Rétention administrative et droits des étrangers : enjeux de procédure et de santé.

·

·

Rétention administrative et droits des étrangers : enjeux de procédure et de santé.

L’Essentiel : M. [K] [P], ressortissant algérien, a été placé en rétention administrative après avoir reçu un arrêté d’obligation de quitter le territoire français. Le tribunal a prolongé cette rétention à deux reprises, malgré l’appel de M. [K] [P], qui contestait la recevabilité de la requête du préfet et soulignait l’absence de perspectives d’éloignement. Le tribunal a jugé que les diligences administratives avaient été effectuées et a rejeté la demande d’expertise médicale liée à son état de santé. Finalement, l’appel a été déclaré recevable, mais la prolongation de la rétention a été confirmée pour trente jours supplémentaires.

Entrée en France et Obligation de Quitter le Territoire

M. [K] [P] est un ressortissant algérien qui est entré en France en 2014 pour y travailler. Le 29 novembre 2024, il a reçu un arrêté d’obligation de quitter le territoire français, suivi d’une mise en rétention administrative.

Prolongation de la Rétention Administrative

Le juge du tribunal judiciaire de Rouen a autorisé la prolongation de la rétention administrative de M. [K] [P] par ordonnance du 4 décembre 2024, décision confirmée le 5 décembre 2024. Une seconde prolongation a été accordée le 29 décembre 2024, ce qui a conduit M. [K] [P] à interjeter appel.

Arguments de l’Appelant

Dans son appel, M. [K] [P] conteste la recevabilité de la requête du préfet, soulignant l’absence de pièces relatives à l’audition consulaire et aux diligences des services préfectoraux. Il évoque également l’insuffisance des diligences administratives et l’absence de perspectives d’éloignement, tout en demandant la désignation d’un expert médical en raison de son état de santé.

Réponse du Parquet et Observations

Le parquet général a requis la confirmation de l’ordonnance par des conclusions écrites non motivées. Le préfet de la Seine-Maritime a également communiqué ses observations écrites, et le conseil de M. [K] [P] a réitéré les moyens développés dans l’acte d’appel lors de l’audience.

Recevabilité de l’Appel

L’appel interjeté par M. [K] [P] a été jugé recevable par le tribunal, qui a examiné les éléments de la procédure.

Diligences et Perspectives d’Éloignement

Le tribunal a constaté que M. [K] [P] ne disposait d’aucun document d’identité et que l’administration avait effectué des diligences en contactant les autorités algériennes, marocaines et tunisiennes. Le tribunal a rejeté l’argument selon lequel il n’y avait pas de perspectives d’éloignement.

État de Santé et Rétention Administrative

Concernant l’état de santé de M. [K] [P], atteint de paralysie faciale, le tribunal a noté qu’aucune pièce médicale ne prouvait l’incompatibilité de son état avec la rétention administrative. La demande d’expertise médicale a également été rejetée.

Décision Finale

Le tribunal a déclaré recevable l’appel de M. [K] [P] et a confirmé la prolongation de la mesure de rétention administrative pour une durée supplémentaire de trente jours, rejetant toute demande contraire.

Q/R juridiques soulevées :

Sur la recevabilité de l’appel

L’appel interjeté par M. [K] [P] à l’encontre de l’ordonnance rendue le 29 décembre 2024 est déclaré recevable.

Cette décision repose sur le principe général de la recevabilité des appels en matière de rétention administrative, qui est encadré par le Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA).

L’article R. 743-2 du CESEDA stipule que :

« A peine d’irrecevabilité, la requête est motivée, datée et signée, selon le cas, par l’étranger ou son représentant ou par l’autorité administrative qui a ordonné le placement en rétention.

Lorsque la requête est formée par l’autorité administrative, elle est accompagnée de toutes pièces justificatives utiles, notamment une copie du registre prévu à l’article L. 744-2. »

Dans ce cas, l’appel a été formé conformément aux exigences légales, ce qui le rend recevable.

Sur la recevabilité de la requête du préfet

Concernant la recevabilité de la requête du préfet, l’article R. 743-2 du CESEDA est également pertinent.

Il précise que la requête doit être accompagnée de toutes pièces justificatives utiles.

En l’espèce, les échanges entre l’administration française et l’autorité étrangère ne peuvent être considérés comme pièces utiles au sens de cet article.

Ainsi, la requête du préfet n’est pas irrecevable, et le moyen soulevé par M. [K] [P] sera rejeté.

Sur les diligences et les perspectives d’éloignement

L’article L. 741-3 du CESEDA dispose que :

« Un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ, l’administration devant exercer toute diligence à cet effet. »

Dans le cas présent, M. [K] [P] est démuni de tous documents d’identité et de voyage.

