Responsabilité professionnelle et manquements d’un avocat : enjeux et conséquences

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Responsabilité professionnelle et manquements d’un avocat : enjeux et conséquences

L’Essentiel : Entre 2003 et 2011, les époux [W] et la SCI [15] ont contracté plusieurs prêts, dont un crédit immobilier de 176 632,00 euros. En septembre 2019, ils ont assigné Maître [Z] [S] pour obtenir réparation de préjudices liés à des fautes professionnelles. Les époux reprochent à leur avocat son absence lors d’audiences cruciales, entraînant une vente forcée de leur bien à un prix inférieur au marché. Cependant, le tribunal a jugé l’action de la SCI irrecevable et a débouté les époux, concluant qu’ils n’avaient pas prouvé de perte de chance significative. Les demandeurs ont été condamnés aux dépens.

Contexte de l’affaire

Entre 2003 et 2011, les époux [W] et la SCI [15] ont contracté plusieurs prêts auprès de la [11], dont un crédit immobilier de 176 632,00 euros en 2003, destiné à l’acquisition de leur résidence principale. Les époux ont apporté 118 723,00 euros pour ce crédit, remboursable sur 240 mensualités à un taux d’intérêt de 5,88 %.

Assignation de l’avocat

En septembre 2019, les époux [W] et la SCI [15] ont assigné Maître [Z] [S] et ses assureurs pour obtenir réparation de préjudices qu’ils estiment avoir subis en raison de fautes professionnelles de l’avocat. Une ordonnance du Juge de la mise en état a radié l’affaire en mars 2021 pour absence de suite à une injonction de conclure.

Demandes des époux [W] et de la SCI [15]

Les demandeurs ont ensuite déposé des conclusions en rétablissement, affirmant que Maître [S] avait manqué à son devoir d’assistance et de représentation, causant ainsi un préjudice. Ils ont demandé des indemnités pour préjudice matériel, perte de chance et honoraires d’avocat.

Fautes alléguées de l’avocat

Les époux [W] reprochent à leur avocat son absence lors d’audiences cruciales, notamment lors d’une audience de surendettement et d’une audience d’orientation pour la vente de leur bien. Ils estiment que ces manquements ont conduit à une vente forcée à un prix inférieur à la valeur du marché.

Réponse des défendeurs

Maître [Z] [S] et ses assureurs ont contesté les demandes, arguant de l’absence de faute, de lien de causalité et de préjudice. Ils ont également soulevé l’irrecevabilité des demandes de la SCI [15], qui n’était pas cliente de l’avocat.

Recevabilité de l’action de la SCI [15]

Le tribunal a jugé l’action de la SCI [15] irrecevable, soulignant qu’aucun document ne prouvait que l’avocat avait été mandaté par la SCI, et que les demandes d’indemnisation concernaient uniquement les époux [W].

Responsabilité de l’avocat

Le tribunal a examiné la responsabilité de l’avocat en lien avec les manquements allégués. Bien que certaines fautes aient été reconnues, notamment l’absence à des audiences, le tribunal a conclu que les époux [W] n’avaient pas démontré de perte de chance significative.

Décision du tribunal

Le tribunal a débouté les époux [W] et la SCI [15] de leurs demandes d’indemnisation, considérant que les éléments constitutifs de la responsabilité de l’avocat n’étaient pas réunis. Les demandeurs ont été condamnés aux dépens de l’instance.

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la recevabilité de l’action présentée par la SCI [15] ?

La recevabilité de l’action présentée par la SCI [15] est régie par plusieurs articles du code de procédure civile.

Selon l’article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut du droit d’agir, tel que le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, ou la chose jugée.

De plus, l’article 31 du même code stipule que l’action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d’une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d’agir aux seules personnes qu’elle qualifie pour élever ou combattre une prétention ou pour défendre un intérêt déterminé.

Enfin, l’article 32 précise que est irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d’agir.

