Rétention administrative et droits individuels : enjeux de légalité et de proportionnalité.

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Rétention administrative et droits individuels : enjeux de légalité et de proportionnalité.

L’Essentiel : Le 22 janvier 2024, le préfet de la Drôme a ordonné à [J] [I] de quitter le territoire français, accompagné d’une interdiction de retour de 36 mois. Son recours a été rejeté par le tribunal administratif de Grenoble. Le 19 novembre 2024, après une garde à vue pour harcèlement, [J] [I] a été placé en rétention administrative. Il a contesté cette décision, arguant de l’incompétence de l’auteur de l’acte et de l’absence de nécessité de sa rétention. Malgré ses arguments, l’ordonnance de prolongation a été confirmée, sans nouveaux éléments à l’appui de son appel.

Arrêté d’Obligation de Quitter le Territoire

Le 22 janvier 2024, le préfet de la Drôme a pris un arrêté à l’encontre de [J] [I], lui imposant de quitter le territoire français sans délai, accompagné d’une interdiction de retour de 36 mois. Le recours de [J] [I] contre cette mesure a été rejeté par le tribunal administratif de Grenoble le 21 février 2024.

Placement en Rétention Administrative

Le 19 novembre 2024, après une garde à vue pour des faits de harcèlement, le préfet de la Drôme a ordonné le placement de [J] [I] en rétention administrative pour exécuter l’éloignement. Cette décision a été prise en raison de la dégradation de sa santé.

Contestations de la Rétention

Le 21 novembre 2024, [J] [I] a contesté la régularité de son placement en rétention, invoquant l’incompétence de l’auteur de l’acte, l’insuffisance de motivation, et l’absence de nécessité de sa rétention.

Prolongation de la Rétention

Le 22 novembre 2024, le préfet a demandé au juge des libertés et de la détention de prolonger la rétention de [J] [I] pour 26 jours. Le juge a ordonné la jonction des procédures et a déclaré la décision de rétention régulière.

Appel de l’Ordonnance

[J] [I] a interjeté appel de l’ordonnance le 24 novembre 2024, réitérant les mêmes arguments que précédemment, à l’exception de l’incompétence de l’auteur de l’acte. Il a demandé l’infirmation de l’ordonnance et sa remise en liberté.

Audience et Plaidoirie

Les parties ont été convoquées à l’audience du 25 novembre 2024. [J] [I] a comparu avec son conseil et un interprète. Son avocat a réitéré les arguments de l’appel, tandis que le préfet a demandé la confirmation de l’ordonnance.

Arguments de [J] [I]

Lors de l’audience, [J] [I] a expliqué son arrivée en France, ses enfants, et la maladie de son fils, qui a influencé son incapacité à quitter le pays. Il a également mentionné des difficultés à récupérer son passeport, actuellement entre les mains de la police.

Recevabilité de l’Appel

L’appel de [J] [I] a été déclaré recevable, mais il a été noté que sa déclaration était presque identique à sa requête initiale, sans nouveaux éléments à l’appui.

Confirmation de l’Ordonnance

En l’absence de nouveaux moyens et sans critique substantielle de l’ordonnance initiale, les motifs du premier juge ont été adoptés. Aucune atteinte disproportionnée à ses droits n’a été démontrée, et l’ordonnance a été confirmée dans toutes ses dispositions.

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la légalité de l’arrêté de reconduite à la frontière pris par le préfet ?

L’arrêté de reconduite à la frontière pris par le préfet de la Drôme est régi par les dispositions du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA), notamment les articles L. 511-1 et suivants.

L’article L. 511-1 stipule que :

« L’étranger qui ne remplit pas les conditions d’entrée ou de séjour sur le territoire français peut faire l’objet d’une mesure d’éloignement. »

Cette mesure doit être motivée et respecter les droits fondamentaux de l’individu, notamment le droit à un recours effectif.

En l’espèce, l’arrêté a été notifié à [J] [I] le jour même de sa prise, ce qui respecte le principe de notification.

Cependant, le rejet de son recours par le tribunal administratif de Grenoble le 21 février 2024 soulève des questions sur la régularité de la procédure et la motivation de la décision.

Il est essentiel de vérifier si le préfet a bien examiné la situation personnelle de [J] [I] avant de prendre cette décision, conformément à l’article L. 511-4 qui impose une appréciation des circonstances personnelles.

Quelles sont les conditions de la rétention administrative ?

La rétention administrative est encadrée par les articles L. 552-1 et suivants du CESEDA.

L’article L. 552-1 précise que :

« La rétention administrative d’un étranger peut être ordonnée lorsque celui-ci fait l’objet d’une mesure d’éloignement. »

Cette rétention doit être justifiée par la nécessité de garantir l’exécution de la mesure d’éloignement et ne peut excéder une durée maximale, sauf prolongation justifiée.

