L’Essentiel : Mme [F] [C] [T] [L] a acquis un véhicule CITROËN C4 en novembre 2009. En février 2018, elle a signalé un problème de « système antipollution défaillant » sur l’autoroute, entraînant une perte de puissance. Après une expertise, il a été établi que les problèmes étaient liés à un défaut de conception, et non à un manque d’entretien. Le tribunal a reconnu un vice caché, condamnant les sociétés GARAGE DE L’ALMA SAGA et AUTOMOBILES CITROËN à indemniser Mme [C] [T] [L] pour les réparations et la perte de jouissance, ainsi qu’à rembourser les frais de gardiennage.
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Acquisition du véhiculeMme [F] [C] [T] [L] a acheté un véhicule neuf CITROËN C4 le 27 novembre 2009 pour un montant de 17 519,50 €. La livraison a eu lieu le 5 janvier 2010, et le constructeur a recommandé un entretien tous les 30 000 km ou tous les 2 ans, ainsi que le remplacement des bougies d’allumage à 60 000 km. Problèmes rencontrésLe 14 février 2018, Mme [C] [T] [L] a signalé un problème sur l’autoroute, avec l’apparition d’un voyant d’alerte « système antipollution défaillant » et une perte de puissance. Le véhicule a été entreposé au GARAGE CHAPUIS CITROËN à partir du 1er juin 2018, où les réparations ont été estimées à 3 600,72 € TTC. Expertise et conclusionsL’expert mandaté par l’assurance a attribué les problèmes à un défaut d’entretien, en raison du non-remplacement des bougies à 60 000 km. Les entretiens avaient été réalisés jusqu’à 50 000 km par le vendeur, puis par d’autres garages. Une expertise judiciaire a été ordonnée, révélant un vice de conception du véhicule, entraînant l’assignation de la SAS AUTOMOBILES CITROËN. Demandes d’indemnisationMme [C] [T] [L] a assigné les sociétés GARAGE DE L’ALMA SAGA et AUTOMOBILES CITROËN pour obtenir une indemnisation, incluant des montants pour préjudice de jouissance, réparations, primes d’assurance et frais de gardiennage. Elle a également demandé des intérêts au taux légal et la condamnation des défendeurs aux dépens. Arguments des défendeursLe GARAGE DE L’ALMA SAGA a demandé le déboutement de Mme [C] [T] [L], arguant qu’elle était responsable de l’absence de changement des bougies et de l’utilisation prolongée du véhicule malgré le voyant d’alerte. La SAS AUTOMOBILES CITROËN a contesté l’existence d’un vice caché, affirmant que la panne était due à un défaut de bougie et à l’usage prolongé du véhicule. Rapport d’expertise judiciaireL’expert judiciaire a conclu que les dommages étaient dus à un défaut de conception du moteur, et non à un problème d’entretien. Il a précisé que le véhicule était impropre à l’usage et que les défauts étaient connus du constructeur. L’absence de changement des bougies n’a pas été considérée comme une faute ayant contribué aux dommages. Décision du tribunalLe tribunal a reconnu l’existence d’un vice caché au moment de la vente, condamnant in solidum les sociétés GARAGE DE L’ALMA SAGA et AUTOMOBILES CITROËN à indemniser Mme [C] [T] [L] pour les réparations et la perte de jouissance. Les frais de gardiennage seront remboursés sur présentation de factures acquittées. Les défendeurs ont également été condamnés aux dépens et à verser des frais irrépétibles à Mme [C] [T] [L]. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelles sont les implications de la garantie des vices cachés dans cette affaire ?La garantie des vices cachés est régie par les articles 1641 à 1645 du Code civil. L’article 1641 dispose que : « Le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l’usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l’acheteur ne l’aurait pas acquise, ou n’en aurait donné qu’un moindre prix, s’il les avait connus. » Dans cette affaire, l’expert judiciaire a établi qu’un vice de conception affectait le moteur du véhicule, rendant celui-ci impropre à son usage. L’article 1644 précise que : « Dans le cas des articles 1641 et 1643, l’acheteur a le choix de rendre la chose et de se faire restituer le prix, ou de garder la chose et de se faire rendre une partie du prix. » Ainsi, Mme [C] [T] [L] a le droit de demander une réduction du prix correspondant au coût des réparations nécessaires pour remédier au vice caché. Enfin, l’article 1645 stipule que : « Si le vendeur connaissait les vices de la chose, il est tenu, outre la restitution du prix qu’il en a reçu, de tous les dommages et intérêts envers l’acheteur. » Dans ce cas, la société GARAGE DE L’ALMA SAGA, en tant que vendeur, pourrait être tenue responsable si elle avait connaissance du vice caché au moment de la vente. Comment la responsabilité des parties est-elle déterminée dans cette affaire ?La responsabilité des parties est déterminée par les articles 1217 et suivants du Code civil, qui traitent des effets de l’inexécution des obligations. L’article 1217 dispose que : « En cas d’inexécution de son obligation, le créancier peut : 1° Refuser d’exécuter sa propre obligation ; 2° Poursuivre l’exécution forcée en nature ; 3° Demander la réduction du prix ; 4° Demander des dommages et intérêts. » Dans cette affaire, Mme [C] [T] [L] a demandé des dommages et intérêts en raison de l’inexécution de l’obligation de garantie des vices cachés par le garage