L’Essentiel : Mme [U] [J], employée de la société [5], a subi un accident du travail le 27 août 2021, entraînant une cruralgie. La société a déclaré l’accident le 31 août, et un certificat médical a prescrit un arrêt jusqu’au 5 septembre. Contestant la durée des arrêts, la société a saisi la commission médicale de recours amiable, puis le tribunal judiciaire de Bobigny. Une expertise médicale a été ordonnée pour évaluer le lien entre l’accident et les arrêts. Le 26 novembre 2024, le tribunal a statué en faveur de la société, déclarant inopposables les arrêts à partir du 7 décembre 2022.
|
Accident du travail de Mme [U] [J]Mme [U] [J], employée de la société [5], a signalé un accident du travail survenu le 27 août 2021. Lors de cet incident, alors qu’elle était à son poste de trieur, elle a ressenti une douleur intense dans le bas du dos en tentant de repositionner un carton sur un convoyeur. Déclaration et prise en charge de l’accidentLa société [5] a soumis une déclaration d’accident de travail le 31 août 2021, précisant la nature de l’accident et les lésions subies par Mme [J]. Un certificat médical, transmis le même jour, a diagnostiqué une cruralgie et a prescrit un arrêt de travail jusqu’au 5 septembre 2021. La Caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) du Val-d’Oise a ensuite notifié la prise en charge de cet accident le 20 septembre 2021. Contestation de la durée des arrêts de travailLe 27 septembre 2022, la société [5] a contesté la durée des arrêts de travail de Mme [J] en saisissant la commission médicale de recours amiable (CMRA) de la CPAM. Faute de réponse, la société a porté l’affaire devant le tribunal judiciaire de Bobigny le 5 décembre 2023 pour contester la prise en charge des arrêts de travail. Expertise médicale ordonnée par le tribunalLe tribunal a ordonné une expertise médicale le 9 juillet 2024, confiée au docteur [H], pour déterminer si les arrêts de travail et soins prescrits à Mme [J] étaient liés à l’accident ou à un état pathologique préexistant. Le rapport d’expertise a été établi le 3 octobre 2024 et notifié aux parties le 14 octobre 2024. Conclusions des partiesLors de l’audience du 26 novembre 2024, la société [5] a demandé l’homologation du rapport d’expertise et la déclaration d’inopposabilité des arrêts et soins prescrits à partir du 7 décembre 2022. De son côté, la CPAM a demandé que ces arrêts et soins soient déclarés opposables à la société. Décision du tribunalLe tribunal a statué en faveur de la société [5], déclarant inopposables les arrêts et soins prescrits à partir du 7 décembre 2022. Il a également condamné la CPAM du Val d’Oise aux dépens de l’instance, y compris les frais d’expertise, et a ordonné l’exécution provisoire de la décision. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelle est la présomption d’imputabilité des accidents du travail selon le Code de la sécurité sociale ?La présomption d’imputabilité des accidents du travail est régie par l’article L.411-1 du Code de la sécurité sociale, qui stipule : « Les accidents survenus à un salarié dans le temps et sur le lieu de travail sont présumés être des accidents du travail. Cette présomption s’étend aux soins et arrêts de travail prescrits à la victime jusqu’à la date de consolidation de son état de santé ou de sa guérison. » Ainsi, en cas d’accident du travail, la victime bénéficie d’une protection légale qui lui permet de recevoir des soins et des arrêts de travail sans avoir à prouver le lien entre l’accident et les conséquences sur sa santé. Il appartient à l’employeur qui conteste cette présomption d’apporter la preuve d’un état pathologique préexistant ou d’une cause postérieure étrangère à l’accident. Cela signifie que si l’employeur souhaite contester la prise en charge des arrêts de travail, il doit démontrer que ces arrêts ne sont pas liés à l’accident survenu. Quelles sont les conséquences d’un état pathologique préexistant sur la prise en charge des arrêts de travail ?Lorsqu’un accident de travail aggrave un état pathologique préexistant, la jurisprudence indique que la totalité de l’incapacité de travail consécutive à cette aggravation doit être prise en charge au titre de la législation relative aux risques professionnels. Cela est précisé dans le jugement, qui rappelle que : « Dans l’hypothèse où un