Rétention administrative : enjeux de la régularité procédurale et des diligences administratives.

·

·

Rétention administrative : enjeux de la régularité procédurale et des diligences administratives.

L’Essentiel : Monsieur [F] [U] a été placé en rétention administrative suite à une condamnation et une interdiction du territoire français. Le 26 décembre 2024, la Préfecture du Var a arrêté son placement en rétention, notifié le lendemain. Après avoir interjeté appel, il a été entendu en visioconférence, son avocat soulevant des questions d’irrecevabilité. L’analyse de la recevabilité a confirmé que la requête de prolongation était valide, malgré l’absence de certaines pièces. Finalement, l’ordonnance du magistrat a été confirmée, prolongeant la rétention jusqu’au 26 janvier 2025, avec possibilité de pourvoi en cassation dans les deux mois.

Contexte Juridique

Les articles L. 740-1 et suivants du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) encadrent la procédure de rétention administrative. Dans ce cadre, Monsieur [F] [U] a été condamné par le tribunal correctionnel de Toulon le 12 septembre 2022, entraînant une interdiction du territoire français pour une durée de cinq ans.

Décisions Administratives

Le 26 décembre 2024, la Préfecture du Var a pris un arrêté fixant le pays de destination de Monsieur [F] [U] et a également décidé de son placement en rétention, ces décisions étant notifiées le lendemain. Un magistrat a ensuite ordonné le maintien de Monsieur [F] [U] dans des locaux ne relevant pas de l’administration pénitentiaire.

Appel et Audition

Monsieur [F] [U] a interjeté appel le 31 décembre 2024. Lors de l’audience, il a comparu en visioconférence et a été entendu, tout comme son avocat, qui a soulevé des questions d’irrecevabilité concernant la requête en prolongation de la rétention, ainsi que des manquements de l’administration.

Analyse de la Recevabilité

La recevabilité de l’appel n’a pas été contestée. L’article R. 743-2 du CESEDA stipule que la requête de prolongation doit être accompagnée de pièces justificatives. Le juge doit pouvoir apprécier l’absence de pièces qui pourraient entraver son contrôle. L’absence de mention des présentations consulaires dans le registre de rétention n’a pas été jugée suffisante pour invalider la procédure.

Examen des Diligences Administratives

Monsieur [F] [U] a été placé en rétention le 27 décembre 2024, après avoir été auditionné par le consulat algérien. Bien que l’audition ait été jugée insuffisante, les diligences nécessaires à l’exécution de la mesure d’éloignement ont été effectuées, et le moyen tiré du défaut de diligence a été rejeté.

Confirmation de l’Ordonnance

L’ordonnance du magistrat a été confirmée, à l’exception de la date de fin de la prolongation, qui a été modifiée. La mesure de rétention a été prolongée jusqu’au 26 janvier 2025 à 9 heures 26. Les parties ont été informées de leur droit de se pourvoir en cassation dans un délai de deux mois.

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la recevabilité de la requête en prolongation de la rétention administrative ?

La recevabilité de la requête en prolongation de la rétention administrative est régie par l’article R. 743-2 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA). Cet article stipule que lorsque la requête est formée par l’autorité administrative, elle doit être accompagnée de toutes les pièces justificatives utiles, notamment une copie du registre prévu à l’article L. 744-2.

Le juge doit pouvoir tirer toutes les conséquences d’une absence de pièce qui pourrait faire obstacle à son contrôle. L’article L. 744-2 précise que « il est tenu, dans tous les lieux de rétention, un registre mentionnant l’état civil des personnes retenues, ainsi que les conditions de leur placement ou de leur maintien en rétention ».

Il est important de noter que le législateur ne définit pas ce que sont les pièces justificatives utiles, mais il est généralement admis qu’il s’agit des documents nécessaires à l’appréciation par le juge des éléments de fait et de droit. Le défaut de dépôt de ces pièces peut entraîner l’irrecevabilité de la demande.

En l’espèce, le tribunal a constaté que la requête était accompagnée des pièces justificatives requises, et a donc rejeté le moyen d’irrecevabilité soulevé par l’appelant.

Quelles sont les conditions de maintien en rétention administrative selon le CESEDA ?

Les conditions de maintien en rétention administrative sont définies par l’article L. 742-1 du CESEDA, qui stipule que le maintien en rétention au-delà de quatre jours à compter de la notification de la décision de placement initiale peut être autorisé par le magistrat du siège du tribunal judiciaire, saisi à cette fin par l’autorité administrative.