vendeur. L’expert judiciaire a conclu que le vice de conception était la cause des dommages, ce qui implique que la responsabilité de la société GARAGE DE L’ALMA SAGA est engagée. De plus, l’article 1218 précise que : « Il y a force majeure lorsque l’événement est extérieur, imprévisible et irrésistible. » Il n’est pas prouvé que la défaillance du véhicule soit due à un événement de force majeure, ce qui renforce la responsabilité des parties impliquées. Quels sont les critères d’évaluation des préjudices dans cette affaire ?L’évaluation des préjudices est régie par les principes de réparation intégrale, qui stipulent que la victime doit être remise dans l’état où elle se serait trouvée si le dommage n’était pas survenu. L’article 1353 du Code civil dispose que : « Celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver. » Dans cette affaire, Mme [C] [T] [L] a prouvé son préjudice de perte de jouissance du véhicule immobilisé depuis le 14 février 2018. L’expert a évalué ce préjudice à 150 € par mois, soit un total de 12 375 € pour la période d’immobilisation. Concernant les frais de gardiennage, l’article 9 du Code de procédure civile impose à chaque partie de prouver les faits nécessaires au succès de sa prétention. Mme [C] [T] [L] devra fournir une facture acquittée pour justifier ses frais de gardiennage, conformément à l’article 1353. Ainsi, les préjudices seront évalués en fonction des preuves fournies et des critères de réparation intégrale. Quelles sont les conséquences de l’inaction de Mme [C] [T] [L] sur son droit à indemnisation ?L’inaction de Mme [C] [T] [L] pourrait être interprétée comme une faute contributive à son préjudice, selon l’article 1218 du Code civil, qui traite de la force majeure et des circonstances atténuantes. Cependant, l’expert judiciaire a conclu que le vice de conception était la cause principale des dommages, ce qui signifie que l’inaction de Mme [C] [T] [L] ne saurait réduire son droit à indemnisation. L’article 1353 du Code civil stipule que : « Celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver. » Il incombe donc à la partie défenderesse de prouver que l’inaction de Mme [C] [T] [L] a contribué à l’aggravation de son préjudice. Dans ce cas, l’expert a clairement établi que le dommage se serait produit indépendamment des actions de Mme [C] [T] [L], ce qui renforce sa position en matière d’indemnisation. Ainsi, même si des délais ont été observés, cela ne saurait justifier une réduction de son droit à indemnisation. |
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MEAUX
1ERE CHAMBRE
Date de l’ordonnance de
clôture : 07 octobre 2024
Minute n° 24/1061
N° RG 23/02190 – N° Portalis DB2Y-W-B7H-CDCI7
Le
CCC : dossier
FE :
Me BERTAULT
Me BOUILLON
Me BARETY
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
JUGEMENT DU TRENTE ET UN DECEMBRE DEUX MIL VINGT QUATRE
PARTIES EN CAUSE
DEMANDERESSE
Madame [F] [C] [T] [L]
[Adresse 3]
[Localité 6]
représentée par Maître Solène BERTAULT de la SELARL LEMYS AVOCATS, avocats au barreau de MEAUX, avocats postulant, Maître Simon VICAT de la SELARL AVK ASSOCIES, avocats au barreau de CLERMONT-FERRAND, avocats plaidant
DEFENDERESSES
S.A.S. SAGA GARAGE DE L’ALMA
[Adresse 2]
[Localité 4]
représentée par Maître Philippe BOUILLON de la SCP ATALLAH COLIN MICHEL VERDOT ET AUTRES, avocats au barreau de PARIS, avocats plaidant
S.A.AUTOMOBILES CITROËN,
[Adresse 1]
[Localité 5]
représentée par Me Nicolas BARETY, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Lors des débats et du délibéré :
Président : M. BATIONO, Premier Vice-Président
Assesseurs: Mme VISBECQ, Juge
M. NOIROT, Juge
Jugement rédigé par : M. NOIROT, Juge
DEBATS
A l’audience publique du 21 Novembre 2024
GREFFIER
Lors des débats et du délibéré : Mme BOUBEKER, Greffière
– N° RG 23/02190 – N° Portalis DB2Y-W-B7H-CDCI7
JUGEMENT
contradictoire, mis à disposition du public par le greffe le jour du délibéré, et après prorogation du délibéré initialement prévu au 19 décembre 2024, M. BATIONO, Président, ayant signé la minute avec Mme BOUBEKER, Greffière ;
EXPOSE DU LITIGE
Mme [F] [C] [T] [L] a acquis le 27 novembre 2009 un véhicule neuf CITROËN C4 immatriculé [Immatriculation 7] auprès du garage CITROEN DE L’ALMA-SAGA au prix net de 17519,50 €. Elle en a pris livraison et le véhicule a été mis en circulation le 5 janvier 2010.
Le constructeur préconise pour ce véhicule un entretien tous les 30.000 kms ou 2 ans au premier des deux termes échus et le remplacement des bougies d’allumage à 60.000 kms.
Le 14 février 2018, Mme [C] [T] [L] a rencontré des problèmes avec le véhicule sur l’autoroute, le voyant d’alerte « système antipollution défaillant » s’affichant, suivi d’une perte de puissance.
Le véhicule a été entreposé à compter du 1er juin 2018 au GARAGE CHAPUIS CITROËN (PUY-DE-DÔME) qui chiffrait les réparations à 3600,72 € TTC.
L’expert conseil diligenté par l’assurance GMF de Mme [C] [T] [L] a conclu à un problème de bougies consécutif d’un défaut d’entretien faute de changement à 60000 km. Les entretiens avaient été effectués jusqu’à 50000 km auprès du vendeur la société GARAGE DE L’ALMA SAGA, puis dans le réseau SPEEDY puis en décembre 2017 à nouveau auprès du vendeur.
