L’Essentiel : Le Médiator, commercialisé de 1976 à 2009, a causé des préjudices, dont le décès de L [F] en 2011. En 2014, sa veuve, Mme [R] [B], a demandé une indemnisation pour le préjudice d’anxiété. Le tribunal correctionnel de Paris a condamné les laboratoires [18] en mars 2021 pour tromperie aggravée. La cour d’appel a confirmé ce jugement en décembre 2023, ajoutant des accusations d’escroquerie. En septembre 2022, Mme [R] [B] a assigné Maître [P] [G] pour responsabilité civile, mais s’est désistée en mars 2023. L’affaire se poursuit avec les consorts [F] et [V], malgré des contestations sur leur intérêt à agir.
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Contexte du MédiatorLe Médiator, un médicament antidiabétique, a été commercialisé par le laboratoire [18] de 1976 à 2009, date à laquelle il a été retiré du marché. Décès de L [F]L [F] a consommé le Médiator et est décédé le [Date décès 4] 2011. Demande d’indemnisationEn 2014, Maître [P] [G] a été mandaté par Mme [R] [B], veuve de L [F], pour demander une indemnisation pour le préjudice d’anxiété lié à la consommation du médicament par son mari. Jugement du tribunal correctionnelLe 29 mars 2021, le tribunal correctionnel de Paris a condamné les laboratoires [18] pour tromperie aggravée, leur ordonnant de verser une indemnisation aux victimes pour le préjudice d’anxiété et le dol contractuel. Confirmation par la cour d’appelLe 20 décembre 2023, la cour d’appel de Paris a confirmé le jugement et a également condamné les laboratoires [18] pour l’obtention frauduleuse de documents administratifs et escroquerie. Assignation de Maître [G]Le 2 septembre 2022, Mme [R] [B] et d’autres membres de la famille de L [F] ont assigné Maître [P] [G] et les sociétés [16] et [17] en responsabilité civile professionnelle, demandant une indemnisation de 27 180 euros chacun pour les préjudices subis. Désistement de Mme [R] [B]Suite à une transaction, Mme [R] [B] s’est désistée de son action, ce qui a été constaté par ordonnance le 2 mars 2023. Décès de M. [K] [F]Le 4 juillet 2023, M. [K] [F] est décédé, et l’instance a été reprise par ses ayants-droit. Incident formé par Maître [G]Maître [P] [G] et les sociétés [16] et [17] ont formé un incident, contestant l’intérêt à agir des demandeurs restants, en raison du désistement de Mme [R] [B]. Demandes des consorts [F] et [V]Les consorts [F] et [V] ont demandé au juge de déclarer Maître [P] [G] et les sociétés [16] et [17] irrecevables ou mal fondés dans leur incident, tout en réclamant des indemnités pour préjudices. Audience et délibérationL’audience des plaidoiries d’incident a eu lieu le 24 octobre 2024, et l’ordonnance a été mise en délibéré au 21 novembre 2024. Compétence du juge de la mise en étatLe juge de la mise en état est compétent pour statuer sur les exceptions de procédure et accorder des provisions, mais ne se prononce pas sur le fond du litige. Intérêt à agir des demandeursLe juge a déterminé que les consorts [F] et [V] avaient un intérêt à agir, malgré les contestations de Maître [G] concernant l’absence de mandat. Demande de provisionLa demande de provision a été rejetée en raison de la contestation sérieuse sur le principe même de la provision. Décision finaleLe juge a rejeté la fin de non-recevoir tirée du défaut d’intérêt à agir, a déclaré les demandeurs recevables, a rejeté la demande de provision, et a renvoyé l’affaire à l’audience de mise en état du 19 décembre 2024. |
Q/R juridiques soulevées :
Quel est l’intérêt à agir des consorts [F] et [V] dans cette affaire ?L’article 31 du code de procédure civile stipule que « l’action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d’une prétention ». Dans le cas présent, les consorts [F] et [V] soutiennent avoir un intérêt à agir en raison des préjudices qu’ils allèguent avoir subis en raison de la consommation du médicament Mediator par [L] [F]. Ils affirment que Maître [G] a commis une faute dans la défense de leurs intérêts, ce qui pourrait engager sa responsabilité civile professionnelle. Ainsi, même si Mme [R] [B] s’est désistée de son action, cela ne prive pas les autres ayants droit de leur droit d’agir, car ils peuvent toujours établir un lien de causalité entre la