].

Décisions Administratives

Le 26 décembre 2024, le préfet de la Moselle a pris un arrêté ordonnant à M. [P] [I] [H] de quitter le territoire français, suivi d’une décision de placement en rétention administrative notifiée le même jour à 15h05.

Recours et Prolongation de Rétention

M. [P] [I] [H] a déposé un recours le 28 décembre 2024 pour contester sa rétention. Le préfet a ensuite demandé le 30 décembre 2024 la prolongation de cette rétention pour 26 jours.

Ordonnance du Juge

Le 31 décembre 2024, le juge des libertés et de la détention a déclaré recevables les recours de M. [P] [I] [H] et du préfet, ordonnant sa remise en liberté tout en rappelant son obligation de quitter le territoire français.

Appel du Préfet

Le préfet de la Moselle a interjeté appel de l’ordonnance le 2 janvier 2025, dans les formes et délais légaux.

Évaluation des Faits

Une enquête sur des faits de violences conjugales a été classée sans suite le 26 décembre 2024, le procureur ayant jugé l’infraction insuffisamment caractérisée. L’arrêté de rétention se basait sur des antécédents de violences et un risque de soustraction à la mesure d’éloignement.

Arguments du Préfet

Le préfet a soutenu que M. [P] [I] [H] représentait une menace pour l’ordre public, citant des antécédents de violences conjugales. Il a également affirmé qu’une assignation à résidence n’était pas viable en raison de la présence de la victime.

Décision Finale

La cour a confirmé l’ordonnance du juge, rejetant l’appel du préfet et soulignant que M. [P] [I] [H] avait des garanties de représentation et n’était pas considéré comme un risque de soustraction à la mesure d’éloignement. L’obligation de quitter le territoire français a été rappelée.

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les conditions de la rétention administrative selon le CESEDA ?

La rétention administrative est régie par plusieurs articles du Code de l’Entrée et du Séjour des Étrangers et du Droit d’Asile (CESEDA).

L’article L. 141-2 stipule que « la rétention administrative peut être ordonnée à l’égard d’un étranger qui fait l’objet d’une obligation de quitter le territoire français ».

De plus, l’article L. 141-3 précise que « la rétention ne peut excéder 48 heures, sauf si l’étranger est placé en rétention dans le cadre d’une procédure de reconduite à la frontière ».

Il est également important de noter que l’article L. 611-1 à L. 614-19 encadre les droits des étrangers en rétention, notamment en ce qui concerne l’accès à un avocat et les conditions de détention.

En résumé, la rétention administrative doit être justifiée par une obligation de quitter le territoire et respecter les délais et conditions fixés par le CESEDA.

Quels sont les recours possibles contre une décision de rétention administrative ?

Les recours contre une décision de rétention administrative sont prévus par le CESEDA.

L’article L. 512-1 stipule que « l’étranger peut contester la décision de placement en rétention devant le juge des libertés et de la détention ».

De plus, l’article R. 741-1 précise que « le recours doit être formé dans un délai de 48 heures à compter de la notification de la décision ».

Il est également mentionné dans l’article L. 741-2 que « le juge doit statuer dans un délai de 5 jours suivant la saisine ».

Enfin, l’article L. 751-9 indique que « l’étranger a le droit d’être assisté par un avocat lors de l’audience ».

Ainsi, les recours sont clairement définis et garantissent les droits de l’étranger en matière de rétention administrative.

Quelles sont les implications d’une décision de placement en rétention sur l’ordre public ?

La décision de placement en rétention administrative est souvent justifiée par des considérations d’ordre public.

L’article L. 251-1 du CESEDA stipule que « la rétention peut être ordonnée lorsque l’étranger représente une menace pour l’ordre public ».

De plus, l’article L. 251-2 précise que « la menace à l’ordre public peut être appréciée au regard des antécédents judiciaires de l’étranger ».

Dans le cas de M. [P] [I] [H], la préfecture a évoqué des faits de violences conjugales pour justifier la rétention, soulignant que « le risque de soustraction peut être apprécié au regard de la menace à l’ordre public ».

Cependant, il est essentiel de noter que la jurisprudence exige que cette menace soit clairement établie et que des éléments concrets soient présentés pour justifier la rétention.

Comment la jurisprudence évalue-t-elle les garanties de représentation d’un étranger en rétention ?

Les garanties de représentation d’un étranger en rétention sont un élément clé dans l’évaluation de la nécessité de la mesure.

L’article L. 251-3 du CESEDA stipule que « l’étranger doit justifier de garanties de représentation effectives pour éviter un risque de soustraction à la mesure d’éloignement ».

Dans le cas de M. [P] [I] [H], le tribunal a noté qu’il disposait d’un emploi stable et d’un domicile, ce qui constitue des garanties sérieuses de représentation.

De plus, l’article L. 611-1 souligne que « l’étranger a le droit de présenter des éléments de preuve concernant sa situation personnelle ».

