Rétention administrative et droits des étrangers : évaluation des garanties et des motivations.

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Rétention administrative et droits des étrangers : évaluation des garanties et des motivations.

L’Essentiel : Mme [B] [T] [L], ressortissante vietnâmienne, a été placée en rétention administrative après un arrêté d’obligation de quitter le territoire français. Le 17 janvier 2025, le tribunal de Rouen a prolongé cette rétention, décision qu’elle a contestée par appel. Elle a soulevé plusieurs moyens, notamment l’absence de formulaire en vietnamien et l’incompatibilité de son état de santé avec la rétention. Cependant, le juge a jugé que l’assistance d’un interprète était suffisante et que son état de santé ne justifiait pas une libération. L’ordonnance a été confirmée, et sa demande d’indemnisation a été rejetée.

Identité et situation de Mme [B] [T] [L]

Mme [B] [T] [L] se déclare ressortissante vietnâmienne. Elle a été soumise à un arrêté d’obligation de quitter le territoire français le 30 décembre 2024, suivi d’un placement en rétention administrative le 13 janvier 2025.

Procédure judiciaire

Le 17 janvier 2025, le juge du tribunal judiciaire de Rouen a autorisé la prolongation de la rétention administrative de Mme [B] [T] [L]. Cette décision a été contestée par Mme [B] [T] [L] par le biais d’un appel, dans lequel elle a soulevé plusieurs moyens.

Moyens soulevés par Mme [B] [T] [L]

Dans son appel, Mme [B] [T] [L] a fait valoir l’absence de remise d’un formulaire dans sa langue, l’insuffisance de la motivation de l’arrêté de placement, l’incompatibilité de son état de santé avec la rétention, ainsi que l’illégalité de l’arrêté d’obligation de quitter le territoire en raison de violations des normes européennes sur la traite des êtres humains. Elle a également demandé une indemnisation de 800 euros pour ses frais irrépétibles.

Réactions des autorités

Le parquet général a requis la confirmation de l’ordonnance de prolongation de la rétention. Lors de l’audience, le conseil de Mme [B] [T] [L] a réitéré les arguments de l’appel, tandis que le préfet du Pas-de-Calais n’a pas comparu ni fourni d’observations.

Analyse de la décision

L’appel a été jugé recevable. Concernant l’absence de remise d’un formulaire en langue vietnâmienne, il a été établi que l’assistance d’un interprète par téléphone était suffisante. La motivation de l’arrêté de placement a été jugée adéquate, mentionnant l’absence de résidence stable et l’abstention d’exécution de l’arrêté d’obligation de quitter le territoire.

État de santé de Mme [B] [T] [L]

Mme [B] [T] [L] a affirmé souffrir de pneumonie, mais aucune preuve médicale n’a été fournie pour établir que son état de santé était incompatible avec la rétention. Le centre de rétention dispose d’une unité médicale capable de répondre à ses besoins.

Illégalité de l’arrêté d’obligation de quitter le territoire

Le juge a rappelé que le juge judiciaire n’est pas compétent pour statuer sur la légalité de l’arrêté d’obligation de quitter le territoire. Les arguments concernant la qualité de victime de traite des êtres humains n’ont pas été retenus, car les éléments présentés ne prouvaient pas que Mme [B] [T] [L] ait été victime d’un réseau de trafic.

Conclusion de la décision

L’ordonnance du 17 janvier 2025 a été confirmée dans son intégralité, et la demande de remboursement des frais irrépétibles a été rejetée. La décision a été rendue à Rouen le 21 janvier 2025.

Q/R juridiques soulevées :

Sur la recevabilité de l’appel

L’appel interjeté par Mme [B] [T] [L] à l’encontre de l’ordonnance rendue le 17 janvier 2025 est déclaré recevable.

Cette recevabilité est fondée sur les dispositions de l’article R. 511-1 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, qui stipule que les décisions de placement en rétention administrative peuvent faire l’objet d’un recours devant le juge judiciaire.

Ainsi, l’appel est conforme aux exigences légales, permettant à Mme [B] [T] [L] de contester la décision de prolongation de sa rétention.

Sur l’absence de remise d’un formulaire de notification des droits en langue vietnamienne

Concernant l’absence de remise d’un formulaire de notification des droits en langue vietnamienne, il est important de se référer à l’article L. 552-1 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.

Cet article précise que les droits des personnes placées en rétention doivent être notifiés dans une langue qu’elles comprennent.

