Responsabilité professionnelle d’un avocat : enjeux et conséquences d’une négligence procédurale

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Responsabilité professionnelle d’un avocat : enjeux et conséquences d’une négligence procédurale

L’Essentiel : En 2016, la Sarl [6] a entrepris des travaux de rénovation pour les époux [H] à [Localité 8]. Un litige a émergé concernant des inexécutions contractuelles et des frais supplémentaires, entraînant la désignation d’un expert judiciaire. Le tribunal judiciaire de Melun a rendu un jugement en juillet 2020, condamnant la Sarl à indemniser les époux tout en leur réclamant des paiements pour des travaux non réglés. En juillet 2023, la Sarl a assigné Me [N] [I] pour faute professionnelle, arguant de la caducité de son appel. Le tribunal a reconnu la négligence de l’avocat et a ordonné une indemnisation.

Contexte des travaux de rénovation

La Sarl [6], anciennement Mdp Vitry, a réalisé en 2016 des travaux de rénovation pour les époux [H] à [Localité 8]. Ces travaux comprenaient la pose de faux plafonds, de parquets, de plinthes, ainsi que des travaux de peinture sur les murs, plafonds et fenêtres.

Litige et expertise judiciaire

Un différend est survenu concernant des inexécutions contractuelles et la facturation de travaux supplémentaires, poussant les époux [H] à demander la désignation d’un expert judiciaire. Le juge des référés a désigné Monsieur [Y] [G] comme expert, qui a rendu son rapport en septembre 2018.

Jugement du tribunal judiciaire de Melun

Le tribunal judiciaire de Melun a rendu un jugement le 16 juillet 2020, condamnant la Sarl [6] à verser des indemnités aux époux [H] pour divers préjudices, tout en condamnant ces derniers à payer une somme pour des travaux complémentaires impayés. Le jugement a également ordonné l’exécution provisoire.

Appel et caducité de la déclaration

La Sarl [6] a interjeté appel le 22 juillet 2020, mais n’a pas remis ses conclusions dans le délai imparti, entraînant la caducité de la déclaration d’appel par ordonnance du 19 janvier 2021.

Assignation de l’avocat

En juillet 2023, la Sarl [6] a assigné Me [N] [I] devant le tribunal judiciaire de Bobigny, lui reprochant une faute professionnelle pour avoir laissé périmer la déclaration d’appel. La Sarl [6] a demandé des réparations pour divers préjudices subis.

Réponse de Me [N] [I]

Me [N] [I] a contesté les demandes de la Sarl [6], arguant que cette dernière n’avait pas prouvé qu’elle aurait pu obtenir gain de cause en appel. Elle a également demandé à être indemnisée pour ses frais.

Motivation du tribunal sur la responsabilité

Le tribunal a examiné la responsabilité de Me [I] et a constaté qu’elle avait manqué à son obligation de diligence en ne remettant pas les conclusions dans le délai imparti, ce qui a conduit à la caducité de l’appel.

Analyse des préjudices

La Sarl [6] a allégué plusieurs préjudices, notamment des sommes versées aux époux [H] et des frais liés à la procédure. Le tribunal a évalué la perte de chance de succès en appel et a déterminé que certains préjudices n’étaient pas justifiés.

Indemnisation et décision finale

Le tribunal a condamné Me [N] [I] à verser 3 346,50 euros à la Sarl [6] pour dommages et intérêts, ainsi qu’à payer les dépens et une somme pour les frais irrépétibles. La demande d’exécution provisoire a été rejetée.

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la responsabilité contractuelle de l’avocat en cas de manquement à ses obligations procédurales ?

La responsabilité contractuelle de l’avocat est régie par l’article 1231-1 du Code civil, qui stipule que « le débiteur d’une obligation est condamné au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, s’il ne justifie pas que l’exécution a été empêchée par la force majeure. »

Dans le cas présent, il a été établi que Maître [N] [I] a manqué à son obligation de vigilance en ne remettant pas les conclusions au greffe dans le délai imparti par l’article 908 du Code de procédure civile, qui précise que « à peine de caducité de la déclaration d’appel, l’appelant dispose d’un délai de trois mois à compter de la déclaration d’appel pour remettre ses conclusions au greffe. »

Ce manquement a entraîné la caducité de la déclaration d’appel de la Sarl [6], ce qui constitue une inexécution de l’obligation contractuelle de l’avocat envers son client.

