Rétention administrative et droits des étrangers : enjeux de la procédure et appréciation des faits.

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Rétention administrative et droits des étrangers : enjeux de la procédure et appréciation des faits.

L’Essentiel : Mme [B] [M], ressortissante marocaine, a été placée en rétention administrative le 19 novembre 2024, suite à un arrêté d’obligation de quitter le territoire français. Le 23 novembre, le tribunal de Rouen a prolongé sa rétention de vingt-six jours. En appel, elle a contesté cette décision, arguant de l’irrecevabilité de la requête du préfet, du défaut de notification de ses droits, et d’une possible assignation à résidence. Le tribunal a jugé l’appel recevable, mais a confirmé la décision de rétention, considérant que les éléments justifiant cette mesure étaient suffisants, malgré la vulnérabilité de Mme [B] [M].

Identité et situation de Mme [B] [M]

Mme [B] [M] est une ressortissante marocaine qui a été soumise à un arrêté d’obligation de quitter le territoire français le 19 novembre 2024. Ce même jour, elle a été placée en rétention administrative à l’issue d’une mesure de retenue.

Prolongation de la rétention administrative

Le 23 novembre 2024, le juge du tribunal judiciaire de Rouen a autorisé la prolongation de sa rétention administrative pour une durée de vingt-six jours. Mme [B] [M] a interjeté appel de cette décision, soulevant plusieurs moyens.

Moyens soulevés par Mme [B] [M]

Dans son appel, elle a fait valoir l’irrecevabilité de la requête du préfet en raison de l’absence de pièces justificatives, le défaut de notification de ses droits en rétention, une erreur manifeste d’appréciation de la part du préfet, ainsi que la possibilité d’une assignation à résidence.

Observations du préfet et du parquet

Le préfet des Pyrénées-Atlantiques a fourni des observations écrites, et le parquet général a requis la confirmation de l’ordonnance par un avis écrit du 25 novembre 2024. Lors de l’audience, le conseil de Mme [B] [M] a réitéré les moyens développés dans l’acte d’appel.

Recevabilité de l’appel

L’appel interjeté par Mme [B] [M] a été jugé recevable par le tribunal, confirmant ainsi la légitimité de sa contestation de l’ordonnance du 23 novembre 2024.

Analyse des moyens soulevés

Concernant la recevabilité de la requête du préfet, il a été établi que ce dernier n’avait pas fourni les pièces nécessaires, notamment un procès-verbal pour la période entre le placement en rétention et l’arrivée au centre de rétention. Cependant, cette absence de pièces n’a pas été considérée comme un motif d’irrecevabilité.

Notification des droits

Il a été constaté que Mme [B] [M] avait bien été informée de ses droits lors de son placement en rétention et à son arrivée au centre de rétention, rendant ce moyen inopérant.

Erreur manifeste d’appréciation et assignation à résidence

Le tribunal a examiné l’argument selon lequel le préfet aurait commis une erreur manifeste d’appréciation. Il a été noté que la décision de rétention était fondée sur des éléments tels que des mesures d’éloignement antérieures non exécutées et l’absence de documents d’identité. La vulnérabilité de Mme [B] [M] n’a pas été jugée suffisante pour remettre en question la décision du préfet.

Conclusion de la décision

En conséquence, l’ordonnance du 23 novembre 2024 a été confirmée dans toutes ses dispositions, maintenant ainsi le maintien en rétention de Mme [B] [M] pour la durée prévue.

Q/R juridiques soulevées :

Sur la recevabilité de l’appel

L’appel interjeté par Mme [B] [M] à l’encontre de l’ordonnance rendue le 23 novembre 2024 est déclaré recevable.

Cette décision repose sur le principe général du droit qui permet à toute personne concernée par une décision administrative de contester celle-ci devant une juridiction compétente.

Il est important de noter que l’article R. 743-2 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) précise les conditions de forme et de fond pour la recevabilité des requêtes.

Ainsi, l’article stipule que la requête doit être motivée, datée et signée, et qu’elle doit être accompagnée des pièces justificatives nécessaires.