accident de travail se trouve à l’origine de l’aggravation d’un état pathologique antérieur, la totalité de l’incapacité de travail consécutive à cette aggravation doit cependant être prise en charge au titre de la législation relative aux risques professionnels. » Ainsi, même si un salarié avait un problème de santé avant l’accident, si cet accident a aggravé son état, il a droit à la prise en charge complète de ses soins et arrêts de travail. Comment se déroule la contestation de la prise en charge des arrêts de travail ?La contestation de la prise en charge des arrêts de travail se fait par le biais d’une saisine de la commission médicale de recours amiable (CMRA) de la CPAM, comme l’indique la procédure suivie par la société [5]. En effet, la société a saisi la CMRA pour contester la durée des arrêts de travail, et en cas de silence de cette commission, elle a pu porter l’affaire devant le tribunal judiciaire. Le tribunal a ensuite ordonné une expertise médicale pour évaluer le lien entre l’accident et les arrêts de travail. Cette procédure est essentielle pour établir les faits et déterminer si les arrêts de travail sont justifiés ou non. Quels sont les effets de l’expertise médicale sur la décision du tribunal ?L’expertise médicale a un rôle crucial dans la décision du tribunal. Dans cette affaire, le rapport d’expertise établi par le docteur [H] a été déterminant. Le rapport a conclu que : « Il s’agit d’une acutisation douloureuse d’un état antérieur dégénératif asymptomatique jusqu’à l’accident et dont la prise en charge va s’étendre du 27/08/2021 jusqu’au 06/12/2022. » Cela signifie que les soins et arrêts de travail étaient justifiés jusqu’à cette date, mais au-delà, l’état de santé de la salariée relevait d’une évolution naturelle de son état préexistant. Le tribunal a donc entériné ce rapport, déclarant inopposables à la société [5] les arrêts et soins prescrits à compter du 7 décembre 2022, en se basant sur les conclusions de l’expertise. Quelles sont les implications financières pour la partie perdante dans ce type de litige ?Les implications financières pour la partie perdante sont régies par l’article 696 du Code de procédure civile, qui stipule que : « La partie perdante supporte les dépens. » Dans ce cas, la CPAM du Val d’Oise, en tant que partie perdante, a été condamnée à supporter les dépens de l’instance, y compris les frais d’expertise. Cela signifie que la CPAM devra rembourser les frais engagés pour l’expertise médicale, ce qui peut représenter un coût significatif dans le cadre de ce type de litige. Quelles sont les conditions d’exécution provisoire d’une décision judiciaire ?L’exécution provisoire d’une décision judiciaire est ordonnée en vertu de l’article R. 142-10-6 du Code de la sécurité sociale, qui permet au tribunal d’ordonner l’exécution immédiate de sa décision, même en cas d’appel. Dans cette affaire, le tribunal a ordonné l’exécution provisoire de sa décision, ce qui signifie que les effets de la décision sont applicables immédiatement, sans attendre l’issue d’un éventuel appel. Cela permet de garantir que les droits de la salariée sont respectés sans délai, même si la CPAM décide de contester la décision en appel. |
Service du contentieux social
Affaire : N° RG 23/02226 – N° Portalis DB3S-W-B7H-YTNP
Jugement du 28 JANVIER 2025
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE BOBIGNY
JUGEMENT CONTENTIEUX DU 28 JANVIER 2025
Serv. contentieux social
Affaire : N° RG 23/02226 – N° Portalis DB3S-W-B7H-YTNP
N° de MINUTE : 25/00256
DEMANDEUR
Société [5]
[Adresse 2]
[Localité 3]
représentée par Me Zouhaire BOUAZIZ, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E1407
DEFENDEUR
CPAM DU VAL D’OISE
[Adresse 1]
[Adresse 6]
[Localité 4]
représentée par Me Mylène BARRERE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D 2104
COMPOSITION DU TRIBUNAL
DÉBATS
Audience publique du 26 Novembre 2024.
M. Cédric BRIEND, Président, assisté de Monsieur Alain CARDEAU et Monsieur Dominique BIANCO, assesseurs, et de Monsieur Denis TCHISSAMBOU, Greffier.
Lors du délibéré :
Président : Cédric BRIEND,
Assesseur : Alain CARDEAU, Assesseur salarié
Assesseur : Dominique BIANCO, Assesseur employeur
JUGEMENT
Prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort, par Cédric BRIEND,Juge, assisté de Denis TCHISSAMBOU, Greffier.
