Responsabilité professionnelle et prescription : enjeux d’une représentation tardive

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Responsabilité professionnelle et prescription : enjeux d’une représentation tardive

L’Essentiel : Le 26 juin 2013, Mme [U] [Y] épouse [S] a été reconnue coupable d’exercice illégal de la médecine et de blessures involontaires par le tribunal correctionnel de Clermont-Ferrand, suite à l’utilisation d’un appareil à lumière pulsée réservé aux médecins. Après avoir engagé Me [P] [W] pour une action contre la société [5], Mme [S] a vu son action déclarée prescrite en mars 2019. En mars 2022, elle a assigné Me [W] et la société [6] pour obtenir réparation. Le tribunal a finalement débouté Mme [S] de ses demandes, la condamnant à payer des dépens.

Contexte de l’affaire

Le 26 juin 2013, le tribunal correctionnel de Clermont-Ferrand a déclaré Mme [U] [Y] épouse [S] coupable d’exercice illégal de la médecine et de blessures involontaires, en raison de l’utilisation d’un appareil à lumière pulsée, le PHOTOSILK, dont l’usage était réservé aux médecins. Suite à cette condamnation, Mme [S] a engagé Me [P] [W] pour intenter une action contre la société [5], qui lui avait vendu l’appareil.

Procédure judiciaire

Le 25 novembre 2014, Me [W] a déposé une procédure devant le tribunal de grande instance de Lyon. Cependant, le 19 mars 2019, le tribunal a déclaré l’action de Mme [S] prescrite, car elle n’avait pas été intentée dans les cinq ans suivant la notification de cessation d’utilisation de l’appareil, datée du 9 février 2009. En mars 2022, Mme [S] a assigné Me [W] et la société [6] devant le tribunal judiciaire de Cusset pour obtenir réparation de son préjudice.

Intervention de la société [7]

La société [7] est intervenue volontairement dans la procédure par des conclusions d’incident en date du 21 juin 2022. Le tribunal judiciaire de Cusset a déclaré cette intervention recevable par ordonnance du 31 août 2022, mais a relevé son incompétence territoriale au profit du tribunal judiciaire de Nîmes.

Demandes de Mme [S]

Dans ses dernières écritures, Mme [S] a demandé au tribunal de juger que Me [W] avait engagé sa responsabilité et de condamner in solidum Me [W], la Compagnie [7] et la société [7] à lui verser diverses sommes pour préjudices, ainsi que des frais de justice. Elle a également demandé l’exécution provisoire du jugement à intervenir.

Réponse des défendeurs

Me [W], la société [7] et la société [7] ont demandé au tribunal de débouter Mme [S] de toutes ses demandes et de la condamner aux dépens. Ils ont soutenu que Mme [S] n’avait pas prouvé avoir donné mandat à Me [W] pour agir contre la société [5] avant la décision pénale, et que l’action de Mme [S] était prescrite.

Analyse des demandes

Le tribunal a examiné les demandes de Mme [S], qui reposaient sur la démonstration d’une faute de Me [W], d’un préjudice et d’un lien de causalité. Il a été établi que Mme [S] avait été informée de la nécessité de cesser l’utilisation de l’appareil avant la décision pénale, ce qui a constitué le fait dommageable. Le tribunal a également noté que Mme [S] n’avait pas prouvé avoir donné mandat à Me [W] en temps utile.

Décision du tribunal

Le tribunal a débouté Mme [S] de ses demandes indemnitaires à l’encontre de Me [W], de la société [7] et de la société [7]. Il a également condamné Mme [S] à payer une somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et a ordonné qu’elle supporte les dépens de l’instance, avec distraction au profit de la SCP COULOMB – DIVISIA – CHIARINI. L’exécution provisoire a été rappelée comme étant de droit.

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les conséquences de l’exercice illégal de la médecine sur la responsabilité civile de Mme [S] ?

L’exercice illégal de la médecine par Mme [S] a des conséquences directes sur sa responsabilité civile, notamment en ce qui concerne les dommages et intérêts qu’elle pourrait réclamer.

Selon l’article 1231-1 du Code civil, « Le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, s’il ne justifie pas que l’exécution a été empêchée par la force majeure ».

Dans le cas présent, Mme [S] a été condamnée pour avoir exercé une activité réservée aux médecins, ce qui constitue une inexécution de l’obligation légale de ne pas exercer illégalement la médecine.

De plus, l’article 1147 du même code stipule que « Le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, toutes les fois qu’il ne justifie pas que l’inexécution provient d’une cause étrangère qui ne peut lui être imputée ».

