L’Essentiel : La SCI LA SITHI a acquis des lots d’un appartement auprès de la SAS COULON CENTRE-PROMOTION, avec une livraison prévue fin décembre 2019. En raison de retards, la SCI a demandé des explications, la SAS invoquant des recours contentieux et des problèmes d’empiètement. Après une assignation en justice, le tribunal a débouté la SCI de ses demandes et l’a condamnée à verser une indemnité à la SAS. En appel, la SCI a contesté cette décision, mais la cour a confirmé le jugement initial, considérant le retard comme justifié par des causes légitimes, déboutant ainsi la SCI de toutes ses demandes.
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Contexte de l’AffaireLa SCI LA SITHI a acquis des lots d’un appartement et de ses dépendances auprès de la SAS COULON CENTRE-PROMOTION dans le cadre d’un contrat de vente en l’état futur d’achèvement, avec une livraison prévue pour fin décembre 2019. Le prix de la vente s’élevait à 129.000,00 €. Cependant, le bâtiment B, où se trouve l’appartement, n’a pas été achevé à la date convenue. Retards de LivraisonFace à l’absence de livraison, la SCI LA SITHI a sollicité des explications de la part de la SAS COULON CENTRE-PROMOTION. Ce dernier a évoqué plusieurs raisons pour justifier le retard, notamment des recours contentieux concernant le permis de construire, des actions en justice pour empiètement par une copropriété voisine, et des rejets de demandes de reprise des travaux. Procédure JudiciaireEn l’absence de résolution amiable, la SCI LA SITHI a assigné la SAS COULON CENTRE-PROMOTION en réparation devant le tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand. Le jugement rendu le 5 décembre 2022 a débouté la SCI de toutes ses demandes de condamnation et a condamné la SCI à verser une indemnité à la société COULON. Appel de la DécisionLa SCI LA SITHI a interjeté appel du jugement, demandant l’annulation de la décision et la reconnaissance de la responsabilité de la SAS COULON pour le retard de livraison. Elle a également sollicité des réparations financières pour divers préjudices subis. Arguments des PartiesLa SCI LA SITHI a soutenu que la SAS COULON avait manqué à ses obligations contractuelles et que le retard était dû à des fautes de sa part. En revanche, la SAS COULON, ainsi que ses mandataires judiciaires, n’ont pas constitué avocat et n’ont pas contesté les arguments en première instance. Décision de la CourLa cour a confirmé le jugement de première instance, considérant que le retard de livraison était justifié par des causes légitimes, indépendantes de la volonté de la SAS COULON. La SCI LA SITHI a été déboutée de toutes ses demandes et condamnée aux dépens de l’instance. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelle est la nature de l’obligation de délivrance du vendeur en matière de vente en l’état futur d’achèvement ?L’obligation de délivrance du vendeur en matière de vente en l’état futur d’achèvement (VEFA) est une obligation de résultat. Cela signifie que le vendeur doit livrer un bien conforme aux spécifications contractuelles à la date convenue. Selon l’article 1603 du Code civil, « Le vendeur est tenu de délivrer la chose vendue. » Cette obligation implique que le bien doit être conforme à ce qui a été convenu dans le contrat. En cas de non-respect de cette obligation, l’acheteur peut demander des dommages-intérêts pour le préjudice subi. De plus, l’article 1792-1 du Code civil précise que « le vendeur d’un immeuble à construire est réputé constructeur. » Cela signifie qu’il est responsable des vices de construction et doit garantir la conformité de l’ouvrage livré. Quelles sont les conséquences d’un retard de livraison en raison d’une force majeure ?En cas de retard de livraison, le vendeur peut invoquer la force majeure pour se décharger de sa responsabilité. L’article 1218 du Code civil définit la force majeure comme un événement imprévisible, irrésistible et extérieur qui empêche l’exécution de l’obligation. Dans le cas présent, la société COULON a invoqué des actions judiciaires en cours comme cause de force majeure, ce qui a empêché l’achèvement des travaux. L’article 1218 stipule que « celui qui ne peut exécuter son obligation en raison d’un cas de force majeure n’encourt aucune responsabilité. » Ainsi, si