Dans cette affaire, il apparaît que les éléments produits ne concernent que les époux [W]. La procédure de surendettement et la vente de leur maison d’habitation sont applicables uniquement à ces derniers.

Il n’est pas établi que l’avocat avait en charge la SCI [15], et aucune pièce ne vient déterminer de manière certaine tant la qualité que l’intérêt à agir de la SCI.

En conséquence, l’action présentée par la SCI [15] sera rejetée comme irrecevable.

Quelles sont les responsabilités de l’avocat en vertu des articles du code de procédure civile ?

La responsabilité de l’avocat est encadrée par plusieurs articles du code de procédure civile, notamment l’article 411 et l’ancien article 1147, devenu l’article 1231-1 du Code civil.

L’article 411 du code de procédure civile stipule que le mandat de représentation en justice emporte pouvoir et devoir d’accomplir au nom du mandant les actes de procédure.

L’avocat est également tenu à une mission d’assistance, ce qui implique un devoir de conseiller et d’informer son client. Il doit analyser la situation de fait présentée, rechercher tous les éléments de droit susceptibles de servir les intérêts de ses mandants, et les informer clairement sur les conséquences des choix effectués.

Tout manquement à ces devoirs engage la responsabilité de l’avocat, qui doit démontrer qu’il a rempli ses obligations.

Pour établir la responsabilité, il faut prouver une faute, un dommage, et un lien de causalité. L’avocat doit prouver qu’il a respecté son obligation de conseil et d’information.

En cas de manquement, les règles déontologiques peuvent également intervenir en renfort de la demande d’indemnisation au titre de la responsabilité civile de droit commun.

Quels sont les éléments constitutifs de la responsabilité de l’avocat dans cette affaire ?

Les éléments constitutifs de la responsabilité de l’avocat dans cette affaire incluent la démonstration d’une faute, d’un dommage, et d’un lien de causalité.

La faute peut être établie par l’absence de l’avocat à des audiences cruciales, comme l’audience du Tribunal d’instance de TREVOUX et l’audience d’orientation.

Cependant, pour que la responsabilité soit engagée, il faut également prouver un dommage et un lien de causalité.

Dans le cas de la procédure de surendettement, bien que l’absence de l’avocat constitue une faute, les époux [W] n’ont pas démontré qu’ils avaient une chance raisonnable de succès, car leur demande avait été déclarée irrecevable par la Commission de surendettement.

Concernant la procédure de vente du bien immobilier, bien que l’absence de l’avocat soit également une faute, les demandeurs n’ont pas prouvé qu’ils avaient des pièces justifiant une demande active sérieuse pour une vente amiable.

Ainsi, la chance de succès de cette demande n’étant pas établie, la responsabilité de l’avocat n’est pas prouvée.

Comment se justifie la demande d’indemnisation des époux [W] ?

Les époux [W] justifient leur demande d’indemnisation sur plusieurs bases, notamment l’absence de leur avocat à des audiences et le préjudice qu’ils estiment avoir subi.

Ils soutiennent que l’absence de Maître [S] à l’audience du Tribunal d’instance de TREVOUX a constitué une faute, mais ils n’ont pas prouvé qu’ils avaient une chance de succès dans cette procédure, car leur demande avait été déclarée irrecevable.

De même, pour l’audience d’orientation, bien que l’absence de l’avocat soit reconnue comme une faute, les époux [W] n’ont pas démontré qu’ils avaient des documents justifiant une demande de vente amiable.

Ils n’ont pas non plus prouvé qu’ils avaient tenté de vendre d’autres biens immobiliers pour rembourser leur dette.

En conséquence, la chance de succès de leur demande n’est pas établie, et la responsabilité de l’avocat n’est pas engagée.

Quelles sont les conséquences de la décision du tribunal sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile ?

La décision du tribunal a des conséquences sur les dépens et l’application de l’article 700 du code de procédure civile.

L’article 699 du code de procédure civile stipule que la partie succombante est tenue aux dépens de l’instance. Dans ce cas, les époux [W], en tant que parties succombantes, seront tenus de payer les dépens.