Dans le cas présent, Mme [B] [T] [L] a été assistée par un interprète par téléphone, ce qui a permis de lui notifier ses droits de manière adéquate.

La jurisprudence a établi que la remise d’un formulaire écrit n’est pas toujours nécessaire si l’assistance linguistique est fournie de manière efficace et immédiate.

Ainsi, le moyen soulevé par Mme [B] [T] [L] est rejeté.

Sur la motivation de l’arrêté de placement en rétention

L’article L. 552-2 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile exige que l’arrêté de placement en rétention énonce les motifs de fait et de droit justifiant cette mesure.

Dans cette affaire, l’arrêté mentionne l’abstention d’exécuter un arrêté d’obligation de quitter le territoire et l’absence de résidence stable en France.

Ces éléments sont suffisants pour justifier la décision du préfet, qui a agi dans le cadre de ses prérogatives.

Par conséquent, le moyen relatif à l’insuffisance de la motivation de l’arrêté est également rejeté.

Sur l’état de santé de Mme [B] [T] [L]

Mme [B] [T] [L] soutient que son état de santé, notamment une pneumonie, rend sa rétention incompatible avec ses besoins médicaux.

Cependant, l’article L. 552-4 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile stipule que les conditions de rétention doivent garantir la santé des personnes retenues.

Dans ce cas, un médecin a examiné Mme [B] [T] [L] à son arrivée, et le centre de rétention dispose d’une unité médicale capable de répondre à ses besoins.

Aucune preuve n’a été fournie pour établir que son état de santé ne pouvait être pris en charge.

Ainsi, ce moyen est également rejeté.

Sur l’illégalité de l’arrêté portant obligation de quitter le territoire français

Il est établi par la jurisprudence que le juge judiciaire est incompétent pour statuer sur la légalité de l’arrêté d’obligation de quitter le territoire, conformément à l’article L. 512-1 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.

Cette incompétence s’applique même dans le cadre d’une exception soulevée par l’intéressé.

Par conséquent, le moyen visant à annuler l’arrêté de placement en rétention sur la base de l’illégalité de l’arrêté d’éloignement est rejeté.

Sur l’erreur d’appréciation du préfet

Concernant l’erreur d’appréciation du préfet, il est important de noter que l’article L. 511-1 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile impose au préfet de fonder ses décisions sur des éléments objectifs.

Dans cette affaire, les déclarations de Mme [B] [T] [L] ne permettent pas d’établir qu’elle aurait été victime d’un réseau de traite des êtres humains.

Le préfet a donc agi en tenant compte des éléments de la situation personnelle de l’intéressée, sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation.

Ainsi, ce moyen est également rejeté.

Conclusion

En conséquence, l’ordonnance du tribunal judiciaire de Rouen est confirmée dans toutes ses dispositions.

La demande de Mme [B] [T] [L] en paiement de frais irrépétibles est également rejetée, conformément aux articles 696 et suivants du Code de procédure civile, qui régissent les frais irrépétibles.

La décision est notifiée aux parties, qui peuvent former un pourvoi en cassation dans les deux mois suivant la notification.

N° RG 25/00216 – N° Portalis DBV2-V-B7J-J3PY

COUR D’APPEL DE ROUEN

JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT

ORDONNANCE DU 21 JANVIER 2025

Brigitte HOUZET, Conseillère à la cour d’appel de Rouen, spécialement désignée par ordonnance de la première présidente de ladite cour pour la suppléer dans les fonctions qui lui sont spécialement attribuées,

Assistée de Mme DEMANNEVILLE, greffière lors des débats et Mme VESPIER, greffière lors du délibéré ;

Vu les articles L 740-1 et suivants du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

Vu l’arrêté du préfet du Pas-de-Calais en date du 30 décembre 2024 portant obligation de quitter le territoire français pour Mme [B] [T] [L], née le 26 Avril 1981 à [Localité 2] (VIETNAM) ;

Vu l’arrêté du préfet du Pas-de-Calais en date du 13 janvier 2025 de placement en rétention administrative de Mme [B] [T] [L] ayant pris effet le 13 janvier 2025 à 18h30 ;

Vu la requête de Mme [B] [T] [L] en contestation de la régularité de la décision de placement en rétention administrative ;

Vu la requête du préfet du Pas-de-Calais tendant à voir prolonger pour une durée de vingt six jours la mesure de rétention administrative qu’il a prise à l’égard de Mme [B] [T] [L] ;