le retard est dû à des circonstances indépendantes de la volonté du vendeur, ce dernier ne peut être tenu responsable des conséquences de ce retard. Comment la responsabilité du vendeur peut-elle être engagée en cas de défaut de conformité ?La responsabilité du vendeur peut être engagée en cas de défaut de conformité du bien livré. L’article 1641 du Code civil prévoit que « le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue. » Dans le cadre d’une VEFA, l’acheteur peut également se prévaloir de la garantie de parfait achèvement, prévue par l’article 1792 du Code civil, qui impose au vendeur de réparer les désordres signalés dans l’année suivant la réception des travaux. Si le vendeur ne respecte pas ces obligations, l’acheteur peut demander des réparations ou des dommages-intérêts. Il est donc essentiel pour le vendeur de s’assurer que le bien livré est conforme aux spécifications contractuelles et exempt de vices. Quelles sont les implications de l’article 1994 du Code civil concernant la responsabilité du mandataire ?L’article 1994 du Code civil stipule que « le mandataire répond de celui qu’il s’est substitué dans la gestion. » Cela signifie que si un mandataire agit pour le compte d’un vendeur, il peut être tenu responsable des fautes commises par ce dernier. Dans le cas présent, la SCI LA SITHI a tenté d’engager la responsabilité de la société COULON en tant que mandataire. Cependant, pour que cette responsabilité soit engagée, il faut prouver que le mandataire a agi de manière fautive ou que le choix des sous-traitants était inapproprié. L’absence de preuve d’une incapacité ou d’une insolvabilité des sous-traitants empêche d’appliquer les dispositions de l’article 1994. Ainsi, la responsabilité du mandataire ne peut être engagée que si des fautes avérées sont démontrées. Quelles sont les conséquences d’une décision judiciaire sur l’exécution des travaux ?Une décision judiciaire, comme une injonction de suspendre les travaux, a des conséquences directes sur l’exécution des obligations contractuelles. Selon l’article 1219 du Code civil, « lorsqu’une partie ne peut exécuter son obligation en raison d’une décision de justice, elle ne peut être tenue responsable. » Dans ce cas, la société COULON a été contrainte de suspendre les travaux en raison d’une décision judiciaire. Cela constitue une cause légitime de suspension des délais d’exécution, ce qui exonère le vendeur de sa responsabilité pour le retard de livraison. Ainsi, tant que la décision judiciaire est en vigueur, le vendeur ne peut être tenu responsable des conséquences de ce retard, et l’acheteur ne peut pas demander de dommages-intérêts pour ce motif. |
DE RIOM
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
Du 26 novembre 2024
N° RG 23/00011 – N° Portalis DBVU-V-B7G-F53G
-PV- Arrêt n°
S.C.I. LA SITHI / S.A.S. COULON CENTRE-PROMOTION, S.E.L.A.R.L. AJ UP, S.E.L.A.R.L. MJ [F]
Jugement au fond, origine TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de CLERMONT-FERRAND, décision attaquée en date du 05 Décembre 2022, enregistrée sous le n° 21/03710
Arrêt rendu le MARDI VINGT SIX NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT QUATRE
COMPOSITION DE LA COUR lors du délibéré :
M. Philippe VALLEIX, Président
M. Daniel ACQUARONE, Conseiller
Mme Clémence CIROTTE, Conseiller
En présence de :
Mme Marlène BERTHET, greffier lors de l’appel des causes et du prononcé
ENTRE :
S.C.I. LA SITHI
Monsieur [E] [B]
[Adresse 8]
[Localité 1]
Représentée par Maître François Xavier DOS SANTOS, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND
Timbre fiscal acquitté
APPELANTE
ET :
S.A.S. COULON CENTRE-PROMOTION
[Adresse 5]
[Localité 7]
non représentée
S.E.L.A.R.L. AJ UP, représentée par Me [Y] [N], es qualité d’Administrateur Judiciaire de la SAS COULON CENTRE PROMOTION
[Adresse 4]
[Localité 7]
non représentée
S.E.L.A.R.L. MJ [F] , représentée par Me [V] [F], es qualité de Mandataire Judiciaire de la SAS COULON CENTRE PROMOTION
[Adresse 2]
[Localité 7]
non représentée
INTIMEES
DÉBATS :
L’affaire a été débattue à l’audience publique du 01 juillet 2024, en application des dispositions de l’article 786 du code de procédure civile, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant M. VALLEIX et M. ACQUARONE, rapporteurs.