faute alléguée de l’avocat et le préjudice subi. Le juge de la mise en état a donc rejeté la fin de non-recevoir tirée du défaut d’intérêt à agir, considérant que les consorts [F] et [V] sont recevables à agir sur le terrain de la responsabilité. Quelles sont les conditions pour accorder une provision selon le code de procédure civile ?L’article 789, alinéa 3° du code de procédure civile précise que « le juge de la mise en état peut accorder une provision au créancier lorsque l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable ». Dans cette affaire, la demande de provision a été rejetée car il existe une contestation sérieuse sur le principe même de la provision. Maître [G] a soutenu qu’il n’avait jamais été missionné par les consorts [V] pour défendre leurs intérêts, ce qui remet en question l’existence d’une obligation à son égard. En conséquence, le juge a estimé que, dans ces conditions, la demande de provision ne pouvait être accordée, car l’existence de l’obligation n’était pas suffisamment établie. Comment la responsabilité civile professionnelle de l’avocat est-elle engagée ?La responsabilité civile professionnelle de l’avocat peut être engagée sur le terrain du mandat, mais également sur un fondement délictuel en raison des fautes qu’il aurait commises. Cela est précisé dans le cadre de la jurisprudence, où il est établi que l’avocat doit agir avec diligence, information, curiosité et conseil envers ses clients. Dans cette affaire, les consorts [F] et [V] allèguent que Maître [G] a commis une faute en ne régularisant pas de conclusions pour obtenir une indemnisation pour le préjudice subi par [L] [F]. Dès lors, ils soutiennent avoir subi un préjudice en raison de cette faute, ce qui leur permet d’agir en responsabilité contre l’avocat, même si l’intérêt à agir n’est pas subordonné à la démonstration préalable du bien-fondé de l’action. Quelles sont les conséquences du désistement d’action de Mme [R] [B] sur les autres ayants droit ?Le désistement d’action de Mme [R] [B] n’affecte pas nécessairement les droits des autres ayants droit, comme le stipule l’article 122 du code de procédure civile. Cet article énonce que constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir. Dans ce cas, les consorts [F] et [V] ont maintenu leur droit d’agir, car ils peuvent établir leur propre intérêt à agir indépendamment du désistement de Mme [R] [B]. Le juge a donc reconnu leur recevabilité, considérant que leur action n’était pas affectée par le désistement de l’autre partie, et qu’ils pouvaient toujours revendiquer leurs droits en tant qu’ayants droit de [L] [F]. |
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]
[1] Copies exécutoires
délivrées le :
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1/1/2 resp profess du drt
N° RG 23/15130 – N° Portalis 352J-W-B7H-C3L7Y
N° MINUTE :
Assignation du :
02 Septembre 2022
ORDONNANCE DU JUGE DE LA MISE EN ETAT
rendue le 21 Novembre 2024
DEMANDEURS AU FOND, DÉFENDEURS À L’INCIDENT
Monsieur [C] [V]
[Adresse 8]
[Adresse 8]
[Localité 10]
Monsieur [Z] [V]
[Adresse 5]
[Adresse 5]
[Localité 10]
Monsieur [K] [V]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Localité 10]
Monsieur [A] [F]
[Adresse 3]
[Adresse 3]
[Localité 10]
Madame [H] [F]
[Adresse 9]
[Localité 11]
Madame [Y] [F] épouse [O]
[Adresse 7]
[Localité 10]
Madame [U] [F]
[Adresse 15]
[Localité 12]
Représentés par Me Marie-claude ALEXIS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #B1138
DÉFENDEURS AU FOND, DEMANDEURS À L’INCIDENT
Monsieur [P] [G]
[Adresse 6]
[Localité 14]
Mutuelle [17]
[Adresse 2]
[Localité 13]
S.A. [16]
[Adresse 2]
[Localité 13]
Représentés par Maître Sabine DU GRANRUT de l’AARPI FAIRWAY, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #K0190
MAGISTRAT DE LA MISE EN ETAT
Madame Marjolaine GUIBERT, Vice-présidente
assistée de Madame Marion CHARRIER, Greffier
DÉBATS
A l’audience du 24 octobre 2024, avis a été donné aux avocats que l’ordonnance serait rendue le 21 Novembre 2024.
ORDONNANCE
Prononcée par mise à disposition
Contradictoire
en premier ressort
Le Médiator est un médicament antidiabétique commercialisé par le laboratoire [18] entre 1976 et 2009, date à laquelle il a été retiré du marché.
