L’Essentiel : Le 13 juin 2008, Messieurs [R] [D], [K] [F] et [M] [B] ont désigné Maître [W] [V] comme séquestre de deux documents importants. En 2015, M. [R] [D] a demandé leur restitution, mais Me [W] [V] les avait égarés. Une copie certifiée conforme a été remise à M. [R] [D] en septembre 2015. En 2016, il a assigné plusieurs parties devant le tribunal de commerce, mais a été débouté en 2018. La cour d’appel a ensuite déclaré les juridictions françaises incompétentes. En 2023, M. [R] [D] a assigné Me [W] [V] pour responsabilité civile, et la Cour de cassation a cassé l’arrêt d’appel.
|
Constitution du séquestreLe 13 juin 2008, Messieurs [R] [D], [K] [F] et [M] [B] ont désigné Maître [W] [V] comme séquestre de deux documents : un « Capital ownership certificate » et un « acknowledgment of debt ». Demande de restitution des documentsEn 2015, M. [R] [D] a sollicité la restitution des documents séquestrés, mais il a été découvert que Me [W] [V] les avait égarés. Une copie certifiée conforme des documents a été remise à l’avocat de M. [R] [D] le 8 septembre 2015. Assignation devant le tribunal de commerceLe 31 août 2016, M. [R] [D] a assigné M. [F], la société [7], la SARL [5] et la société [6] devant le tribunal de commerce de Paris, en se basant sur le document « acknowledgment of debt » pour prouver sa créance. Jugement du tribunal de commercePar jugement du 6 juillet 2018, le tribunal a débouté M. [R] [D], estimant que la copie non signée du document ne suffisait pas à prouver la créance, l’original étant séquestré. Décision de la cour d’appelLe 27 janvier 2022, la cour d’appel de Paris a infirmé le jugement, déclarant les juridictions françaises incompétentes pour traiter le litige et renvoyant les parties à se pourvoir devant les juridictions des États-Unis. Assignation de Maître [W] [V]Le 19 janvier 2023, M. [R] [D] a assigné Maître [W] [V] devant le tribunal judiciaire de Paris pour engager sa responsabilité civile professionnelle. Cassation par la Cour de cassationLe 27 septembre 2023, la Cour de cassation a cassé l’arrêt d’appel du 27 janvier 2022 et a renvoyé l’affaire devant une cour d’appel de renvoi. Demandes de Maître [W] [V]Le 3 octobre 2024, Maître [W] [V] a demandé au juge de la mise en état de déclarer irrecevable l’action de M. [R] [D] pour cause de prescription et a demandé un sursis à statuer en attendant l’arrêt irrévocable dans le litige en cours. Réponse de M. [R] [D]Dans ses conclusions en réponse du 16 mai 2024, M. [R] [D] a demandé à être déclaré recevable dans son action et a sollicité la condamnation de Maître [W] [V] à lui verser 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile. Décision du juge de la mise en étatLe juge de la mise en état a rejeté la fin de non-recevoir pour prescription, déclarant recevable l’action de M. [R] [D] et considérant sans objet la demande de sursis à statuer. L’affaire a été renvoyée à l’audience de mise en état dématérialisée du 19 décembre 2024. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelle est la nature de la responsabilité de Maître [W] [V] dans le cadre de la perte des documents séquestrés ?La responsabilité de Maître [W] [V] peut être engagée sur le fondement de l’article 1992 du Code civil, qui stipule que « le mandataire est tenu de rendre compte de sa gestion et de restituer ce qu’il a reçu ». En l’espèce, Maître [W] [V] a été désigné comme séquestre des documents, ce qui implique une obligation de conservation et de restitution. La perte des documents constitue un manquement à cette obligation, entraînant potentiellement une responsabilité civile pour faute. De plus, l’article 1382 du Code civil, qui impose que « tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer », pourrait également s’appliquer. Ainsi, si M. [R] [D] prouve que la perte des documents a causé un préjudice, il pourrait obtenir réparation. Comment la prescription s’applique-t-elle dans cette affaire ?La prescription est régie par l’article 2224 du Code civil, qui dispose que « les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer ». Dans cette affaire, le point de départ de la prescription est crucial. Le 8 septembre 2015, Maître [W] [V] a reconnu avoir égaré les documents, mais le préjudice pour M. [R] [D] ne s’est pas réalisé à cette date. Ce n’est qu’à partir du jugement du 6 juillet 2018, qui a débouté M. [R] [D] de sa demande, que le préjudice est devenu concret. Ainsi, M. [R] [D] a agi dans le délai de prescription en assignant Maître [W] [V] le 19 janvier 2023, ce qui rend son action recevable. Quelles sont les implications de la demande de sursis à statuer formulée par Maître [W] [V] ?La demande de sursis à statuer est encadrée par l’article 771 du Code de procédure civile, qui