Ainsi, la Sarl [6] peut engager la responsabilité de Maître [I] pour les préjudices subis en raison de cette faute.

Quels sont les préjudices pouvant être indemnisés en cas de faute de l’avocat ?

Les préjudices pouvant être indemnisés en cas de faute de l’avocat doivent être prouvés et doivent avoir un lien de causalité direct avec la faute commise. Selon l’article 411 du Code de procédure civile, « le mandat de représentation en justice confié à l’avocat emporte pouvoir et devoir d’accomplir au nom du mandant les actes de la procédure. »

Dans cette affaire, la Sarl [6] a allégué plusieurs préjudices, notamment :

– La perte de la somme de 18 979,79 euros, correspondant aux condamnations prononcées par le tribunal judiciaire de Melun.
– Le préjudice financier lié à l’inutile procédure devant la cour d’appel de Paris, incluant des frais d’honoraires et un timbre fiscal.

Cependant, pour que ces préjudices soient indemnisables, la Sarl [6] doit démontrer qu’ils résultent directement de la faute de l’avocat.

Il a été noté que certains préjudices, comme les frais d’expertise judiciaire, ne peuvent pas être considérés comme indemnisables si la partie a succombé en première instance, conformément à l’article 696 du Code de procédure civile, qui stipule que « la partie perdante est condamnée aux dépens. »

Comment évaluer la perte de chance dans le cadre d’une responsabilité contractuelle ?

La perte de chance est un concept juridique qui doit être évalué avec soin. Selon la jurisprudence, seule constitue une perte de chance réparable la disparition actuelle et certaine d’une éventualité favorable.

Dans le cas présent, la Sarl [6] a soutenu qu’elle a perdu la chance de voir la cour d’appel infirmer le jugement du tribunal judiciaire de Melun. Pour évaluer cette perte de chance, il est nécessaire de démontrer que la chance de gain était réelle et sérieuse.

L’article 1231-1 du Code civil, qui traite des dommages et intérêts, s’applique ici, car il stipule que le débiteur d’une obligation est condamné au paiement de dommages et intérêts à raison de l’inexécution de l’obligation.

Dans cette affaire, la perte de chance a été évaluée à 90 % en raison de la caducité de l’appel, ce qui a privé la Sarl [6] d’un double degré de juridiction sur certains préjudices.

Quelles sont les conséquences de la caducité de l’appel sur les préjudices allégués ?

La caducité de l’appel a des conséquences significatives sur les préjudices allégués par la Sarl [6]. En effet, la caducité entraîne la perte de la possibilité de contester le jugement de première instance, ce qui limite les recours possibles pour la partie appelante.

L’article 908 du Code de procédure civile précise que « à peine de caducité de la déclaration d’appel, l’appelant dispose d’un délai de trois mois à compter de la déclaration d’appel pour remettre ses conclusions au greffe. »

Dans cette affaire, la Sarl [6] n’a pas respecté ce délai, ce qui a conduit à la déclaration de caducité de son appel. Par conséquent, elle ne peut pas revendiquer des préjudices qui auraient pu être contestés en appel, notamment ceux liés aux condamnations prononcées par le tribunal judiciaire de Melun.

Ainsi, la Sarl [6] ne peut pas prétendre à une indemnisation pour des préjudices qui résultent directement de la décision de première instance, car la caducité de l’appel a mis fin à la possibilité de les contester.

