L’Essentiel : M. [O] et Mme [B], propriétaires expropriés, ont mandaté M. [I] pour signifier des jugements fixant leurs indemnités. Les significations, réalisées par M. [U], étaient cruciales pour faire valoir leurs droits. La société d’économie mixte a contesté ces jugements par plusieurs appels, dont certains ont été déclarés caducs ou irrecevables. La Cour de cassation a annulé ces décisions, soulignant des erreurs dans les significations. En novembre 2020, la cour d’appel a réduit les indemnités, estimant que les terrains n’étaient pas bâtis lors de l’expropriation. M. [O] et Mme [B] ont alors assigné plusieurs parties en responsabilité pour préjudice.
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Contexte de l’ExpropriationM. [O] et Mme [B] sont propriétaires de parcelles concernées par une opération d’expropriation au profit de la société d’économie mixte Territoire 62. Ils ont mandaté M. [I], huissier de justice, pour signifier deux jugements rendus le 2 février 2015, qui fixaient le montant des indemnités d’expropriation et condamnaient la société à les payer. Signification des JugementsLes significations des jugements ont été réalisées le 9 mars 2015 par M. [U], un autre huissier de justice, dans le cadre d’un acte détaché. Ces actes étaient essentiels pour que les propriétaires puissent faire valoir leurs droits à l’indemnisation. Appels et Décisions de la CourLa société d’économie mixte a formé plusieurs appels contre les jugements. Un premier appel a été déclaré caduc, tandis qu’un second a été jugé irrecevable pour tardivité. Ces décisions ont été cassées par la Cour de cassation, qui a estimé que les significations n’avaient pas été correctement effectuées, ce qui n’avait pas fait courir le délai de recours. Renvoi et Recevabilité des AppelsLa cour d’appel de renvoi a déclaré irrecevables les appels formés le 7 août 2015, mais a jugé recevable un troisième appel interjeté le 1er février 2017. Ces décisions ont également été partiellement cassées, sauf en ce qui concerne la recevabilité des appels. Réduction des IndemnitésEn novembre 2020, la cour d’appel a statué que les indemnités initialement allouées correspondaient à des terrains bâtis, alors qu’ils n’étaient pas bâtis au moment de l’expropriation. En conséquence, le montant des indemnités dues à M. [O] et Mme [B] a été réduit. Action en ResponsabilitéM. [O] et Mme [B] ont ensuite assigné plusieurs parties, y compris M. [U] et diverses SCP, en responsabilité pour l’inefficacité des significations des jugements et pour obtenir une indemnisation du préjudice résultant de la réduction des indemnités. Ils ont également demandé, à titre subsidiaire, une compensation pour la perte de chance de conserver le bénéfice des décisions initiales. Examen des MoyensConcernant le second moyen, la cour a décidé qu’il n’était pas nécessaire de statuer par une décision spécialement motivée, car ce moyen n’était manifestement pas de nature à entraîner la cassation. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelles sont les conséquences juridiques des significations de jugements incomplètes ?Les significations de jugements incomplètes peuvent avoir des conséquences significatives sur le droit d’appel des parties concernées. En vertu de l’article 1014, alinéa 2, du Code de procédure civile, il est stipulé que : « Les significations doivent être faites dans les formes prescrites par la loi. » Dans le cas présent, les significations effectuées par M. [U] n’ont pas mentionné la cour d’appel devant laquelle l’appel pouvait être porté. Cela a conduit à la déclaration de caducité et d’irrecevabilité des appels formés par la société d’économie mixte, car le délai de recours n’avait pas couru. Cette situation illustre l’importance de respecter les exigences formelles lors de la signification des jugements, car toute omission peut entraîner des conséquences juridiques graves, notamment la perte du droit d’appel. Comment la responsabilité des huissiers de justice est-elle engagée en cas de signification défaillante ?La responsabilité des huissiers de justice peut être engagée en cas de signification défaillante, notamment lorsque celle-ci ne respecte pas les prescriptions légales. L’article 1er de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 relative à la modernisation de la justice du XXIe siècle précise que : « Les huissiers de justice sont tenus d’une obligation de moyens dans l’exercice de leur mission. » Dans le contexte de l’affaire, M. [O] et Mme [B] ont assigné M. [U] et la SCP [R] [U] et [W] [H] en responsabilité, arguant que les significations des jugements du 2 février 2015 n’avaient pas été effectuées de manière efficace. Cette assignation repose sur l’idée que l’huissier a manqué à son obligation de moyens, ce qui a conduit à un préjudice pour les propriétaires, notamment la réduction des indemnités d’expropriation. Quelles sont les implications de la réduction des indemnités d’expropriation sur le droit à l’indemnisation ?La réduction des indemnités d’expropriation a des implications directes sur le droit à l’indemnisation des propriétaires expropriés. Selon l’article L. 322-1 du Code de l’expropriation pour cause d’utilité publique, il est stipulé que : « L’indemnité d’expropriation doit être égale à la valeur vénale du bien au jour de l’expropriation. » Dans cette affaire, la cour d’appel a constaté que les indemnités allouées correspondaient à des terrains bâtis, alors qu’au moment de l’expropriation, ces terrains n’étaient pas encore bâtis. Cela a conduit à une réduction des sommes dues à M. [O] et Mme [B], ce