De plus, l’article 700 permet au juge de condamner la partie perdante à verser à l’autre partie une somme au titre des frais irrépétibles.

Cependant, dans cette affaire, les demandeurs, parties succombantes, seront tenus aux dépens, et aucune indemnisation au titre de l’article 700 ne sera accordée, car ils n’ont pas réussi à prouver leur demande d’indemnisation.

Ainsi, le tribunal a prononcé l’exécution provisoire de la décision, ce qui signifie que les conséquences financières de cette décision s’appliqueront immédiatement.

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DU MANS

Première Chambre

Jugement du 21 Novembre 2024

N° RG 23/01200 – N° Portalis DB2N-W-B7H-HX6F

DEMANDEURS

Monsieur [D] [W]
né le [Date naissance 9] 1959 à [Localité 13] (ALGERIE)
demeurant [Adresse 7]

Madame [M] [W]
née le [Date naissance 4] 1961 à [Localité 14] (ALGERIE)
demeurant [Adresse 7]

S.C.I. [15], prise en la personne de son représentant légal
immatriculée au RCS de BOURG-EN-BRESSE sous le n° [N° SIREN/SIRET 6]
dont le siège social est situé [Adresse 1]

représentés par Maître Stéphane DRAI, avocat au Barreau de PARIS, avocat plaidant et par Maître Aouatef BRABER, avocate au Barreau du MANS, avocate postulante

DEFENDEURS

Maître Pierre-André SEON, avocat honoraire
demeurant [Adresse 3]

Compagnie d’assurance [18], prise en la personne de son représentant légal
immatriculée au RCS de LE MANS sous le n° [N° SIREN/SIRET 8]
dont le siège social est situé [Adresse 2]

SA [17], prise en la personne de son représentant légal
immatriculée au RCS de LE MANS sous le n° [N° SIREN/SIRET 5]
dont le siège social est situé [Adresse 2]

représentés par la SCP TACHET, avocate au Barreau de LYON, avocate plaidante et par Maître Valérie MOINE, membre de la SELARL MOINE – DEMARET, avocate au Barreau du MANS, avocate postulante

COMPOSITION DU TRIBUNAL

PRÉSIDENT : Marie-Michèle BELLET, Vice-présidente
ASSESSEURS : Emilie JOUSSELIN, Vice-Présidente
Amélie HERPIN, Juge

GREFFIER: Patricia BERNICOT

copie exécutoire à Me Aouatef BRABER – 72, Maître Valérie MOINE de la SELARL MOINE – DEMARET – 28 le

N° RG 23/01200 – N° Portalis DB2N-W-B7H-HX6F

DÉBATS

A l’audience publique du 10 Septembre 2024

A l’issue de celle-ci, le président a fait savoir aux parties que le jugement serait rendu le 21 Novembre 2024 par sa mise à disposition au greffe de la juridiction.

Jugement du 21 Novembre 2024

– prononcé publiquement par Marie-Michèle BELLET, par sa mise à disposition au greffe
– en premier ressort
– contradictoire
– signé par le président et Patricia BERNICOT, à qui la minute du jugement a été remise.

***

EXPOSE DU LITIGE

Entre 2003 et 2011, les époux [W] et la SCI [15] souscrivent divers prêts auprès de la [11], et notamment par acte notarié du 11 juillet 2003, un crédit immobilier de 176 632,00 euros remboursable en 240 mensualités au T.E.G de 5,88 % garanti par l’inscription d’un privilège de prêteur de deniers aux fins d’acquisition par les époux [W] d’une résidence principale située [Adresse 1] à [Localité 10] (01). Au titre de ce crédit, les époux [W] avaient un apport de 118 723,00 euros

Par actes d’huissier en date du 11 et 17 septembre 2019, Monsieur [D] [W] et Madame [M] [W] et la SCI [15] assignent Maître [Z] [S] et ses assureurs, la SA [17] et les [18] aux fins de se faire indemniser de préjudices qu’ils estiment avoir subis, suite à des prétendues fautes de l’avocat qui aurait donc engagé sa responsabilité professionnelle.