[L] [F] a consommé du Mediator et est décédé le [Date décès 4] 2011.
En 2014, Maître [P] [G] a été mandaté par Mme [R] [B], veuve [F], en sa qualité d’ayant droit de son mari, afin de solliciter une indemnisation en réparation du préjudice d’anxiété subi en raison de la consommation du médicament par son mari.
Par jugement du 29 mars 2021, le tribunal correctionnel de Paris a condamné les laboratoires [18] pour tromperie aggravée et les a condamnés à verser aux victimes ayant consommé ce médicament une indemnisation pour le préjudice d’anxiété subi et pour le dol contractuel.
Le 20 décembre 2023, la cour d’appel de Paris a confirmé le jugement sur ces points et la cour est entrée en voie de condamnation des laboratoires [18] pour le délit d’obtention frauduleuse de documents administratifs et le délit d’escroquerie.
Les consorts [F] n’ont pas été indemnisés.
Par actes extrajudiciaires délivrés le 2 septembre 2022, Mme [R] [B] veuve [F], M. [K] [F], Mme [H] [F], Mme [Y] [F] et Mme [U] [F] ont fait assigner Maître [P] [G] ainsi que les sociétés [16] et [17] devant le tribunal judiciaire de Paris en responsabilité civile professionnelle.
Au titre de cette assignation, les consorts [F] demandaient au tribunal de condamner in solidum Me [G] et ses assureurs à leur payer chacun une somme de 27 180 euros en réparation des préjudices subis.
Ils reprochent à Maître [G] d’avoir commis une faute dans la défense de leurs intérêts dans le cadre de la procédure Mediator 1, en ne régularisant pas de conclusions afin qu’ils soient indemnisés de leur préjudice en raison de la consommation de Mediator par [L] [F].
A la suite d’une transaction, Mme [R] [B] veuve [F] s’est désistée de son instance et de son action. Ce désistement a été constaté par ordonnance du 2 mars 2023.
Le 4 juillet 2023, M. [K] [F] est décédé et l’instance a été reprise par ses quatre ayants-droit, M. [C] [V], M. [Z] [V], M. [K] [V] et M. [A] [F], tant en leur qualité d’ayant droit qu’à titre personnel.
Maître [P] [G] ainsi que les sociétés [16] et [17] ont formé un incident.
Par conclusions d’incident notifiées par RPVA le 15 mai 2024, M. [P] [G], la SA [16] et la société d’assurance [17] demandent au juge de la mise en état de déclarer irrecevables, en l’absence d’intérêt à agir tant en leur nom personnel qu’en qualité d’ayants droit de [L] [F], les prétentions des demandeurs sur le fondement des articles 31 et 122 du code de procédure civile.
Ils contestent l’intérêt à agir des demandeurs restants en qualité d’ayants droit de [L] [F] en vertu du protocole transactionnel conclu avec Mme [R] [B] veuve [F] qui agissait tant en son nom personnel qu’en sa qualité d’ayant droit de son défunt époux.
Ils contestent également l’intérêt à agir des demandeurs restants en leur nom propre, dès lors que Me [G] n’a été mandaté que par Mme [R] [B] veuve [F], de sorte qu’il n’a pu commettre de faute à leur égard.
Par conclusions notifiées le 17 juin 2024, M. [C] [V], M. [Z] [V], M. [K] [V], M. [A] [F], Mme [H] [F], Mme [Y] [F] et Mme [U] [F] demandent au juge de la mise en état de déclarer Maître [P] [G] et les sociétés [16] et [17] irrecevables ou subsidiairement mal fondés en leur incident et d’ordonner par provision leur condamnation in solidum à payer à chacun des trois enfants de [L] [F] la somme de 10 000 euros et à chacun de ses quatre petits-enfants la somme de 5 000 euros, outre leur condamnation in solidum à payer une somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, de fixer un calendrier de procédure et de réserver les dépens.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, il est expressément renvoyé à leurs dernières écritures dans les conditions de l’article 455 du code de procédure civile.
A l’issue de l’audience des plaidoiries d’incident du 24 octobre 2024, l’ordonnance a été mise en délibéré au 21 novembre 2024.