Par ordonnance de référé du 11 janvier 2021, M. [M] a été désigné aux fins d’expertise judiciaire. Etaient assignées la société GARAGE DE L’ALMA SAGA, la société GARAGE CHAPUIS et la SAS SPEEDY France. En cours d’expertise, l’expert a identifié que le problème provenait d’un vice de conception du véhicule, de sorte que la SAS AUTOMOBILES CITROEN a été assignée le 13 décembre 2021 en ordonnance commune par la société GARAGE DE L’ALMA SAGA et que par ordonnance du 11 avril 2021 les opérations d’expertise judiciaire lui ont été rendues communes. L’expert judiciaire a déposé son rapport le 14 novembre 2022.
Par actes de commissaire de justice des 26 avril 2023 et 3 mai 2023, Mme [C] [T] [L] a fait assigner la SAS GARAGE DE L’ALMA SAGA et la SAS AUTOMOBILES CITROEN devant le tribunal judiciaire de MEAUX aux fins d’indemnisation.
Par ses dernières conclusions notifiées par le RPVA le 1er août 2024, Mme [C] [T] [L] demande au tribunal de :
« Vu les articles 1641 et suivants du Code Civil,
Vu les articles 1217 et suivants du Code Civil,
Vu la jurisprudence citée,
Vu les pièces,
CONDAMNER la société (CITROEN) GARAGE DE L’ALMA-SAGA et la société AUTOMOBILES CITROËN, solidairement, et à tout le moins in solidum, à payer et porter à Madame [C] [T] [L] les sommes suivantes :
• 36 500 € au titre du préjudice de jouissance et d’immobilisation au 14 février 2023, sauf à parfaire jusqu’à complet règlement des sommes permettant de réparer le véhicule et de régler les frais de gardiennage réclamés par la société GARAGE CITROËN CHAPUIS,
• 3 600, 72 € TTC au titre des réparations du véhicule, sauf à parfaire,
• 1 225, 28 € au titre de la moitié des primes d’assurance payés, sauf à parfaire jusqu’à complet règlement des sommes permettant de réparer le véhicule et de régler les frais de gardiennage réclamés par la société GARAGE CITROËN CHAPUIS,
• 42 660 € au titre des frais de gardiennage au 2 avril 2024, sauf à parfaire jusqu’au jour de la récupération de véhicule,
Le tout, avec intérêts au taux légal, outre capitalisation, à compter à compter de l’assignation.
A titre infiniment subsidiaire, si le Tribunal devait considérer, par impossible, que le défaut de changement des bougies est la cause de l’avarie,
CONDAMNER la société CITROEN DE L’ALMA-SAGA à payer et porter 99% sommes susvisées au titre de la perte de chance subie par Madame [C] [T] [L], le tout, avec intérêts au taux légal, outre capitalisation, à compter de l’assignation.
En tout état de cause
DEBOUTER la société (CITROEN) GARAGE DE L’ALMA-SAGA et la société AUTOMOBILES CITROËN de l’ensemble de leurs conclusions, demandes, fins et prétentions,
CONDAMNER in solidum la société (CITROEN) GARAGE DE L’ALMA-SAGA et la société AUTOMOBILES CITROËN à payer et porter à Madame [C] [T] [L] la somme de 8 000 € au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile,
CONDAMNER les défenderesses aux entiers dépens, mais également à supporter le coût des droits proportionnels,
PRONONCER l’exécution provisoire de la décision à intervenir ».
Mme [C] [T] [L] expose notamment que :
– l’expert a conclu que « l’ensemble des éléments ci-dessus nous amène à confirmer que l’ensemble des désordres sont imputables en totalité à un défaut de la conception de la mécanique » ;
– son action est fondée sur la garantie des vices cachés ;
– le vendeur professionnel est présumé connaître les vices cachés ;
– l’expertise initiale de M. [I], expert conseil, n’est pas une expertise judiciaire ;
– l’expert judiciaire a bien conclu que le changement des bougies était indifférent et que les dommages survenus se seraient produits en toute hypothèse du fait du vice de conception ;
– le problème soulevé par l’expert judiciaire est connu du constructeur ;
– les défendeurs ne demandent pas de contre-expertise, de sorte que leurs moyens ne sont que de pure opportunité ;
– si l’expert judiciaire propose une réparation, c’est que celle-ci permet de remédier au défaut de conception ;
– le défaut de conception, générant un encrassement du moteur, était nécessairement caché pour un acquéreur profane ;
– depuis l’avarie, le véhicule est impropre à son usage et en gardiennage au garage CITROEN CHAPUIS ;
– si elle avait su qu’elle achetait un véhicule atteint d’un vice rendant la panne inéluctable, elle ne l’aurait pas acquis ;
– le trou de fusion de la soupape a été provoqué immédiatement, dès la perte de puissance et l’apparition du voyant, les 321 km parcourus ensuite pour rejoindre un garagiste CITROEN étant indifférents ;
– ces kilomètres parcourus pour rejoindre un garagiste n’ont pas augmenté l’assiette des réparations, l’expert judiciaire énonçant que le changement du joint de culasse est indispensable en cas de casse de soupape ;
– c’est la soupape d’échappement qui s’est percée sur l’autoroute, entrainant une perte de puissance ;