ARRÊT : RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 26 novembre 2024 après prorogé du délibéré initialement prévu le 08 octobre 2024 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;
Signé par M. VALLEIX, président et par Mme BERTHET, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La SCI LA SITHI, exerçant une activité d’acquisitions immobilières à rendements locatifs, a acheté par acte authentique du 30 juillet 2018 à la SAS COULON CENTRE-PROMOTION les lots n° 118, n° 26 et n° 44 constitutifs d’un appartement et de ses dépendances à usage de garage et de cave dans le cadre d’un contrat en l’état de futur d’achèvement relevant du programme de construction d’un immeuble de copropriété de 34 logements et deux bâtiments A et B dénommé Résidence [10], sur un terrain cadastré section AL numéros [Cadastre 6] et [Cadastre 9] et situé [Adresse 3] à Chamalières (Puy-de-Dôme). Le prix de cette vente était de 129.000,00 €, le délai de livraison étant contractuellement prévu pour fin décembre 2019 sauf survenance de cas de force majeure ou des causess usuelles de suspension du délai de livraison.
Constatant que le bâtiment B de cet ensemble immobilier, dans lequel se situe son appartement et dépendances, n’avait été ni terminé ni de ce fait livré en fin d’année 2019, la SCI LA SITHI a demandé à la société COULON des explications sur les raisons de ce retard par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 30 mai 2020. Selon les termes de plusieurs échanges de correspondances qui s’ensuivaient entre l’acheteur et le promoteur immobilier, ce dernier s’estimait victime de situations indépendantes de sa volonté en communiquant les explications suivantes comme causes de ce retard d’achèvement et de livraison :
– un recours contentieux formé devant le tribunal administratif de Clermont-Ferrand contre le permis de construire initial et modificatif, l’affaire n’ayant alors pas encore reçu fixation ;
– une action contentieuse initiée devant le tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand en allégation d’empiètement par la copropriété voisine dénommée [11], cet empiètement ayant été effectivement caractérisé sur une surface de l’ordre de 2 m² (4 cm x 10 cm) après organisation d’une mesure d’expertise judiciaire dont le rapport a été déposé en juillet 2020 ;
– un rejet portant sur une de ses demandes formées en référé aux fins de reprise des travaux du bâtiment B ;
– une action contentieuse introduite par la copropriété [11] aux fins de démolition des éléments de construction du bâtiment B empiétant sur son fonds.
En l’absence de tout applanissement amiable de cette situation, la SCI LA SITHI a assigné en réparation le 27 octobre 2021 la société COULON CENTRE PROMOTION devant le tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand qui, suivant un jugement n° RG-21/03710 rendu le 5 décembre 2022, a :
déclaré recevables les interventions volontaires de la SELARL AJ UP, représentée par Me [Y] [N], en qualité d’administrateur judiciaire de la SAS COULON CENTRE PROMOTION, et de la SELARL MJ [F], représentée par Me [V] [F], en qualité de mandataire judiciaire de la SAS COULON CENTRE PROMOTION ;
débouté la SCI LA SITHI de l’intégralité de ses demandes de condamnation de la société COULON à lui payer les sommes suivantes :
* 2.747,80 € selon arrêté de comptes au 31 mars 2022, en réparation de son préjudice financier ;
* 101,77 € par mois du 1er avril 2022 jusqu’à la signature du procès-verbal de livraison du bien acquis ;
* 12.690,00 € selon décompte arrêté au 31 mars 2022, en réparation de ses pertes locatives ;
* sauf à parfaire, 470,00 € par mois du 1er avril 2022 jusqu’à la date de signature du procès-verbal de livraison du bien ;
* 10.000,00 €, en réparation de son préjudice moral et financier ;
* 4.000,00 €, au titre des frais irrépétibles, outre entiers dépens de l’instance.
condamné la SCI LA SITHI à payer à la société COULON CENTRE PROMOTION une indemnité de 1.500,00 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
condamné la SCI LA SITHI aux dépens de l’instance ;
ordonné l’exécution provisoire de la décision.
