Rétablissement personnel et évaluation de la situation financière : enjeux de la bonne foi et de la capacité de remboursement.

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Rétablissement personnel et évaluation de la situation financière : enjeux de la bonne foi et de la capacité de remboursement.

L’Essentiel : Madame [U] [B], née le 17 septembre 1977, a sollicité un traitement de surendettement, déclaré recevable par la Commission le 20 juin 2024. La SA [8] a contesté cette décision, arguant que ses revenus permettaient un remboursement partiel de sa dette. Lors de l’audience du 22 novembre 2024, Madame [B] a mis à jour ses finances, indiquant l’absence de prime d’activité et la situation de ses enfants. Le juge a finalement conclu que sa situation n’était pas irrémédiablement compromise, renvoyant le dossier à la Commission pour réexamen et laissant les dépens à la charge de l’État.

Exposé du litige

Madame [U] [B], née le 17 septembre 1977, a déposé une demande de traitement de surendettement auprès de la Commission de surendettement des particuliers du Loiret le 29 mai 2024. La Commission a déclaré son dossier recevable lors de sa séance du 20 juin 2024 et a décidé d’imposer un rétablissement personnel sans liquidation judiciaire le 29 août 2024. La SA [8] a contesté cette décision, arguant que Madame [B] avait des revenus suffisants pour rembourser une partie de sa dette locative. Le dossier a été transmis au juge des contentieux de la protection du Tribunal judiciaire d’Orléans le 30 septembre 2024.

Audience et contestation

Les parties ont été convoquées pour une audience le 22 novembre 2024. La SA [8] a maintenu sa contestation, soulignant la situation des enfants majeurs de Madame [B] et le montant saisissable de son salaire. Madame [B] a mis à jour ses informations financières, indiquant qu’elle ne percevait plus de prime d’activité et que ses enfants vivaient toujours à son domicile sans emploi. La caisse d’allocations familiales a également fait état d’une créance de 14,50 euros. La décision a été mise en délibéré pour le 9 janvier 2025.

Motifs de la décision

Selon l’article L 711-1 du Code de la consommation, le traitement des situations de surendettement est réservé aux personnes de bonne foi. La Commission a le pouvoir d’imposer un rétablissement personnel sans liquidation judiciaire si le débiteur ne possède que des biens nécessaires à la vie courante. La contestation de la SA [8] a été jugée recevable, car elle a été faite dans le délai imparti.

Analyse de la situation de Madame [U] [B]

La bonne foi de Madame [B] n’a pas été remise en question. Elle est célibataire, a deux enfants majeurs à charge et perçoit un salaire et une aide au logement. Ses charges dépassent ses ressources, ce qui soulève la question de savoir si sa situation est irrémédiablement compromise. Il a été noté que c’est son premier dossier de surendettement et qu’elle a un emploi stable, ce qui pourrait lui permettre d’améliorer sa situation financière.

Conclusion du juge

Le juge a conclu que la situation de Madame [B] n’était pas irrémédiablement compromise, infirmant ainsi la décision de la Commission de surendettement. Le dossier a été renvoyé à la Commission pour un nouvel examen. Les dépens ont été laissés à la charge de l’État, et toutes les autres demandes ont été rejetées.

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la portée de l’article 380-1 du code de procédure civile concernant le pourvoi en cassation ?

L’article 380-1 du code de procédure civile stipule que :

« Sauf excès de pouvoir, la décision de sursis à statuer, qui ne tranche pas le principal et ne met pas fin à l’instance, ne peut être frappée d’un pourvoi que pour violation de la règle de droit gouvernant le sursis à statuer. »

Cet article précise que le pourvoi en cassation n’est possible que dans des cas très limités, notamment lorsque la décision contestée est entachée d’une violation des règles de droit relatives au sursis à statuer.

Il est donc essentiel de comprendre que le sursis à statuer est une mesure qui suspend l’examen d’une affaire sans en trancher le fond.

Ainsi, les décisions de sursis à statuer ne peuvent être contestées que sur la base d’une violation des règles de droit, et non sur d’autres motifs, ce qui limite considérablement les possibilités de recours.

Quelles sont les conditions de recevabilité des pourvois selon les articles 606, 607 et 608 ?

Les articles 606, 607 et 608 du code de procédure civile énoncent que :

« Les jugements rendus en dernier ressort qui, sans mettre fin à l’instance, statuent sur une exception de procédure, une fin de non-recevoir ou tout autre incident, ne peuvent être frappés de pourvoi en cassation indépendamment des jugements sur le fond que dans les cas spécifiés par la loi. »

Ces articles établissent que les jugements qui ne tranchent pas le principal de l’affaire, mais qui statuent sur des incidents de procédure, ne peuvent faire l’objet d’un pourvoi en cassation que dans des cas précis.