Ainsi, la jurisprudence prend en compte non seulement les antécédents judiciaires, mais aussi la situation personnelle de l’étranger pour évaluer les garanties de représentation.

Quelles sont les conséquences d’un classement sans suite dans une affaire de violences conjugales sur une décision de rétention ?

Le classement sans suite dans une affaire de violences conjugales peut avoir des conséquences significatives sur une décision de rétention.

L’article L. 251-4 du CESEDA précise que « la rétention ne peut être justifiée par des faits qui n’ont pas été caractérisés ».

Dans le cas de M. [P] [I] [H], le procureur a décidé d’un classement sans suite, indiquant que « l’infraction était insuffisamment caractérisée ».

Cela signifie que les éléments justifiant la rétention pour menace à l’ordre public sont affaiblis, car il n’y a pas de preuve suffisante de comportements violents.

Ainsi, le classement sans suite peut conduire à une remise en question de la légitimité de la rétention administrative, comme cela a été observé dans la décision du juge des libertés et de la détention.

COUR D’APPEL DE COLMAR

SERVICE DES RETENTIONS ADMINISTRATIVES

N° RG 25/00002 – N° Portalis DBVW-V-B7J-IN4S

N° de minute : 25/01

ORDONNANCE

Nous, Anne PAULY, Présidente de Chambre à la Cour d’Appel de Colmar, agissant par délégation de la première présidente, assistée de Manon GAMB, greffier ;

Dans l’affaire concernant :

M. [P] [I] [H]

né le 23 Octobre 1983 à [Localité 2] (COTE D’IVOIRE)

de nationalité italienne

Demeurant [Adresse 1]

VU les articles L.141-2 et L.141-3, L.251-1 à L.261-1, L.611-1 à L.614-19, L.711-2, L.721-3 à L.722-8, L.732-8 à L.733-16, L.741-1 à L.744-17, L.751-9 à L.754-1, L761-8, R.741-1,R743-12 et suivantts R.744-16, R.761-5 du Code de l’Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit d’Asile (CESEDA) ;

VU l’arrêté pris le 26 décembre 2024 par le préfet de la Moselle faisant obligation à M. [P] [I] [H] de quitter le territoire français ;

VU la décision de placement en rétention administrative prise le 26 décembre 2024 par le préfet de la Moselle à l’encontre de M. [P] [I] [H], notifiée à l’intéressé le même jour à 15h05 ;

VU le recours de M. [P] [I] [H] daté du 28 décembre 2024, reçu le même jour à 15h45 au greffe du tribunal, par lequel il demande au tribunal d’annuler la décision de placement en rétention administrative pris à son encontre ;

VU la requête de M. le Préfet de la Moselle datée du 30 décembre 2024, reçue le même jour à 14h23 au greffe du tribunal, tendant à la prolongation de la rétention administrative pour une durée de 26 jours de M. [P] [I] [H] ;

VU l’ordonnance rendue le 31 Décembre 2024 à 12h40 par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Strasbourg, statuant en qualité de magistrat du siège, déclarant la requête du préfet de la Moselle recevable, déclarant le recours de M. [P] [I] [H] recevable, faisant droit au recours de M. [P] [I] [H], ordonnant la remise en liberté de M. [P] [I] [H], rappelant à l’intéressé qu’il a l’obligation de quitter le territoire français, et rappelant qu’il sera maintenu à disposition de la justice dans un délai de 24h à compter de la notification de la présente ordonnance au procureur de la République ;

VU la mention apposée sur l’ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal judidiciaire de Strasbourg, statuant en qualité de magistrat du siège, selon laquelle le procureur de la République déclare ne pas s’opposer à la mise à exécution de la présente ordonnance le 31 décembre 2024 à 14h50;

VU l’appel de cette ordonnance interjeté par M. LE PREFET DE LA MOSELLE par voie électronique reçue au greffe de la Cour le 02 Janvier 2025 à 09h53 ;

VU les avis d’audience délivrés le 02 janvier 2025 à l’intéressé, à Maître Vincent MERRIEN, avocat de permanence, à la SELARL CENTAURE AVOCATS, à M. LE PREFET DE LA MOSELLE et à M. Le Procureur Général ;

Après avoir entendu Maître Vincent MERRIEN, avocat au barreau de COLMAR, commise d’office,

MOTIFS DE LA DÉCISION :

L’appel de la préfecture de la Moselle a été interjeté dans les formes et délais légaux, et est dès lors recevable.

La procédure pénale pour des faits de violences conjugales du 25 décembre 2024 a donné lieu à un classement sans suite décidé par le procureur de la République de Thionville le 26 décembre 2024 à 14h50, l’infraction étant insuffisamment caractérisée.

Le 26 décembre 2024 à 15h05, un arrêté du Préfet de la Moselle ordonnant le placement en rétention de M. [P] [I] [H] pour une durée de quatre jours a été notifié à l’intéressé, au visa d’un arrêté du 26 décembre 2024 portant obligation de quitter le territoire français et fixant une interdiction de circulation sur le territoire français pour une durée de trois ans.