Par déclaration formalisée par le RPVA le 31 décembre 2022, le conseil de la SCI LA SITHI a interjeté appel du jugement susmentionné. L’effet dévolutif de cet appel y est ainsi libellé :
» Appel total Afin d’obtenir l’annulation où l’infirmation intégrale du jugement rendu et plus particulièrement du dispositif suivant : 1. DÉBOUTE la SCI LA SITHI de l’intégralité de ses demandes, 2. CONDAMNE la SCI LA SITHI à payer à la société COULON CENTRE PROMOTION la somme de 1 500 € (mille cinq cents euros) sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, 3. CONDAMNE la SCI LA SITHI aux dépens, (…) »
‘ Par dernières conclusions d’appelant notifiées par le RPVA le 13 janvier 2023, la SCI LA SITHI a demandé de :
au visa des articles 1103 et 1792-1 du Code civil, de l’article 1603 du Code civil sur l’obligation de délivrance du vendeur en termes d’obligation de résultat, de l’article 1626 du Code civil en ce qui concerne la garantie contre l’éviction, de l’article 1994 du même Code au regard l’obligation faite au Juge de ne pas dénaturer l’écrit qui lui est soumis et de l’article 261-5 du code de la construction et de l’habitation prévoyant une garantie légale pour les désordres apparents avant livraison ;
juger la SCI LA SITHI recevable et fondée en son appel ;
infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 5 décembre 2022 par le tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand et statuer de nouveau ;
juger que la société COULON a manqué à son obligation de résultat de délivrance conforme concernant le bien immobilier susmentionné ;
juger que la société COULON a manqué à ses obligations de mandataire exclusif et répond de plein droit des manquements de ceux qu’elle s’était substitués ;
juger que la société COULON CENTRE PROMOTION a manqué à ses obligations de propriétaire et de maître de l’ouvrage en négligeant de vérifier l’emprise de sa construction par rapport aux limites de propriété ;
juger en outre que le retard de livraison découle de fautes et négligences imputables au vendeur ;
juger en conséquence l’action en responsabilité contractuelle ;
juger que sera fixée au passif de la société COULON CENTRE PROMOTION les créances suivantes au profit de la SCI LA SITHI :
en réparation de la perte de valeur de l’immeuble du fait de son ouverture aux intempéries et de la vétusté croissante des parties communes auxquelles la SCI LA SITHI n’a pas accès, la somme de 25.000,00 € ;
en réparation du préjudice financier, la somme de 3.663,72 €, arrêtée au 31 décembre 2022, sauf à parfaire à hauteur de 101,77 € par mois du 1er janvier 2023 jusqu’à parfaite livraison ;
au titre de la perte locative, la somme de 16.920,00 € selon décompte arrêté au 31 décembre 2022, sauf à parfaire du 1er janvier 2023 jusqu’à parfaite livraison ;
au titre du préjudice moral de la SCI LA SITHI, la somme de 10.000,00 € ;
pour le cas où la SAS COULON CENTRE PROMOTION bénéficierait d’un plan de redressement avant la fin de l’instance et redeviendrait donc in bonis, la condamner à payer les mêmes sommes au profit de la SCI LA SITHY :
juger la décision à intervenir commune et opposable aux organes de la procédure collective dont fait l’objet la société COULON, à savoir :
l’administrateur judiciaire : la SELARL AJ UP ;
le mandataire judiciaire : la SELARL MJ [F] ;
condamner ces derniers in solidum aux entiers dépens de l’instance, avec application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile au profit de Me François-Xavier Dos Santos, avocat au barreau de Clermont-Ferrand.
‘ La SAS COULON CENTRE-PROMOTION n’a pas constitué avocat et était donc non comparante.
‘ La SELARL AJ UP, représentée par Me [Y] [N], en qualité d’administrateur judiciaire de la SAS COULON CENTRE PROMOTION, n’a pas constitué avocat et était donc non comparante.