Transmis par RPVA à : Me Mylène BARRERE, Me Zouhaire BOUAZIZ
Mme [U] [J], salariée de la société [5], a déclaré avoir été victime d’un accident du travail le 27 août 2021.
La société [5] a établi une déclaration d’accident du travail le 31 août 2021 rédigée en ces termes :
“Activité de la victime lors de l’accident : La victime était à son poste de trieur
Nature de l’accident : En envoyant un carton sur le convoyeur ce dernier s’est mis en travers, la victime a voulu repositionner le carton et ressentie une forte douleur dans le bas du dos à ce moment là. […]
Siège des lésions : Lombaires côté droit
Nature des lésions : douleur au dos.”
Le certificat médical télétransmis le 27 août 2021 fait état des constatations suivantes: “D# Cruralgie” et prescrit un arrêt de travail jusqu’au 5 septembre 2021.
Par courrier du 20 septembre 2021, la Caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) du Val-d’Oise a notifié à la société [5] la prise en charge de cet accident au titre de la législation sur les risques professionnels.
Par courrier du 27 septembre 2022, la société [5] a saisi la commission médicale de recours amiable (CMRA) de la CPAM contestant la durée des arrêts de travail prescrits à Mme [J] imputée sur son compte employeur.
A défaut de réponse de la CMRA, par requête reçue le 5 décembre 2023 au greffe, la société [5] a saisi le service du contentieux social du tribunal judiciaire de Bobigny aux fins de contestation de la prise en charge de l’ensemble des arrêts de travail.
Par jugement avant dire droit du 9 juillet 2024, auquel il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens de fait et de droit antérieurs, le service du contentieux social du tribunal judiciaire de Bobigny a ordonné une expertise médicale sur pièces confiée au docteur [Z] [H] avec pour mission notamment de :
dire si tout ou partie des arrêts de travail et des soins prescrits à Mme [U] [J] au titre de l’accident du 27 août 2021 résulte d’un état pathologique préexistant évoluant pour son propre compte sans lien avec l’accident ou d’une cause postérieure totalement étrangère, auxquels se rattacheraient exclusivement les arrêts de travail postérieurs, et dans l’affirmative, en préciser la nature,en cas de réponse positive à la question précédente, déterminer les arrêts de travail et soins exclusivement imputables à cet état pathologique préexistant évoluant pour son propre compte sans lien avec l’accident ou à cette cause postérieure totalement étrangère,faire toute observation utile et nécessaire à la résolution du litige.
Le docteur [H] a établi son rapport d’expertise le 3 octobre 2024, notifié aux parties le 14 octobre 2024 au greffe.
L’affaire a été appelée et retenue à l’audience du 26 novembre 2024, date à laquelle les parties, présentes ou représentées, ont été entendues en leurs observations.
Par conclusions n°2 déposées et oralement développées à l’audience, la société par actions simplifiée (SAS) [5], représentée par son conseil, demande au tribunal de :
– homologuer le rapport d’expertise médicale sur pièces rendu par le docteur [H],
– lui déclarer inopposables les arrêts et soins prescrits à Madame [J] à la suite de son accident du 27 août 2021 à compter du 7 décembre 2022,
– condamner la CPAM du Val d’Oise à supporter les frais d’expertise et à lui rembourser la provision de 800 euros.
Par observations écrites déposées et oralement développées à l’audience, la CPAM du Val d’Oise, représentée par son conseil, demande au tribunal de :
– entériner le rapport d’expertise,
– déclarer opposable à la société demanderesse les arrêts et soins prescrits du 27 août 2021 au 6 décembre 2022 à Madame [J] des suites de son accident du 27 août 2021.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, le tribunal, conformément à l’article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions déposées et soutenues de celles-ci.
L’affaire a été mise en délibéré au 28 janvier 2025.
Sur la demande d’inopposabilité des arrêts de travail prescrits au-delà du 6 décembre 2022
En application de l’article L.411-1 du code de la sécurité sociale, la présomption d’imputabilité au travail s’attachant aux lésions survenues au temps et sur le lieu de travail s’étend aux soins et arrêts de travail prescrits ensuite à la victime jusqu’à la date de consolidation de son état de santé ou sa guérison.