Une ordonnance du Juge de la mise en état en date du 11 mars 2021 prononce la radiation de l’affaire au motif qu’aucune suite n’a été donnée à l’ultime injonction de conclure du 4 février 2021.

Par conclusions reçues par le RPVA le 10 mars 2023, les demandeurs établissent des conclusions en rétablissement après radiation.

Par conclusions (3), auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, Monsieur [D] [W] et Madame [M] [W] et la SCI [15] demandent de voir, avec exécution provisoire :
– dire et juger que Maître [S] a manqué à son devoir d’assistance et de représentation, et, ce, faisant commis une faute au préjudice des époux [W] et la SCI [15],
– dire et juger que les fautes commises sont la cause direct du préjudice qu’ils ont subi,
– dire que Maître [S] a manqué à ses obligations professionnelles et juger que les [16] doivent garantie sur l’ensemble des sommes réclamées au titre de la police responsabilité civile professionnelle souscrite,
– condamner in solidum les défendeurs au paiement:
– de la somme de 713 000,00 Euros au titre du préjudice matériel issu du défaut d’assistance et de représentation et des fautes professionnelles commises par l’avocat,
– de la somme de 17 825,00 euros au titre de la perte de chance de ne pas avoir à exposer des honoraires en vain,
– de la somme de 15 000,00 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et les dépens de l’instance.

Les demandeurs exposent que :
– Lors du recours des époux [W] du rejet de leur demande suite à un dépôt de dossier de surendettement, leur avocat qui avait reçu mandat ne s’est pas présenté à l’audience du 24 avril 2014 indiquant l’avoir “zappée”. Ils ont donc dû assurer seuls.
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– Suite à l’action de la [11] qui après commandement de payer les a assignés devant le Juge de l’exécution pour une audience d’orientation visant à la vente de leur habitation, l’avocat ne se serait pas présenté et n’aurait formulé aucune conclusion, notamment en vue d’obtenir une vente amiable. Un jugement du 4 novembre 2014 a ordonné la vente forcée de l’immeuble.
– Les époux [W] ont ensuite déchargé Maître [S] de sa mission.

Ainsi, pour eux, l’avocat aurait manqué à son devoir de conseil et d’information et à sa mission d’assistance, tels que prévus par l’article 412 du code de procédure civile, et, il n’a pas respecté les règles déontologiques du conseil national des barreaux. Il aurait commis les fautes suivantes :
– absence de mise en cause de la responsabilité de la banque pour le caractère excessif des crédits accordés aux époux [W] et du non respect du devoir de mise en garde,
– absence lors de l’audience d’orientation et de présentation lors d’une demande en vue d’une vente amiable et absence de demande de délais de paiement, et, absence de toute contestation,
– reconnaissance de la dette en appel,
– exercice inutile des voies de recours et engagement inutile d’une procédure contre la banque devant le TGI,
– non contestation de la consistance des biens, objets de la saisie, (surface utile de 194,82 m² au lieu de 245 m²,
– manquement au devoir d’assistance et de représentation à plusieurs audiences, prévus par les articles 411, 412 et 413 du code de procédure civile.

Dès lors, pour les demandeurs, le préjudice serait constitué en ce que la vente forcée aurait été réalisée à vil prix (Adjugée à 212 00 euros au lieu de la somme de 925 00 euros qui aurait pu être obtenue en cas de vente amiable, et, en ce qu’ils auraient réglés divers honoraires d’avocats inutilement.

Par conclusions “n°2 après rétablissement au rôle”, auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, Maître [Z] [S] et la SA [17] et les [18] sollicitent :
– un débouté des demandes adverses pour absence de faute, de perte de chance, de lien de causalité et de préjudices démontrés,
– subsidiairement, en cas de restitution des honoraires perçus, le rejet de la garantie par les [16],
– la condamnation des époux [W] aux dépens, avec application de l’article 699 du code de procédure civile.