‘ La SELARL MJ [F], représentée par Me [V] [F], en qualité de mandataire judiciaire de la SAS COULON CENTRE PROMOTION, n’a pas constitué avocat et était donc non comparante.
Par application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, les moyens développés par les parties à l’appui de leurs prétentions sont directement énoncés dans la partie MOTIFS DE LA DÉCISION.
Par ordonnance rendue le 16 mai 2024, le Conseiller de la mise en état a ordonné la clôture de cette procédure. Lors de l’audience civile collégiale du 1 juillet 2024 à 14h00, au cours de laquelle cette affaire a été évoquée, chacun des conseils des parties a réitéré et développé ses moyens et prétentions précédemment énoncés. La décision suivante a été mise en délibéré au 8 octobre 2024, prorogée au 26 novembre 2024, par mise à disposition au greffe.
La société COULON ainsi que SELARL AJ UP et la SELARL MJ [F] se sont vues chacune remettre le 18 janvier 2023 la déclaration d’appel et les conclusions de l’appelant par signification à personne morale. La présente décision sera en conséquence rendue de manière réputée contradictoire à l’égard de l’ensemble des parties au litige, par application des dispositions de l’article 474 alinéa 1er du code de procédure civile.
De plus, la société COULON ainsi que SELARL AJ UP et la SELARL MJ [F] qui n’ont pas constitué avocat en cause d’appel sont censées s’approprier les motifs de première instance, conformément aux dispositions de l’article 954 alinéa 6 du code de procédure civile
Aucun appel n’a été formé à l’encontre du jugement de première instance en ce qui concerne la recevabilité des interventions volontaires de la SELARL AJ UP et de la SELARL MJ [F].
Il n’a pas été factuellement contesté en première instance par la société COULON et les représentants des deux organes de la procédure collective dont elle fait l’objet que les travaux litigieux portant sur l’ensemble du bâtiment B du programme immobilier susmentionné n’étaient ni achevés ni a fortiori livrés à la date du 19 septembre 2022 de clôture des débats afférents à cette première instance. Il en était de même à la date du 16 mai 2024 de clôture des débats afférents à la présente instance d’appel comme à la date du 1er juillet 2024 de l’audience de plaidoirie, selon les indications non contestées du conseil de la SCI LA SITHI. Depuis la date du 31 décembre 2019 de délai de livraison contractuelle, l’intégralité du bâtiment B dans lequel se trouve l’appartement litigieux et ses dépendances est donc en retard d’achèvement et de livraison, soit sur une période de plus de quatre années et demie.
Le premier juge a exactement rappelé que la principale cause de ce retard d’achèvement et de livraison d’ouvrage résultait d’une action judiciaire parallèle intentée en allégation d’empiètement à l’encontre du promoteur immobilier en qualité de maître d’ouvrage par le syndicat de copropriété de l’immeuble de copropriété voisin dénommé [11], ayant notamment donné lieu à :
– une ordonnance de référé du 2 juillet 2019 du Président du tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand, confirmée par un arrêt du 17 décembre 2019 de la cour d’appel de Riom, ayant ordonné une mesure d’expertise judiciaire ainsi que la suspension des travaux en cours sur le bâtiment B dans l’attente du dépôt du rapport d’expertise judiciaire ;
– en lecture du rapport du 22 juin 2020 afférent à cette mesure d’expertise judiciaire ayant conclu à l’existence d’un empiètement et à une mauvaise insertion du projet de construction dans le terrain qui lui était affecté, une nouvelle ordonnance de référé rendue le 1er décembre 2020 par le Président du tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand, ayant maintenu cette mesure de suspension des travaux portant sur le bâtiment B dans l’attente d’une décision à intervenir au fond en ce qui concerne l’empiètement.
Il importe préalablement de préciser que ce dispositif d’injonctions judiciaires d’arrêt des travaux provoquant la situation dommageable d’absence totale de livraison du bâtiment B de ce programme de construction dans le respect du délai contractuel prévu procède au titre de l’urgence d’une suspension provisoire des travaux jusqu’à la survenance d’un terme ou d’un événement défini, en l’espèce désormais une décision à intervenir au fond sur la situation d’empiètement alléguée par la copropriété voisine, et non d’une interruption des travaux. L’interruption des travaux est un effet une mesure de fond et définitive échappant par définition à la compétence d’attribution de la juridiction des référés.
