Responsabilité et prescription : enjeux d’information et de conseil dans l’investissement immobilier

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Responsabilité et prescription : enjeux d’information et de conseil dans l’investissement immobilier

L’Essentiel : Dans cette affaire, une investisseuse a assigné deux sociétés, un gestionnaire d’investissement et une banque, pour engager leur responsabilité suite à un investissement dans une société civile de placement immobilier. L’investisseuse prétend avoir subi un préjudice en raison d’un manquement à l’obligation d’information et de conseil de la part de la banque. Le gestionnaire d’investissement a demandé au juge de déclarer l’action de l’investisseuse prescrite, tandis que la banque a sollicité une déclaration d’irrecevabilité. Le juge a finalement déclaré l’action de l’investisseuse recevable et a ordonné un sursis à statuer en attendant une décision dans une autre instance.

Contexte de l’affaire

Dans cette affaire, une investisseuse a assigné deux sociétés, un gestionnaire d’investissement et une banque, pour engager leur responsabilité suite à un investissement dans une société civile de placement immobilier. L’investisseuse prétend avoir subi un préjudice en raison d’un manquement à l’obligation d’information et de conseil de la part de la banque.

Actions en justice

L’investisseuse a déposé une assignation le 28 décembre 2023, demandant réparation pour la perte de chance de ne pas avoir souscrit à l’investissement. Parallèlement, des associés de la société civile de placement immobilier ont également engagé une action contre le gestionnaire d’investissement pour des raisons similaires.

Demandes des défendeurs

Le gestionnaire d’investissement a demandé au juge de déclarer l’action de l’investisseuse prescrite et a sollicité un sursis à statuer jusqu’à la décision d’une autre instance en cours. De son côté, la banque a également demandé la déclaration d’irrecevabilité de l’action de l’investisseuse, tout en sollicitant un sursis à statuer.

Réponse de l’investisseuse

L’investisseuse a contesté les demandes des deux sociétés, demandant que son action soit déclarée recevable et que les défendeurs soient condamnés à lui verser des frais de procédure. Elle a également demandé que les sociétés soient déboutées de leurs demandes.

Prescription de l’action

Le juge a examiné la question de la prescription, précisant que le délai de prescription ne commence à courir qu’à partir de la réalisation du dommage. Il a conclu que les demandes de l’investisseuse étaient recevables et non prescrites, car elle n’avait pas eu connaissance des pertes avant un certain rapport annuel.

Décision du juge

Le juge a déclaré l’action de l’investisseuse recevable et a ordonné un sursis à statuer en attendant une décision dans une autre instance. Les sociétés défenderesses ont été condamnées à verser une somme à l’investisseuse pour couvrir ses frais de procédure et aux dépens de l’incident.

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la portée de la prescription en matière d’action en responsabilité ?

La prescription en matière d’action en responsabilité est régie par l’article 2224 du Code civil, qui stipule :

« Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer. »

Ainsi, le délai de prescription commence à courir à partir de la connaissance du dommage par la victime.

Dans le cas présent, les demanderesses soutiennent que le point de départ du délai de prescription est la date de révélation du dommage, qui, selon elles, est intervenue avec les alertes dans les rapports annuels de la SCPI à partir du 31 décembre 2011.

En revanche, la défenderesse, qui est une investisseuse, argue que ce délai ne commence qu’à partir de la communication du rapport annuel de 2020, lorsque les investisseurs ont pris connaissance de l’absence de rentabilité.

Il est donc essentiel de déterminer si la victime a eu connaissance des faits permettant d’exercer son droit, ce qui pourrait influencer la recevabilité de l’action.

Quelles sont les conséquences du sursis à statuer dans cette affaire ?

Le sursis à statuer est prévu par les articles 377 et suivants du Code de procédure civile. Ces articles stipulent que le juge peut ordonner un sursis à statuer dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice, notamment lorsque l’issue d’une autre instance peut avoir un impact sur le litige en cours.

Dans cette affaire, le juge a ordonné le sursis à statuer en attendant une décision dans l’instance enrôlée sous le numéro RG 22/05749. Cela signifie que le tribunal suspendra l’examen de l’affaire jusqu’à ce qu’une décision soit rendue dans l’autre instance, ce qui pourrait clarifier des éléments essentiels pour le jugement.

Cette décision vise à éviter des jugements contradictoires et à garantir que toutes les questions pertinentes soient examinées de manière cohérente.

Quelles sont les implications des frais de procédure dans cette affaire ?