Il appartient alors à l’employeur qui conteste cette présomption d’apporter la preuve contraire, soit celle de l’existence d’un état pathologique préexistant évoluant pour son propre compte sans lien avec l’accident ou d’une cause postérieure totalement étrangère, auxquels se rattacheraient exclusivement les arrêts de travail postérieurs.
Dans l’hypothèse où un accident de travail se trouve à l’origine de l’aggravation d’un état pathologique antérieur, la totalité de l’incapacité de travail consécutive à cette aggravation doit cependant être prise en charge au titre de la législation relative aux risques professionnels. La présomption d’imputabilité s’étend en effet à toutes les conséquences du fait accidentel.
Aux termes de son rapport d’expertise établi le 3 octobre 2024, le docteur [H] a indiqué dans la partie discussion “(…) 3. (…) Il n’y a pas de notion d’un syndrome déficitaire nécessitant une décompression chirurgicale en urgence. Ainsi, il s’agit d’une acutisation douloureuse d’un état antérieur asymptomatique avant l’accident qui continue d’évoluer de manière physiologique pour son propre compte au-delà de l’électromyogramme du 06/12/2022 qui n’objective pas d’activité évolutive. Au-delà du 06/12/2022, l’arrêt de travail et les soins sont en rapport avec l’état antérieur dégénératif étagé qui continue d’évoluer de manière physiologique pour son propre compte. Au vu des éléments communiqués, il n’y a pas d’élément probant d’une lésion post-traumatique récente osseuse, ostéoarticulaire, discale imputable de manière directe certaine et exclusive au fait accidentel survenu le 27/08/2021. Il s’agit d’une acutisation douloureuse d’un état antérieur dégénératif asymptomatique jusqu’à l’accident et dont la prise en charge va s’étendre du 27/08/2021 jusqu’au 06/12/2021, au-delà, l’état antérieur dégénératif continue d’évoluer de manière physiologique pour son propre compte.”
Le docteur [H] conclut que :
“(…) 3 – la lésion imputable de manière directe et exclusive avec le fait relaté le 27/08/2021 est une lombalgie avec irradiation cruralgique droite. Il n’y a aucune lésion post-traumatique probante osseuse ostéoarticulaire ou discale imputable de manière directe certaine et exclusive avec le fait accidentel relaté le 27/08/2021. Il s’agit d’une acutisation douloureuse sur un rachis dégénératif asymptomatique cliniquement jusqu’à l’accident du travail du 27/08/2021. L’arrêt de travail et les soins rapport direct avec cette acutisation douloureuse s’étendent jusqu’au 06/12/2022 date de l’électromyogramme qui ne montre pas de signe d’activité évolutive.
4. Au-delà de cette date, soit le 07/12/2022, l’état antérieur dégénératif continue d’évoluer de manière physiologique pour son propre compte et relève d’une prise en charge pour les soins et l’arrêt de travail au titre du risque maladie.”
La S.A.S [5] et la CPAM du Val d’Oise sollicitent l’entérinement du rapport d’expertise.
Les conclusions du docteur [H] sont claires, précises et sans équivoque de sorte qu’il convient de les entériner.
Ce faisant, les arrêts et soins prescrits à compter du 7 décembre 2022 seront déclarés inopposables à la S.A.S [5].
Sur les dépens
En application des dispositions de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante supporte les dépens.
La CPAM du Val d’Oise, partie perdante, sera condamnée aux dépens de l’instance, qui comprendront les frais d’expertise.
Sur l’exécution provisoire
L’exécution provisoire sera ordonnée en application des dispositions de l’article R. 142-10-6 du code de la sécurité sociale.
Le tribunal, statuant par jugement contradictoire, rendu en premier ressort, par mise à disposition au greffe ;
Déclare inopposables à la société par actions simplifiée [5] les arrêts et soins prescrits à Mme [U] [J] à compter du 7 décembre 2022 à la suite de son accident du travail du 27 août 2021 ;
Condamne la caisse primaire d’assurance maladie du Val d’Oise aux dépens de l’instance qui comprennent les frais d’expertise ;
Ordonne l’exécution provisoire de la présente décision ;
Rappelle que tout appel contre le présent jugement doit, à peine de forclusion, être interjeté dans le délai d’un mois à compter de sa notification.
Fait et mis à disposition au greffe du service du contentieux social du tribunal judiciaire de BOBIGNY.
La Minute étant signée par :
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
Denis TCHISSAMBOU Cédric BRIEND
Laisser un commentaire