Dans le cas présent, le préfet a ordonné le placement de [J] [I] en rétention après une mesure de garde à vue, ce qui soulève des questions sur la nécessité et la proportionnalité de cette mesure.

L’article L. 552-4 impose que la rétention soit proportionnée aux objectifs poursuivis, ce qui doit être examiné au regard des circonstances personnelles de [J] [I], notamment sa situation familiale et ses obligations envers ses enfants.

Quels sont les droits de l’étranger en rétention administrative ?

Les droits des étrangers en rétention administrative sont garantis par le CESEDA, notamment par l’article L. 552-3 qui stipule que :

« L’étranger placé en rétention administrative a le droit d’être informé des motifs de sa rétention et de bénéficier d’un recours effectif. »

Il a également le droit d’être assisté par un avocat et de contester la légalité de sa rétention devant le juge des libertés et de la détention.

Dans le cas de [J] [I], il a exercé son droit de recours en contestant la régularité de la décision de placement en rétention, ce qui est conforme aux dispositions légales.

Cependant, il est important de noter que l’absence de nouveaux éléments dans son appel peut limiter l’efficacité de son recours, comme l’indiquent les articles R. 743-10 et R. 743-11 qui précisent les conditions de recevabilité des recours.

Quelles sont les implications de la décision du juge des libertés et de la détention ?

La décision du juge des libertés et de la détention a des implications significatives pour la situation de [J] [I].

L’article L. 552-5 du CESEDA précise que :

« Le juge des libertés et de la détention statue sur la légalité de la rétention et peut ordonner la remise en liberté de l’étranger. »

Dans ce cas, le juge a confirmé la régularité de la décision de rétention et a ordonné sa prolongation, ce qui signifie que les arguments de [J] [I] n’ont pas été jugés suffisants pour remettre en cause la décision initiale.

Cette confirmation de la rétention administrative souligne l’importance de la motivation et de l’examen des circonstances personnelles, qui doivent être pris en compte pour garantir le respect des droits de l’individu.

En l’absence de nouveaux éléments, le juge a estimé que la décision initiale était justifiée, ce qui peut avoir des conséquences sur la situation de [J] [I] et sa possibilité de contester l’éloignement.

N° RG 24/08847 – N° Portalis DBVX-V-B7I-QAP4

Nom du ressortissant :

[J] [I]

[I]

C/

PREFETE DU RHÔNE

COUR D’APPEL DE LYON

JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT

ORDONNANCE DU 25 NOVEMBRE 2024

statuant en matière de Rétentions Administratives des Etrangers

Nous, Marianne LA MESTA, conseillère à la cour d’appel de Lyon, déléguée par ordonnance de madame la première présidente de ladite Cour en date du 2 septembre 2024 pour statuer sur les procédures ouvertes en application des articles L.342-7, L. 342-12, L. 743-11 et L. 743-21 du code d’entrée et de séjour des étrangers en France et du droit d’asile,

Assistée de Céline DESPLANCHES, greffier,

En l’absence du ministère public,

En audience publique du 25 Novembre 2024 dans la procédure suivie entre :

APPELANT :

M. [J] [I]

né le 27 Mars 1989 à [Localité 4] (ALGERIE)

de nationalité Algérienne

Actuellement retenu au centre de rétention administrative de [3]

comparant assisté de Maître IMBERT MINNI Julie, avocate au barreau de LYON, commise d’office et avec le concours de Madame [H] [N], interprète en langue arabe et inscrite sur la liste des experts près la cour d’appel de LYON

ET

INTIMEE :

M. LE PREFET DE LA DROME

non comparant, régulièrement avisé, représenté par Maître Eddy PERRIN, avocat au barreau de LYON substituant Me Jean-Paul TOMASI, avocat au barreau de LYON

Avons mis l’affaire en délibéré au 25 Novembre 2024 à 15h00 et à cette date et heure prononcé l’ordonnance dont la teneur suit :

FAITS ET PROCÉDURE

Le 22 janvier 2024, le préfet de la Drôme a édicté à l’encontre d'[J] [I] un arrêté portant obligation de quitter le territoire français sans délai assortie d’une interdiction de retour pendant une durée de 36 mois, le recours exercé par l’intéressé à l’encontre de cette mesure, qui lui avait été notifiée le jour-même par l’autorité administrative, ayant été rejeté par jugement du tribunal administratif de Grenoble en date du 21 février 2024.

Par décision du 19 novembre 2024, prise à l’issue d’une mesure de garde à vue pour des faits de harcèlement d’une personne étant ou ayant été conjoint, concubin ou partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité sans incapacité : dégradation des conditions de vue entraînant une altération de la santé, le préfet de la Drôme a ordonné le placement d'[J] [I] en rétention dans les locaux ne relevant pas de l’administration pénitentiaire pour l’exécution de la mesure d’éloignement précitée.