L’arrêté ordonnant le placement en rétention vise le placement en garde à vue par la police de [Localité 4] pour des faits de ‘violences aggravées’ et l’absence de garanties de représentation effectives propres à prévenir un risque de soustraction à la mesure d’éloignement, aucune autre mesure n’apparaissant suffisante à garantir efficacement l’exécution de cette décision.

Dans le mémoire transmis au soutien de l’appel , le conseil du Préfet de la Moselle souligne : – que le placement en rétention se fonde justement sur la menace à l’ordre public que représente M. [H], lequel a été placé en garde à vue pour violences conjugales et selon son épouse se serait déjà montré violent à son égard et que le risque de soustraction peut être apprécié au regard de la menace à l’ordre public qu’une personne représente,

– que la possibilité d’hébergement au sein de sa famille ne pouvait être retenue comme permettant une assignation à résidence puisqu’une telle mesure reviendrait, contrairement à la jurisprudence de la CEDH quant aux obligations faites aux Etats en matière de violences conjugales, à obliger la victime à résider avec l’ auteur de violences conjugales.

Il convient en l’espèce de relever qu’ à l’issue de l’enquête au cours de laquelle la plaignante avait été entendue de manière précise, une évaluation des besoins spécifiques de protection ayant été effectuée et le mis en cause placé en garde à vue et entendu sur les violences conjugales dénoncées, les policiers ayant constaté les blessures qu’il présentait lui-même et imputait à son épouse, le classement sans suite a été décidé par le parquet le 26 décembre 2024 à 14h50 au motif que l’infraction était insuffisamment caractérisée.

Entendue sur de précédentes violences, l’épouse a évoqué un précédent ‘en Italie, il y a plusieurs années, nous nous étions bagarrés’ mais a ultérieurement répondu à une question sur de précédentes démarches pour mettre fin ou tenter de mettre fin aux violences: ‘rien cela n’arrive jamais’.

Il ne peut dès lors, au vu des pièces de la procédure et hors tout autre élément, être retenu que la menace à l’ordre public que représenterait M. [H] , lequel justifie d’un emploi au Luxembourg et d’un domicile à [Localité 4], est marié et père de deux enfants mineurs dont il assure l’entretien et était jusqu’ici inconnu des services de police, rendrait vraisemblable un risque de soustraction à la mesure d’éloignement.

M. [H] de nationalité italienne, dispose de garanties sérieuses de représentation, son retour au domicile familial ne peut être considéré comme contraignant une victime de violences conjugales à vivre avec l’auteur de celles-ci puisqu’en l’espèce ces violences n’ont pas été considérées comme caractérisées. Par ailleurs M. [H], s’est déclaré prêt à se soumettre spontanément à une mesure d’éloignement et a communiqué ses documents d’identité et justifié de sa situation tant en termes de logement que d’emploi.

Il convient dès lors de confirmer l’ordonnance du juge des libertés et de la détention de Strasbourg, qui a débouté Monsieur le Préfet du département de la Moselle de sa demande de prolongation de la mesure de rétention.

PAR CES MOTIFS :

DÉCLARONS l’appel de M. LE PREFET DE LA MOSELLE recevable en la forme ;

Au fond, le REJETONS ;

CONFIRMONS l’ordonnance rendue par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Strasbourg, statuant en qualité de magistrat du siège, le 31 Décembre 2024 ;

RAPPELONS que l’interessé a l’obligation de quitter le territoire français ;

Prononcé à Colmar, en audience publique, le 02 Janvier 2025 à 15h17.

Le greffier, Le président,

reçu notification et copie de la présente,

le 02 Janvier 2025 à 15h17

l’avocat de l’intéressé

Maître Vincent MERRIEN

absent lors du prononcé de la décision

l’intéressé

M. [P] [I] [H]

non comparant

l’avocat de la préfecture

Me MOREL

non comparante

EXERCICE DES VOIES DE RECOURS :

– pour information : l’ordonnance n’est pas susceptible d’opposition,

– le pourvoi en cassation est ouvert à l’étranger, à l’autorité administrative qui a prononcé le maintien en zone d’attente ou en rétention et au ministère public,

– le délai du pourvoi en cassation est de deux mois à compter du jour de la notification de la décision, ce délai étant augmenté de deux mois lorsque l’auteur du pourvoi demeure à l’étranger,

– le pourvoi en cassation doit être formé par déclaration au Greffe de la Cour de cassation qui doit être obligatoirement faite par un avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation,

– l’auteur d’un pourvoi abusif ou dilatoire peut être condamné à une amende civile,

– ledit pourvoi n’est pas suspensif.

La présente ordonnance a été, ce jour, communiquée :

– au CRA de [Localité 3]

– à Monsieur [H] [P] [I] par LRAR

– à Maître Vincent MERRIEN

– à M. LE PREFET DE LA MOSELLE

– à la SELARL CENTAURE AVOCATS

– à M. Le Procureur Général près la Cour de ce siège.

Le Greffier


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