qui soulève des questions sur l’équité de l’indemnisation et le respect des droits des expropriés. Les propriétaires peuvent ainsi se retrouver dans une situation où ils ne reçoivent pas une indemnité juste et équitable, ce qui peut être contesté devant les juridictions compétentes. Quelle est la portée de la notion de perte de chance dans le cadre de cette affaire ?La notion de perte de chance est un concept juridique qui peut être invoqué pour obtenir réparation d’un préjudice résultant d’une situation où une partie a perdu une opportunité favorable. Dans le cadre de cette affaire, M. [O] et Mme [B] ont également demandé une indemnisation pour la perte de chance de conserver le bénéfice des décisions initiales. L’article 1231-1 du Code civil précise que : « Tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. » La perte de chance peut être difficile à prouver, car il faut démontrer que la chance perdue était réelle et qu’elle aurait pu aboutir à un résultat favorable. Dans ce cas, les propriétaires doivent établir que, sans la défaillance dans la signification des jugements, ils auraient eu une chance raisonnable de conserver les indemnités initialement allouées. Cette notion est souvent utilisée dans les litiges liés à la responsabilité professionnelle, notamment celle des huissiers de justice, et peut avoir un impact significatif sur le montant de l’indemnisation accordée. |
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COUR DE CASSATION
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Audience publique du 29 janvier 2025
Rejet
Mme CHAMPALAUNE, président
Arrêt n° 57 F-D
Pourvoi n° S 23-19.266
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 29 JANVIER 2025
1°/ M. [M] [O],
2°/ Mme [L] [B],
tous deux domiciliés [Adresse 5],
ont formé le pourvoi n° S 23-19.266 contre l’arrêt rendu le 1er juin 2023 par la cour d’appel de Douai (3e chambre), dans le litige les opposant :
1°/ à M. [R] [U], domicilié [Adresse 1],
2°/ à M. [E] [I], domicilié [Adresse 2],
3°/ à la société [R] [U] et [W] [H], huissiers de justice associés, société civile professionnelle, dont le siège est [Adresse 1],
4°/ à la société [A] [V] et [X] [C], huissiers de justice associés, société civile professionnelle, dont le siège est [Adresse 3],
5°/ à la chambre nationale de commissaires de justice, dont le siège est [Adresse 4],
défendeurs à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l’appui de leur pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Kerner-Menay, conseiller, les observations de la SARL Matuchansky, Poupot, Valdelièvre et Rameix, avocat de M. [O] et de Mme [B], de la SCP Duhamel, avocat de MM. [U] et [I] et des sociétés [R] [U] et [W] [H], [A] [V] et [X] [C] et de la chambre nationale de commissaires de justice, et l’avis de M. Aparisi, avocat général, après débats en l’audience publique du 3 décembre 2024 où étaient présentes Mme Champalaune, président, Mme Kerner-Menay, conseiller rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Ben Belkacem, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
1. Selon l’arrêt attaqué (Douai, 1er juin 2023), M. [O] et Mme [B], propriétaires indivis ou exclusif de parcelles faisant l’objet d’une opération d’expropriation au profit de la société d’économie mixte Territoire 62 (la société d’économie mixte), ont mandaté M. [I], huissier de justice, devenu commissaire de justice, associé au sein de la société civile professionnelle (SCP) [E] [I] et [A] [V] devenue SCP [A] [V] et [X] [C] pour procéder à la signification de deux jugements du 2 février 2015 fixant le montant des indemnités d’expropriation et condamnant la société d’économie mixte à les leur payer.
2. Ces significations ont été effectuées le 9 mars 2015, par actes de M. [U], huissier de justice, devenu commissaire de justice, associé au sein de la SCP [R] [U] et [W] [H], titulaire d’un office à la résidence de [Localité 6], au titre d’un acte détaché.
3. Par arrêts du 21 mars 2016, un premier appel formé par la société contre ces jugements a été déclaré caduc et un second, formé le 7 août 2015, a été déclaré irrecevable comme tardif. Ces arrêts ont été cassés au motif que les significations ne mentionnant pas la cour d’appel devant laquelle l’appel pouvait être porté et visant des dispositions inapplicables au litige, le délai de recours n’avait pas couru (2ème Civ., 16 mars 2017, pourvois n° 16-15.031 et 16-15.032).
4. Par deux arrêts du 6 novembre 2017, la cour d’appel de renvoi a notamment déclaré irrecevables les appels du 7 août 2015 mais recevable un troisième appel interjeté le 1er février 2017. Ces arrêts ont été cassés sauf sur ces dispositions relatives à la recevabilité des appels (3ème Civ., 23 mai 2019, n° 18-10.140 et 18-10.141).
5. Par arrêts du 16 novembre 2020, la cour d’appel de renvoi, retenant que les indemnités allouées par les jugements du 2 février 2015 correspondaient à des terrains bâtis alors qu’au moment de l’expropriation, ils n’étaient pas encore bâtis, a réduit le montant des sommes dues à M. [O] et Mme [B].
6. M. [O] et Mme [B] ont assigné, M. [U], la SCP [R] [U] et [W] [H], M. [E] [I] et la SCP [V] et [X] [C], ainsi que la chambre nationale des commissaires de justice (CNCJ), en responsabilité en l’absence d’efficacité des significations des jugements du 2 février 2015 et indemnisation du préjudice résultant de la réduction du montant des sommes initialement allouées par ces jugements et, à titre subsidiaire, de la perte de chance de conserver le bénéfice de ces décisions.
Sur le second moyen
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