TRIBUNAL JUDICIAIRE
de BOBIGNY

JUGEMENT CONTENTIEUX DU 17 JANVIER 2025

Chambre 7/Section 2
AFFAIRE: N° RG 23/07745 – N° Portalis DB3S-W-B7H-XZJU
N° de MINUTE : 25/00059

S.A.R.L. [6]
Immatriculée au RCS d’EVRY sous le n°B [N° SIREN/SIRET 1]
[Adresse 2]
[Localité 4]
représentée par Me Cyril RAVASSARD,
avocat au barreau d’ESSONNE,

DEMANDEUR

C/

Madame [N] [I]
CAUSAM AVOCATS
[Adresse 3]
[Localité 5]
représentée par Maître Matthieu PATRIMONIO
de la SCP RAFFIN & ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS,
vestiaire : P0133

DEFENDEUR

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Lors des débats et du délibéré :

Président : Madame Christelle HILPERT, première vice-présidente, Juge ayant fait le rapport à l’audience
Assesseurs : Monsieur Michaël MARTINEZ, juge
Madame Mechtilde CARLIER, juge

Assistés aux débats de : Madame Camille FLAMANT, greffier.

DEBATS

L’affaire a été examinée à l’audience publique du 15 Novembre 2024 du tribunal judiciaire de Bobigny, tenue par Madame Christelle HILPERT, présidente de la formation de jugement, et Monsieur Michaël MARTINEZ et Madame Mechtilde CARLIER, juges, assistés de Madame Camille FLAMANT, greffier.

Madame HILPERT a fait un rapport oral de l’affaire à l’audience avant les plaidoiries. Elle a rédigé le jugement rendu.
A l’issue des débats, l’affaire a été mise en délibéré. Le président a avisé les parties que le jugement serait prononcé le 17 Janvier 2025 par mise à disposition au greffe de la juridiction.

JUGEMENT
La présente décision est prononcée publiquement, par mise à disposition au greffe, par jugement Contradictoire et en premier ressort, par Madame Christelle HILPERT, première vice-présidente, assistée de Madame Camille FLAMANT, greffier.

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

La Sarl [6] (précédemment dénommée Mdp Vitry [7]) a entrepris en 2016 des travaux de rénovation dans le bien immobilier des époux [H] à [Localité 8]. Ces travaux incluaient la pose de faux plafonds, de parquets et de plinthes, ainsi que des travaux de peinture des murs, des plafonds et de certaines fenêtres.

Suite à un différend relatif à l’existence d’inexécutions contractuelles et à la facturation de travaux complémentaires, les époux [H] ont saisi le juge des référés du tribunal judiciaire de Melun afin d’obtenir la désignation d’un expert judiciaire. Par ordonnance rendue le 22 septembre 2017, le juge des référés a désigné Monsieur [Y] [G]. L’expert a rendu son rapport le 15 septembre 2018.

Par jugement rendu le 16 juillet 2020, le tribunal judiciaire de Melun a, sur le fondement de l’article 1147 du code civil, dans sa rédaction applicable à l’espèce compte tenu de la date du contrat :

– condamné la Sarl [6] à payer à Monsieur [Y] [H] et Madame [Z] [H], au titre des désordres constatés par l’expert, les sommes de :
o 10.165 euros au titre de leur préjudice matériel,
o 750 euros au titre de leur préjudice de jouissance,
o 240 euros au titre des frais de repas.

– condamné Monsieur [Y] [H] et Madame [Z] [H] à payer à la Sarl [6] la somme de 1.385,85 euros au titre de travaux complémentaires impayés,

– condamné la Sarl [6] à payer à Monsieur [Y] [H] et Madame [Z] [H] la somme de 2.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné la Sarl [6] aux dépens, en ceux compris les frais d’expertise judiciaire,

– ordonné l’exécution provisoire du jugement.

Le 22 juillet 2020, la Sarl [6], par l’intermédiaire de son conseil Me [N] [I], a interjeté appel de cette décision.

Aucune conclusion n’ayant été remise au greffe de la cour d’appel de Paris dans le délai de trois mois imparti par l’article 908 du code de procédure civile, le conseiller de la mise en état a déclaré la déclaration d’appel caduque par ordonnance du 19 janvier 2021.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Par acte de commissaire de justice du 28 juillet 2023, la Sarl [6] a fait assigner Me [N] [I] devant le tribunal judiciaire de Bobigny afin d’engager sa responsabilité contractuelle.