– si le défaut de conception n’avait pas été présent, les kilomètres supplémentaires parcourus auraient été indifférents ;
– elle n’a commis aucune faute à l’origine de l’avarie et son comportement post-avarie n’a pas accru le coût des réparations ;
– l’expert judiciaire a clairement établi que l’entretien du véhicule était sans lien de causalité avec l’avarie rencontrée ;
– l’expert conseil a en outre conclu que le GARAGE DE L’ALMA était responsable de ne pas l’avoir informée de la nécessité de changer les bougies à 60000 km ;
– son préjudice de perte de jouissance depuis le 14 février 2018 s’élève à 20 € par jour, soit 36500 € ;
– l’immobilisation de son véhicule suffit à constituer son préjudice sans nécessité de produire une facture au titre d’un véhicule de remplacement ;
– le GARAGE CITROEN CHAPUIS a émis le 7 juin 2018 un devis de 3600,72 € TTC au titre des frais de réparation, retenu par l’expert sous réserve d’actualisation ;
– la demande de réparation n’est pas en contradiction avec le vice de conception allégué, car elle peut y remédier ;
– elle a payé des primes d’assurance obligatoire pour un véhicule qui ne peut circuler ;
– le garage CITROEN CHAPUIS lui a facturé des frais de gardiennage à hauteur de 20 € par jour et lui réclamait au 2 avril 2024 la somme de 42660 € à ce titre, étant précisé qu’à défaut de leur paiement le garagiste peut lui opposer son droit de rétention ;
– elle n’est pas tenue de produire des factures acquittées pour être indemnisée des frais de gardiennage qui constituent une dette ;
– la facture définitive des frais de gardiennage ne sera établie que lorsque le véhicule sera récupéré ;
– si le tribunal devait considérer que les bougies sont la cause de l’avarie, alors la responsabilité en incomberait au garage CITROEN DE L’ALMA SAGA en charge de l’entretien et qui n’a pas changé les bougies lors de l’entretien du 24 décembre 2017 alors que le véhicule avait parcouru 81018 km, soit plus des 60000 km recommandés ;
– cela fait 6 ans qu’elle est privée de son véhicule et doit financer des frais de procédures longues et onéreuses.
Par ses dernières conclusions au fond notifiées par le RPVA le 4 juillet 2024, la SAS GARAGE DE L’ALMA SAGA demande au tribunal de :
« Vu les articles 1641 et suivants du code civil,
Vu les articles 9 et 246 du code de procédure civile,
Vu les articles 1103 et suivants et 1217 et suivants du code civil,
A titre principal,
– Débouter Madame [F] [C] [T] [L] de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;
A titre subsidiaire,
– Condamner Automobiles Citroën SA à garantir Société Automobile du Garage de l’Alma SAS de l’intégralité des condamnations prononcées au profit de Madame [C] [T] [L], en ce compris celles au titre de l’article 700 du code de procédure civile et les entiers dépens ;
– Juger Madame [C] [T] [L] responsable de l’intégralité de son préjudice subi ;
A titre très subsidiaire,
– Limiter le montant du préjudice subi par Madame [C] [T] [L] compte tenu de la faute qu’elle a commise ;
En toute hypothèse,
– Condamner Madame [F] [C] [T] [L] à payer à Société Automobile du Garage de l’Alma SAS la somme de 8.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– Condamner la partie succombant aux entiers dépens ».
La SAS GARAGE DE L’ALMA SAGA expose notamment que :
– jusqu’à 50000 km, l’entretien du véhicule lui a été confié conformément au contrat de service souscrit lors de l’acquisition du véhicule, puis il a été confié au réseau SPEEDY, avant de lui être à nouveau confié avec un kilométrage de 81018 km ;
– le 14 février 2018, Mme [C] [T] [L] a continué de rouler 321 km malgré l’affichage du voyant « système antipollution défaillant » jusqu’à ce que le véhicule subisse une perte de puissance et tombe en panne à [Localité 8] (19) en arrivant au garage CITROEN LACHAUD qui a diagnostiqué une défaillance des bougies d’allumage ;
– le 3 mars 20218 Mme [C] [T] [L] a fait enlever son véhicule par le garage CITROEN CHAPUIS qui a diagnostiqué la casse d’une soupape et établi un devis de 3600, 72 € TTC ;
– la GMF, assureur de Mme [C] [T] [L], a missionné M. [I] aux fins d’expertise automobile qui a conclu que le non-respect de la préconisation du constructeur concernant le remplacement des bougies à 60000 km était imputable au propriétaire du véhicule ;
– l’expert judiciaire a écarté tout manquement des professionnels dans l’entretien du véhicule et imputé l’avarie à un défaut inhérent à la conception du moteur CITROEN équipant le véhicule ;
– il est incohérent de réparer un véhicule dont le moteur est affecté d’un vice de conception ;
– Mme [C] [T] [L] a roulé 321 km malgré l’affichage du voyant « système antipollution défaillant » jusqu’à ce que le moteur s’arrête définitivement ;
– l’expert judiciaire n’a pu examiner les bougies d’allumage du véhicule égarées depuis 2019 par le garage CHAPUIS choisi par Mme [C] [T] [L] ;