En application de l’article 789 du code de procédure civile, le juge de la mise en état est, à compter de sa désignation et, jusqu’à son dessaisissement, seul compétent, à l’exclusion de toute autre formation du tribunal, pour :
1° Statuer sur les exceptions de procédure, les demandes formées en application de l’article 47 et les incidents mettant fin à l’instance ;
2° Allouer une provision pour le procès ;
3° Accorder une provision au créancier lorsque l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable. Le juge de la mise en état peut subordonner l’exécution de sa décision à la constitution d’une garantie dans les conditions prévues aux articles 514-5,517 et 518 à 522;
4° Ordonner toutes autres mesures provisoires, même conservatoires, à l’exception des saisies conservatoires et des hypothèques et nantissements provisoires, ainsi que modifier ou compléter, en cas de survenance d’un fait nouveau, les mesures qui auraient déjà été ordonnées ;
5° Ordonner, même d’office, toute mesure d’instruction ;
6° Statuer sur les fins de non-recevoir.
Par dérogation au premier alinéa, s’il estime que la complexité du moyen soulevé ou l’état d’avancement de l’instruction le justifie, le juge de la mise en état peut décider que la fin de non-recevoir sera examinée à l’issue de l’instruction par la formation de jugement appelée à statuer sur le fond.
Dans le cas visé au précédent alinéa, la décision du juge de la mise en état, qui constitue une mesure d’administration judiciaire, est prise par mention au dossier. Avis en est donné aux avocats. Les parties sont alors tenues de reprendre la fin de non-recevoir dans les conclusions adressées à la formation de jugement.
Sur l’intérêt à agir des demandeurs
En application de l’article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.
M. [P] [G] et ses assureurs contestent l’intérêt à agir des demandeurs restants, après désistement d’action de Mme [R] [B] veuve [F], excipant de l’absence de mandat confié et de tout devoir de diligence, d’information, de curiosité et de conseil à leur égard.
L’article 31 du code de procédure civile dispose que l’action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d’une prétention.
Eu égard aux arguments développés par les parties, il convient de rappeler que le juge de la mise en état n’est pas saisi du fond du litige, et notamment, au cas présent, du bien-fondé des manquements reprochés à Me [G].
La seule question dont il est saisi est de déterminer si les consorts [F] et [V] ont ici intérêt à agir.
La responsabilité civile professionnelle de l’avocat peut être engagée sur le terrain du mandat. Elle peut également être recherchée sur un fondement délictuel en raison des fautes qu’il aurait commises et qui auraient causé un préjudice à des tiers.
Dès lors que les consorts [F] et [V] soutiennent établir une faute de Me [G], un préjudice et un lien de causalité, ils sont recevables à agir sur le terrain de la responsabilité, étant rappelé que l’intérêt à agir n’est pas subordonné à la démonstration préalable du bien-fondé de l’action.
Le moyen tiré de l’irrecevabilité de l’action est donc rejeté.
Sur la demande de provision
Il résulte de l’article 789 3° du code de procédure civile que le juge de la mise en état est compétent pour accorder une provision au créancier lorsque l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable.
En l’espèce, il existe une contestation sérieuse sur le principe même de la provision, Me [G] exposant ne jamais avoir été missionné par M. [C] [V], M. [Z] [V], M. [K] [V], M. [A] [F], Mme [H] [F], Mme [Y] [F] et Mme [U] [F] pour défendre leurs intérêts et n’être tenu par conséquent d’aucune obligation à leur égard.
Dans ces conditions, la demande de provision est rejetée.
Sur les demandes accessoires
Les frais irrépétibles et les dépens de l’incident suivront le sort de ceux du fond.
L’affaire est renvoyée à l’audience de mise en état du 19 décembre 2024 à 9h30 aux fins de conclusions en défense au fond.
Nous, juge de la mise en état statuant après débats en audience publique, par ordonnance contradictoire susceptible d’appel dans les conditions de l’article 795 du code de procédure civile,
REJETONS la fin de non recevoir tirée du défaut d’intérêt à agir ;
DÉCLARONS M. [C] [V], M. [Z] [V], M. [K] [V], M. [A] [F], Mme [H] [F], Mme [Y] [F] et Mme [U] [F] recevables en leur action ;
REJETONS la demande de provision ;
DISONS que les frais irrépétibles et les dépens de l’incident suivront le sort de ceux du fond ;
RENVOYONS l’affaire à l’audience de mise en état du 19 décembre 2024 à 9h30 aux fins de conclusions en défense au fond.
Faite et rendue à Paris le 21 Novembre 2024
Le Greffier Le Juge de la mise en état
Marion CHARRIER Marjolaine GUIBERT
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