Dans le cas présent, l’appel a été formé dans les délais et selon les modalités requises, ce qui justifie sa recevabilité.

Sur la recevabilité de la requête du préfet

L’article R. 743-2 du CESEDA, en vigueur depuis le 1er septembre 2024, impose que la requête soit accompagnée de toutes pièces justificatives utiles.

Il est précisé que lorsque la requête est formée par l’autorité administrative, elle doit être accompagnée d’une copie du registre prévu à l’article L. 744-2.

En l’espèce, le préfet n’a pas joint de pièces concernant la période entre le placement en rétention et l’arrivée au centre de rétention.

Cependant, le tribunal a jugé que cette pièce ne pouvait pas être considérée comme utile au sens de l’article R. 743-2.

Il incombe donc au préfet de produire les pièces nécessaires, et le moyen soulevé par Mme [B] [M] a été rejeté.

Sur la notification des droits afférents au placement en rétention

Il a été établi que Mme [B] [M] a bien été informée de ses droits lors de son placement en rétention.

L’article L. 744-1 du CESEDA stipule que l’étranger doit être informé de ses droits au moment de son placement.

Dans ce cas, la notification a eu lieu le 19 novembre 2024 à 11h30, et une notification plus complète a été faite à son arrivée au centre de rétention le même jour à 21h05.

Ainsi, le moyen soulevé par Mme [B] [M] concernant le défaut de notification des droits a été jugé infondé et a été rejeté.

Sur l’erreur manifeste d’appréciation du préfet et la possibilité d’une assignation à résidence

L’article L. 731-1 du CESEDA permet à l’autorité administrative de décider d’une assignation à résidence pour un étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français.

Cependant, cette décision doit être fondée sur une appréciation raisonnable des faits.

Dans le cas de Mme [B] [M], le préfet a justifié sa décision par l’existence de précédentes mesures d’éloignement non exécutées et l’absence de documents d’identité.

Bien que Mme [B] [M] ait évoqué sa vulnérabilité, le tribunal a constaté que les éléments de son histoire personnelle n’avaient pas été établis de manière convaincante.

Ainsi, le tribunal a conclu qu’il n’y avait pas d’erreur manifeste d’appréciation dans la décision du préfet, et la possibilité d’une assignation à résidence a été écartée.

Le moyen a donc été rejeté.

N° RG 24/04022 – N° Portalis DBV2-V-B7I-J2BZ

COUR D’APPEL DE ROUEN

JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT

ORDONNANCE DU 26 NOVEMBRE 2024

Brigitte HOUZET, conseillère à la cour d’appel de Rouen, spécialement désignée par ordonnance de la première présidente de ladite cour pour la suppléer dans les fonctions qui lui sont spécialement attribuées,

Assistée de Mme VESPIER, greffière ;

Vu les articles L 740-1 et suivants du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

Vu l’arrêté du préfet des Pyrennées Atlantiques en date du 19 novembre 2024 portant obligation de quitter le territoire français pour Mme [B] [M]

née le 27 Février 1992 à [Localité 1] (MAROC) ;

Vu l’arrêté du préfet des Pyrennées Atlantiques en date du 19 novembre 2024 de placement en rétention administrative de Mme [B] [M] ayant pris effet le 19 novembre 2024 à 11h30 ;

Vu la requête de Mme [B] [M] en contestation de la régularité de la décision de placement en rétention administrative ;

Vu la requête du préfet des Pyrennées Atlantiques tendant à voir prolonger pour une durée de vingt six jours la mesure de rétention administrative qu’il a prise à l’égard de Mme [B] [M] ;

Vu l’ordonnance rendue le 23 Novembre 2024 à 15h48 par le Juge des libertés et de la détention de ROUEN, déclarant la décision de placement en rétention prononcée à l’encontre de Mme [B] [M] régulière, et ordonnant en conséquence son maintien en rétention pour une durée de vingt six jours à compter du 23 novembre 2024 à 11h30 jusqu’au 19 décembre 2024 à la même heure ;

