Rétention administrative : enjeux de motivation et d’appréciation des risques pour l’ordre public.

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Rétention administrative : enjeux de motivation et d’appréciation des risques pour l’ordre public.

L’Essentiel : M. [J] [W] a reçu une obligation de quitter le territoire français sans délai, assortie d’une interdiction de retour de trois ans, le 27 décembre 2024. Il a contesté cette décision par une requête le lendemain, entraînant une audience devant le juge des libertés. Ce dernier a confirmé la régularité du placement en rétention et a ordonné son maintien pour vingt-six jours. M. [J] [W] a interjeté appel, arguant d’une insuffisante motivation de la décision. Toutefois, le juge a validé les motifs avancés par le préfet, notamment les antécédents judiciaires et le risque de fuite, confirmant ainsi l’ordonnance initiale.

Notification de l’obligation de quitter le territoire

Une obligation de quitter le territoire français sans délai, accompagnée d’une interdiction de retour de trois ans, a été notifiée à M. [J] [W] le 27 décembre 2024. Cette décision a été suivie d’un placement en rétention administrative, ordonné par l’autorité administrative le même jour.

Contestations et procédures judiciaires

M. [J] [W] a contesté la décision de placement en rétention par une requête déposée le 28 décembre 2024. En réponse, le préfet de l’Ain a demandé la prolongation de la rétention pour une durée de vingt-six jours, ce qui a conduit à une audience devant le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Lyon.

Décision du juge des libertés

Le juge a ordonné la jonction des deux procédures et a déclaré recevable la requête de M. [J] [W]. Il a également confirmé la régularité de la décision de placement en rétention et a ordonné le maintien de M. [J] [W] en rétention pour une durée de vingt-six jours.

Appel de M. [J] [W]

M. [J] [W] a interjeté appel de cette ordonnance, arguant que la décision de placement en rétention était insuffisamment motivée et entachée d’une erreur manifeste d’appréciation concernant ses garanties de représentation et la menace pour l’ordre public. L’audience d’appel a eu lieu le 2 janvier 2025.

Motivation de la décision de rétention

Le juge a examiné la motivation de la décision de placement en rétention, soulignant que l’autorité administrative devait justifier sa décision par des éléments factuels pertinents. Le préfet a évoqué plusieurs motifs, notamment des antécédents judiciaires de M. [J] [W] et l’absence d’attaches stables en France.

Évaluation de la menace pour l’ordre public

Le juge a également évalué la menace que représentait M. [J] [W] pour l’ordre public, en tenant compte de ses antécédents criminels et du risque de fuite. Les éléments présentés par le préfet ont été jugés suffisants pour justifier le placement en rétention.

Confirmation de l’ordonnance

Finalement, l’appel de M. [J] [W] a été déclaré recevable, mais l’ordonnance de première instance a été confirmée dans toutes ses dispositions, validant ainsi la décision de placement en rétention.

Q/R juridiques soulevées :

Sur la recevabilité de l’appel

L’appel de M. [J] [W] est déclaré recevable conformément aux dispositions des articles L. 743-21, R. 743-10 et R. 743-11 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA).

Ces articles stipulent que :

– **Article L. 743-21** : « L’étranger peut contester la décision de placement en rétention administrative devant le juge des libertés et de la détention. »

– **Article R. 743-10** : « La requête est formée par écrit et doit être déposée dans un délai de 48 heures à compter de la notification de la décision. »

– **Article R. 743-11** : « Le juge des libertés et de la détention statue dans un délai de 5 jours à compter de la saisine. »

Ainsi, M. [J] [W] a respecté les délais et les formes légales pour contester la décision de placement en rétention, rendant son appel recevable.

Sur l’insuffisance de la motivation de la décision de placement en rétention administrative

L’article L. 741-6 du CESEDA précise que la décision de placement en rétention doit être écrite et motivée.

Cet article stipule que :

– **Article L. 741-6** : « La décision de placement en rétention administrative est écrite et motivée. Elle doit retracer les motifs positifs de fait et de droit qui ont guidé l’administration. »

La motivation doit inclure des éléments factuels pertinents liés à la situation individuelle de l’intéressé, sans avoir à relater exhaustivement toutes les allégations de la personne concernée.

Dans le cas de M. [J] [W], l’arrêté du préfet de l’Ain a mentionné plusieurs éléments, tels que :

– Son placement en garde à vue pour des faits de vol en réunion.
– L’absence d’attaches stables en France.
– La menace pour l’ordre public en raison de ses antécédents judiciaires.