L’administration a donc dirigé ses recherches vers l’autorité algérienne, puis vers les autorités marocaines et tunisiennes.

Il est établi que l’administration a accompli les diligences nécessaires, et le retard ne peut lui être imputé.

Ainsi, il n’existe pas d’absence de perspectives d’éloignement, et le moyen sera rejeté.

Sur la compatibilité de l’état de santé de M. [K] [P] avec la rétention administrative

Concernant l’état de santé de M. [K] [P], il est mentionné qu’il souffre de paralysie faciale.

Cependant, aucune pièce médicale ne permet de conclure à l’incompatibilité de son état de santé avec la rétention administrative.

Il est important de noter que la demande d’expertise médicale a été rejetée, car elle ne peut suppléer la carence d’une partie dans l’administration de la preuve.

Ainsi, le moyen soulevé par M. [K] [P] sera également rejeté.

Conclusion

En conclusion, l’appel de M. [K] [P] est recevable, la requête du préfet n’est pas irrecevable, les diligences de l’administration sont suffisantes, et l’état de santé de M. [K] [P] ne justifie pas la cessation de la rétention administrative.

La décision du tribunal judiciaire de Rouen est donc confirmée dans toutes ses dispositions.

N° RG 24/04439 – N° Portalis DBV2-V-B7I-J26T

COUR D’APPEL DE ROUEN

JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT

ORDONNANCE DU 31 DECEMBRE 2024

Brigitte HOUZET, Conseillère à la cour d’appel de Rouen, spécialement désignée par ordonnance de la première présidente de ladite cour pour la suppléer dans les fonctions qui lui sont spécialement attribuées,

Assistée de Mme DEMANNEVILLE, Greffière lors des débats et Mme VESPIER, greffière lors des débats ;

Vu les articles L 740-1 et suivants du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

Vu la requête du préfet de la Seine-Maritime tendant à voir prolonger pour une durée supplémentaire de trente jours la mesure de rétention administrative qu’il a prise le 29 novembre 2024 à l’égard de M. [K] [P], né le 04 Juin 1987 à [Localité 1] (ALGERIE) ;

Vu l’ordonnance rendue le 29 Décembre 2024 à 12h35 par le magistrat du siège du tribunal judiciaire de Rouen autorisant le maintien en rétention de M. [K] [P] pour une durée supplémentaire de trente jours à compter du 29 décembre 2024 à 14h35 jusqu’au 28 janvier 2025 à la même heure ;

Vu l’appel interjeté par M. [K] [P], parvenu au greffe de la cour d’appel de Rouen le 30 décembre 2024 à 12h35 ;

Vu l’avis de la date de l’audience donné par le greffier de la cour d’appel de Rouen :

– aux services du directeur du centre de rétention de [Localité 2],

– à l’intéressé,

– au préfet de la Seine-Maritime,

– à Me Bilal YOUSFI, avocat au barreau de ROUEN, choisi en vertu de son droit de suite,

Vu les dispositions des articles L 743-8 et R 743-5 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

Vu la décision prise de tenir l’audience grâce à un moyen de télécommunication audiovisuelle et d’entendre la personne retenue par visioconférence depuis les locaux dédiés à proximité du centre de rétention administrative de [Localité 2] ;

Vu la demande de comparution présentée par M. [K] [P] ;

Vu l’avis au ministère public ;

Vu les débats en audience publique, en l’absence du préfet de la Seine-Maritime et du ministère public ;

Vu la comparution de M. [K] [P] par visioconférence depuis les locaux dédiés à proximité du centre de rétention administrative de [Localité 2] ;

Me Bilal YOUSFI, avocat au barreau de ROUEN étant présent au palais de justice ;

Vu les réquisitions écrites du ministère public ;

Vu le courriel du préfet de la Seine-Maritime en date du 30 décembre 2024 ;

Les réquisitions et les conclusions ont été mises à la disposition des parties ;

L’appelant et son conseil ayant été entendus ;

****

Décision prononcée par mise à disposition de l’ordonnance au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

****

FAITS, PROCÉDURE ET MOYENS

M. [K] [P] déclare être ressortissant algérien et être entré en France en 2014, pour y travailler.

M. [K] [P] a fait l’objet d’un arrêté portant obligation de quitter le territoire français le 29 novembre 2024.

Il a été placé en rétention administrative selon arrêté du même 29 novembre 2024, à l’issue d’une mesure de retenue.

Par ordonnance du 4 décembre 2024, le juge du tribunal judiciaire de Rouen a autorisé la prolongation de la rétention administrative de M. [K] [P], décision confirmée par le magistrat désigné par la première présidente de la cour d’appel de Rouen pour la suppléer le 5 décembre 2024.