Vu l’appel interjeté par Mme [B] [M], parvenu au greffe de la cour d’appel de Rouen le 24 novembre 2024 à 18h45 ;

Vu l’avis de la date de l’audience donné par le greffier de la cour d’appel de Rouen :

– aux services du directeur du centre de rétention de [Localité 2],

– à l’intéressé,

– au préfet des Pyrennées Atlantiques,

– à Me Bilal YOUSFI, avocat au barreau de ROUEN, choisi en vertu de son droit de suite,

Vu les dispositions des articles L 743-8 et R 743-5 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

Vu la décision prise de tenir l’audience grâce à un moyen de télécommunication audiovisuelle et d’entendre la personne retenue par visioconférence depuis les locaux dédiés à proximité du centre de rétention administrative de [Localité 2] ;

Vu la demande de comparution présentée par Mme [B] [M] ;

Vu l’avis au ministère public ;

Vu les débats en audience publique, en l’absence du préfet des Pyrennées Atlantiques et du ministère public ;

Vu la comparution de Mme [B] [M] par visioconférence depuis les locaux dédiés à proximité du centre de rétention administrative de [Localité 2] ;

Me Bilal YOUSFI, avocat au barreau de ROUEN, étant présent au palais de justice ;

Vu les observations écrites du préfet des Pyrennées Atlantiques parvenues au greffe de la cour d’appel le 25 novembre 2024 ;

Vu les réquisitions écrites du ministère public ;

Les réquisitions et les conclusions ont été mises à la disposition des parties ;

L’appelant et son conseil ayant été entendus ;

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Décision prononcée par mise à disposition de l’ordonnance au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

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FAITS, PROCÉDURE ET MOYENS

Mme [B] [M] déclare être ressortissante marocaine.

Elle a fait l’objet d’un arrêté portant obligation de quitter le territoire français en date du 19 novembre 2024.

Elle a été placée en rétention administrative le même 19 novembre 2024, à l’issue d’une mesure de retenue.

La prolongation de sa rétention administrative a été autorisée par ordonnance du juge du tribunal judiciaire de Rouen du 23 novembre 2024 pour une durée de vingt-six jours.

Mme [B] [M] a interjeté appel de cette décision.

Au soutien de son appel, elle fait valoir :

– l’irrecevabilité de la requête du préfet en l’absence de pièces afférentes à la période écoulée entre le placement en rétention et l’arrivée au centre de rétention

– le défaut de notification des droits en rétention

– l’erreur manifeste d’appréciation commise par le préfet

– la possibilité de l’assigner à résidence

Le préfet des Pyrénées-Atlantiques a communiqué ses observations écrites.

Le dossier a été communiqué au parquet général qui, par avis écrit du 25 novembre 2024, a requis la confirmation de l’ordonnance.

A l’audience, son conseil a réitéré les moyens développés dans l’acte d’appel.

Mme [B] [M], a été entendue en ses observations.

MOTIVATION DE LA DECISION

Sur la recevabilité de l’appel

Il résulte des énonciations qui précédent que l’appel interjeté par Mme [B] [M] à l’encontre de l’ordonnance rendue le 23 Novembre 2024 par le magistrat du siège du tribunal judiciaire de Rouen est recevable.

Sur le fond

*sur la recevabilité de la requête du préfet :

L’article R.743-2 du ceseda, dans sa version en vigueur depuis le 1er septembre 2024, dispose’:

« A peine d’irrecevabilité, la requête est motivée, datée et signée, selon le cas, par l’étranger ou son représentant ou par l’autorité administrative qui a ordonné le placement en rétention.

Lorsque la requête est formée par l’autorité administrative, elle est accompagnée de toutes pièces justificatives utiles, notamment une copie du registre prévu à l’article L. 744-2.

Lorsque la requête est formée par l’étranger ou son représentant, la décision attaquée est produite par l’administration. Il en est de même, sur la demande du magistrat du siège du tribunal judiciaire, de la copie du registre..’