permet au juge de la mise en état de suspendre l’instance pour des raisons d’ordre procédural. L’article 378 du même code précise que « la décision de sursis suspend le cours de l’instance pour le temps ou jusqu’à la survenance de l’événement qu’elle détermine ». Dans ce cas, Maître [W] [V] a demandé un sursis en raison d’une procédure pendante devant la cour d’appel de Paris. Cependant, le juge a constaté qu’il n’y avait pas de procédure en cours démontrée, rendant la demande de sursis sans objet. Ainsi, le juge a rejeté cette demande, permettant à l’affaire de continuer sans interruption. Quels sont les frais et dépens liés à l’incident et comment seront-ils traités ?Les frais et dépens sont régis par l’article 699 du Code de procédure civile, qui stipule que « les dépens comprennent les frais de justice exposés par les parties ». Dans cette affaire, le juge a décidé que « les frais irrépétibles et les dépens de l’incident suivront le sort de ceux du fond ». Cela signifie que les frais liés à l’incident seront pris en compte lors du jugement final sur le fond de l’affaire. De plus, l’article 700 du Code de procédure civile permet au juge de condamner la partie perdante à payer à l’autre partie une somme au titre des frais irrépétibles. Ainsi, les demandes de M. [R] [D] et de Maître [W] [V] concernant les frais seront examinées lors de la décision finale sur le fond. |
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]
[1] Copies exécutoires
délivrées le :
■
1/1/2 resp profess du drt
N° RG 23/01797 – N° Portalis 352J-W-B7H-CYYHE
N° MINUTE :
Assignation du :
19 Janvier 2023
ORDONNANCE DU JUGE DE LA MISE EN ETAT
rendue le 21 Novembre 2024
DEMANDEUR AU FOND, DÉFENDEUR À L’INCIDENT
Monsieur [R] [D]
[Adresse 3]
[Adresse 3]
[Localité 4] (RUSSIE)
Représenté par Maître Nikita KOUZNETSOV de la SELARL KAMS, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #B0902
DÉFENDEUR AU FOND, DEMANDEUR À L’INCIDENT
Maître [W] [V]
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représenté par Maître Jérôme DEPONDT de la SELAS IFL Avocats, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #P0042
MAGISTRAT DE LA MISE EN ETAT
Madame Marjolaine GUIBERT, Vice-présidente
assistée de Madame Marion CHARRIER, Greffier
DÉBATS
A l’audience du 24 Octobre 2024, avis a été donné aux avocats que l’ordonnance serait rendue le 21 Novembre 2024.
ORDONNANCE
Prononcée par mise à disposition
Contradictoire
en premier ressort
Le 13 juin 2008, Messieurs [R] [D], [K] [F] et [M] [B] ont constitué Maître [W] [V] séquestre des deux documents suivants :
– un document intitulé Capita lownership certificate ;
– un document intitulé acknowledgment of debt ;
En 2015, M. [R] [D] a demandé à Me [W] [V] de lui remettre les documents séquestrés.
Il est alors apparu que Me [W] [V] avait égaré les documents séquestrés.
Selon courrier officiel du 8 septembre 2015, il a été remis à l’avocat de M. [R] [D] une copie certifiée conforme des documents séquestrés.
Le 31 août 2016, M. [R] [D] a fait assigner M. [F], la société [7], la SARL [5] et la société [6] devant le tribunal de commerce de Paris et a entendu se prévaloir du document intitulé acknowledgment of debt parmi d’autres éléments de preuve de sa créance.
Par jugement du 6 juillet 2018, le tribunal de commerce de Paris l’a débouté de sa demande en considérant notamment que la copie non signée du document intitulé acknowledgment of debt, dont l’original serait séquestré au cabinet de Me [V], ne suffit pas à justifier de la créance.
Selon arrêt du 27 janvier 2022, la cour d’appel de Paris a infirmé le jugement au motif de l’incompétence territoriale des juridictions françaises pour connaître du litige et a renvoyé les parties à mieux se pourvoir devant les juridictions des Etats-Unis.
Par acte extrajudiciaire du 19 janvier 2023, M. [R] [D] a fait assigner Maître [W] [V] devant le tribunal judiciaire de Paris afin d’engager sa responsabilité civile professionnelle.
Le 27 septembre 2023, la Cour de cassation a cassé l’arrêt d’appel du 27 janvier 2022 et a renvoyé l’affaire devant une cour d’appel de renvoi.
Par conclusions d’incident notifiées par RPVA le 3 octobre 2024, Maître [W] [V] demande au juge de la mise en état de déclarer irrecevable l’action de M. [R] [D] pour cause de prescription. Subsidiairement, il demande qu’il soit sursis à statuer dans l’attente de l’arrêt irrévocable à intervenir dans le litige pposant M. [R] [D] à M. [F], la société [7], la SARL [5] et la société [6], actuellement pendante devant la cour d’appel de renvoi de Paris, la condamnation de M. [R] [D] à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et les entiers dépens, avec recouvrement dans les conditions de l’article 699 du code de procédure civile.