Vu l’ordonnance rendue le 17 Janvier 2025 à 15h41 par le juge des libertés et de la détention de ROUEN, déclarant la décision de placement en rétention prononcée à l’encontre de Mme [B] [T] [L] régulière, et ordonnant en conséquence son maintien en rétention pour une durée de vingt six jours à compter du 13 janvier 2025 à 18h30 jusqu’au 8 février 2025 à la même heure ;

Vu l’ordonnance rectificative rendue par le juge des libertés et de la détention de ROUEN, disant que la mention ‘soit jusqu’au 8 février 2025 à la même heure’ sera remplacée par la mention ‘soit jusqu’au 12 février 2025 à la même heure’ ;

Vu l’appel interjeté par Mme [B] [T] [L], parvenu au greffe de la cour d’appel de Rouen le 20 janvier 2025 à 9h36 ;

Vu l’avis de la date de l’audience donné par le greffier de la cour d’appel de Rouen :

– aux services du directeur du centre de rétention de [Localité 1],

– à l’intéressé,

– au préfet du Pas-de-Calais,

– à Me Alison JACQUES, avocat au barreau de ROUEN, choisie en vertu de son droit de suite,

– à Mme [I] [C] [X], interprète en langue vietnamienne, inscrite sur la liste des experts de la cour d’appel de Paris ;

Vu les dispositions des articles L 743-8 et R 743-5 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

Vu la décision prise de tenir l’audience grâce à un moyen de télécommunication audiovisuelle et d’entendre la personne retenue par visioconférence depuis les locaux dédiés à proximité du centre de rétention administrative de [Localité 1] ;

Vu la demande de comparution présentée par Mme [B] [T] [L] ;

Vu l’avis au ministère public ;

Vu les débats en audience publique, en présence par le truchement de l’audioconférence de Mme [I] [C] [X], interprète en langue vietnamienne, expert assermenté, en l’absence du préfet du Pas-de-Calais et du ministère public ;

Vu la comparution de Mme [B] [T] [L] par visioconférence depuis les locaux dédiés à proximité du centre de rétention administrative de [Localité 1] ;

Me Alison JACQUES, avocat au barreau de ROUEN, étant présente au palais de justice ;

Vu les réquisitions écrites du ministère public ;

Les réquisitions et les conclusions ont été mises à la disposition des parties ;

L’appelant et son conseil ayant été entendus ;

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Décision prononcée par mise à disposition de l’ordonnance au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

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FAITS, PROCÉDURE ET MOYENS

Mme [B] [T] [L] déclare être ressortissante vietnâmienne.

Mme [B] [T] [L] a fait l’objet d’un arrêté portant obligation de quitter le territoire français le 30 décembre 2024.

Elle a été placée en rétention administrative selon arrêté du 13 janvier 2025, à l’issue d’une mesure de retenue.

Par ordonnance du 17 janvier 2025, le juge du tribunal judiciaire de Rouen a autorisé la prolongation de la rétention administrative de Mme [B] [T] [L].

Mme [B] [T] [L] a interjeté appel de cette décision.

Au soutien de son appel, elle fait valoir:

– l’absence de remise d’un formulaire rédigé dans sa langue alors qu’un interprète l’a assistée par téléphone

– l’insuffisance de la motivation de l’arrêté de placement en rétention

– l’incompatibilité de son état de santé avec la rétention administrative

– l’illégalité de l’arrêté portant obligation de quitter le territoire français en raison de la violation des normes européennes applicables en matière de traite des êtres humains

Elle sollicite également la condamnation du préfet à lui payer la somme de 800 euros en paiement de ses frais irrépétibles.

Le dossier a été communiqué au parquet général qui, par conclusions écrites du 20 janvier 2025, a requis la confirmation de l’ordonnance.

A l’audience, son conseil a réitéré les moyens développés dans l’acte d’appel.

Le préfet du Pas-de-calais n’a ni comparu ni communiqué d’observations écrites.

Mme [B] [T] [L] a été entendue en ses observations.

MOTIVATION DE LA DECISION

Sur la recevabilité de l’appel

Il résulte des énonciations qui précédent que l’appel interjeté par Mme [B] [T] [L] à l’encontre de l’ordonnance rendue le 17 janvier 2025 par le magistrat du siège du tribunal judiciaire de Rouen est recevable.