Cela signifie que, pour qu’un pourvoi soit recevable, il doit se fonder sur des motifs clairement définis par la loi, et non sur des considérations générales ou des erreurs de procédure.

En conséquence, les pourvois qui ne respectent pas ces conditions de recevabilité sont déclarés irrecevables, comme cela a été le cas dans l’affaire examinée.

Comment la Cour de cassation a-t-elle appliqué ces principes dans l’affaire en question ?

Dans l’affaire examinée, la Cour de cassation a constaté que les pourvois du CASCI CIE 3 Chênes ne contestaient pas la violation des règles gouvernant le sursis à statuer.

Elle a donc appliqué les principes énoncés dans les articles 380-1, 606, 607 et 608 du code de procédure civile, en déclarant les pourvois irrecevables.

La Cour a précisé que les jugements contestés n’avaient pas tranché le principal de l’affaire et n’avaient pas mis fin à l’instance.

De plus, elle a noté que la méconnaissance alléguée des règles de procédure ne constituait pas un excès de pouvoir, ce qui renforce l’idée que les pourvois doivent être fondés sur des violations de droit clairement établies.

Ainsi, la décision de la Cour de cassation illustre l’importance de respecter les conditions de recevabilité des pourvois en cassation, en se basant sur les articles du code de procédure civile.

TRIBUNAL JUDICIAIRE
D’ORLÉANS

DÉCISION DU 9 JANVIER 2025

Minute N°
N° RG 24/04710 – N° Portalis DBYV-W-B7I-G4BQ

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

PRÉSIDENT : Xavier GIRIEU, Vice-Président au Tribunal judiciaire d’ORLÉANS chargé des contentieux de la protection ;
GREFFIER : Sophie MARAINE

DEMANDERESSE :

Société [8], dont le siège social est sis : [Adresse 1], Représentée par Maître Pierre Yves WOLOCH de la SCP SOREL, Avocat au Barreau d’Orléans.

DÉFENDERESSES :

Madame [U] [B], née le 17 Septembre 1977 à [Localité 7] (ESSONNE), demeurant [Adresse 3], Comparante en personne.
(Dossier 424013161 [X] [R])

Société [10], dont le siège social est sis : [Adresse 2] (réf dette IZNTF9Z43) – [Localité 4], Non Comparante, Ni Représentée.

Société [5], dont le siège social est sis : [Adresse 9], Non Comparante, Ni Représentée.

CAF DU LOIRET, dont le siège social est sis : [Adresse 6], Non Comparante, Ni Représentée.

A l’audience du 22 Novembre 2024, les parties ont comparu comme il est mentionné ci-dessus et l’affaire a été mise en délibéré à ce jour.

Copies délivrées aux parties le :
à :

EXPOSE DU LITIGE

Par déclaration enregistrée le 29 mai 2024, Madame [U] [B], née le 17 septembre 1977 à [Localité 7] (91), a saisi la Commission de surendettement des particuliers du Loiret d’une demande tendant au traitement de sa situation de surendettement.

Dans sa séance du 20 juin 2024, la Commission de surendettement des particuliers a, après avoir constaté sa situation de surendettement, déclaré son dossier recevable.

Puis elle a, le 29 août 2024, décidé d’imposer un rétablissement personnel sans liquidation judiciaire.

Suivant courrier recommandé avec avis de réception, la SA [8] a contesté les mesures imposées. Le créancier fait valoir que Madame [U] [B] est salariée dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée et perçoit un salaire de 1532 euros, ainsi qu’une prime d’activité de 616 euros. Il indique que, selon le barème des saisies des rémunérations, une somme d’environ 180 euros est saisissable sur un tel salaire, avec deux enfants à charge. Il demande qu’une mensualité de remboursement soit prévue pour permettre à Madame [B] de régler la dette locative.

Le dossier de Madame [U] [B] a été transmis par la Commission au juge des contentieux de la protection du Tribunal judiciaire d’Orléans le 30 septembre 2024 et reçu le 7 octobre 2024.

Madame [U] [B] et ses créanciers ont été convoqués par lettre recommandée avec avis de réception du 17 octobre 2024 pour l’audience du 22 novembre 2024.