Les défendeurs soulèvent l’irrecevabilité des demandes présentées par la société [15] au motif qu’alors qu’elle possède une personnalité distincte de celle des époux [W], et, qu’ elle n’aurait jamais été cliente de Maître [S].

Sur les fautes reprochées à l’avocat, au titre du manquement allégué du devoir de conseil et d’information pour n’avoir pas fait valoir les moyens de défense adéquats dans la procédure de saisie, d’avoir poursuivi des voies de recours inutiles et d’avoir saisi à tort le TGI de LYON, ils font valoir que :
– le caractère excessif des emprunts entraînant la responsabilité de la [11] qui n’aurait pas été soulevé, ce moyen ne relèverait pas d’un examen du juge de l’exécution, et, était donc voué à l’échec, d’autant que la fraude dont aurait été responsable la banque aurait été rejetée,
– sur les recours, ceux-ci auraient permis aux époux [W] de bénéficier de délais pour envisager une solution alternative à la vente, et, concernant le pourvoi, ils ont vraisemblablement bénéficié d’une consultation préalable alors qu’ils ont cependant maintenu leur pourvoi,
– sur le reproche de ne pas avoir présenté de vente amiable lors de l’audience d’orientation du 16 septembre 2014, il ne serait pas établi qu’ils auraient remis les documents prouvant les instructions en ce sens, et, les époux [W] n’ont en tout état de cause pas démontré avoir fait preuve de diligences effectives susceptibles de leur permettre une vente amiable, ce qui aurait amené un rejet,
– les époux [W] ne démontreraient pas l’existence d’une superficie erronée présentée dans le placard de vente, alors que l’avis de valeur du cabinet [F] justifiait d’une surface de 195,68 m², sachant en outre que la rédaction par l’avocat poursuivant la saisie immobilière de l’annonce relative à la vente ne peut être reprochée, d’autant que la Cour d’appel de LYON a jugé qu’elle n’était pas de nature à constituer une irrégularité de procédure de saisie, ni à établir une fraude du créancier poursuivant,

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– le fait d’engager une action en responsabilité contre la banque devant le TGI qui s’est déclaré incompétent au profit du Juge de l’exécution de BOURG EN BRESSE serait sans conséquence, étant donné que le JEX a déclaré la demande irrecevable, ce qui a été confirmé par la Cour d’appel de LYON,
et, sachant que d’ailleurs les époux [W] ont ensuite saisi à nouveau la juridiction pour indemnisation d’une perte de valeur de leur patrimoine en raison de l’adjudication immobilière,
Sur le manquement au devoir d’assistance et de représentation, suite à l’absence de l’avocat devant le Tribunal d’instance de TREVOUX lors de l’audience du 24 avril 2014, et, aux audiences d’orientation devant le JEX de BOURG EN BRESSE les 16 septembre 2014 ordonnant la vente forcée et le 20 janvier 2015 ordonnant le report de l’adjudication suite à appel, les préjudices ne seraient pas constitués, et, notamment sur l’audience d’orientation du 16 septembre 2014, dans la mesure où les époux [W] n’avaient aucune chance de voir prospérer une demande de vente amiable, et, où le prix d’adjudication qu’ils considèrent comme un vil prix ne serait pas prouvé.
Enfin, sur les divers honoraires d’avocats dont il est réclamé le paiement, cette demande ne se justifieraient pas, notamment ceux versés à d’autres avocats, et, ceux postérieurs au déssaisissement de Maître [S].

La clôture des débats est prononcée par ordonnance du 25 avril 2024 avec effet différé au 9 septembre 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la recevabilité de l’action présentée par la SCI [15]

Selon l’article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut du droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

En outre, en vertu de l’article 31 du code de procédure civile, l’action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succés ou au rejet d’une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d’agir aux seules personnes qu’elle qualifie pour élever ou combattre une prétention ou pour défendre un intérêt déterminé, et, selon, l’article 32 du code de procédure civile, est irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d’agir.