– le « prétendu défaut de conception du moteur (VTI valve timing injection) (…) demeure au stade d’une simple assertion de l’expert judiciaire » ;
– la charge de la preuve repose sur l’acquéreur et les conclusions du rapport d’expertise judiciaire ne constituent pas cette preuve ;
– le tribunal n’est pas lié par le rapport d’expertise judiciaire ;
– l’expert judiciaire expose que le véhicule aurait dû être stoppé dès l’apparition de la première alerte et son utilisation durant 321 km supplémentaires a aggravé les dommages ;
– un trou de fusion sur la soupape d’un cylindre trouve son origine dans la formation d’arcs électriques anormaux provenant d’une bougie d’allumage défaillante ;
– la disparition des bougies d’allumage du moteur du véhicule automobile Citroën C4 immatriculé [Immatriculation 7] a interdit d’identifier l’origine de la pièce cause du trou de fusion constaté sur la soupape d’un cylindre ;
– l’expert conseil M. [I] a considéré que la panne avait pour cause le non-remplacement des bougies à 60000 km tel que préconisé par le constructeur et que seule la propriétaire du véhicule en était responsable ;
– la disparition des bougies a empêché d’explorer l’hypothèse d’un défaut de fabrication de la bougie d’allumage ou de vérifier le fait que les bougies installées au jour de l’avarie étaient bien celles d’origine et par conséquent de la compatibilité des bougies installées au jour de l’avarie avec le moteur ;
– il ne peut être écartée l’hypothèse plausible du remplacement des bougies d’origine hors l’intervention d’un garagiste professionnel ;
– le défaut de conception du moteur soulevé par l’expert judiciaire ne repose que sur son affirmation faute de produire les notes internes à CITROEN évoquées par l’expert judiciaire ;
– durant plus de 80000 km, Mme [C] [T] [L] ne s’est pas plainte d’une surconsommation d’huile ou de carburant ou encore de l’allumage du voyant « système antipollution défaillant » ;
– en continuant de rouler 321 km après l’allumage du voyant d’alerte, Mme [C] [T] [L] a commis une faute contribuant à son propre préjudice et justifiant la réduction de son droit à indemnisation ;
– Sur les 5 années de préjudice de jouissance et d’immobilisation dont se prévaut Mme [C] [T] [L], plus de la moitié sont imputables à sa seule inertie ;
– Madame [C] [T] [L] a attendu le 28 mars 2019, 13 mois après la panne du 14 février 2018, pour déclarer un sinistre à son assureur de protection juridique et octobre 2020, en possession du rapport [I] du 17 juin 2019, et 32 mois après, pour introduire une procédure de référés aux fins d’une mission d’expertise ;
– les 31146,23 € TTC demandés au titre des frais de gardiennage correspondent à une facture du garage Chapuis du 2 septembre 2022 qui n’a pas été prise en compte par l’expert judiciaire et ne figure pas dans les annexes du rapport d’expertise ;
– les frais de gardiennage facturés à hauteur de 20 € par jour correspondent à ceux pratiqués en zone urbaine et non rurale là où est entreposé le véhicule et Mme [C] [T] [L] ne justifie pas les avoir acquittés ;
– Mme [C] [T] [L] est responsable du défaut de remplacement des bougies et de la perte des bougies installées au jour de l’avarie ;
– Mme [C] [T] [L] ne prouve pas son préjudice de jouissance ;
– le constructeur Automobiles Citroën avec qui elle est liée par un contrat de distribution automobile doit la garantir de toute condamnation ;
– ni le Garage Chapuis, responsable de la perte des bougies d’allumage équipant le véhicule le 14 février 2018, ni Speedy France, ayant entretenu le véhicule lors du passage du seuil des 60000 km, pourtant présents aux opérations d’expertise judiciaire, n’ont été attraits dans la présente instance.
Par ses dernières écritures notifiées par le RPVA le 30 janvier 2024, la SAS AUTOMOBILES CITROEN demande au tribunal de :
« Vu l’article 1641 et suivants du code civil,
Vu l’article 9 du code de procédure civile,
Juger que Madame [C] [T] [L] ne rapporte pas la preuve qui lui incombe de l’existence et de la cause d’un vice caché antérieur à la première mise en circulation du véhicule,
En conséquence,
Débouter Madame [C] [T] [L] de l’ensemble de ses demandes à toutes fins qu’elles comportent,
Débouter la société AUTOMOBILES DU GARAGE DE L’ALMA de l’ensemble de ses demandes à toutes fins qu’elles comportent,
A titre très subsidiaire,
Juger que Madame [C] [T] [L] ne rapporte pas la preuve des préjudices invoqués,
En conséquence,
La débouter de ses demandes.
Condamner Madame [C] [T] [L] à verser à AUTOMOBILES CITROEN la somme de 1.500 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamner Madame [C] [T] [L] en tous les dépens dont distraction au profit de Maître, Avocat, en application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ».