A cette audience, la SA [8], représentée par son avocat, a comparu et a maintenu sa contestation. Le créancier s’est interrogé sur la situation des deux enfants majeurs, a rappelé le montant de la quotité saisissable sur le salaire de Madame [B] et a indiqué qu’elle réglait un peu plus que le loyer courant pour éviter son expulsion à la suite de la décision de 2022.

Madame [U] [B] a comparu. Elle a actualisé sa situation, ses ressources et ses charges. Elle a indiqué percevoir un treizième mois, deux fois dans l’année, et ne plus avoir de prime d’activité. Elle a expliqué que ses deux enfants majeurs vivaient à son domicile et n’avaient pas d’emploi.

La question de la recevabilité de la contestation a été mise d’office dans les débats à l’audience.

Aucun autre créancier n’a comparu. En revanche, le créancier suivant a écrit, ce qui a été abordé à l’audience :
la caisse d’allocations familiales du Loiret a évoqué par courriel sa créance de 14,50 euros.

La décision a été mise en délibéré à la date du 9 janvier 2025.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Aux termes de l’article L 711-1 du Code de la consommation, le bénéfice des mesures de traitement des situations de surendettement est ouvert aux personnes physiques de bonne foi. La situation de surendettement est caractérisée par l’impossibilité manifeste de faire face à l’ensemble de ses dettes non professionnelles et professionnelles exigibles et à échoir. Le seul fait d’être propriétaire de sa résidence principale dont la valeur estimée à la date du dépôt du dossier de surendettement est égale ou supérieure au montant de l’ensemble des dettes non-professionnelles et professionnelles exigibles et à échoir ne fait pas obstacle à la caractérisation de la situation de surendettement.

L’impossibilité de faire face à un engagement de cautionner ou d’acquitter solidairement la dette d’un entrepreneur individuel ou d’une société caractérise également une situation de surendettement.

En application de l’article L 741-1, si l’examen de la demande de traitement de la situation de surendettement fait apparaître que le débiteur se trouve dans la situation irrémédiablement compromise définie au 2e alinéa de l’article 724-1 et ne possède que des biens mentionnés au 1re du même article L 724-1, la commission impose un rétablissement personnel sans liquidation judiciaire.

L’article L 724-1 prévoit que lorsqu’il ressort de l’examen de la demande de traitement de la situation de surendettement que les ressources ou l’actif réalisable du débiteur le permettent, la commission prescrit des mesures de traitement dans les conditions prévues aux articles L 732-1, L 733-1, L 733-4 et L 733-7.

Lorsque le débiteur se trouve dans une situation irrémédiablement compromise caractérisée par l’impossibilité manifeste de mettre en œuvre des mesures de traitement mentionnées au 1er alinéa, la commission peut, dans les conditions du présent livre :

– soit imposer un rétablissement personnel sans liquidation judiciaire si elle constate que le débiteur ne possède que des biens meublants nécessaires à la vie courante et des biens non professionnels indispensables à l’exercice de son activité professionnelle, ou que l’actif n’est constitué que de biens dépourvus de valeur marchande ou dont les frais de vente seraient manifestement disproportionnés au regard de leur valeur vénale ;

– soit saisir, si elle constate que le débiteur n’est pas dans la situation mentionnée au 1°, avec l’accord du débiteur, le juge des contentieux de la protection aux fins d’ouverture d’une procédure de rétablissement personnel avec liquidation judiciaire ;

L’article L 741-4 prévoit qu’une partie peut contester devant le juge des contentieux de la protection, dans un délai fixé par décret (30 jours), le rétablissement personnel sans liquidation judiciaire recommandé par la commission.

Enfin, l’article L 741-6 prévoit que s’il constate que le débiteur se trouve dans la situation mentionnée au 1° de l’article L 724-1, le juge prononce un rétablissement personnel sans liquidation judiciaire qui emporte les mêmes effets que ceux mentionnés à l’article L 741-2.

Les créances dont les titulaires n’auraient pas formé tierce opposition dans un délai fixé par décret sont éteintes. Cependant, dans ce cas, les dettes sont arrêtées à la date du jugement prononçant le rétablissement personnel sans liquidation judiciaire.

S’il constate que le débiteur se trouve dans la situation visée au 2° de l’article L. 724-1, le juge ouvre, avec l’accord du débiteur, une procédure de rétablissement personnel avec liquidation judiciaire.

S’il constate que la situation du débiteur n’est pas irrémédiablement compromise, il renvoie le dossier à la commission.

1. Sur la recevabilité du recours :

La notification des mesures à la SA [8] a été réalisée le 6 septembre 2024.

