Responsabilité et vérification des garanties dans le cadre des prêts immobiliers

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Responsabilité et vérification des garanties dans le cadre des prêts immobiliers

L’Essentiel : Le 9 août 2018, la Caisse d’Epargne a accordé deux prêts immobiliers à [C] [U] et [M] [O], garantis par la CEGC. Le 20 novembre 2020, la Caisse a notifié la déchéance du terme du prêt, réclamant 81 290,64 €. En avril 2021, une quittance subrogative de 75 829,18 € a été délivrée à la CEGC. En avril 2022, celle-ci a assigné les emprunteurs en justice. Le 22 juin 2022, un dossier de surendettement a été déclaré recevable. Le tribunal a noté que le plan de désendettement n’était pas achevé, permettant à la CEGC d’agir.

Prêts immobiliers consentis

Le 9 août 2018, la Caisse d’Epargne a accordé à [C] [U] et [M] [O] deux prêts immobiliers, d’un montant respectif de 75 928,83 € et 77 488,89 €, tous deux garantis à 100% par la Compagnie Européenne de Garanties et Cautions (CEGC).

Notification de déchéance du terme

Le 20 novembre 2020, la Caisse d’Epargne a envoyé des lettres recommandées aux emprunteurs pour leur notifier la déchéance du terme du prêt Habitat Primolis, réclamant un paiement de 81 290,64 €.

Quittance subrogative

Le 28 avril 2021, la Caisse d’Epargne a délivré une quittance subrogative de 75 829,18 € à la CEGC.

Assignation en justice

Les 8 et 14 avril 2022, la CEGC a assigné [C] [U] et [M] [O] devant le tribunal judiciaire de Poitiers.

Déclaration de recevabilité du dossier de surendettement

Le 22 juin 2022, la Commission de surendettement de [Localité 10] a déclaré recevable le dossier déposé par [C] [U]. Un plan de désendettement a été imposé le 31 janvier 2023, incluant la Caisse d’Epargne mais pas la CEGC.

Demandes de la CEGC

La CEGC a demandé au tribunal, dans ses conclusions du 22 novembre 2023, de condamner solidairement [C] [U] et [M] [O] à lui verser 75 829,18 € avec intérêts, ainsi que 2 500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, tout en sollicitant l’exécution provisoire.

Réponse de [C] [U]

[C] [U] a demandé, dans ses conclusions du 28 février 2023, de débouter la CEGC et de la condamner à régler 2 000 € à son avocat, tout en renonçant à percevoir la contribution de l’État.

Comportement de [M] [O]

[M] [O] a comparu sans conclure.

Clôture des débats et décision

Le 21 mars 2024, la clôture des débats a été prononcée, avec une audience prévue pour le 17 septembre 2024 et un délibéré fixé au 19 novembre 2024.

Motifs de la décision

Le tribunal a noté que le plan de désendettement de [C] [U] prévoyait des paiements à la Caisse d’Epargne, mais que son exécution n’était pas achevée, ce qui permettrait à la CEGC d’engager des voies d’exécution. Il a également rappelé que, malgré un éventuel effacement partiel de dettes, [C] [U] reste redevable envers [M] [O] pour les sommes réglées.

Exigibilité anticipée contestée

La CEGC a été critiquée pour ne pas avoir justifié la mise en demeure préalable à la déchéance du terme, et l’exigibilité anticipée n’a pas été prouvée par la vente de l’immeuble financé par le prêt.

Réouverture des débats

Le tribunal a ordonné la réouverture des débats pour que les parties justifient de la vente de l’immeuble concerné par les emprunts.

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la légitimité de la CEGC à réclamer le paiement des sommes dues par les emprunteurs ?

La CEGC, en tant que caution, a le droit de réclamer le paiement des sommes dues par les emprunteurs en vertu de l’article 2305 du Code civil, qui stipule :

« La caution est tenue de l’obligation principale, à moins qu’il n’en soit disposé autrement. »

En l’espèce, la CEGC a garanti les prêts consentis par la Caisse d’Epargne à [C] [U] et [M] [O].

Ainsi, même si un plan de désendettement a été mis en place pour [C] [U], cela n’affecte pas la responsabilité de la CEGC en tant que caution.

De plus, l’article L722-2 du Code de la consommation précise que :

« Les dispositions des articles L. 721-1 à L. 721-4 sont applicables aux contrats de crédit à la consommation. »

Cela signifie que la CEGC doit respecter les règles de la consommation, mais elle reste en droit de demander le remboursement des sommes dues.