Les frais de procédure sont régis par l’article 700 du Code de procédure civile, qui dispose que « le juge peut condamner la partie perdante à payer à l’autre partie une somme au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. »

Dans cette affaire, les sociétés INTER GESTION REIM et SOCIETE GENERALE, qui ont succombé à l’incident, ont été condamnées in solidum à verser la somme de 1.500 euros à l’investisseuse au titre de l’article 700.

Cela signifie que ces sociétés doivent couvrir les frais engagés par l’investisseuse pour la défense de ses droits, ce qui peut inclure les honoraires d’avocat et d’autres frais liés à la procédure.

Cette condamnation vise à compenser la partie qui a dû engager des frais pour faire valoir ses droits en justice.

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copies exécutoires
délivrées le :

9ème chambre 3ème section

N° RG 24/02544
N° Portalis 352J-W-B7I-C3UG4

N° MINUTE : 4

Assignation du :
28 Décembre 2023

ORDONNANCE DU JUGE DE LA MISE EN ETAT
rendue le 06 Février 2025

DEMANDERESSE

Madame [L] [Z] [K]
[Adresse 3]
[Localité 4]

représentée par Maître Bertrand DE CAMPREDON de la SELARL GOETHE AVOCATS, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #B0097

DEFENDERESSES

S.A. SOCIETE GENERALE
[Adresse 2]
[Localité 6]

représentée par Maître Stéphane WOOG de la SELARL WOOG & ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #P0283

S.A. INTER GESTION REIM
[Adresse 1]
[Localité 5]

représentée par Maître Ariane PIERRE NOEL, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #E0514

MAGISTRAT DE LA MISE EN ETAT

Béatrice CHARLIER-BONATTI, Vice-présidente, juge de la mise en état, assistée de Chloé DOS SANTOS, Greffière.

DEBATS

A l’audience du 27 Juin 2024 renvoyée au 17 Octobre 2024, reportée au 19 Décembre 2024, avis a été donné aux avocats que l’ordonnance serait rendue le 06 Février 2025.

ORDONNANCE

Rendue publiquement par mise à disposition au greffe
Contradictoire
En premier ressort

Par exploit en date du 28 décembre 2023, Madame [L] [Z] [K] a fait assigner les sociétés INTER GESTION REIM et CREDIT DU NORD (aux droits de laquelle vient la SOCIETE GENERALE, ci-après la  » SOCIETE GENERALE « ) aux fins de voir engager leur responsabilité au titre de l’investissement qu’elle a fait dans la société civile de placement immobilier (ci-après SCPI) PIERRE INVESTISSEMENT 6 en date du 28 juillet 2007.

Madame [L] [Z] [K] prétend que son préjudice est la perte de chance de ne pas souscrire et que la SOCIETE GENERALE aurait manqué à son devoir d’information et à son obligation de conseil.

Certains associés de la SCPI PIERRE INVESTISSEMENT 6 ont assigné la société INTER GESTION REIM en date du 6 mai 2022 devant le Tribunal judiciaire de Paris au titre d’une action ut singuli.

Par conclusions successives en date du 11 décembre 2024, INTER GESTION REIM demande au juge de la mise en état de :
“- Rejeter comme prescrite par application de l’article 2224 du Code civil l’action indemnitaire engagée par Madame [L] [Z] [K].

Dans tous les cas,
– Ordonner le sursis à statuer jusqu’à ce qu’une décision juridictionnelle définitive intervienne ensuite de l’action sociale ut singuli engagée dans le cadre de l’instance à ce jour pendante devant la 9° Chambre – 1° section du Tribunal Judiciaire de PARIS sous le numéro de rôle 22/05749, ce par application des articles 377 et suivants du Code de procédure civile.
– Condamner Madame [L] [Z] [K] à verser à la société INTER GESTION REIM la somme de 3.000,00 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.
– La condamner aux dépens de l’incident.”

Par conclusions successives en date du 12 décembre 2024, la SOCIETE GENERALE demande au juge de la mise en état de :
“A titre principal,
– Déclarer irrecevable comme étant prescrite l’action en responsabilité de Madame [L] [Z] [K] à l’encontre de SOCIETE GENERALE fondée sur un prétendu manquement de celle-ci à ses obligations d’information et de conseil ;
– Constater l’extinction de l’instance ;

A titre subsidiaire,
– Ordonner le sursis à statuer jusqu’à ce qu’une décision définitive et irrévocable sur le fond intervienne dans le cadre de l’action en responsabilité exercée par un groupe d’investisseurs à l’encontre de la société INTER GESTION REIM ;

En tout état de cause,
– Débouter Madame [L] [Z] [K] de ses demandes ;
– Condamner Madame [L] [Z] [K] à payer à SOCIETE GENERALE la somme de 5.000 euros en application de l’article 700 du Code de procédure civile ;
– Condamner Madame [L] [Z] [K] aux dépens.”