Dans ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 10 septembre 2024, la Sarl [6] demande au tribunal de :

– rejeter toutes les demandes de Maître [N] [I],
– juger que Maître [N] [I] a commis une faute dans l’exercice de sa profession d’avocat en laissant périmer la déclaration d’appel de la Sarl [6] et en ne produisant pas dans le délai de l’article 908 du code de procédure civile les conclusions de l’appelante,
– juger que Maître [N] [I] a engagé sa responsabilité professionnelle en sa qualité d’avocat,

En conséquence :

– condamner Maître [N] [I] à verser à Sarl [6] les sommes suivantes, en réparation de ses préjudices :
°18 979,79 euros en réparation des sommes totales versées aux époux [H],
°1 385,85 euros en réparation de la somme due par les époux [H] et non récupérée,
°2 500,00 euros en réparation du préjudice causé par les mesures d’exécution forcée, à savoir les saisies-attribution pratiquées sur les comptes bancaires de l’entreprise,
°1 198,00 euros en réparation du préjudice financier lié à l’inutile procédure devant la cour d’appel de Paris.
outre les intérêts au taux légal à compter de l’assignation du 28 juillet 2023,

– ordonner la capitalisation des intérêts dans les conditions de l’article 1343-2 du code civil,

– condamner Maître [N] [I] à verser à la Sarl [6] la somme de 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner Maître [N] [I] aux entiers dépens de l’instance.

Dans ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 16 septembre 2024, Maître [N] [I] demande au tribunal de débouter la Sarl [6] de ses demandes, d’écarter l’exécution provisoire et de la condamner à lui payer la somme de 4 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

Elle estime que la Sarl [6] ne rapporte pas la preuve, à supposer que la cour d’appel de Paris ait eu à connaître de ses demandes, qu’elle aurait pu obtenir gain de cause devant cette juridiction, le jugement du tribunal judiciaire de Melun étant parfaitement motivé et conforme aux conclusions de l’expertise judiciaire.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, il est expressément renvoyé à leurs dernières écritures, dans les conditions de l’article 455 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 17 septembre 2024.

L’affaire a été plaidée à l’audience du 15 novembre 2024 et mise en délibéré au 17 janvier 2025.

MOTIVATION

1. Sur la responsabilité contractelle de Me [I]

Il résulte de l’article 411 du code de procédure civile que le mandat de représentation en justice confié à l’avocat emporte pouvoir et devoir d’accomplir au nom du mandant les actes de la procédure. Les manquements de l’avocat dans l’exercice de sa mission peuvent engager sa responsabilité contractuelle dans les conditions de l’article 1231-1 du code civil.
Il incombe au demandeur de démontrer l’existence d’un lien de causalité entre l’inexécution de l’obligation et le préjudice invoqué. Seule constitue une perte de chance réparable, la disparition actuelle et certaine d’une éventualité favorable. La perte de chance de succès d’un recours implique donc de démontrer que la chance de gain était réelle et sérieuse.
Sur la faute de Me [I]
En matière de procédure d’appel contentieuse des jugements de première instance, l’article 908 du code de procédure civile prévoit que, à peine de caducité de la déclaration d’appel, relevée d’office, l’appelant dispose d’un délai de trois mois à compter de la déclaration d’appel pour remettre ses conclusions au greffe.

En l’espèce, il n’est pas contesté que Me [I], qui disposait jusqu’au 22 octobre 2020 pour remettre ses conclusions au greffe à la suite de l’appel interjeté le 22 juillet 2020 à l’encontre du jugement du tribunal judiciaire de Melun du 16 juillet 2020 et qui ne l’a pas fait dans ce délai, a commis une faute dans l’exercice de sa mission en manquant à son obligation de vigilance quant à l’accomplissement d’un acte procédural essentiel à la validité de la procédure dont elle avait la charge.