Quelles sont les implications du plan de désendettement sur les obligations des emprunteurs ?

Le plan de désendettement imposé à [C] [U] a des implications significatives sur ses obligations envers ses créanciers, y compris la Caisse d’Epargne.

Selon l’article L733-1 du Code de la consommation :

« Le plan de redressement peut comporter des mesures de rééchelonnement des dettes. »

Dans ce cas, [C] [U] doit rembourser 175 € le 31 janvier 2024, puis 245 € chaque mois jusqu’au 31 janvier 2030.

Cependant, tant que ce plan n’est pas achevé, il est exposé à la caducité, ce qui permettrait à la CEGC d’engager toutes voies d’exécution contre [C] [U].

L’article L733-17 précise que :

« En cas de non-respect du plan, les créanciers peuvent engager des poursuites. »

Ainsi, même si un plan de désendettement est en place, cela ne libère pas [C] [U] de ses obligations envers la CEGC, qui peut toujours réclamer le paiement des sommes dues.

La CEGC a-t-elle respecté les procédures nécessaires avant de réclamer la déchéance du terme ?

La CEGC a mentionné une lettre de mise en demeure préalable au prononcé de la déchéance du terme, mais le tribunal a constaté qu’il s’agissait d’une lettre d’exigibilité anticipée.

L’article 514 du Code de procédure civile stipule que :

« La mise en demeure est un acte par lequel un créancier demande à son débiteur d’exécuter son obligation. »

En l’espèce, la CEGC n’a pas justifié d’une mise en demeure préalable, ce qui remet en question la légitimité de la déchéance du terme.

De plus, l’article 699 du même code précise que :

« La déchéance du terme ne peut être prononcée qu’après une mise en demeure. »

Ainsi, l’absence de mise en demeure préalable pourrait rendre la demande de la CEGC non fondée, car elle n’a pas respecté les procédures nécessaires avant de réclamer la déchéance du terme.

Quelles sont les conséquences de l’absence de justification de la vente de l’immeuble financé par le prêt ?

La CEGC a fondé son exigibilité anticipée sur la vente de l’immeuble financé par le prêt, mais le tribunal a noté qu’il n’était pas justifié de cette vente.

L’article 700 du Code de procédure civile stipule que :

« Le juge peut condamner la partie perdante à payer à l’autre partie une somme au titre des frais exposés. »

Dans ce contexte, l’absence de preuve de la vente de l’immeuble remet en question la validité de la demande de la CEGC.

Sans cette justification, la CEGC pourrait ne pas être en mesure de prouver que la déchéance du terme était justifiée, ce qui pourrait avoir des conséquences sur sa capacité à récupérer les sommes dues.

Le tribunal a donc ordonné la réouverture des débats pour que les parties justifient de la vente de l’immeuble, ce qui est essentiel pour déterminer la légitimité de la demande de la CEGC.

MINUTE N° :
DOSSIER : N° RG 22/00995 – N° Portalis DB3J-W-B7G-FU35

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE POITIERS

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

JUGEMENT DU 19 Novembre 2024

DEMANDERESSE :

S.A. CEGC
RCS de Nanterre sous le numéro B 382 506 079
dont le siège social est sis [Adresse 1] – [Localité 8]

représentée par Me Thomas DROUINEAU, avocat au barreau de POITIERS

DEFENDEURS :

Madame [C] [U]
née le [Date naissance 2] 1995 à [Localité 9] (86)
demeurant [Adresse 6] – [Localité 4]

représentée par Me Florence LEVILLAIN-ROLLO, avocate au barreau de POITIERS

Monsieur [M] [O]
né le [Date naissance 3] 1992 à [Localité 9] (86)
demeurant domicilié Chez MONSIEUR ET MADAME [O] [H], [Adresse 5] – [Localité 7]

représenté par Me Marie-Laure CALIOT, avocate au barreau de POITIERS

LE :

Copie simple à :
-Me DROUINEAU
-Me LEVILLAIN-ROLLO
-Me CALIOT

Copie exécutoire à :

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

PRÉSIDENT : Carole BARRAL, Vice-présidente

Statuant par application des articles 812 à 816 du Code de Procédure Civile, avis préalablement donné aux avocats.

GREFFIER lors de l’audience: Thibault PAQUELIN
GREFFIER lors du délibéré : Sandrine ROY

Débats tenus à l’audience du 17 Septembre 2024.

FAITS, PROCÉDURE et PRÉTENTIONS

Le 09.8.2018, la Caisse d’Epargne a consenti à [C] [U] et [M] [O] deux prêts immobiliers, l’un de 75 928,83 € et l’autre de 77 488,89 €, tous deux garantis à 100% par la Compagnie Européenne de Garanties et Cautions (ensuite dite CEGC).