La SAS AUTOMOBILES CITROEN expose notamment que :
– l’expert conseil a imputé l’avarie au non-remplacement des bougies à 60000 km ;
– elle a vivement contesté les conclusions du rapport d’expertise judiciaire, le vice de conception du moteur soulevé par ce dernier ne reposant sur aucun élément ;
– les faits montrent que la défaillance moteur était la conséquence du défaut d’une bougie ;
– l’état d’encrassement de la chambre de combustion était normal compte tenu du kilométrage du véhicule ;
– aucune consommation anormale d’huile n’avait été constatée ;
– l’affirmation de l’expert d’après laquelle les désordres « sont la conséquence de défauts de conception et de problématiques d’étanchéité moteur et de très probable consommation anormale d’huile moteur » est dénuée de fondement et n’est étayée d’aucun élément objectif ;
– l’expert a concédé que l’utilisation du véhicule pendant 321 kms avec le défaut voyant moteur allumé avait contribué à aggraver les dommages ;
– Mme [C] [T] [L] ne prouve pas l’existence d’un vice caché ;
– l’expert conseil de l’assurance de Mme [C] [T] [L] n’a pas constaté que l’encrassement était anormal et n’a pas fait état d’un défaut de conception qui serait connu de tous ;
– les conclusions de l’expert judiciaire sont incohérentes ;
– l’expert conseil a relevé que l’origine de l’avarie était un dysfonctionnement du système d’allumage, donc des bougies, qui a provoqué un phénomène anormal d’arcs électriques générant la fusion de la tulipe de la soupape ;
– si le constructeur préconise le remplacement des bougies d’allumage à 60.000 km, c’est bien parce qu’au-delà elles sont susceptibles de ne plus remplir correctement leur rôle et d’engendrer des dysfonctionnements du système d’allumage ;
– la cause de la panne est doublement imputable à Mme [C] [T] [L] puisqu’elle n’a pas fait changer les bougies à 60000 kms et a continué de rouler pendant 321 kms « après avoir été informé de ratés de combustion par l’affichage d’un voyant d’alerte au tableau de bord » ;
– l’expert judiciaire reconnaît que si les bougies avaient été remplacées dès la première alerte, cela aurait permis d’éviter la destruction de la soupape ;
– les deux rapports d’expertise sont contradictoires et tous les deux ont été soumis à la discussion des parties ;
– le tribunal n’est pas lié par le rapport d’expertise judiciaire et le défaut de changement des bougies à 60000 kms constitue un élément objectif contrairement aux assertions de l’expert judiciaire ;
– subsidiairement, la réparation sera limitée au coût du changement de 4 bougies, soit 57,94 €, Mme [C] [T] [L] ayant commis une faute en continuant de rouler malgré le voyant allumé ;
– Mme [C] [T] [L] ne justifie pas du coût du remplacement de son véhicule et donc du préjudice de jouissance qu’elle allègue, outre qu’elle est seule responsable de ce préjudice en ayant continué de rouler 321 kms voyant d’alerte allumé ;
– Mme [C] [T] [L] a fait preuve d’inertie durant plus de 2 ans ;
– il appartenait à Mme [C] [T] [L] de suspendre son assurance automobile durant la période d’immobilisation de son véhicule, outre que l’immobilisation du véhicule est exclusivement due à la faute de Mme [C] [T] [L] ;
– la pièce produite par Mme [C] [T] [L] au titre des frais de gardiennage n’est pas une facture, mais une estimation, aucun frais de gardiennage n’ayant été facturé, ils ne le seront peut-être pas, de sorte que ce poste de préjudice est éventuel et n’est donc pas indemnisable.
En application de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux dernières écritures susvisées des parties pour un plus ample exposé de leurs moyens.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 7 octobre 2024.
L’affaire a été évoquée à l’audience des plaidoiries du 21 novembre 2024 et mise en délibéré au 19 décembre 2024, prorogé au 31 décembre 2024.
Sur les principes de la garantie des vices cachés et des responsabilités et de l’appel en garantie
L’article 1641 du code civil dispose :
« Le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l’usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l’acheteur ne l’aurait pas acquise, ou n’en aurait donné qu’un moindre prix, s’il les avait connus ».
L’article 1644 du code civil dispose :
« Dans le cas des articles 1641 et 1643, l’acheteur a le choix de rendre la chose et de se faire restituer le prix, ou de garder la chose et de se faire rendre une partie du prix ».
L’article 1645 du code civil dispose :
« Si le vendeur connaissait les vices de la chose, il est tenu, outre la restitution du prix qu’il en a reçu, de tous les dommages et intérêts envers l’acheteur ».
En l’espèce l’expert judiciaire met en évidence l’existence d’un trou de fusion sur une soupape d’échappement, illustré par de nombreuses photos très claires, et explique dans son rapport :
« Nous ne relevons aucune malfaçon, le défaut affectant le véhicule est inhérent au fonctionnement du moteur, qui, après encrassement génère ces dommages. Aucun remplacement des bougies anticipé et/ou en phase avec l’agenda de préconisations du constructeur n’aurait permis d’éviter ces dommages.
Ceux-ci sont la conséquence de défauts de conception et de problématiques d’étanchéité moteur et de très probable consommation anormale d’huile moteur. Ces encrassements des sièges de soupapes sont largement connus du constructeur et sont causés par une accumulation de petits trajets sans forte charge à l’accélérateur. (…)
L’origine des dommages provient d’un défaut par une accumulation de petits trajets sans forte charge à l’accélérateur, ce qui, par remontée d’huile, encrasse les sièges des soupapes.
La cause provient de la soupape qui, en ne se refermant pas correctement, surchauffe par passage d’oxygène et brûle dans la zone du siège.
Ce phénomène a une prépondérance sur les soupapes d’échappement car celles-ci, par fonctionnement, sont plus chaudes que celles d’admission. La contrainte unilatérale exercée sur la face de la soupape peut se produire pour de nombreuses raisons, mais, le problème sous-jacent est que la soupape ne se scelle pas correctement sur son siège et permet aux gaz chauds du moteur, pendant la phase de combustion, de fuir devant l’espacement formé par la soupape et le siège.
Lorsque l’étanchéité est perdue, les gaz d’échappement chauds s’échappent au-delà de la soupape et endommagent celle-ci, par oxycoupage (découpage des métaux au chalumeau, au moyen d’un jet d’oxygène pur et d’un mélange d’hydrocarbure notamment le propadiène) (…)
L’ensemble des éléments ci-dessus nous amène à vous confirmer que l’ensemble des désordres sont imputables en totalité à un défaut de conception de la mécanique.