Cette faute a entraîné la caducité de la déclaration d’appel de la Sarl [6] , prononcée par ordonnance du conseiller de la mise en état de la cour d’appel de Paris du 19 janvier 2021.

Sur les préjudices que la Sarl [6] prétend avoir subis et leur lien de causalité avec la faute de Me [I]

* Sur les préjudices découlant des condamnations prononcées par le tribunal judiciaire de Melun

La Sarl [6] soutient qu’en perdant la chance de voir la cour d’appel infirmer le jugement du tribunal judiciaire de Melun, elle a perdu la somme de 18 979,79 euros, qui a été recouvrée par les époux [H], et qui se décompose comme suit :
– 10.165,93 euros au titre des travaux de reprise,
– 750,00 euros au titre du préjudice de jouissance,
– 240,00 euros au titre du préjudice de repas,
– 2 500,00 euros au titre des frais d’article 700 de première instance,
– 5 323,86 euros au titre des dépens comprenant les frais d’expertise judiciaire.

Il y a lieu de noter à titre liminaire que la Sarl [6] ne verse aux débats aucune pièce se rapportant au fond de la procédure devant le tribunal judiciaire de Melun, à l’exception du rapport d’expertise de M. [G] du 15 septembre 2018. Elle transmet uniquement des pièces se rapportant aux échanges intervenus avec Me [I] relativement à l’appel interjeté à l’encontre du jugement rendu le 16 juillet 2020 et aux mesures d’exécution diligentées par les époux [H] à la suite de la déclaration de caducité de l’appel.

La perte de chance de voir réformer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Melun ne peut donc s’apprécier qu’au regard des conclusions du rapport d’expertise.

– Sur le préjudice allégué au titre des travaux de reprise

La Sarl [6] estime que les manquements retenus par le tribunal dans sa motivation pour fonder sa condamnation ne ressortent pas du rapport de l’expert et que la cour d’appel ne l’aurait pas condamnée à indemniser ces chefs de préjudice.

En l’espèce, le tribunal a retenu la responsabilité de l’entreprise dans certains désordres relatifs aux travaux listés ci-dessous et fixé le montant de l’indemnisation d’un montant total de 10 165,93 euros TTC, à partir de trois devis :
– le devis des époux [H] pour la reprise des désordres de la cuisine, du séjour, des WC et de la chambre (d’un montant de 7 238,30 euros HT et de 7 962,13 euros TTC),
– les devis de l’entreprise pour les travaux de nettoyage des peintures sur les chassis et les plinthes en carrelage, de rebouchage d’un trou dans le plafond des WC et de reprise des plinthes sur le conduit de cheminée (d’un montant de 828,80 euros TTC),
– le devis des époux [H] pour la reprise de la peinture autour des portes fenêtres (d’un montant de 418 euros TTC),
– le devis des époux [H] pour la dépose et la repose des meubles de la cuisine (d’un montant de 957 euros TTC).

Il y a lieu d’examiner les probabilités de réformation du jugement en appel pour chacun de ces postes de préjudice (le montant hors taxes du coût de la reprise retenu par l’expert et repris par le tribunal sera précisé pour chaque désordre entre parenthèses) :

– peinture sur le plafond de la cuisine (442 €), sur les murs de la cuisine (1 233 €), sur le mur au-dessus de la crédence (285 €), sur le mur de décoration du coin repas (1 400,88 €)

L’expert a relevé que la peinture utilisée au droit de la hotte était non hydrophobe alors qu’elle aurait dû être adaptée à une pièce humide ; que la peinture se décollait sur le mur au niveau de la hotte et que dans toute la cuisine la peinture des murs n’avait été passée qu’en une seule couche ; il a constaté de petits éclats sur les murs de la cuisine (côté séjour) ; il n’a pas constaté de désordres sur la peinture du plafond de la cuisine.

Le tribunal a exclu tout préjudice lié à des désordres sur le plafond de la cuisine dans sa motivation mais a repris dans le montant alloué au titre des travaux de reprise les calculs de l’expert incluant l’indemnisation du préjudice lié à la reprise de la peinture du plafond de la cuisine.