Le créancier a ensuite envoyé un courrier recommandé avec avis de réception pour contester la décision le 25 septembre 2024, soit moins de 30 jours après la notification.

En conséquence, la contestation est recevable en la forme.

2. Sur le bien fondé de la mesure de rétablissement personnel sans liquidation judiciaire :

En l’espèce, la présomption de bonne foi dont bénéficie Madame [U] [B] n’a pas été remise en cause à l’audience.

Madame [U] [B] est célibataire. Elle a deux enfants majeurs à charge. Elle travaille comme adjoint technique dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée. Elle perçoit une aide au logement (APL).

Madame [U] [B] ne paie pas d’impôt sur ses revenus. Le montant de son loyer sera actualisé, la provision pour le chauffage étant exclue du fait du forfait relatif au chauffage retenu à part. Les trois forfaits repris ci-dessous ont vocation à couvrir tous les besoins de la vie quotidienne, ainsi que les frais liés à l’habitation de Madame [U] [B] et de ses deux enfants. Le forfait de base regroupe ainsi l’ensemble des dépenses courantes en matière alimentaire, d’habillement, d’hygiène, mais également certains frais de santé, de transports et dépenses quotidiennes. Les dépenses courantes inhérentes à l’habitation, telles que l’eau, l’électricité, la téléphonie, l’assurance habitation, sont comprises dans le forfait habitation. Les frais de chauffage sont inclus dans le troisième forfait. Ces forfaits ont été actualisés au niveau national au début de l’année 2024, afin de tenir compte de l’évolution du coût de la vie.

RESSOURCES :
salaire : 1578,85 euros ;
APL : 164,59 euros ;
=> TOTAL : 1743,44 euros.

CHARGES :
forfait de base : 1063 euros ;
forfait habitation : 202 euros ;
forfait chauffage : 207 euros ;
loyer (RLS inclus) : 617,90 euros (hors provision pour le chauffage) ;
=> TOTAL : 2089,90 euros.

Dans ces conditions, Madame [U] [B] n’a aucune capacité de remboursement.

Avec deux enfants à charge, la quotité saisissable de ses ressources telle qu’elle résulte des articles L. 3252-2 et L. 3252-3 du Code du travail est de 242,31 euros.

La question qui se pose est donc de savoir si sa situation est irrémédiablement compromise.

Il doit être constaté en premier lieu qu’il s’agit du premier dossier de surendettement de Madame [U] [B], qu’elle n’a jamais fait l’objet d’une suspension de l’exigibilité des créances et qu’elle peut donc encore en bénéficier.

Ensuite, il peut être relevé que Madame [U] [B] a un emploi stable, pour lequel le calcul du treizième mois (versé en juin et en novembre) n’a pu être fait et est de nature à accroître ses ressources par lissage mensuel de ce complément de rémunération.

Enfin et surtout, Madame [U] [B] a deux enfants majeurs, qui sont l’une et l’autre inscrites dans des agences d’intérim. Si elles sont actuellement à sa charge faute d’emploi, elles réalisent des démarches afin d’en obtenir et ont vocation à ne plus être à charge dans un délai compatible avec un moratoire.

Au regard de l’ensemble de ces éléments, il ne peut pas être conclu que sa situation est irrémédiablement compromise.

Il y aura donc lieu d’infirmer la décision prise par la Commission en ce sens.

Les dépens seront laissés à la charge de l’Etat.

PAR CES MOTIFS

Le juge des contentieux de la protection, statuant publiquement, par décision réputée contradictoire et en dernier ressort ;

DÉCLARE recevable le recours formé par la SA [8] à l’encontre des mesures imposées par la Commission de surendettement des particuliers du Loiret le 29 août 2024 au profit de Madame [U] [B], née le 17 septembre 1977 à [Localité 7] (91), et consistant en un rétablissement personnel sans liquidation judiciaire ;

DIT que la situation de Madame [U] [B] n’est pas irrémédiablement compromise ;

INFIRME en conséquence la décision de la commission de surendettement ;

RENVOIE son dossier à la commission ;

DIT qu’à la diligence du Greffe la présente décision sera notifiée par lettre recommandée avec demande d’avis de réception à Madame [U] [B] et à ses créanciers et communiquée à la Commission avec la restitution du dossier ;

LAISSE les dépens à la charge de l’Etat ;

REJETTE toutes autres demandes.

Ainsi jugé et prononcé par mise à disposition au Greffe.

LE GREFFIER LE JUGE


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