Par ordonnance du 29 décembre 2024, le juge du tribunal judiciaire de Rouen a autorisé une seconde prolongation de la rétention adminsitrative de M. [K] [P].

M. [K] [P] a interjeté appel de cette décision.

Au soutien de son appel, il fait valoir:

– l’irrecevabilité de la requête du préfet, en l’absence des pièces relatives à l’audition consulaire et aux diligences entreprises par les services préfectoraux

– l’insuffisance des diligences de l’administration française et l’absence de perspectives d’éloignement

– l’incompatibilité de son état de santé avec la rétention administrative

Il sollicite la désignation d’un expert médical.

Le dossier a été communiqué au parquet général qui, par conclusions écrites non motivées du 30 décembre 2024, a requis la confirmation de l’ordonnance.

Le préfet de la Seine-Maritime a communiqué ses observations écrites.

A l’audience, son conseil a réitéré les moyens développés dans l’acte d’appel.

M. [K] [P] a été entendu en ses observations.

MOTIVATION DE LA DECISION

Sur la recevabilité de l’appel

Il résulte des énonciations qui précédent que l’appel interjeté par M. [K] [P] à l’encontre de l’ordonnance rendue le 29 Décembre 2024 par le magistrat du siège du tribunal judiciaire de Rouen est recevable.

Sur le fond

*sur la recevabilité de la requête du préfet :

L’article R.743-2 du ceseda, dans sa version en vigueur depuis le 1er septembre 2024, dispose’:

«A peine d’irrecevabilité, la requête est motivée, datée et signée, selon le cas, par l’étranger ou son représentant ou par l’autorité administrative qui a ordonné le placement en rétention.

Lorsque la requête est formée par l’autorité administrative, elle est accompagnée de toutes pièces justificatives utiles, notamment une copie du registre prévu à l’article L. 744-2.

Lorsque la requête est formée par l’étranger ou son représentant, la décision attaquée est produite par l’administration. Il en est de même, sur la demande du magistrat du siège du tribunal judiciaire, de la copie du registre.’

L’article R 743-2 ne définit pas les pièces utiles mais il s’agit des décisions administratives fondant la mesure de rétention administrative et des pièces de la procédure précédant immédiatement la mesure de rétention.

En l’espèce, les échanges entre l’administration française et l’autorité étrangère ne peuvent être considérés comme pièces utiles au sens du dit article.

La requête du préfet n’est donc pas irrecevable et le moyen de ce chef sera rejeté.

*sur les diligences et les perspectives d’éloignement :

En application des dispositions de l’article L. 741-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ, l’administration devant exercer toute diligence à cet effet.

Il résulte des éléments de la procédure que M. [K] [P] est démuni de tous documents d’identité et de voyage. Il se réclamait de nationalité algérienne, de sorte que l’administration préfectorale a dirigé ses premières recherches vers l’autorité algérienne, puis, devant le refus de celles-ci de reconnaître l’intéressé, a saisi les autorités marocaines et tunisiennes.

L’administration française a ainsi parfaitement accompli les diligences lui incombant et il ne lui saurait lui être imputé le retard dû au comportement de M. [K] [P].

Rien ne permet de conclure à ce jour à une absence de perspectives d’éloignement.

Le moyen sera donc rejeté.

*sur la compatibilité de l’état de santé de M. [K] [P] avec la rétention administrative :

Il résulte des éléments de la procédure que M. [K] [P] est atteint de paralysie faciale.

Néanmoins, alors qu’il a fait l’objet de plusieurs examens médicaux, aucune pièce médicale ne permet de conclure à l’incompatibilité de son état de santé avec la rétention administrative.

Le moyen sera donc rejeté, ainsi que la demande d’expertise médicale, une telle mesure ne pouvant suppléer la carence d’une partie dans l’administration de la preuve.

PAR CES MOTIFS :

Statuant publiquement, par ordonnance réputée contradictoire et en dernier ressort,

Déclare recevable l’appel interjeté par M. [K] [P] à l’encontre de l’ordonnance rendue le 29 Décembre 2024 par le magistrat du siège du tribunal judiciaire de Rouen, prolongeant la mesure de rétention administrative le concernant pour une durée supplémentaire de trente jours ;

Confirme la décision entreprise en toutes ses dispositions

Rejette toute demande plus ample ou contraire.

Fait à Rouen, le 31 Décembre 2024 à 16h25.

LE GREFFIER, LA CONSEILLERE,

NOTIFICATION

La présente ordonnance est immédiatement notifiée contre récépissé à toutes les parties qui en reçoivent une expédition et sont informées de leur droit de former un pourvoi en cassation dans les deux mois de la présente notification et dans les conditions fixées par les articles 973 et suivants du code de procédure civile.


Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Chat Icon