L’Essentiel : En juin 1981, un bail emphytéotique de 26 ans a été consenti par Madame [M] [E] à Monsieur [K] pour un terrain à [Localité 10]. Ce bail a été cédé en août 1982 à Monsieur [R] [H] [W] avec une prorogation de 60 ans. En novembre 2012, Madame [E] a demandé la résiliation du bail, entraînant une décision de la Cour d’Appel de Lyon en septembre 2022. Parallèlement, en juin 2016, Monsieur [G] [I] et Madame [N] [X] ont acquis un droit au bail à [Localité 11], mais ont ensuite assigné des notaires pour manquement à leurs obligations.
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Contexte du Bail EmphytéotiqueEn juin 1981, Madame [M] [E] a consenti un bail emphytéotique de 26 ans à Monsieur [K] pour un terrain à [Localité 10], destiné à la création d’un camping et d’autres installations. En août 1982, ce bail a été cédé à Monsieur [R] [H] [W], avec une prorogation de 60 ans. En novembre 2012, Madame [E] a assigné Madame [HD] [T] pour résilier le bail, ce qui a conduit à une décision de la Cour d’Appel de Lyon en septembre 2022, prononçant la résiliation du bail et l’expulsion de Madame [T]. Acquisition du Droit au BailEn juin 2016, Monsieur [G] [I] et Madame [N] [X] ont acquis le droit au bail de parcelles cadastrées à [Localité 11] de Monsieur [F] et Madame [O]. Ce bail devait expirer le 1er janvier 2040, sans possibilité de renouvellement. En mars 2019, Monsieur [I] a été informé d’une réunion concernant la résiliation du bail emphytéotique. Actions en JusticeMonsieur [G] [I] et Madame [V] [X] ont assigné la SCP [6] et Maître [ZJ] [P] en mars 2021, invoquant un manquement à l’obligation de vérification du notaire lors de la cession du bail. Ils ont demandé des indemnités pour les préjudices subis, notamment l’impossibilité de jouir du droit au bail et des pertes locatives. Réponse des NotairesLa SCP [6] et Maître [ZJ] [P] ont contesté les accusations, affirmant qu’ils n’avaient pas connaissance de la procédure en cours entre Madame [E] et Madame [HD] [T]. Ils ont demandé le rejet des demandes de Monsieur et Madame [I], ainsi que des dommages et intérêts pour préjudice moral. Décision du TribunalLe tribunal a statué que le notaire n’avait pas commis de faute en ne vérifiant pas les cessions antérieures ou en n’informant pas les acquéreurs de la procédure en cours. Les demandes de Monsieur [G] [I] et Madame [V] [X] ont été déboutées, et ils ont été condamnés aux dépens. La demande de dommages et intérêts des notaires a également été rejetée. Conséquences FinancièresMonsieur [G] [I] et Madame [V] [X] ont été condamnés à verser 2 500 euros à la SCP [7] au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, en plus des dépens de la procédure. La décision a été rendue publique le 9 janvier 2025. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelle est la responsabilité du notaire dans la cession d’un bail emphytéotique ?La responsabilité du notaire dans la cession d’un bail emphytéotique est régie par l’article 1240 du Code civil, qui stipule que « tout fait de l’homme qui cause un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ». En tant qu’officier public, le notaire a l’obligation d’assurer l’efficacité et la sécurité des actes qu’il instrumente. Cela implique qu’il doit éclairer les parties sur la portée et les effets de ces actes. Il lui incombe également de rechercher la volonté des parties et de se renseigner afin de déceler les obstacles juridiques qui pourraient affecter l’efficacité de l’acte. Toutefois, il est important de noter que le notaire n’est pas soumis à une obligation d’investigation illimitée. Sa responsabilité ne peut être engagée que s’il avait des raisons de douter de l’efficacité de l’opération au moment de la signature de l’acte. Dans le cas présent, les demandeurs, Monsieur [I] et Madame [X], reprochent à Maître [P] de ne pas les avoir informés d’un contentieux existant entre le bailleur et le propriétaire. Il est établi que le bail emphytéotique cédé était déjà l’objet d’un contentieux depuis 2004, ce qui aurait dû alerter le notaire. Cependant, il n’est pas