Il s’en infère selon le jugement de première instance que » (‘) le retard de livraison est légitimé par l’injonction judiciaire d’interrompre les travaux laquelle n’est due ni à la faute ni à la négligence de la société COULON CENTRE PROMOTION et est, par conséquent, opposable à la SCI LA SITHI. « . L’acte authentique de vente en l’état futur d’achèvement du 30 juillet 2018 stipule en effet notamment que constituent des causes légitimes de suspension du délai de livraison les » – Injonctions administratives ou judiciaires de suspendre ou d’arrêter les travaux, à moins que lesdites injonctions ne soient fondées sur des fautes ou des négligences imputables au VENDEUR. » (page 16). Il importe dès lors de s’interroger si l’ensemble de ce dispositif d’injonctions judiciaires sur initiatives procédurales de la copropriété voisine faisant obstacle à la poursuite des travaux sur le bâtiment B résulte ou non de fautes ou de négligences de la société COULON en termesde conception initiale des travaux, de réalisation des travaux, de défaut de coordination ou de surveillance du chantier ou de défaillance dans la maîtrise foncière du site à construire.
En l’occurrence, il doit être rappelé que la société COULON a la qualité de maître d’ouvrage jusqu’à la réception des travaux dans la conduite de cette opération de construction et de promotion immobilière dont elle n’a été ni l’architecte ni le géomètre-expert ni l’un quelconque des intervenants de travaux chargés de vérifier ou de mettre en oeuvre le projet en fonction de la bonne implantation du site à construire. Elle indique d’ailleurs dans ses conclusions d’appelant avoir distinctement assigné le 19 juillet 2022 en cause et en garantie le géomètre-expert la SELARL GEOVAL et son assureur la société MMA, le locateur d’ouvrage en matière de maçonnerie la SAS SOBAPT et son assureur la SOCIÉTÉ MUTUELLE DES ARTISANS DU BÂTIMENT ET DES TRAVAUX PUBLICS (SMABTP) et l’architecte M. [T] [M] ainsi que le maître d »uvre la SARL RIBEIRO BERTRAND avec leur assureur commun la société MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANÇAIS (MAF) devant le tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand afin de leur imputer également la responsabilité de la situation lui faisant grief. Elle ajoute avoir demandé la jonction de cette affaire avec l’affaire faisant l’objet de la présente procédure d’appel mais que celle-ci lui a été refusée. La recherche de responsabilité civile parallèlement exercée par l’acheteur à l’encontre du géomètre-expert, de l’architecte, du maître d »uvre, de l’entreprise de maçonnerie et de leur assureur respectif suit donc actuellement encore son cours devant le tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand indépendamment de la présente procédure d’appel.
En l’occurrence, le vendeur en l’état futur d’achèvement d’un immeuble à construire, quoique maître d’ouvrage jusqu’à l’achèvement de l’opération de promotion immobilière, ne peut effectivement être déchargé des vices de construction avant la réception des travaux et jusqu’à l’expiration d’un délai d’un mois après la prise de possession de l’ouvrage par l’acquéreur en application de l’article 1642-1 du Code civil repris à l’article L.261-5 du code de la construction et de l’habitation. Il est également réputé constructeur par application de l’article 1792-1/2° du Code civil et ne peut non plus s’affranchir de l’obligation de résultat de délivrance par application de l’article 1603 du Code civil et de la garantie d’éviction prévue à l’article 1620 du Code civil-3. Pour autant, il ne lui est pas moins loisible d’invoquer la force majeure pour renverser ces présomptions pesant sur lui du fait de l’absence de livraison de l’ouvrage au terme échu. Or, il résulte des débats de première instance en lecture de la motivation du premier juge que la société COULON a suffisamment apporté la preuve contraire qu’aucun des éléments mis en débats n’établissait que le vendeur en l’état futur d’achèvement et encore actuellement maître d’ouvrage se serait chargé, par intervention contractuelle directe ou par immixtion de fait, de l’exécution de l’une quelconque des prestations de géomètre-expert, d’architecte, de maîtrise d »uvre et de gros-‘uvre / maçonnerie où ne peut dès lors que se trouver l’erreur, la faute ou la négligence à l’origine de ce défaut de maîtrise foncière dans la conduite de cette opération de construction immobilière. Les débats poursuivis en cause d’appel de manière réputée contradictoire par la SCI LA SITHI ne permettent pas de déduire des conclusions différentes sur le fait que la société COULON n’a jamais excédé le périmètre de sa qualité de maître d’ouvrage » (‘) vis-à-vis des architectes, entrepreneurs, des autres techniciens ou hommes de l’art, vis-à-vis de toutes administrations ou services concédés, ainsi que, d’une manière générale, vis-à-vis de tous tiers, jusqu’à la réception des travaux. « , conformément à l’acte authentique de vente en l’état futur d’achèvement du 30 juillet 2018 (page 18).