De plus, l’article L. 741-3 précise qu’« un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ. L’administration exerce toute diligence à cet effet ».

Dans le cas de Monsieur [F] [U], il a été placé en rétention le 27 décembre 2024, après avoir été auditionné par le consulat algérien. La réponse du consulat a indiqué qu’une enquête au pays était nécessaire, ce qui a justifié la prolongation de la mesure de rétention.

Le tribunal a également noté que Monsieur [F] [U] avait fait l’objet d’une décision d’obligation de quitter le territoire français et avait été condamné à une peine d’emprisonnement, ce qui a renforcé la légitimité de la mesure de rétention.

Quelles sont les conséquences de l’absence de mentions dans le registre de rétention ?

L’absence de mentions dans le registre de rétention peut avoir des conséquences sur la légalité de la mesure de rétention. Selon l’article L. 744-2 du CESEDA, l’autorité administrative doit tenir à jour un registre relatif aux personnes retenues, mentionnant leur état civil et les conditions de leur placement.

La jurisprudence a établi que les mentions concernant les présentations consulaires et les heures de notification des décisions judiciaires doivent apparaître sur ce registre. Cependant, dans le cas présent, le tribunal a constaté que le registre comportait les mentions nécessaires, y compris la date et l’heure d’arrivée au centre de rétention, ainsi que les détails concernant la condamnation de Monsieur [F] [U].

Il a été précisé que la présentation aux autorités consulaires avait eu lieu avant le placement en rétention, ce qui a conduit à la conclusion qu’aucune conséquence ne pouvait être tirée de l’absence d’inscription sur le registre pendant la mesure de rétention.

Ainsi, le tribunal a jugé que le registre avait été correctement actualisé et que les pièces justificatives étaient en règle, rejetant les arguments de l’appelant concernant l’absence de mentions.

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

CHAMBRE 1-11, Rétention Administrative

ORDONNANCE

DU 01 JANVIER 2025

N° RG 24/02166 – N° Portalis DBVB-V-B7I-BOFMS

Copie conforme

délivrée le 01 Janvier 2025 par courriel à :

-l’avocat

-le préfet

-le CRA

-le JLD/TJ

-le retenu

-le MP

Décision déférée à la Cour :

Ordonnance rendue par le magistrat désigné pour le contrôle des mesures d’éloignement et de rétention de [Localité 6] en date du 31 Décembre 2024 à 10h50.

APPELANT

Monsieur [F] [U]

né le 07 Décembre 2000 à [Localité 4]

de nationalité Algérienne

 

comparant en visioconférence depuis le centre de rétention administrative de [Localité 6] en application des dispositions de la loi n°2024-42 du 26 janvier 2024.

Assisté de Maître Claudie HUBERT, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, commis d’office.

et de Madame [V] [E], interprète en langue arabe, inscrit sur la liste des experts de la cour d’appel d’Aix-en-Provence.

INTIMÉS

PRÉFECTURE DU VAR

Avisé, non représenté

MINISTÈRE PUBLIC

Avisé, non représenté

******

DÉBATS

L’affaire a été débattue en audience publique le 01 Janvier 2025 devant Madame Patricia HOARAU, Conseiller à la cour d’appel déléguée par le premier président par ordonnance, assistée de M. Corentin MILLOT, Greffier,

ORDONNANCE

Réputée contradictoire,

Prononcée le 01 Janvier 2025 à16H50,

Signée par Madame Patricia HOARAU, Conseiller et M. Corentin MILLOT, Greffier,

PROCÉDURE ET MOYENS

Vu les articles L. 740-1 et suivants du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) ;

Vu la condamnation de Monsieur [F] [U] prononcée le 12 septembre 2022 par le tribunal correctionnel de Toulon, par jugement contradictoire, ordonnant son interdiction du territoire français pendant cinq ans ;

Vu l’arrêté fixant le pays de destination pris le 26 décembre 2024 par la PRÉFECTURE DU VAR, notifié le 27 décembre 2024 à 9 heures 24 ;

Vu la décision de placement en rétention prise le 26 décembre 2024 par la PRÉFECTURE DU VAR notifiée le 27 décembre 2024 à 9 heures 26 ;