prouvé que Maître [P] ait eu connaissance de cette procédure au moment de la cession en 2016. Ainsi, la responsabilité du notaire ne peut être retenue, car il n’a pas manqué à son devoir d’information ou de vérification. Quelles sont les conséquences de la résiliation d’un bail emphytéotique sur les droits des cessionnaires ?La résiliation d’un bail emphytéotique a des conséquences directes sur les droits des cessionnaires, comme le stipule l’article 1716 du Code civil, qui précise que « le bail emphytéotique est un contrat par lequel une personne, le bailleur, donne à une autre, le preneur, un bien à usage de construction ou d’exploitation, moyennant un loyer ». Dans le cas présent, la Cour d’Appel de Lyon a prononcé la résiliation du bail emphytéotique, ce qui a entraîné la perte des droits des cessionnaires, Monsieur [I] et Madame [X], sur le bien en question. Cette résiliation a été prononcée en raison de la non-exécution des obligations contractuelles par le preneur initial, ce qui a eu pour effet d’annuler tous les droits dérivés des cessions ultérieures. Les cessionnaires se retrouvent donc dans une situation où ils ne peuvent plus revendiquer leur droit au bail, ce qui les expose à des préjudices financiers et moraux, notamment l’impossibilité de jouir paisiblement du droit au bail acquis. En conséquence, la résiliation du bail emphytéotique a des effets dévastateurs sur les droits des cessionnaires, qui se voient privés de leur titre d’occupation et de la possibilité de tirer profit de leur investissement. Quels sont les recours possibles pour les cessionnaires en cas de préjudice ?Les cessionnaires, en cas de préjudice résultant de la résiliation d’un bail emphytéotique, peuvent envisager plusieurs recours, notamment sur le fondement de l’article 1240 du Code civil, qui impose à celui qui cause un dommage de le réparer. Dans le cadre de la cession d’un bail, les cessionnaires peuvent demander des dommages et intérêts pour le préjudice matériel et moral subi. Ils peuvent également solliciter le remboursement des frais engagés lors de l’acquisition du droit au bail, ainsi que des pertes locatives subies. Il est essentiel que les cessionnaires établissent un lien de causalité entre le manquement reproché au notaire et le préjudice subi. Cela implique de prouver que le notaire a failli à son obligation d’information ou de vérification, ce qui a directement conduit à la résiliation du bail et aux pertes financières. En outre, les cessionnaires peuvent également envisager d’intenter une action contre les co-contractants, si ceux-ci ont manqué à leurs obligations contractuelles, ce qui pourrait également donner lieu à des demandes de réparation. Enfin, il est possible de demander des dommages et intérêts pour le préjudice moral, en vertu de l’article 32-1 du Code de procédure civile, qui permet de sanctionner les actions en justice abusives. Ainsi, les recours possibles pour les cessionnaires sont multiples, mais nécessitent une démonstration claire des fautes commises et des préjudices subis. |
DE DRAGUIGNAN
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Chambre 1
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DU 09 Janvier 2025
Dossier N° RG 22/08232 – N° Portalis DB3D-W-B7G-JV2Z
Minute n° : 2025/ 6
AFFAIRE :
[G] [L] [A] [I], [V] [C] [X] C/ S.C.P. [7], [ZJ] [P]
JUGEMENT DU 09 Janvier 2025
COMPOSITION DU TRIBUNAL :
PRÉSIDENT : Madame Alexandra MATTIOLI
JUGES : Madame Amandine ANCELIN
Madame Chantal MENNECIER
GREFFIER lors des débats : Monsieur Alexandre JACQUOT
GREFFIER lors du prononcé : Madame Nasima BOUKROUH,
DÉBATS :
A l’audience publique du 07 Novembre 2024
mis en délibéré au 09 Janvier 2025
JUGEMENT :
Rendu après débats publics par mise à disposition au greffe, par décision contradictoire et en premier ressort.
Copie exécutoire à la SCP LOUSTAUNAU FORNO
Me Arnaud LUCIEN
Délivrées le
Copie dossier
NOM DES PARTIES :
DEMANDEURS :
Monsieur [G] [I]
demeurant [Adresse 5]
[Localité 1]
Madame [V] [X]
demeurant [Adresse 5]
[Localité 1]
représentés par Me Arnaud LUCIEN, avocat au barreau de TOULON.