Ces éléments montrent que l’autorité préfectorale a examiné la situation de M. [J] [W] de manière sérieuse et a fourni une motivation suffisante pour justifier le placement en rétention.

Sur l’erreur d’appréciation quant à la menace pour l’ordre public

L’article L. 741-1 du CESEDA stipule que l’autorité administrative peut placer un étranger en rétention si celui-ci ne présente pas de garanties de représentation et qu’aucune autre mesure n’est suffisante.

Cet article dispose que :

– **Article L. 741-1** : « L’autorité administrative peut placer en rétention, pour une durée de quarante-huit heures, l’étranger qui se trouve dans l’un des cas prévus à l’article L. 731-1 lorsqu’il ne présente pas de garanties de représentation effectives. »

Le préfet de l’Ain a considéré que M. [J] [W] ne présentait pas de garanties sérieuses de représentation, notamment en raison de son domicile dans un centre de demandeur d’asile et de ses antécédents judiciaires.

Les faits reprochés à M. [J] [W] incluent plusieurs infractions, ce qui renforce la perception d’une menace pour l’ordre public.

Ainsi, l’autorité administrative n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en décidant de le placer en rétention, et la décision est confirmée.

N° RG 25/00003 – N° Portalis DBVX-V-B7J-QC6X

Nom du ressortissant :

[J] [W]

[W]

C/

PREFET DE L’AIN

COUR D’APPEL DE LYON

JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT

ORDONNANCE DU 02 JANVIER 2025

statuant en matière de Rétentions Administratives des Etrangers

Nous, Emmanuelle SCHOLL, conseillère à la cour d’appel de Lyon, déléguée par ordonnance de madame la première présidente de ladite Cour en date du 16 décembre 2024 pour statuer sur les procédures ouvertes en application des articles L.342-7, L. 342-12, L. 743-11 et L. 743-21 du code d’entrée et de séjour des étrangers en France et du droit d’asile,

Assistée de Céline DESPLANCHES, greffier,

En l’absence du ministère public,

En audience publique du 02 Janvier 2025 dans la procédure suivie entre :

APPELANT :

M. [J] [W]

né le 06 Août 1991 à [Localité 10] (GEROGIE)

de nationalité Georgienne

Actuellement retenu au centre de rétention administrative de [8]

Comparant assisté de Maître Valentin CARRERAS, avocat au barreau de LYON, commis d’office et avec le concours de Madame [G] [X], interprète en géorgien, inscrite sur la liste CESEDA et ayant prêté serment à l’audience

ET

INTIME :

M. PREFET DE L’AIN

[Adresse 2]

[Localité 1]

Ayant pour avocat Maître GOIRAND Georffray avocat au barreau de LYON substituant Me Jean-Paul TOMASI, avocat au barreau de LYON,

Avons mis l’affaire en délibéré au 02 Janvier 2025 à 15 heures et à cette date et heure prononcé l’ordonnance dont la teneur suit :

FAITS ET PROCÉDURE

Une obligation de quitter le territoire français sans délai assortie d’une interdiction de retour de trois ans a été notifiée à M. [J] [W] le 27 décembre 2024.

Par décision en date du 27 décembre 2024, l’autorité administrative a ordonné le placement de M. [J] [W] en rétention dans les locaux ne relevant pas de l’administration pénitentiaire à compter du 27 décembre 2024.

Suivant requête du 28 décembre 2024, réceptionnée par le greffe du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Lyon le 30 décembre 2024 à 14h57, M. [J] [W] a contesté la décision de placement en rétention administrative prise par le préfet de l’Ain.

Suivant requête du 30 décembre 2024, reçue le 30 décembre 2024 à 14 heures 01, le préfet de l’Ain a saisi le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Lyon aux fins de voir ordonner la prolongation de la rétention pour une durée de vingt-six jours.

Le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Lyon, dans son ordonnance du 31 décembre 2024 à 15 heures 50 a :

‘ ordonné la jonction des deux procédures,

‘ déclaré recevable en la forme la requête de M. [J] [W] ,

‘ déclaré régulière la décision prononcée à son encontre

‘ ordonné en conséquence le maintien en rétention de M. [J] [W]

‘ déclaré régulière la décision de placement en rétention prononcée à l’encontre de M. [J] [W] ,

‘ déclaré recevable la requête en prolongation de la rétention administrative,

‘ déclaré régulière la procédure diligentée à l’encontre de M. [J] [W] ,

‘ ordonné la prolongation de la rétention de M. [J] [W] dans les locaux du centre de rétention administrative de [Localité 7] pour une durée de vingt-six jours.