Vu l’ordonnance du 31 décembre 2024 rendue par le magistrat désigné pour le contrôle des mesures d’éloignement et de rétention décidant le maintien de Monsieur [F] [U] dans des locaux ne relevant pas de l’administration pénitentiaire ;

Vu l’appel interjeté le 31 décembre 2024 à 12 heures par Monsieur [F] [U] ;

Monsieur [F] [U] a comparu en visioconférence et a été entendu en ses explications ;

Son avocat a été régulièrement entendu et conclut :

– à l’irrecevabilité de la requête en prolongation, à défaut de démontrer qu’elle était bien accompagnée de toutes les pièces justificatives utiles selon une liste jointe, ainsi que de la copie du registre actualisé, notamment concernant les présentations consulaires,

– à l’insuffisance de diligences de l’administration au regard du caractère exceptionnel de la mesure de rétention administrative ;

Le représentant de la préfecture n’a pas comparu ;

MOTIFS DE LA DÉCISION

La recevabilité de l’appel contre l’ordonnance du magistrat désigné pour le contrôle des mesures d’éloignement et de rétention n’est pas contestée et les éléments du dossier ne font pas apparaître d’irrégularité.

Sur la recevabilité de la requête en prolongation :

L’article R. 743-2 du CESEDA prévoit que lorsque la requête est formée par l’autorité administrative, elle est accompagnée de toutes pièces justificatives utiles, notamment une copie du registre prévu à l’article L. 744-2 précité. Le juge doit être en mesure de tirer toutes conséquences d’une absence de pièce qui ferait obstacle à son contrôle.

L’article L. 744-2 du CESEDA prévoit qu’« il est tenu, dans tous les lieux de rétention, un registre mentionnant l’état civil des personnes retenues, ainsi que les conditions de leur placement ou de leur maintien en rétention. Le registre mentionne également l’état civil des enfants mineurs accompagnant ces personnes ainsi que les conditions de leur accueil.

L’autorité administrative tient à la disposition des personnes qui en font la demande les éléments d’information concernant les date et heure du début du placement de chaque étranger en rétention, le lieu exact de celle-ci ainsi que les date et heure des décisions de prolongation ».

Il importe de rappeler que le législateur ne donne pas de définition des pièces justificatives utiles. Il est toutefois considéré qu’il s’agit des pièces nécessaires à l’appréciation par le juge des éléments de fait et de droit dont l’examen lui permet d’exercer pleinement ses pouvoirs. Les dispositions légales sanctionnent le défaut de dépôt d’une pièce justificative concomitamment à la requête préfectorale en prolongation par l’irrecevabilité de la demande. Par ailleurs, il ne peut être suppléé à l’absence du dépôt des pièces justificatives utiles par leur seule communication à l’audience, sauf s’il est justifié de l’impossibilité de joindre les pièces à la requête (Cass. 1ère Civ 6 juin 2012, pourvoi n°11-30.185, Cass.1ère Civ 13 février 2019, pourvoi n°18-11.655).

Il ne peut être reproché à l’administration de n’avoir pas listé ses pièces annexées, alors que le texte précité ne l’impose pas.

En outre, l’appelant ne précise pas quelle serait la pièce utile qui n’aurait pas été annexée à la requête.

Enfin, s’agissant du registre actualisé, peu de mentions sont obligatoires. Il résulte de l’article L. 744-2 du CESEDA que l’autorité administrative, d’une part, tient à jour un registre relatif aux personnes retenues, d’autre part, tient à la disposition des personnes qui en font la demande les éléments d’information concernant les date et heure du début du placement de chaque étranger en rétention, le lieu exact de celle-ci ainsi que les date et heure des décisions de prolongation.

Il est de jurisprudence constante que les mentions des éléments liées aux présentations consulaires dans le registre relatif aux personnes retenues, ou même des heures de notification des différentes décisions judiciaires emportant prolongation de la mesure de rétention devraient apparaître sur le registre (Civ. 1re 25 septembre 2024 n°23-13.156)

En l’espèce, le registre comporte la mention de la date et heure d’arrivée au centre de rétention, de la mesure exécutée à savoir la condamnation pénale avec interdiction du territoire français, la date de la décision de placement, la provenance de Monsieur [F] [U] qui était précédemment détenu, l’identité de la personne retenue, la signature du retenu, le matricule et la signature de l’agent.