Il ressort par conséquent de la comparaison entre le rapport d’expertise et les condamnations prononcées une perte de chance de voir le jugement réformé en ce qui concerne l’indemnisation pour les désordres liés au plafond de la cuisine, pour lequel l’expert n’a noté aucun désordre et pour lequel la Sarl [6] a été condamnée à verser la somme de 442 € HT.

– peinture sur le plafond du séjour (1 696,30 €); sur l’entourage des portes fenêtres du séjour (380 €)

L’expert n’a pas noté de désordres en ce qui concerne le plafond du séjour ; il a noté que l’entourage des portes était mal peint et que les plinthes en carrelage nécessitaient par endroit un nettoyage de la peinture résiduelle.

Il ressort de la comparaison entre le rapport d’expertise et les condamnations prononcées une perte de chance de voir le jugement réformé en ce qui concerne l’indemnisation pour les désordres liés au plafond du séjour, pour lequel l’expert n’a noté aucun désordre et pour lequel la Sarl [6] a été condamnée à verser la somme de 1 696,30 € HT.

– peinture au droit des fenêtres du salon ( 280 €)

L’expert a noté en ce qui concerne la peinture une texture différente au droit des trumeaux des fenêtres sur la façade côté jardin et indiqué que la peinture avait été arrachée lors de l’enlèvement des protections autocollantes.

Il ne ressort pas de la comparaison entre le rapport d’expertise et les condamnations prononcées une perte de chance de voir le jugement réformé sur ce point.

– plafond des WC (84 €), murs des WC (338 €)

L’expert note des désordres sur la peinture du mur et sur le lambris du plafond, avec présence d’un trou à reboucher. Il ne ressort pas de la comparaison entre le rapport d’expertise et les condamnations prononcées une perte de chance de voir le jugement réformé sur ce point.

– portes (1 242 €) , sol de la chambre de [O] (237,12 €)

En ce qui concerne le sol de la chambre, l’expert retient une mauvaise jonction des plinthes bois sur le parquet flottant, due au non-respect des règles de l’art.

En ce qui concerne les portes, alors que l’expert ne retient pas de désordres imputables à la Sarl [6] sur les portes et que le tribunal exclut la responsabilité de la Sarl [6] à cet égard, le chiffrage des préjudices inclut ce poste. Il ressort par conséquent de la comparaison entre le rapport d’expertise et les condamnations prononcées une perte de chance de voir le jugement réformé sur ce chef de préjudice, évalué à 1242 euros HT.

En outre, l’expert et le tribunal ont retenu les préjudices suivants :

– dépose et repose des meubles de la cuisine (957 euros TTC)
– nettoyage des peintures sur les chassis et les plinthes en carrelage (492 euros TTC)
– rebouchage d’un trou dans le plafond des WC (96,80 euros TTC)
– reprise des plinthes sur le conduit de cheminée (240 euros TTC)

Ces préjudices sont justifiés au vu du rapport d’expertise. Il ne ressort pas de la comparaison entre le rapport d’expertise et les condamnations prononcées une perte de chance de voir le jugement réformé sur ce point.

– Sur les préjudices allégués au titre du préjudice de jouissance et du préjudice de repas

Ces préjudices, retenus par l’expert pendant la période des travaux de reprise, ont été évalués à la baisse par le tribunal, qui a alloué la somme de 750 euros aux époux [H] au titre de la perte de la jouissance de certaines pièces de la maison pendant un mois et demi, durée totale des travaux de reprise, et de la nécesssité de commander des repas à l’extérieur pendant le temps des travaux de reprise de la cuisine, soit 4 jours.

La preuve d’une perte de chance pour ces deux chefs de préjudice n’est pas rapportée.

– Sur le préjudice allégué du fait de la condamnation de la Sarl [6] à payer les frais irrépétibles et les dépens de la procédure de première instance, dont le coût de l’expertise judiciaire

La Sarl [6] ayant succombé en première instance, elle ne subit aucun préjudice de ce chef.