Dans cette affaire, il apparaît que les divers éléments produits aux débats ne concernent que les époux [W], que ce soit la procédure de surendettement applicable aux seules personnes physiques, que celle de la vente de leur maison d’habitation dont les crédits ont été souscrits à leur nom propre.

De plus, il n’apparaît sur aucun document que l’avocat avait en charge la SCI [15] dont d’ailleurs ni les statuts ne sont produits et, ni la situation financière, notamment les possibles loyers encaissés lors de l’acquisition de l’immobilier, n’est évoquée.

En outre, les relevés de factures sont adressées aux seuls époux [W].

Enfin, la demande d’indemnisation des époux [W] porte sur le montant estimé de leur maison d’habitation au titre de laquelle la SCI n’est pas impactée.

Il s’ensuit donc qu’aucune pièce ne vient déterminer de manière certaine tant la qualité que l’intérêt à agir de la SCI.

En conséquence, l’action présentée par la SCI [15] sera rejetée comme irrecevable.

Sur la responsabilité de l’avocat et les demandes de dommages et intérêts

En vertu de l’ancien article 1147 du code civil (devenu l’article 1231-1 du Code civil), le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au payement de dommages et intérêts, soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, toutes les fois qu’il ne justifie pas que l’inexécution provient d’une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu’il n’y ait aucune mauvaise foi de sa part.

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Ainsi, l’avocat engage envers son client sa responsabilité du fait des manquements préjudiciables à ses obligations générales de devoir de conseil ou à celles résultant spécifiquement du mandat auquel il est tenu, sachant qu’en application de l’article 411 du code de procédure civile, le mandat de représentation en justice emporte pouvoir et devoir d’accomplir au nom du mandant les actes de procédure.

Il est également tenu à une mission d’assistance qui emporte pour l’avocat pouvoir et devoir de conseiller et d’informer son client. Il est tenu à l’égard des personnes qu’il représente ou assiste d’une obligation de moyens lui imposant d’analyser la situation de fait qui lui est présentée, de rechercher tous les éléments de droit susceptibles de servir les intérêts de ses mandants sans omettre ceux qui peuvent lui être utilement opposés et de les informer clairement sur les conséquences des choix effectués.

Tout manquement à ses devoirs engage sa responsabilité qui pour être indemnisée suppose la démonstration d’une faute, d’un dommage, et, d’un lien de causalité.

A cet égard, au titre de la faute, il appartient à l’avocat débiteur de l’obligation de conseil et d’information d’apporter la preuve qu’il a rempli son obligation.

Il sera d’ailleurs précisé que si les règles déontologiques relatives à cette affaire permettent de sanctionner des manquements en interne, elles peuvent également intervenir en renfort de la demande d’indemnisation au titre de la responsabilité civile de droit commun.

En ce qui concerne le dommage et le lien de causalité avec la faute, afin de déterminer l’existence d’un préjudice en lien de causalité avec la faute commise par l’avocat, il convient d’apprécier la chance qu’avaient les demandeurs d’obtenir satisfaction sur l’action, en reconstituant fictivement les débats sur le fond qui auraient pu avoir lieu devant les juges. Il n’y a aucun préjudice certain s’il n’existe pas une perte de chance, étant précisé que la perte de chance réparable consiste en la disparition actuelle et certaine d’une éventualité favorable.

Dans cette affaire, les époux [W] justifient leur demande de condamnation à plusieurs titres qui seront examinés successivement.

* – au titre de la procédure de surendettement
Les demandeurs reprochent à l’avocat l’absence de leur avocat à l’audience devant le Tribunal d’instance de TREVOUX. Cette absence qui n’est d’ailleurs pas discutée en défense constitue une faute de la part de Maître [S] laquelle sera retenue.
En revanche, sur la perte de chance d’une éventualité favorable, outre le fait que les époux [W] étaient présents à l’audience et qu’ils ont été entendus dans leurs observations, la Commission de surendettement avait déclaré irrecevable leur demande “pour absence de surendettement due à la présence de biens immobiliers” (p3 du jugement), et, il apparaît que lors de l’audience, leur situation était identique. Il s’ensuit qu’ils n’avaient pas de chance de voir un jugement statuant différemment de la Commission. Il sera donc admis que les conditions de la responsabilité de leur avocat ne sont pas réunies dans le cadre de cette procédure.