La présentation aux autorités consulaires de Monsieur [F] [U] a eu lieu avant le placement en rétention, alors qu’il était en détention, si bien qu’il ne peut être tiré aucune conséquence de l’absence d’inscription sur le registre établi au cours de la mesure de rétention, alors qu’en tout état de cause, aucun grief n’est allégué.

En conséquence, le registre a bien été actualisé depuis la première prolongation, et la copie actualisée du registre comporte les mentions concernant l’état civil de l’étranger ainsi que les conditions de son placement ou de son maintien.

Ainsi, la requête étant accompagnée des pièces justificatives, le moyen sera rejeté.

Sur le fond :

Aux termes de l’article L. 742-1 du CESEDA, le maintien en rétention au-delà de quatre jours à compter de la notification de la décision de placement initiale peut être autorisé, dans les conditions prévues au présent titre, par le magistrat du siège du tribunal judiciaire saisi à cette fin par l’autorité administrative.

L’article L. 741-3 du CESEDA dispose : « Un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ. L’administration exerce toute diligence à cet effet ».

Monsieur [F] [U] a été placé en rétention le 27 décembre 2024. Préalablement il a été auditionné par le consulat algérien auquel il a été présenté le 11 décembre 2024. Il ressort de la réponse du consulat du 17 décembre 2024 que cette audition était insuffisante et qu’une enquête au pays était nécessaire.

Il est par ailleurs justifié que Monsieur [F] [U] a fait l’objet précédemment d’une décision d’obligation de quitter le territoire français délivrée le 21 août 2022, qu’il s’est maintenu sur le territoire français et a été condamné le 1er juillet 2024 à la peine de six mois d’emprisonnement outre la révocation d’un précédent sursis de six mois,

Dès lors, à ce stade de la mesure de rétention, les diligences utiles à l’exécution de la mesure d’éloignement dans les meilleurs délais ont été effectuées et le moyen tiré du défaut de diligence, sera rejeté.

Par voie de conséquence, l’ordonnance appelée sera confirmée sauf en ce qu’elle a maintenu la prolongation jusqu’au 26 janvier 2025 à 9 heures 24, s’agissant de l’heure de notification de l’arrêté préfectoral fixant le pays de destination et pas celle de notification de l’arrêté de rétention.

La prolongation aura lieu jusqu’au 26 janvier 2025 à 9 heures 26.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement par décision réputée contradictoire en dernier ressort, après débats en audience publique,

Confirmons l’ordonnance du magistrat désigné pour le contrôle des mesures d’éloignement et de rétention en date du 31 décembre 2024 sauf à modifier l’heure de fin de la prolongation.

Disons que la mesure de rétention prendra fin au plus tard le 26 janvier 2025 à 9 heures 26.

Les parties sont avisées qu’elles peuvent se pourvoir en cassation contre cette ordonnance dans un délai de 2 mois à compter de cette notification, le pourvoi devant être formé par déclaration au greffe de la Cour de cassation, signé par un avocat au conseil d’Etat ou de la Cour de cassation.

Le greffier Le président

Reçu et pris connaissance le :

Monsieur [F] [U]

Assisté d’un interprète

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-11, Rétentions Administratives

[Adresse 7]

Téléphone : [XXXXXXXX02] – [XXXXXXXX03] – [XXXXXXXX01]

Courriel : [Courriel 5]

Aix-en-Provence, le 01 Janvier 2025

À

– PREFECTURE DU VAR

– Monsieur le directeur du centre de rétention administrative de [Localité 6]

– Monsieur le procureur général

– Monsieur le greffier du Juge des libertés et de la détention de MARSEILLE

– Maître Claudie HUBERT

NOTIFICATION D’UNE ORDONNANCE

J’ai l’honneur de vous notifier l’ordonnance ci-jointe rendue le 01 Janvier 2025, suite à l’appel interjeté par :

Monsieur [F] [U]

né le 07 Décembre 2000 à [Localité 4] (99)

de nationalité Algérienne

Je vous remercie de m’accuser réception du présent envoi.

Le greffier,

VOIE DE RECOURS

Nous prions Monsieur le directeur du centre de rétention administrative de bien vouloir indiquer au retenu qu’il peut se pourvoir en cassation contre cette ordonnance dans un délai de 2 mois à compter de cette notification, le pourvoi devant être formé par déclaration au greffe de la Cour de cassation.


Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Chat Icon