Ainsi, le préjudice subi par Mme [S] ne peut être indemnisé, car il découle de son propre acte illégal.

En conséquence, la responsabilité civile de Mme [S] est engagée, et elle ne peut pas prétendre à une indemnisation pour des actes qu’elle a commis en violation de la loi.

Comment la prescription affecte-t-elle les demandes d’indemnisation de Mme [S] ?

La question de la prescription est cruciale dans le cadre des demandes d’indemnisation de Mme [S].

L’article 2224 du Code civil précise que « le délai de prescription est de cinq ans à compter du jour où la personne concernée a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer son droit ».

Dans cette affaire, le tribunal a jugé que l’action de Mme [S] était prescrite, car elle n’avait pas été intentée dans les cinq années suivant la notification du DDASS, qui lui a ordonné de cesser l’utilisation de l’appareil litigieux le 9 février 2009.

Cela signifie que Mme [S] avait connaissance des faits lui permettant d’agir à partir de cette date, et le délai de prescription a donc commencé à courir à ce moment-là.

L’argument de Mme [S] selon lequel son préjudice n’était pas connu avant la décision pénale du 26 juin 2013 ne tient pas, car elle avait déjà été informée des risques et des conséquences de son activité illégale.

Ainsi, la prescription a eu pour effet de rendre ses demandes d’indemnisation irrecevables, car elles ont été formulées après l’expiration du délai légal.

Quelles sont les implications de la responsabilité de l’avocat dans cette affaire ?

La responsabilité de l’avocat, en l’occurrence Me [W], est également un point central dans cette affaire.

L’article 131 du décret n°91-1197 du 27 novembre 1991 stipule que « l’avocat est civilement responsable des actes professionnels accomplis pour son compte par son ou ses collaborateurs ».

Mme [S] reproche à Me [W] d’avoir manqué à son obligation de diligence et de conseil, en n’assignant pas la société [5] dans les délais impartis.

Cependant, pour établir la responsabilité de l’avocat, il est nécessaire de prouver qu’il a commis une faute, qu’un préjudice a été subi par la cliente, et qu’il existe un lien de causalité entre les deux.

Dans ce cas, le tribunal a noté que Mme [S] n’a pas prouvé avoir donné mandat à Me [W] avant la prescription, ce qui rend difficile l’imputation d’une faute à l’avocat.

De plus, l’absence de mandat clair pour agir contre la société [5] avant la décision pénale complique la situation.

Ainsi, sans preuve d’une faute de Me [W], la demande d’indemnisation de Mme [S] à son encontre ne peut être retenue.

Quels sont les critères d’évaluation des dépens et des frais de justice dans cette affaire ?

Les dépens et les frais de justice sont régis par plusieurs articles du Code de procédure civile, notamment les articles 696 et 700.

L’article 696 stipule que « la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie ».

Dans cette affaire, Mme [S] ayant succombé dans ses demandes principales, elle est condamnée à payer les dépens de l’instance.

L’article 700, quant à lui, précise que « le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ».

Le tribunal a décidé de condamner Mme [S] à verser 2 000 euros à Me [W] et aux sociétés [7] au titre de l’article 700, en tenant compte de l’équité et de la situation économique des parties.

Ainsi, les critères d’évaluation des dépens et des frais de justice reposent sur la perte du procès par une partie et sur l’équité dans la répartition des frais engagés.

Copie ❑ exécutoire
❑ certifiée conforme
délivrée le
à
Me Charline ANGOT
la SCP COULOMB DIVISIA CHIARINI

TRIBUNAL JUDICIAIRE Par mise à disposition au greffe
DE NIMES
Le 06 Janvier 2025
1ère Chambre Civile
————-
N° RG 22/04542 – N° Portalis DBX2-W-B7G-JV6F
Minute n° JG24/

JUGEMENT

Le Tribunal judiciaire de NIMES, 1ère Chambre Civile, a, dans l’affaire opposant :

Mme [U] [Y] épouse [S]
née le [Date naissance 2] 1950 à [Localité 8],
demeurant [Adresse 3]

représentée par la SELARL CAP AVOCATS, avocats au barreau de CUSSET/VICHY, avocats plaidant, et par Me Charline ANGOT, avocat au barreau de NIMES, avocat postulant,

à :

Me [P] [W],
demeurant [Adresse 4]

S.A. [7],
dont le siège social est sis [Adresse 1]