* Sur le préjudice allégué du fait de la non-récupération de la somme de 1 385,85 euros que les époux [H] ont été condamnés à régler à la Sarl [6] au titre de travaux complémentaires

La caducité de l’appel ne prive pas la Sarl [6] de la possibilité de recouvrer le cas échéant cette somme, que les époux [H] ont été condamnés à lui payer en vertu du jugement du tribunal judiciaire de Melun du 16 juillet 2020 devenu définitif.

La Sarl [6] ne subit donc aucun préjudice de ce chef.

* Sur le préjudice allégué du fait des saisies attribution pratiquées sur les comptes bancaires de l’entreprise

La Sarl [6] ayant été condamnée en première instance à régler un certain nombre de sommes aux époux [H], elle ne subit aucun préjudice à la suite des saisies-attribution pratiquées.

* Sur le préjudice allégué du fait de l’inutile procédure devant la cour d’appel de Paris

La Sarl [6] soutient qu’elle a subi un préjudice du fait de la provision sur honoraires de 973 euros TTC qu’elle a versée à Maître [I] et du fait du timbre fiscal de 225 euros qu’elle a dû acheter pour faire appel.

Le tribunal n’est pas compétent d’une part pour statuer sur les contestations d’honoraires, qui relèvent du bâtonnier. Le timbre fiscal de 225 euros constitue d’autre part un impôt obligatoire que chaque justiciable doit joindre à sa déclaration d’appel, qui a été faite en l’espèce, le paiement d’un impôt obligatoire ne pouvant constituer un préjudice indemnisable.

2. Sur l’indemnisation des préjudices de la Sarl [6]

Aux termes de l’article 1231-1 du code civil, le débiteur d’une obligation est condamné au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, s’il ne justifie pas que l’exécution a été empêchée par la force majeure.
En l’espèce, il ressort des éléments susvisés la perte de chance de voir la cour d’appel de Paris statuer sur les préjudices suivants : peinture sur le plafond de la cuisine (442 € HT), peinture sur le plafond du séjour (1 696,30 € HT) et portes (1242 € HT), soit la somme de 3 380 euros HT et 3718,33 euros TTC, la caducité de l’appel du fait de la faute de Maître [I] ayant privé la Sarl [6] d’un double degré de juridiction sur ce point.
Compte tenu de l’aléa judiciaire nécessairement attaché à tout recours juridictionnel, cette perte de chance sera évaluée à 90 %.
Maître [I] sera par conséquent condamnée à verser à la Sarl [6] la somme de 3 346,50 euros à titre de dommages et intérêts.

3. Sur les frais du procès et l’exécution provisoire

Aux termes de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.

En application de l’article 700 du code de procédure civile, dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou la partie perdante à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a lieu à condamnation.

En l’espèce, Maître [I], qui succombe, sera condamnée aux dépens et à verser la somme de 2 000 euros à la Sarl [6] au titre des frais irrépétibles. Elle sera déboutée de sa demande sur le même fondement.

Enfin, les articles 514 et 514-1 du code de procédure civile, disposent que les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que le juge en décide autrement s’il estime que cette exécution provisoire de droit est incompatible avec la nature de l’affaire. En l’occurrence, la nature de l’affaire n’implique pas de déroger à ce principe.

La demande de Maître [I] visant à écarter l’exécution provisoire sera par conséquent rejetée.

PAR CES MOTIFS

Le Tribunal,

– CONDAMNE Maître [N] [I] à payer à la Sarl [6] la somme de 3 346,50 euros à titre de dommages et intérêts, avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement ;

– ORDONNE la capitalisation des intérêts dans les conditions de l’article 1343-2 du code civil,

– CONDAMNE Maître [N] [I] aux entiers dépens de l’instance,

– CONDAMNE Maître [N] [I] à verser à la Sarl [6] la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– REJETTE le surplus des demandes.

Le présent jugement ayant été signé par le Président et le Greffier.

Le Greffier Le Président
Camille FLAMANT Christelle HILPERT


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