Sur le fond

Sur l’absence de remise d’un formulaire de notification des droits en langue vietnâmienne lors du placement en retenue’:

En l’espèce, Mme [B] [T] [L] a été interpellée le 13 janvier 2025 à 9h10. Elle a été placée en retenue administrative, ses droits lui étant notifiés avec l’assistance d’un interprète par téléphone à 9h30. La remise d’un formulaire écrit de ses droits ne s’imposait pas eu égard à l’intervention quasi-immédiate de l’interprète par téléphone. Au surplus, il n’est justifié d’aucun grief, Mme [B] [T] [L] ayant exercé son droit à être assistée d’un interprète et ayant répondu de manière précise et adaptée aux questions qui lui étaient posées.

Le moyen sera donc rejeté.

Sur la motivation de l’arrêté de placement en rétention :

En l’espèce, l’arrêté de placement en rétention énonce les circonstances de droit et de fait sur lesquelles il se fonde. Il fait état de l’abstention d’exécuter un arrêté portant obligation de quitter le territoire français notifié quelques jours auparavant, l’absence de résidence stable effective en France.

A la date à laquelle le préfet a statué, il pouvait considérer, notamment au regard de l’insuffisance des garanties de représentation, que le maintien en rétention de l’intéressée se justifiait pour permettre l’éloignement.

Le moyen n’est donc pas fondé.

Sur l’état de santé de Mme [B] [T] [L]’:

Mme [B] [T] [L] soutient souffrir de pneumonie et avoir besoin d’un traitement ne pouvant lui être administré au centre de rétention.

Néanmoins, alors qu’elle a été examinée par un médecin à son arrivée au centre de rétention, aucune pièce médicale du dosssier ne permet de conclure à l’incompatibilité de son état de santé avec la rétention administrative.

Par ailleurs, le centre de rétention dispose d’une unité médicale apte à assurer la surveillance médicale nécessaire et proposer les orientations médicales adaptées.

Le moyen sera donc rejeté.

Sur l’illégalité de l’arrêté portant obligation de quitter le territoire français en raison de la violation des normes européennes applicables en matière de traite des êtres humains :

Il est de jurisprudence constante de la première chambre civile de la cour de cassation que le juge judiciaire est incompétent pour statuer sur la légalité de l’arrêté portant obligation de quitter le territoire français, y compris par voie d’exception.

En conséquence, le moyen tendant à voir annuler l’arrêté de placement en rétention administrative au motif du défaut de base légale tenant à l’irrégularité de la mesure d’éloignement doit être rejeté.

Sur le moyen tendant à voir annuler l’arrêté de placement en rétention administrative au motif de l’erreur d’appréciation commise par le préfet qui n’aurait, selon le moyen, pas pris en considération la qualité de victime de l’intéressée d’un réseau de traite des êtres humains et par là, sa vulnérabilité, en méconnaissance des dispositions européennes relatives à la lutte contre de tels réseaux, il sera relevé que Mme [B] [T] [L] a déclaré avoir fui son pays en raison de dettes qu’elle ne pouvait pas payer, qu’elle se débrouillait pour financer ses besoins, qu’elle a nié faire partie d’un réseau de prostitution, qu’elle a été interpellée alors qu’elle se trouvait dissimulée dans un camion en partance pour la Grande-Bretagne aux côtés d’autres personnes en situation irrégulière et qu’elle est de nationalité vietnâmienne.

L’ensemble de ces éléments ne permet pas d’établir que Mme [B] [T] [L] ait été victime d’un réseau pratiquant le trafic d’êtres humains.

Dès lors, le préfet, qui doit se fonder sur des éléments objectifs et afférents à la situation personnelle de l’intéressé, n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation.

Le moyen sera donc rejeté.

En conséquence, l’ordonnance entreprise sera confirmée en toutes ses dispositions.

PAR CES MOTIFS :

Statuant publiquement, par ordonnance réputée contradictoire et en dernier ressort,

Déclare recevable l’appel interjeté par Mme [B] [T] [L] à l’encontre de l’ordonnance rendue le 17 Janvier 2025 par le magistrat du siège du tribunal judiciaire de Rouen ordonnant son maintien en rétention pour une durée de vingt six jours,

Confirme la décision entreprise en toutes ses dispositions,

Rejette la demande en paiement de frais irrépétibles.

Fait à Rouen, le 21 Janvier 2025 à 16h45.

LE GREFFIER, LA CONSEILLERE,

NOTIFICATION

La présente ordonnance est immédiatement notifiée contre récépissé à toutes les parties qui en reçoivent une expédition et sont informées de leur droit de former un pourvoi en cassation dans les deux mois de la présente notification et dans les conditions fixées par les articles 973 et suivants du code de procédure civile.


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