Par requête enregistrée au greffe le 21 novembre 2024 à 14 heures 08, [J] [I] a contesté la régularité de la décision de placement en rétention administrative, en excipant de l’incompétence de l’auteur de l’acte attaqué, de l’insuffisance de motivation de la décision, du défaut d’examen sérieux de sa situation personnelle, de l’erreur manifeste d’appréciation quant à ses garanties de représentation, ainsi que de l’absence de nécessité et de proportionnalité de son placement en rétention.

Suivant requête du 22 novembre 2024, enregistrée le jour-même à 15 heures 04 par le greffe, le préfet de la Drôme a saisi le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Lyon aux fins de voir ordonner la prolongation de la rétention d'[J] [I] pour une durée de vingt-six jours.

Le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Lyon, dans son ordonnance du 23 novembre 2024 à 15 heures 09, a :

– ordonné la jonction des procédures,

– déclaré recevable la requête d'[J] [I],

– déclaré régulière la décision prononcée à son encontre,

– déclaré recevable la requête en prolongation de la rétention administrative,

– déclaré régulière la procédure diligentée à l’encontre d'[J] [I],

– ordonné en conséquence la prolongation de la rétention d'[J] [I] dans les locaux du centre de rétention administrative de [Localité 2] pour une durée de vingt-six jours.

[J] [I] a interjeté appel de cette ordonnance par déclaration reçue au greffe le 24 novembre 2024 à 10 heures 05, en réitérant exactement les mêmes moyens que ceux développés en première instance, sauf celui tenant à l’incompétence de l’auteur de l’acte attaqué qu’il n’avait d’ores et déjà pas soutenu lors de l’audience devant le premier juge.

[J] [I] sollicite en conséquence l’infirmation de l’ordonnance déférée et sa remise en liberté.

Les parties ont été régulièrement convoquées à l’audience du 25 novembre 2024 à 10 heures 30.

[J] [I] a comparu assisté de son conseil et d’une interprète en langue arabe.

Le conseil d'[J] [I], entendu en sa plaidoirie, a réitéré les termes de la requête d’appel.

Le préfet de la Drôme, représenté par son conseil, a demandé la confirmation de l’ordonnance déférée.

[J] [I], qui a eu la parole en dernier, explique qu’il est arrivé mineur en Espagne avant de venir s’installer en France où il a eu 4 enfants, dont l’aîné est malade et doit subir prochainement une lourde opération après laquelle il restera 6 mois à l’hôpital. C’est d’ailleurs en raison de la maladie de son fils qu’il n’avait pas pris les vols pour l’Algérie programmés par l’administration. Interrogé sur ce point par le conseiller délégué, il déclare que son passeport est entre les mains de la police de [Localité 1] depuis 2022 et que toutes ses tentatives pour le récupérer se sont soldées par un échec. Il précise être en lien avec un avocat qui a fait appel du jugement du tribunal administratif de Grenoble ayant rejeté sa demande d’annulation de la mesure d’éloignement.

MOTIVATION

L’appel d'[J] [I], relevé dans les formes et délais légaux prévus par les dispositions des articles L. 743-21, R. 743-10 et R. 743-11 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA), est déclaré recevable.

Sur le fond, il convient d’observer que la déclaration d’appel d'[J] [I] est une réplique quasiment à l’identique de la requête en contestation déposée devant le juge des libertés et de la détention, puisqu’elle reprend presque mot pour mot les moyens de droit et de fait articulés en première instance, sauf celui pris de l’incompétence de l’auteur de l’arrêté contesté qui n’avait déjà pas été examiné par le premier juge, faute d’avoir été soutenu à l’audience.

L’appelant ne produit par ailleurs aucune pièce nouvelle à l’appui de son acte d’appel, les éléments communiqués étant en effet exactement les mêmes que ceux déjà versés en première instance.

[J] [I] n’apporte ainsi aucune critique à l’ordonnance déférée et à la réponse apportée par le premier juge sauf à formuler son désaccord sur son analyse en relevant appel et en se bornant à réitérer sa requête initiale.

En l’absence de moyen(s) nouveau(x) et d’une discussion de leur contenu, les motifs particulièrement clairs, circonstanciés, complets et pertinents développés par le premier juge sont adoptés purement et simplement.

Aucune atteinte disproportionnée à ses droits consécutive à son maintien en rétention n’est en outre alléguée, ni a fortirori démontrée par [J] [I].

La décision querellée est en conséquence confirmée en toutes ses dispositions

PAR CES MOTIFS

Déclarons recevable l’appel formé par [J] [I],

Confirmons en toutes ses dispositions l’ordonnance déférée.

Le greffier, Le conseiller délégué,

Céline DESPLANCHES Marianne LA MESTA


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