Par ailleurs, la SCI LA SITHI se prévaut des dispositions de l’article 1994 alinéa 1er du Code civil suivant lesquelles » Le mandataire répond de celui qu’il s’est substitué dans la gestion : 1° quand il n’a pas reçu le pouvoir de se substituer quelqu’un ; 2° quand ce pouvoir lui a été conféré sans désignation d’une personne, et que celle dont il a fait choix était notoirement incapable ou insolvable. « . En cette occurrence, si le contrat de vente en l’état futur d’achèvement du 30 juillet 2018 prévoit effectivement que » (‘) La signature par l’ACQUÉREUR de son acte de vente emportera automatiquement constitution du vendeur pour son mandataire exclusif (‘) à l’effet de passer les conventions indispensables à la construction de l’ensemble immobilier (‘) » sans désignations particulières sur les contractants à cette opération de construction, rendant dès lors applicables les dispositions précitées de l’article 1994 alinéa 1er/2° du Code civil, celles-ci ne peuvent être appliquées à la situation litigieuse faute de mise en débat de l’incapacité (d’une manière générale indépendamment de la caractérisation de la faute spécifiquement recherchée au regard de l’erreur d’implantation sur le site à construire) ou de l’insolvabilité notoires des contractants ayant été respectivement choisis sur les missions d’architecte, de maîtrise d »uvre et de maçonnerie.
En définitive, il y a lieu de considérer que ce dispositif d’injonctions judiciaires à l’origine du blocage des travaux et du dépassement du délai d’achèvement et de livraison procède d’une cause légitime de suspension des délais d’exécution dans des conditions et circonstances indépendantes de la volonté du promoteur immobilier et donc exclusives de sa responsabilité. Celles-ci constituent donc pour ce dernier une véritable situation de force majeure. Le jugement de première instance sera en conséquence confirmé en ce qu’il a débouté la SCI LA SITHI de l’intégralité de ses demandes formées à l’encontre de la société COULON. Cette dernière sera dès lors déboutée de l’ensemble de ses demandes formé en cause d’appel à l’encontre de la société COULON ainsi que de la SELARL AJ UP et de la SELARL MJ [F].
Enfin, succombant à l’instance en cause d’appel, la SCI LA SITHI en supportera les entiers dépens.
LA COUR,
STATUANT PUBLIQUEMENT
ET DE MANIÈRE RÉPUTÉE CONTRADICTOIRE.
INFIRME en toutes ses dispositions frappées d’appel le jugement n° RG-21/03710 rendu le 5 décembre 2022 par le tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand.
Y ajoutant.
DÉBOUTE la SCI LA SITHI de toutes ses demandes formées à l’encontre de la SAS COULON CENTRE-PROMOTION, de la SELARL AJ UP, représentée par Me [Y] [N], en qualité d’administrateur judiciaire de la SAS COULON CENTRE-PROMOTION, et de la SELARL MJ [F], représentée par Me [V] [F], en qualité de mandataire judiciaire de la SAS COULON CENTRE-PROMOTION.
CONDAMNE la SCI LA SITHI aux entiers dépens de l’instance.
Le greffier Le président
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