* – au titre de la procédure de vente du bien immobilier
Les demandeurs reprochent également à l’avocat son absence à l’audience d’orientation. Cette absence qui ne fait pas l’objet de contestation adverse constitue une faute de la part de l’avocat laquelle sera donc retenue.
En revanche, sur la perte de chance qui pour eux, portent sur l’absence de conclusions et plus particulièrement sur une demande d’autorisation de vente à l’amiable, il ressort des seuls documents qu’ils produisent qu’au jour de l’audience, ils n’avaient aucune pièce justifiant de demandes actives sérieuses en vue de vendre, notamment d’un compromis de vente ou de mandats de vente antérieurs à la procédure et non réalisés en prévision de la procédure. Ils ne démontrent pas plus avoir agi en vue de vendre les autres biens immobiliers aux fins de remboursement de leur dette.
Dès lors, la chance de succès de cette demande n’étant pas établie, et, les conditions relatives au préjudice de perte de chance n’étant pas démontrées, la responsabilité de Maître [S] n’est donc pas prouvée.

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Il en est de même d’une demande de délais au titre de laquelle les époux [W] ne fournissent aucune garantie qu’elle devait leur permettre de régler leur dû, alors qu’ils savaient depuis la procédure de surendettement ce qu’ils pouvaient tenter afin d’avancer dans leur situation, et, qu’ils ne démontrent pas l’avoir même tenté. Enfin, il leur sera fait remarquer qu’ils ont bénéficié de délais de fait, dans la mesure où les procédures parallèles ont eu pour effet de différer les opérations de vente forcée.

– Quant au montant de la vente et de la prétendue perte de valeur, il sera également noté qu’elle est issue d’”un avis de valeur vénale”postérieure aux opérations de vente, et, elle n’est pas étayée par d’autres documents. En outre, ledit avis distingue la valeur du terrain de celle de l’habitation, mais aucune pièce ne vient démontrer que sur un terrain apparemment non constructible, ce dernier pouvait être séparé de l’habitation et qu’une vente pouvait intervenir au titre de sa seule valeur.
Quant à l’habitation, il est fait état d’installations vétustes et d’un environnement peu favorable qui engendraient inévitablement des conséquences sur le prix de vente.
De plus, à l’instar du jugement du JEX de BOURG EN BRESSE du 17 février 2022, il sera rappelé aux requérants que lors de la vente aux enchères, ils occupaient le bien alors que leur expertise procédait à un calcul pour un bien libre de toute occupation.
Il sera donc retenu que cette perte de chance n’est donc pas plus démontrée, étant observé que dans son arrêt de 2022, la cour d’appel de LYON a rejeté cette valeur alléguée.

– Sur la prétendue erreur sur les m² présentés à la vente, non seulement la perte de chance n’est pas établie au vu de l’état de la maison, mais elle ne l’est pas plus au titre d’une possible influence sur le montant de la vente au vu de son état et sa situation. En outre, il ne ressort pas des documents versés aux débats que la faute de l’avocat soit démontrée. Du reste, le rapport du cabinet [F] produit par les demandeurs fonde son évaluation sur une surface de 195,68 m² habitable, garage et chaufferie étant de 49,63 m².
La responsabilité de Maître [S] n’est donc pas plus justifiée d’autant qu’elle n’est pas du fait de l’avocat défendeur, et, alors que la Cour d’appel de LYON a estimé que la rédaction de l’acte portant sur cette surface revenant à l’avocat du poursuivant ne constituait pas une irrégularité à la procédure de saisie.