En l’état, le véhicule est inutilisable du fait des dommages estimatoires et démontages mécaniques effectués. Madame [T] ne pouvait se convaincre de la préexistence des conséquences actuelles au jour de l’achat du véhicule. Les défauts de conception de ce type de moteur sont largement connus du constructeur. De nombreuses TSB (Technical Service Bulletin) ont été édités en interne de la marque CITROEN (…)
Le véhicule est très clairement impropre à l’usage auquel il est destiné, mais pas irréparable, bien au contraire, le montant des réparations reste inférieur à la valeur marché. Nous ne pouvons pas retenir une quelconque faute professionnelle et/ou manquement aux règles de l’art ni à un défaut de conseil.
L’ensemble des informations nécessaires au respect des préconisations sont inscrites dans le livre de bord. Néanmoins, nous le répétons, il ne s’agit pas d’un problème de bougies pouvant être la cause, mais bel et bien d’un défaut de conception du moteur.
L’encrassement des sièges de soupape provient d’une problématique interne de gestion interne des flux d’air du moteur et de valeur d’huile et de combustion et donc d’étanchéité moteur. Tôt ou tard, Madame [T] aurait eu ces dommages sur son véhicule ».
Il s’ensuit que le véhicule était atteint d’un vice caché au jour de son acquisition qui le rendait impropre à son usage, car menant irrémédiablement à un problème moteur immobilisant le véhicule. Ce vice caché réside dans un problème de conception du moteur engendrant un encrassement du siège des soupapes et une perte d’étanchéité consécutive conduisant à un trou de fusion au niveau de la soupape et à un problème moteur immobilisant le véhicule.
Le rapport d’expertise judiciaire est clair, très complet et illustré de photos et de schémas, de sorte qu’il n’y a pas lieu de retenir le rapport de l’expert conseil diligenté par l’assurance de la demanderesse qui avait initialement conclu différemment.
L’expert judiciaire exclut explicitement tout problème de bougie, de sorte que n’a pas constitué une faute en lien de causalité avec les dommages ou les modalités de l’expertise judiciaire la perte des bougies par le garage CHAPUIS, outre que cette faute n’a pas été commise par la demanderesse, bien qu’elle ait choisi ce garage.
L’absence de changement des bougies n’a pu constituer une faute ayant contribué à ce dommage, l’expert judiciaire exposant que le dommage se serait produit quelles qu’aient été les mesures prises en la matière.
La demanderesse, confirmée par le GARAGE DE L’ALMA SAGA, expose que le voyant allumé était « système antipollution défaillant », de sorte que n’a pu constituer une faute de continuer de rouler nonobstant ce voyant, dans la mesure où celui-ci n’indique pas un problème moteur intimant la nécessité de stopper le véhicule immédiatement et de le faire remorquer.
Enfin, les délais de procédure ne sauraient être reprochés à Mme [C] [T] [L] qui n’a pas pour obligation de minimiser son propre préjudice, tandis que la société GARAGE DE L’ALMA SAGA est tenue par le principe de réparation intégrale des préjudices subis par Mme [C] [T] [L], ce d’autant plus que la société AUTOMOBILES CITROEN expose que Mme [C] [T] [L] s’est adressée à trois reprises à elle pour obtenir la prise en charge des dégâts subis par le véhicule, ce qu’elle a refusé à chaque fois.
Par conséquent, il ne sera retenu aucune faute de Mme [C] [T] [L] qui fonderait une réduction de son droit à indemnisation.
La garantie des vices cachés est due par la société GARAGE DE L’ALMA SAGA.
Et l’appel en garantie de cette dernière à l’encontre de la société AUTOMOBILES CITROEN sera retenu, dans la mesure où le vice caché en cause existait au moment où cette dernière a vendu le véhicule en cause à son distributeur la société GARAGE DE L’ALMA SAGA, de sorte que la garantie des vices cachés lui est pareillement due.
Sur la réduction du prix et les postes de préjudices
L’article 12 du code de procédure civile dispose :
« Le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables.
Il doit donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux sans s’arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposée.
Toutefois, il ne peut changer la dénomination ou le fondement juridique lorsque les parties, en vertu d’un accord exprès et pour les droits dont elles ont la libre disposition, l’ont lié par les qualifications et points de droit auxquels elles entendent limiter le débat.
Le litige né, les parties peuvent aussi, dans les mêmes matières et sous la même condition, conférer au juge mission de statuer comme amiable compositeur, sous réserve d’appel si elles n’y ont pas spécialement renoncé ».
L’article 1644 du code civil dispose :
« Dans le cas des articles 1641 et 1643, l’acheteur a le choix de rendre la chose et de se faire restituer le prix, ou de garder la chose et de se faire rendre une partie du prix ».
L’article 1645 du code civil dispose :
« Si le vendeur connaissait les vices de la chose, il est tenu, outre la restitution du prix qu’il en a reçu, de tous les dommages et intérêts envers l’acheteur ».
Le vendeur professionnel est présumé avoir connu les vices cachés du bien qu’il a vendu.
Le coût de la réparation du véhicule revêt la qualification juridique de réduction du prix, une réduction correspondant au coût de la réparation que nécessite le vice caché qui atteignait le véhicule au jour de la vente. Les autres demandes correspondent à l’indemnisation des préjudices subséquents.
1/ Sur le coût de la réparation du véhicule :
Le montant de ce coût de réparation, retenu par l’expert, n’est pas contesté et sera par conséquent retenu.
2/ Sur le préjudice de perte de jouissance du véhicule :
Ce préjudice existe dès lors que le véhicule a été immobilisé, ce depuis le 14 février 2018, sans que la demanderesse n’ait à justifier d’avoir eu recours à un véhicule de remplacement en location.