L’article R 743-2 ne définit pas les pièces utiles mais il s’agit des décisions administratives fondant la mesure de rétention administrative et des pièces de la procédure précédant immédiatement la mesure de rétention.

En l’espèce, le préfet n’a pas joint à sa requête de pièce(s), notamment un procès-verbal à la période suivant la notification du placement en rétention et précédant l’arrivée au centre de rétention.

Néanmoins, cette pièce ne peut être considérée comme pièce utile, au sens de l’article R. 743-2 du CESEDA et qu’il incombe au préfet de produire.

Le moyen sera donc rejeté.

*sur la notificaion des droits afférents au placement en rétention :

Il résulte des éléments de la procédure que Mme [B] [M] s’est vue notifier les droits dont elle bénéficie lors de son placement en rétention, le 19 novembre 2024 à 11h30 à [Localité 3] et, de manière plus complète, à son arrivée au centre de rétention de [Localité 2], le même jour à 21h05.

Le moyen manque donc en fait et sera rejeté.

*sur l’erreur manifeste d’appréciation du préfet et la possibilité d’une assignation à résidence :

L’article L. 731-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, prévoit que l’autorité administrative peut prendre une décision d’assignation à résidence à l’égard de l’étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l’éloignement demeure une perspective raisonnable. Il est constant que la décision de placement en rétention est entachée d’une erreur manifeste d’appréciation lorsque l’administration s’est trompée grossièrement dans l’appréciation des faits qui ont motivé sa décision. Le juge peut sanctionner une erreur manifeste d’appréciation des faits à condition qu’elle soit grossière, flagrante, repérable par le simple bon sens, et qu’elle entraîne une solution choquante dans l’appréciation des faits par l’autorité administrative.

Mme [B] [M] soutient que sa vulnérabilité et son histoire personnelle, qui démontrent qu’elle est une victime méritant protection, n’ont pas été prises en compte.

Or la décision du préfet est fondée sur l’existence de deux précédentes mesures d’éloignement non exécutées, une précédente assignation à résidence à laquelle l’intéressée s’est soustraite, l’absence de documents d’identité et de voyage, de ressources légales, de domicile fixe, du refus de quitter le territoire français exprimé par Mme [B] [M] lors de son audition du 18 novembre 2024 et de ses antécédents judiciaires mentionnés au TAJ.

Lors de son audition du 18 novembre 2024, Mme [B] [M] a pu faire état de son histoire personnelle et a allégué d’un état de vulnérabilité lié à sa qualité de victime de violences conjugales.

Néanmoins, le tribunal administratif de Marseille, dans sa décision du 27 décembre 2018 avait considéré comme non établies les violences conjugales et les souffrances psychologiques qu’elle invoque, décision confirmée par la cour administrative d’appel de Marseille du 28 août 2019.

C’est donc sans commettre d’erreur d’appréciation que le préfet des Pyrénées-Atlantiques a décidé du placement en rétention de Mme [B] [M].

Eu égard à l’absence de passeport, l’assignation à résidence n’est pas envisageable.

Le moyen sera donc rejeté.

En conséquence, l’ordonnance entreprise sera confirmée en toutes ses dispositions.

PAR CES MOTIFS :

Statuant publiquement, par ordonnance réputée contradictoire et en dernier ressort,

Déclare recevable l’appel interjeté par Mme [B] [M] à l’encontre de l’ordonnance rendue le 23 Novembre 2024 par le magistrat du siège du tribunal judiciaire de Rouen ordonnant son maintien en rétention pour une durée de vingt six jours,

Confirme la décision entreprise en toutes ses dispositions.

Fait à Rouen, le 26 Novembre 2024 à 09h51.

LE GREFFIER, LA CONSEILLERE,

NOTIFICATION

La présente ordonnance est immédiatement notifiée contre récépissé à toutes les parties qui en reçoivent une expédition et sont informées de leur droit de former un pourvoi en cassation dans les deux mois de la présente notification et dans les conditions fixées par les articles 973 et suivants du code de procédure civile.


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