– Sur la contestation des crédits, il sera rappelé que la contestation du taux de TEG porte sur des crédits souscrits au nom de la SCI [15], laquelle n’est pas concernée par ce litige. Cette argumentation ne saura donc pas prospérer.

– Quant à la prétendue responsabilité de la [11] pour avoir octroyé des crédits de manière excessive et n’avoir pas rempli son devoir de mise en garde.
Outre le fait qu’une partie des crédits a été délivrée à la SCI pour achats immobiliers en vue de locations, et, qu’elle n’est pas concernée par ce litige, il convient de noter que les époux [W] sont taisants sur les montants que devaient et leur ont rapporté ces acquisitions, étant observé qu’ils ne produisent aucune pièce sur la situation financière et fiscale de ladite SCI.
Or, alors qu’ils font état de leurs ressources lors des acquisitions, ils ne tiennent pas compte des avantages financiers que devaient leur rapporter les biens. Ainsi, ils ne démontrent pas l’existence d’un octroi excessif de crédits. De plus, sur l’acquisition de leur domicile principal, ils ne font aucune allusion au fait que s’agissant de leur lieu de vie, ils ne payaient alors pas de loyers parallèllement pour se loger, ce qui devait nécessairement être pris en considération dans leurs situation financière.
Enfin, l’établissement bancaire pouvait soulever des prescriptions et forclusions sur cette demande et les conditions d’octroi desdits crédits.
En dernier lieu, il sera relevé que le jugement du tribunal d’instance portant sur le recours à l’encontre de la Commission de surendettement fait apparaître l’existence d’autres crédits, notamment des crédits [12], [19] qui ont contribué à la situation des demandeurs et qui pouvaient être invoqués en défense.
Il s’ensuit donc que même si la question de la responsabilité de la [11] avait été évoquée, il n’est pas démontré que celle-ci aurait été retenue. Dès lors, la responsabilité de l’avocat à ce titre ne saurait être retenue.

N° RG 23/01200 – N° Portalis DB2N-W-B7H-HX6F

* – sur les diverses procédures diligentées

Sur les procédures diligentées par d’autres avocats, quant bien même elles l’auraient été sur conseil de Maître [S], les époux [W] disposaient d’une possibilité de ne pas poursuivre suite aux informations et conseils qui ont dû leur être donnés par ces autres intervenants, étant observé qu’ils ne présentent aucune remarque de manquement à leurs obligations les concernant.
Ainsi, au vu des pièces produites aux débats, les demandes présentées à ce propos ne démontrent donc ni une faute de la part de l’avocat défendeur, ni même une perte de chance de voir des décisions statuer en leur faveur.

Sur les autres procédures prétendument inutiles diligentées par Maître [S], il sera retenu que les demandeurs font ce constat à postériori, et, il leur sera fait remarquer que toutes les procédures postérieures à la fin de mandat de Maître [S] n’ont pas plus abouti.
Il s’ensuit que tant la faute que la perte de chance ne sont pas établies, et, cette prétention en vue d’une indemnisation sera également rejetée.

En conséquence, les éléments constitutifs de la responsabilité de l’avocat n’étant pas réunis, les époux [W] seront déboutés de leur demande d’indemnisation tant à l’encontre de l’avocat que de ses assureurs, que ce soit au titre du préjudice matériel que des honoraires d’avocat.

Sur l’exécution provisoire

En considération de la nature de l’affaire et de son ancienneté, l’exécution provisoire sera prononcée.

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

Les demandeurs, parties succombantes, seront tenus aux dépens de l’instance avec application de l’article 699 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Le Tribunal, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort,

DECLARE irrecevable l’action présentée par la SCI [15] ;

DEBOUTE Monsieur [D] [W] et Madame [M] [W] de l’ensemble de leurs demandes ;

CONDAMNE Monsieur [D] [W] et Madame [M] [W] et la SCI [15] aux dépens avec application de l’article 699 du code de procédure civile ;

PRONONCE l’exécution provisoire.

La Greffière La Présidente


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