Par conclusions en réponse sur l’incident notifiées pour l’audience de mise en état du 16 mai 2024, M. [R] [D] demande au juge de la mise en état de le déclarer recevable en son action, de débouter M. [V] de sa fin de non recevoir et de le condamner à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, il est expressément renvoyé à leurs dernières écritures dans les conditions de l’article 455 du code de procédure civile.
A l’issue de l’audience des plaidoiries d’incident du 24 octobre 2024, l’ordonnance a été mise en délibéré au 21 novembre 2024.
En application de l’article 789 du code de procédure civile, le juge de la mise en état est, à compter de sa désignation et, jusqu’à son dessaisissement, seul compétent, à l’exclusion de toute autre formation du tribunal, pour :
1° Statuer sur les exceptions de procédure, les demandes formées en application de l’article 47 et les incidents mettant fin à l’instance ;
2° Allouer une provision pour le procès ;
3° Accorder une provision au créancier lorsque l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable. Le juge de la mise en état peut subordonner l’exécution de sa décision à la constitution d’une garantie dans les conditions prévues aux articles 514-5,517 et 518 à 522;
4° Ordonner toutes autres mesures provisoires, même conservatoires, à l’exception des saisies conservatoires et des hypothèques et nantissements provisoires, ainsi que modifier ou compléter, en cas de survenance d’un fait nouveau, les mesures qui auraient déjà été ordonnées ;
5° Ordonner, même d’office, toute mesure d’instruction ;
6° Statuer sur les fins de non-recevoir.
Par dérogation au premier alinéa, s’il estime que la complexité du moyen soulevé ou l’état d’avancement de l’instruction le justifie, le juge de la mise en état peut décider que la fin de non-recevoir sera examinée à l’issue de l’instruction par la formation de jugement appelée à statuer sur le fond.
Dans le cas visé au précédent alinéa, la décision du juge de la mise en état, qui constitue une mesure d’administration judiciaire, est prise par mention au dossier. Avis en est donné aux avocats. Les parties sont alors tenues de reprendre la fin de non-recevoir dans les conclusions adressées à la formation de jugement.
Sur la fin de non recevoir tirée de la prescription
Aux termes de l’article 2224 du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.
Le 8 septembre 2015, date à laquelle Me [V] reconnaît officiellement avoir égaré les documents séquestrés, le préjudice dont se prévaut M. [R] [D] dans le cadre de la présente instance ne s’est pas encore réalisé.
En effet, le préjudice lié à l’impossibilité de présenter les originaux des documents séquestrés par Me [V] n’apparaît constitué qu’à compter du jugement du 6 juillet 2018 considérant non démontrée la créance dont se prévaut M. [D] et de l’arrêt par lequel la cour d’appel de Paris a par la suite infirmé ledit jugement, considérant le 27 janvier 2022 les juridictions françaises incompétentes pour trancher le litige, avant de voir son arrêt censuré par la Cour de cassation le 27 septembre 2023.
M. [R] [D] ayant fait assigner Me [W] [V] par acte extrajudiciaire du 19 janvier 2023, soit dans le respect du délai de prescription quinquennale, il s’avère recevable en son action et la fin de non recevoir soulevée par Me [W] [V] est rejetée.
Sur la demande de sursis à statuer
En application de l’article 771 du code de procédure civile, le juge de la mise en état est compétent pour statuer sur les exceptions de procédure parmi lesquelles figure la demande de sursis à statuer.
Aux termes de l’article 378 du code de procédure civile, la décision de sursis suspend le cours de l’instance pour le temps ou jusqu’à la survenance de l’évènement qu’elle détermine ; le sursis peut dans certains cas être ordonné dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice, cette condition étant appréciée de manière discrétionnaire par le juge.
En l’absence de procédure en cours démontrée devant la cour d’appel de Paris entre M. [D] et M. [F], la demande de sursis à statuer dans l’attente de l’arrêt de la cour d’appel de renvoi s’avère sans objet.
Sur les demandes accessoires et la suite de la procédure
Les frais irrépétibles et les dépens de l’incident suivront le sort de ceux du fond.
L’affaire est renvoyée à l’audience de mise en état dématérialisée du 19 décembre 2024 à 9h30 aux fins de conclusions récapitulatives des parties avant clôture.
Nous, juge de la mise en état statuant après débats en audience publique, par ordonnance contradictoire susceptible d’appel dans les conditions de l’article 795 du code de procédure civile,
REJETONS la fin de non recevoir tirée de la prescription ;
DÉCLARONS recevable l’action de M. [D] ;
DÉCLARONS sans objet la demande de sursis à statuer ;
DISONS que les frais irrépétibles et les dépens de l’incident suivront le sort de ceux du fond ;
RENVOYONS l’affaire à l’audience de mise en état dématérialisée du 19 décembre 2024 à 9h30 aux fins de conclusions récapitulatives des parties avant clôture.
Faite et rendue à Paris le 21 Novembre 2024
Le Greffier Le Juge de la mise en état
Marion CHARRIER Marjolaine GUIBERT
Laisser un commentaire