S.A. [7], dont le siège social est sis [Adresse 1]

tous représentés par la SCP COULOMB DIVISIA CHIARINI, avocats au barreau de NIMES, avocats postulant, et par la SELARL PROVANSAL AVOCATS ASSOCIES, avocats au barreau de MARSEILLE, avocats plaidant,

Rendu publiquement, le jugement contradictoire suivant, statuant en premier ressort après que la cause a été débattue en audience publique le 04 Novembre 2024 devant Nina MILESI, Vice-Président, Antoine GIUNTINI, Vice-président, et Margaret BOUTHIER-PERRIER, assistés de Aurélie VIALLE, greffière, et qu’il en a été délibéré entre les magistrats ayant assisté aux débats.

EXPOSE DU LITIGE

Le 26 juin 2013, le tribunal correctionnel de CLERMONT-FERRAND a déclaré Mme [U] [Y] épouse [S] coupable d’exercice illégal de la médecine et blessures involontaires en raison de l’usage qu’elle avait fait de l’appareil à lumière pulsée PHOTOSILK vendu par la société [5].
Mme [S] a sollicité l’intervention de Me [P] [W], avocat, afin que celui-ci intente une procédure à l’encontre de la société [5] qui lui avait vendu un appareil dont l’usage était en réalité réservé aux seuls médecins.
Le 25 novembre 2014, la procédure a été initiée par Me [W] devant le tribunal de grande instance de LYON.
Le 19 mars 2019, le tribunal de grande instance de LYON a déclaré prescrite l’action de Mme [S], celle-ci n’ayant pas été intentée dans les cinq années suivant le 9 février 2009, date à laquelle le DDASS lui avait notifié qu’elle devait cesser l’utilisation de l’appareil litigieux.
Par acte du 25 mars 2022, Mme [S] a assigné Me [P] [W] et la société [6] devant le tribunal judiciaire de CUSSET afin d’obtenir réparation du préjudice qu’elle allègue.
Par le biais de conclusions d’incident en date du 21 juin 2022, la société [7] est intervenue volontairement à la procédure.
Par ordonnance en date du 31 août 2022, le tribunal judiciaire de CUSSET a déclaré recevable l’intervention volontaire de société [7] et a relevé son incompétence territoriale au profit du tribunal judiciaire de Nîmes, limitrophe du lieu d’exercice professionnel de Me [W].
* * *
Aux termes de ses dernières écritures, notifiées le 17 octobre 2024, Mme [S] demande au tribunal, sur le fondement de l’article 131 du Décret du 17 novembre 1991, de :
– JUGER que Me [P] [W] a engagé sa responsabilité à l’égard de Mme [U] [S].
– CONDAMNER in solidum Me [P] [W], la Compagnie [7] et la compagnie [7] à lui payer les sommes suivantes :
5 000 euros au titre du préjudice moral; 30 000 euros au titre du manque à gagner; 25 794, 60 euros au titre de l’impossibilité de revente de l’appareil à lumière pulsée; 108 000 euros au titre de la perte de valeur du fonds de commerce; 11 340 euros au titre des honoraires indus;2 219,49 euros au titre des condamnations ensuite de la décision du TGI de LYON en date du 19 mars 2019; – DÉBOUTER Me [P] [W], la Compagnie [7] et la compagnie [7] de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions.
– ORDONNER l’exécution provisoire du jugement à intervenir.
– CONDAMNER in solidum Me [P] [W], la Compagnie [7] et la compagnie [7] à payer et porter à Mme [U] [S] la somme de 4 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.
* * *
Aux termes de ses dernières écritures, notifiées le 18 octobre 2024, Me [P] [W], la société [7], la société [7] demandent au tribunal, sur le fondement de l’article 1110 du code civil, de :
– DÉBOUTER Mme [U] [Y] épouse [S] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions.
– CONDAMNER Mme [U] [Y] épouse [S] aux entiers dépens de l’instance dont distraction au profit de la SCP COULOMB – DIVISIA – CHIARINI, société d’avocats inscrite au barreau de Nîmes, sur son affirmation de droit.
– CONDAMNER Mme [U] [Y] épouse [S] à verser à Me [P] [W] ainsi qu’aux sociétés [7] et [7] une indemnité d’un montant de 5 000 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
* * *
Pour un exposé complet des faits, prétentions et moyens des parties, il y a lieu en vertu de l’article 455 du code de procédure civile de se reporter à leurs dernières écritures
* * *
La clôture est intervenue le 21 octobre 2024 par ordonnance en date du 13 juin 2024. L’affaire a été fixée à l’audience collégiale du 04 novembre 2024 pour être plaidée.
La décision a été mise en délibéré au 06 janvier 2025.