Ce préjudice sera évalué à 150 € par mois, compte tenu de la nature et du kilométrage du véhicule ainsi que de la durée, soit un total de 12375 € (150 € x 82,5 mois) à ce jour.
3/ Sur les frais d’assurance :
L’indemnisation du préjudice de perte de jouissance replace la demanderesse dans l’état où elle se serait trouvée si elle avait eu la jouissance du véhicule, auquel cas elle aurait dû l’assurer.
Cette demande sera rejetée, comme étant déjà couverte par l’indemnisation du préjudice de perte de jouissance.
4/ Sur les coûts de gardiennage :
Aux termes de l’article 1353 du code civil, celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation.
Aux termes de l’article 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.
Mme [C] [T] [L] produit une estimation qui n’est ni une facture ni une facture acquittée.
Néanmoins, il est constant que le véhicule est entreposé depuis le 1er juin 2018 au garage CHAPUIS CITROEN.
Dès lors, les défenderesses seront condamnées à rembourser à la demanderesse les frais de gardiennage sur présentation d’une facture acquittée et du justificatif de paiement de celle-ci.
Sur les intérêts, les dépens, les frais irrépétibles et l’exécution provisoire
Sur les intérêts demandés :
Aux termes des articles 1231-6 et du code civil, les dommages et intérêts dus à raison du retard dans le paiement d’une obligation de somme d’argent consistent dans l’intérêt au taux légal, à compter de la mise en demeure. Ces dommages et intérêts sont dus sans que le créancier soit tenu de justifier d’aucune perte.
Aux termes de l’article 1231-7 du code civil, en toute matière, la condamnation à une indemnité emporte intérêts au taux légal même en l’absence de demande ou de disposition spéciale du jugement. Sauf disposition contraire de la loi, ces intérêts courent à compter du prononcé du jugement à moins que le juge n’en décide autrement.
Aux termes de l’article 1343-2 du code civil, les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produisent intérêt si le contrat l’a prévu ou si une décision de justice le précise.
Le point de départ des intérêts sur les postes de préjudices, constituant des indemnités, sera fixé au jour du présent jugement en application de l’article 1231-7 susvisé du code civil. La créance de réduction du prix équivalente au coût des réparations naît du présent jugement constitutif de droits, de sorte que des intérêts comminatoires ne sauraient être dus pour la période antérieure.
Par conséquent les intérêts courront sur l’ensemble des sommes à compter du présent jugement et l’anatocisme de droit sera accordé à défaut de paiement dans l’année.
Sur les dépens :
Aux termes de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.
Succombant, les sociétés GARAGE DE L’ALMA SAGA et AUTOMOBILES CITROEN seront in solidum condamnées aux dépens de l’instance.
Sur les frais irrépétibles
L’article 700 du code de procédure civile dispose que le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à ces condamnations.
Succombant, les sociétés GARAGE DE L’ALMA SAGA et AUTOMOBILES CITROEN seront in solidum condamnées à payer 5000 € à Mme [C] [T] [L] sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Sur l’exécution provisoire :
L’article 514 du Code de procédure civile, issu de l’article 3 du décret du 19 novembre 2019 applicable aux instances introduites au 1er janvier 2020, dispose que les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n’en dispose autrement.
L’exécution provisoire de droit sera donc rappelée.
Le tribunal, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort,
DIT que le véhicule CITROEN C4 immatriculé [Immatriculation 7] acquis par Mme [C] [T] [L] le 27 novembre 2009 auprès de la société GARAGE DE L’ALMA SAGA et livré le 5 janvier 2010 était atteint d’un vice caché au jour de la vente et que ce vice existait au jour antérieur de la vente du véhicule par la société AUTOMOBILES CITROEN à son distributeur la société GARAGE DE L’ALMA SAGA ;
DIT que Mme [C] [T] [L] n’a commis aucune faute en lien de causalité avec l’avarie du véhicule et ses préjudices subséquents ;
CONDAMNE in solidum les sociétés GARAGE DE L’ALMA SAGA et AUTOMOBILES CITROEN à payer à Mme [C] [T] [L] les sommes suivantes avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement et leur capitalisation annuelle à défaut de paiement dans l’année :
– 3600,72 € à titre de réduction du prix correspondant au coût des réparations,
– 12375 € à titre d’indemnisation du préjudice de perte de jouissance du véhicule immobilisé depuis le 14 février 2018 ;
REJETTE le surplus de demande notamment quant aux frais d’assurance du véhicule ;
CONDAMNE in solidum les sociétés GARAGE DE L’ALMA SAGA et AUTOMOBILES CITROEN à payer les frais de gardiennage du véhicule depuis le 1er juin 2018 facturés par le garage CHAPUIS CITROEN, sur présentation par Mme [C] [T] [L] d’une facture acquittée ;
CONDAMNE in solidum les sociétés GARAGE DE L’ALMA SAGA et AUTOMOBILES CITROEN aux dépens de l’instance comprenant le coût de l’expertise judiciaire ;
CONDAMNE in solidum les sociétés GARAGE DE L’ALMA SAGA et AUTOMOBILES CITROEN à payer 5000 € à Mme [C] [T] [L] sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE la société AUTOMOBILES CITROEN à garantir la société GARAGE DE L’ALMA SAGA de toutes les condamnations précitées prononcées à son encontre ;
RAPPELLE que l’exécution provisoire du présent jugement est de droit.
LA GREFFIERE LE PRESIDENT
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