M. [J] [W] a interjeté appel de cette ordonnance par déclaration au greffe le 31 décembre 2024 à 17 heures 06 en faisant valoir que la décision de placement en rétention était insuffisamment motivée en droit et en fait et sur la menace pour l’ordre public, que celle-ci était entachée d’une erreur manifeste d’appréciation quant à ses garanties de représentation et de la menace pour l’ordre public.

M. [J] [W] a demandé l’infirmation de l’ordonnance déférée, de dire n’y avoir lieu à la prolongation de la rétention de M. [J] [W] et d’ordonner sa remise en liberté.

Les parties ont été régulièrement convoquées à l’audience du 2 janvier 2025 à 10 heures 30.

M. [J] [W] a comparu et a été assisté d’un interprète en langue géorgienne et de son avocat.

Le conseil de M. [J] [W] a été entendu en sa plaidoirie pour soutenir les termes de la requête d’appel.

Le préfet de l’Ain, représenté par son conseil, a demandé la confirmation de l’ordonnance déférée.

M. [J] [W] a eu la parole en dernier.

MOTIVATION

Sur la recevabilité de l’appel

L’appel de M. [J] [W] relevé dans les formes et délais légaux prévus par les dispositions des articles L. 743-21, R. 743-10 et R. 743-11 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) est déclaré recevable. 

Sur le moyen pris de l’insuffisance de la motivation de la décision de placement en rétention administrative et du défaut d’examen de la situation individuelle

Il résulte de l’article L. 741-6 du CESEDA que la décision de placement en rétention est écrite et motivée.

Cette motivation se doit de retracer les motifs positifs de fait et de droit qui ont guidé l’administration pour prendre sa décision, ce qui signifie que l’autorité administrative n’a pas à énoncer, puis à expliquer pourquoi elle a écarté les éléments favorables à une autre solution que la privation de liberté.

Pour autant, l’arrêté doit expliciter la raison ou les raisons pour lesquelles la personne a été placée en rétention au regard d’éléments factuels pertinents liés à la situation individuelle et personnelle de l’intéressé, et ce au jour où l’autorité administrative prend sa décision, sans avoir à relater avec exhaustivité l’intégralité des allégations de la personne concernée ;

Le conseil de M. [J] [W] prétend que l’arrêté de placement en rétention du préfet de l’Ain est insuffisamment au niveau de ses garanties de représentation et de la caractérisation de la menace pour l’ordre public;

En l’espèce, l’arrêté du préfet de l’Ain a retenu au titre de sa motivation que :

– il a été placé en garde à vue pour des faits de vol en réunion

– il n’a pas d’attaches stables en France, son père étant également en situation irrégulière

– il représente une menace pour l’ordre public en l’état des faits de vol, vol en récidive et menaces pour lesquels il est déjà connu, outre les faits de vol pour lesquels il a été placé en garde à vue;

– il existe un risque de soustraction à la mesure d’éloignement dans la mesure où il déclare une adresse dans un centre de demandeur d’asile, qu’il n’a pas de ressources stables et qu’il s’est maintenu sur le territoire au-delà de trois mois sans avoir sollicité la délivrance d’un titre de séjour

– que les problèmes de santé allégués ne sont pas de nature à faire obstacle à son placement en centre de rétention, dans la mesure où il pourra être visite par un médecin;

Le seul rappel des différents éléments listés ci-dessus suffit à établir que l’autorité préfectorale a examiné sérieusement la situation administrative, personnelle et médicale de M. [J] [W] avant d’ordonner son placement en rétention, étant observé que les informations dont le préfet de l’Ain fait état dans sa décision concordent avec celles qui ressortent de l’examen des pièces de la procédure, telles que portées à sa connaissance lors de l’édiction de l’arrêté; qu’en effet , l’adresse de la cousine n’a été présentée que postérieurement à l’arrêté; que concernant la menace à l’ordre public, le classement sans suite a été décidé également postérieurement à l’arrêté et une fois connaissance prise par le ministère public de son existence; qu’ainsi ces éléments ne pouvaient être connus et par suite retenus par le préfet;

Il convient de retenir que le préfet de l’Ain a pris en considération les éléments de la situation personnelle de M. [J] [W] pour motiver son arrêté de manière suffisante et circonstanciée ;

M. [J] [W] conteste en réalité le choix fait par l’autorité administrative de retenir ces éléments comme établissant l’existence d’une menace pour l’ordre public, ce qui se rattache en fait au moyen tiré de l’erreur manifeste d’appréciation par ailleurs présenté par l’intéressé et examiné ci-après.