MOTIFS DE LA DECISION

I. Sur les demandes principales

Aux termes de l’article 1231-1 du code civil,  » Le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, s’il ne justifie pas que l’exécution a été empêchée par la force majeure « .
Aux termes de l’article 1134 du code civil, dans sa version antérieure à l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016  » Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faîtes.
Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise.
Elles doivent être exécutées de bonne foi ».
Selon l’article 1147 du même code, dans sa version antérieure à l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016  » Le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, toutes les fois qu’il ne justifie pas que l’inexécution provient d’une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu’il n’y ait aucune mauvaise foi de sa part”.

L’article 131 du décret n°91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d’avocat, abrogé au 3 juillet 2023, édicte que « l’avocat est civilement responsable des actes professionnels accomplis pour son compte par son ou ses collaborateurs ».

En l’espèce, Madame [S] demande la condamnation de Maître [W], avocat, à l’indemniser au titre de la perte de chance d’obtenir réparation judiciaire de divers préjudices., ainsi qu’à lui payer les frais de justice inutilement exposés.
Cette demande suppose l’établissement d’une faute de Maître [W], d’un préjudice de la demanderesse, et d’un lien de causalité entre les deux.

S’agissant d’une faute de Maître [S]

En l’espèce, la requérante reproche à Me [W] d’avoir manqué à son obligation de diligence et de conseil en assignant tardivement la société [5]. Les défendeurs répliquent d’une part que la requérante ne prouve pas avoir donné mandat à Me [W] d’intenter son action en justice contre la société [5] avant la décision du Tribunal correctionnel du 26 juin 2013, d’autre part que l’avocat n’a pas commis de faute en assignant après le jugement au pénal, l’action n’étant pas atteinte de prescription contrairement à ce qui a été jugé par le TGI de Lyon.

S’agissant tout d’abord de l’absence de prescription de l’action intentée, les défendeurs font valoir que le délai de prescription ne pouvait courir qu’à compter de la réalisation du dommage subi par Mme [S], c’est à dire de sa matérialisation par sa condamnation du chef d’exercice illégal de la profession de médecin par le Tribunal correctionnel le 26 juin 2013.
Néanmoins en l’espèce, l’action de Mme [S] était dirigée contre la société [5] pour manquement à son obligation d’information et de conseil. Il ne s’agissait pas d’une action en indemnisation de sa condamnation pénale. Or, par lettre du 17 novembre 2008, la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes (DGCCRF) l’informait des suites du contrôle opéré le 8 octobre 2008, lui expliquant que ses pratiques d’ « épilation définitive » constituaient un exercice illégal de la médecine et présentaient un danger pour la sécurité et la santé des consommateurs. L’interdiction pour la requérante de procéder à l’épilation définitive au laser et par électrocoagulation, et d’utiliser la « lampe Photosilk », lui était ensuite notifiée par arrêté préfectoral du 11 décembre 2008, suspendant pour une durée de deux mois les prestations visées, ordonnant l’affichage de la décision pour « l’information complète du consommateur », ainsi que la neutralisation des deux appareils le temps de la suspension en les “filmant” et en rendant inactive leur alimentation. Par suite le courrier du 9 février 2009 de la Direction Départementale des Affaires Sanitaires et Sociales lui confirmait qu’elle devait cesser l’activité d’épilation définitive par laser et électrocoagulation, en application des textes alors en vigueur et visés dans la missive, en lui rappelant que si elle avait « le sentiment d’avoir été abusée par la société qui (lui) a fourni le matériel e/ou assuré (sa) formation à son utilisation », elle avait la possibilité de s’adresser à celle-ci en « faisant valoir un consentement à l’achat s’appuyant sur des arguments fallacieux ».

Cette lettre officielle de l’administration en charge du respect de la règlementation en vigueur, informant l’intéressée de la nécessité de stopper l’activité litigieuse et de la possibilité de se retourner contre la société contractante, entérine la constitution du fait dommageable dans ses relations contractuelles avec la société [5]. Madame [S] était donc titulaire du droit à demander indemnisation à sa co-contractante à cette date, et en était de surcroît informée dans cette lettre.