Le 20.11.2020, ont été présentées et distribuées à ces emprunteurs les lettres recommandées avec accusé de réception par lesquelles ce prêteur leur a notifié la déchéance du terme du prêt Habitat Primolis et réclamé paiement de 81 290,64€.

Le 28.4.2021, la Caisse d’Epargne a délivré quittance subrogative pour 75 829,18 € à la CEGC.

Les 8 et 14.4.2022, la CEGC a assigné [C] [U] et [M] [O] devant le tribunal judiciaire de Poitiers.

Le 22.6.2022, la Commission de surendettement de [Localité 10] a déclaré recevable le dossier déposé par [C] [U].
Le 31.01.2023, un plan de désendettement lui a été imposé ainsi qu’à ses créanciers en ceux compris la Caisse d’Epargne mais pas la CEGC.

La CEGC demande au tribunal, selon dernières conclusions du 22.11.2023, de condamner solidairement [C] [U] et [M] [O] à lui payer :
– 75 829,18 €, selon décompte arrêté au 11.3.2022 avec intérêts au taux légal à cette date et ce jusqu’au complet paiement,
– 2 500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile outre les dépens y compris les frais de service de la publicité foncière distraits au profit de son avocat,
ce sans écarter l’exécution provisoire et en déboutant les défendeurs de toutes demandes.

Elle fonde son action sur les articles 2305 du code civil, L722-2, L733-1 à L733-17 du code de la consommation, 514, 699 et 700 du code de procédure civile.

[C] [U] demande au tribunal, selon dernières conclusions du 28.02.2023, de débouter la CEGC et la condamner, ou tout succombant, à régler à son avocat 2 000 € au titre de 37 alinéa 2 de la loi du 10.7.1991 sous réserve de sa renonciation à percevoir la contribution de l’Etat.

Le surplus de son dispositif est composé de moyens qui n’y ont pas place.

[M] [O] comparaît et ne conclut pas.

Le 21.3.2024, la clôture des débats a été prononcée et l’affaire inscrite à l’audience du 17.9.2024 puis le délibéré fixé par mise à disposition au greffe le 19.11.2024, date à laquelle le présent jugement est rendu.

MOTIFS de la décision

Le plan de désendettement de la défenderesse prévoit qu’elle règle à la Caisse d’Epargne 175 € le 31.01.2024 puis 245 € chaque mois suivant jusqu’au 31.01.2030.
L’exécution de ce plan n’étant ainsi pas achevée, il est exposé à la caducité qui permettrait d’engager contre la défenderesse toutes voies d’exécution. La CEGC est en conséquence légitime à quérir un titre. Corrélativement, le moyen défensif manque de pertinence.

Il est de surcroît rappelé que, nonobstant l’effacement partiel dont la défenderesse bénéficierait envers le prêteur ou la caution, elle reste redevable envers son co-emprunteur de toutes sommes qu’il aura réglées à sa place puisqu’entre eux, ils sont chacun tenu à hauteur de la moitié des emprunts.

La CEGC ne produit pas son engagement de caution auprès de la Caisse d’Epargne mais il est mentionné au contrat et corroboré par la quittance subrogative.

La CEGC intitule sa pièce 4 “lettre de mise en demeure préalable au prononcé de la déchéance du terme” mais à tort car cette pièce est une lettre d’exigibilité anticipée sans qu’il ne soit justifié d’une mise en demeure préalable.
Cette exigibilité anticipée est fondée sur la vente de l’immeuble financé par le prêt et la clause contractuelle selon laquelle, en ce cas, l’emprunteur doit rembourser l’entier solde des prêts. Il n’est cependant pas justifié de cette vente, ce qui interroge la pertinence de la déchéance du terme.

En sa qualité de professionnelle du financement des particuliers, la CEGC ne peut cependant se dispenser de vérifier la régularité de l’exigibilité anticipée qui leur est opposée lorsqu’elle est appelée en garantie.

PAR CES MOTIFS

le tribunal,
statuant publiquement et par mise à disposition au greffe du jugement contradictoire et non susceptible d’appel, s’agissant d’une mesure d’administration judiciaire,

ordonne la réouverture des débats par devant le juge de la mise en état afin que les parties justifient de la vente de l’immeuble à l’acquisition duquel les emprunts étaient dédiés.

En foi de quoi, le président signe avec le greffier.
le greffier, le président,


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