Par conclusions successives en date du 6 décembre 2024, Madame [L] [Z] [K] demande au juge de la mise en état de :
“- DEBOUTER les sociétés INTER GESTION et SOCIETE GENERALE de leur demande tendant à opposer une fin de non-recevoir à l’action de Madame [L] [Z] [K] pour cause de prescription
– DECLARER irrecevable la demande de sursis à statuer formulée par société INTER GESTION
DEBOUTER les sociétés INTER GESTION et SOCIETE GENERALE de l’intégralité de leurs demandes, fins et conclusions

En conséquence,
– JUGER l’action de Madame [L] [Z] [K] à l’encontre des sociétés INTER GESTION et SOCIETE GENERALE recevable
– RENVOYER cette affaire à une audience ultérieure pour conclusions sur le fond des sociétés INTER GESTION et SOCIETE GENERALE
– CONDAMNER solidairement les sociétés INTER GESTION et SOCIETE GENERALE à payer à Madame [L] [Z] [K] la somme de 3.000 € au titre des frais de procédure, conformément
aux dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile.
– CONDAMNER solidairement les sociétés INTER GESTION et SOCIETE GENERALE aux entiers dépens dont distraction à Me Bertrand de Campredon, Avocat au barreau de Paris en sa qualité d’Avocat postulant.”

Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est fait expressément référence aux écritures des parties visées ci-dessus quant à l’exposé du surplus de leurs prétentions et moyens.

L’incident a été examiné à l’audience du 19 décembre 2024 et mis en délibéré au 6 février 2025.

SUR CE :

I. Sur la prescription

Aux termes de l’article 2224 du code civil,  » Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.  »

La prescription d’une action en responsabilité ne court qu’à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il a été révélé à la victime si celle-ci établit qu’elle n’en avait pas eu précédemment connaissance.

Les demanderesses à l’incident considèrent que le point de départ du délai de prescription quinquennale de l’action est la date de révélation du dommage. Elles considèrent que celui-ci ne pouvait être ignoré par Madame [L] [Z] [K] à compter des alertes émises dans les rapports annuels du conseil de surveillance de la SCPI PIERRE INVESTISSEMENT 6 à compter du 31 décembre 2011, date à laquelle la valorisation des actions de la SCPI est 46% inférieure au montant de la valeur de souscription.

Madame [L] [Z] [K], défenderesse à l’incident considère que le point de départ du délai de prescription quinquennale de son action au fond court à compter de la date à laquelle les investisseurs ont eu connaissance de l’absence de rentabilité de l’opération c’est-à-dire à compter de la communication du rapport annuel pour l’exercice 2020 et du changement d’expert mandaté pour déterminer la valeur des actifs immobiliers au regard des comptes de l’exercice clos le 31 décembre 2019.

Au cas présent, le délai de prescription ne peut commencer à courir avant la réalisation des pertes effectives d’une partie du capital investi par Madame [L] [Z] [K].

Dès lors, les demandes introduites par Madame [L] [Z] [K] doivent être déclarées recevables et non prescrites.

II. Sur les autres demandes

Sur le fondement des article 377 et suivants du code de procédure civile et dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice, le juge de la mise en état ordonnera le sursis à statuer dans le cadre de la présente instance dans l’attente d’une décision dans l’instance enrôlée sous le numéro RG 22/05749.

Les sociétés INTERGESTION REIM et SOCIETE GENERALE, qui succombent à l’incident seront condamnées in solidum à payer la somme de 1.500 euros à Madame [L] [Z] [K] au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Les sociétés INTER GESTION REIM et SOCIETE GENERALE qui succombent, seront condamnées in solidum aux dépens de l’incident.

PAR CES MOTIFS

Le juge de la mise en état, statuant publiquement, par ordonnance contradictoire, en premier ressort, par mise à disposition au greffe :

DECLARE l’action de Madame [L] [Z] [K] recevable ;

ORDONNE le sursis à statuer dans l’attente d’un jugement dans le cadre de l’instance introduite devant le Tribunal judiciaire de Paris sous le numéro 22/05749 sur le fondement des articles 377 et suivants du code de procédure civile ;

CONDAMNE les sociétés INTER GESTION REIM et SOCIETE GENERALE in solidum à payer à Madame [L] [Z] [K] la somme de 1.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE les sociétés INTER GESTION REIM et SOCIETE GENERALE in solidum aux dépens de l’incident.

Faite et rendue à Paris le 06 Février 2025.

LE GREFFIER LE JUGE DE LA MISE EN ÉTAT


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