Que le moyen tiré de l’insuffisance de motivation ne pouvait prospérer ;

Sur le moyen pris de l’erreur d’appréciation quant à la menace pour l’ordre public et au risque de fuite ainsi que de l’absence de proportionnalité du placement en rétention

L’article L. 741-1 du CESEDA dispose que «L’autorité administrative peut placer en rétention, pour une durée de quarante-huit heures, l’étranger qui se trouve dans l’un des cas prévus à l’article L. 731-1 lorsqu’il ne présente pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir un risque de soustraction à l’exécution de la décision d’éloignement et qu’aucune autre mesure n’apparaît suffisante à garantir efficacement l’exécution effective de cette décision.

Le risque mentionné au premier alinéa est apprécié selon les mêmes critères que ceux prévus à l’article L. 612-3 ou au regard de la menace pour l’ordre public que l’étranger représente.» ;

Attendu que la régularité de la décision administrative s’apprécie au jour de son édiction, au regard des éléments de fait connus de l’administration à cette date et l’obligation de motivation ne peut s’étendre au-delà de l’exposé des éléments qui sous-tendent la décision en cause ;

Attendu que le conseil de M. [J] [W] soutient que l’autorité administrative a commis une erreur d’appréciation s’agissant de ses garanties de représentation et de la menace à l’ordre public ;

Attendu que le préfet de l’Ain a considéré que M. [W] se domiciliait dans un centre de demandeur d’asile; que durant toute la garde à vue, tant lui que son père indiquent qu’ils ont vécu dans la voiture; que l’adresse donnée dans le cadre de la présente procédure n’a pu l’être devant le préfet; que pour autant, il est possible de douter de la pertinence de cette adresse; qu’en effet, il s’agit d’une cousine, qui est en séjour régulier et qui demeure à [Localité 3]; que pour autant ni lui ni son père ne se sont rendus chez elle, malgré les graves pathologies dont souffrirait son père et qu’il évoque à diverses reprises que les soins devraient avoir lieu à [Localité 7]; qu’il ne souhaite rentrer en Géorgie que lorsque son père sera guéri ce qui signifie qu’il ne se conformera à l’obligation de rentrer dans son pays;

Qu’ainsi est caractérisé l’absence de garantie sérieuses de représentation;

Que sur la menace à l’ordre public, M. [J] [W] n’a certes pas été poursuivi pour le vol des bouteilles de champagne qu’il a reconnu dans le cadre de la garde à vue (suite à la production des images de vidéo surveillance et à la découverte desdites bouteilles dans sa voiture); que néanmoins, la décision de classement fait suite à la connaissance prise par le ministère public de la prise de l’arrêté de rétention, ce qui n’ôte pas le caractère de gravité des faits reprochés;

Qu’il ressort des pièces qu’il a déjà été arrêté pour des faits de vol à l’étalage le 26 mai 2024 à [Localité 12] (Rhône), des faits de vol avec destruction ou dégradation le 17 août 2024 à [Localité 5] (Indre-et-Loire), des faits de vols dans un local d’habitation ou un lieu d’entrepôt le 22 août 2024 à [Localité 13], des faits de menance de mort avec ordre de remplir une condition, vol à l’étalage le 2 septembre 2024 à [Localité 6] (Rhône), vol à l’étalage le 27 septembre 2024 à [Localité 4] (Maine-et-Loire), vol le 29 septembre 2024 à [Localité 9] (Deux-[Localité 11]); qu’il ressort de la procédure qu’il a été trouvé dans sa fouille une convocation en Justice de sorte qu’il n’est pas possible de dire qu’il n’existe aucun élément sérieux sur la réalité de ces infractions; que la multiplication de ses faits, dans un délai rapproché, dans des lieux très divers, loin de [Localité 7] où devaient se tenir les soins de son père dont il prétend être l’aide indispensable, caractérise la menace à l’ordre public;

Qu’il en résulte que n’est pas caractérisé que l’autorité administrative a commis une erreur manifeste d’appréciation ;

Attendu que ce moyen ne peut donc pas être accueilli ;

Attendu qu’en conséquence, l’ordonnance entreprise est confirmée ;

PAR CES MOTIFS

Déclarons recevable l’appel formé par M. [J] [W] ,

Confirmons en toutes ses dispositions l’ordonnance déférée.

Le greffier, Le conseiller délégué,

Céline DESPLANCHES Emmanuelle SCHOLL


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