Prétendre que son droit à indemnisation n’était connu qu’à compter de la décision pénale revient à ignorer ces avertissements préalables.
Considérer que le préjudice de la requérante est né de la condamnation pénale, équivaut à demander réparation de celle-ci à un tiers, ce qui heurte le principe de personnalité de la responsabilité pénale, et à demander l’indemnisation de revenus ou d’un manque à gagner fondés sur une activité illégale, c’est-à-dire un préjudice illicite donc non indemnisable.

Ainsi, si le préjudice invoqué par Mme [S], du fait du manquement allégué de la société [5] à son obligation pré-contractuelle d’information et de conseil, a pu s’accroître avec le temps et avec la condamnation pénale, il était né et connu de la requérante avant la décision du Tribunal correctionnel, dès la notification de l’interdiction d’épilation définitive par la DDASS le 9 février 2009.

Les défendeurs invoquent ensuite l’absence de justification par Mme [S] d’avoir donné mandat à Me [W] d’intenter son action en justice contre la société [5] avant la décision du Tribunal correctionnel du 26 juin 2013.
Dans son mail du 27 mars 2017, Me [W] signale à Mme [S] qu’il ne peut plus suivre son dossier devant le TGI de Lyon, pour raisons médicales. Le retrait annoncé par l’avocat du dossier suivi implique l’existence d’un mandat, au moins tacite, accepté préalablement entre les parties concernées, pour une représentation en justice de la requérante par Me [W], dans la procédure soldée par une fin de non-recevoir pour prescription.

Cependant, pour reprocher à l’avocat d’avoir manqué de diligence et de ne pas l’avoir conseillée utilement dans cette procédure, encore faut-il que Mme [S] démontre lui avoir donné mandat en temps utile, à savoir avant que la prescription soit acquise. Or le mandat pour la défense dans le cadre d’un procès correctionnel n’implique pas nécessairement mandat pour agir au civil contre le vendeur. Ainsi, si Madame [S] démontre avoir délivré mandat à Me [W] de la représenter contre la société [5] devant le TGI de Lyon, elle n’apporte aucun indice sur la date de saisine de cet avocat à cette fin.
Il n’est donc pas démontré par Madame [S] que Me [W] ait manqué de diligence ou l’ait mal conseillée, dans la mesure où elle n’établit pas la date du mandat de représentation, et plus particulièrement s’il est antérieur à la date de prescription. Il ne saurait en effet être caractérisé, par une assignation tardive, un défaut de diligence et de conseil à l’avocat lui-même mandaté trop tard, étant souligné que Mme [S] reproche à Maître [W] d’avoir laissé passer le délai de prescription, non d’avoir assigné une fois cette prescription acquise.

Madame [S] ne démontrant pas la faute de Me [W] sera déboutée de ses demandes indemnitaires.

II. Sur les demandes accessoires

Aux termes de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.
L’article 699 du même code ajoute que “ Les avocats peuvent, dans les matières où leur ministère est obligatoire, demander que la condamnation aux dépens soit assortie à leur profit du droit de recouvrer directement contre la partie condamnée ceux des dépens dont ils ont fait l’avance sans avoir reçu provision.
La partie contre laquelle le recouvrement est poursuivi peut toutefois déduire, par compensation légale, le montant de sa créance de dépens.”.
En l’espèce la requérante, qui succombe dans ses principales demandes supportera les dépens de l’instance, avec distraction au profit de de la SCP COULOMB – DIVISIA – CHIARINI, société d’avocats inscrite au barreau de Nîmes.
Aux termes de l’article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à ces condamnations
En l’espèce, l’équité commande de condamner Mme [S] à payer à Maître [P] [W], la société [7] et la société [7] la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile. La requérante sera en conséquence déboutée de sa demande à ce titre.

PAR CES MOTIFS
Le tribunal statuant en audience publique, en premier ressort, par jugement contradictoire,
DEBOUTE Madame [U] [Y] épouse [S] de ses demandes indemnitaires à l’encontre de Maître [P] [W], la société [7] et la société [7];
CONDAMNE Madame [U] [Y] épouse [S] à payer à Maître [P] [W], la société [7] et la société [7] la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile;
DEBOUTE Madame [U] [Y] épouse [S] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile;
CONDAMNE Madame [U] [Y] épouse [S] au paiment des dépens de l’instance, avec distraction au profit de de la SCP COULOMB – DIVISIA – CHIARINI, société d’avocats inscrite au barreau de Nîmes;
RAPPELLE que l’exécution provisoire est de droit.
Le présent jugement a été signé par Nina MILESI, Vice-Présidente et par Aurélie VIALLE, greffière présente lors de sa mise à disposition.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


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