D’UNE PART ;
DEFENDEURS :
Maître [ZJ] [P],
Notaire dont l’office notarial est à – [Localité 4]
S.C.P. [7],
notaires associés, dont le siège social est sis [Adresse 15] –
[Localité 8]
représentés par Maître Jean-luc FORNO de la SCP LOUSTAUNAU FORNO, avocats au barreau de DRAGUIGNAN,
D’AUTRE PART ;
EXPOSE DU LITIGE
Par acte du 17 juin 1981, Madame [M] [E] veuve [J] aux droits de laquelle vient Madame [Y] [E], a consenti à Monsieur [K] un bail emphytéotique d’une durée de 26 ans sur un terrain composé de plusieurs parcelles, situées sur la Commune de [Localité 10], aux fins de création et exploitation d’un camping-caravaning, village de chalets de vacances, terrains de sport et de jeux, piscines et attractions diverses nommées « [Adresse 16] ».
Par acte du 11 août 1982, auquel est intervenue Madame [E], Monsieur [K] a cédé ce bail, pour une partie de terrain, à Monsieur [R] [H] [W], aux droits duquel est venue Madame [HD] [T] veuve [H] [W], la durée étant prorogée à soixante ans à compter du 1er juillet 1982.
Par acte d’huissier en date du 23 novembre 2012, Madame [E] a assigné Madame [HD] [T] veuve [H] [W] aux fins de voir prononcer la résiliation du bail emphytéotique.
Statuant sur renvoi après cassation, la Cour d’Appel de LYON, selon arrêt en date du 22 septembre 2022, a prononcé la résiliation du bail emphytéotique du 11 août 1982 et ordonné l’expulsion de Madame [T] des lieux loués, dénommés [Adresse 16], situés à [Localité 10] (Var) lieudits [Localité 14] et [Localité 9], ainsi que de tout occupant de son chef.
Or, par acte notarié signé par devant Maître [P], anciennement associé de la SCP [6] [P], devenue SCP [7], en date du 20 Juin 2016, Monsieur [G] [I] et Madame [N] [X] ont acquis de Monsieur [F] et Madame [O], vendeurs, le droit au bail s’agissant des parcelles cadastrées section A n° [Cadastre 2] et [Cadastre 3] dépendant du terrain sis [Localité 11] [Localité 14]. La durée du bail était fixée pour une durée venant à expiration le 1er janvier 2040, non renouvelable par tacite reconduction.
Le 14 mars 2019, Monsieur [I] était informé par courriel de la tenue d’une réunion le 29 mars 2019, concernant la procédure de résiliation du bail emphytéotique.
Faisant valoir le défaut de vérifications et d’information du notaire, Monsieur [G] [I] et Madame [V] [X], suivant actes des 15 et 31 mars 2021, ont fait assigner La SCP [6] et [P] et Maître [ZJ] [P] devant le tribunal judiciaire de DRAGUIGNAN afin d’obtenir l’indemnisation des préjudices en résultant.
Par ordonnance d’incident en date du 12 avril 2022, le Juge de la mise en état a ordonné le sursis à statuer dans l’attente de la décision à venir quant à l’instance opposant Madame [E] et Madame [HD] [T] veuve [H] [W]. L’arrêt de la Cour d’Appel de LYON ayant été rendu le 22 septembre 2022, l’affaire a été remise au rôle.
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Dans leurs conclusions du 7 novembre 2023, Monsieur [G] [I] et Madame [V] [X] demandent au tribunal de :
Vu l’article 1240 du Code Civil,
Vu l’acte de cession/ vente du 20 juin 2016.
Vu l’arrêt de la Cour d’Appel DE LYON du 22 Septembre 2022,
Vu l’arrêt de la Cour d’Appel d’AIX EN PROVENCE du 17 janvier 2019,
-DIRE ET JUGER que Maître [P] et la SCP [6] [P] ont commis un manquement à leurs obligations de vérification des éléments utiles à l’efficacité de l’acte,
-CONDAMNER in solidum Maître [P] et la SCP [6] [P] au paiement de la somme de 50 000 € au titre du préjudice matériel outre les frais de notaire d’un montant de 3785,90 € ;
-DIRE ET JUGER que cette faute est en lien direct avec les préjudices financiers et moraux rencontrés et décrits par les consorts [I] [X],
-CONDAMNER in solidum Maître [P] et la SCP [6] [P] au paiement de la somme de 25 600 € au titre du préjudice de jouissance, somme à parfaire jusqu’à parfait jugement ainsi que la somme de 30 000 € à titre de dommages et intérêts,
-DIRE n’y avoir lieu à écarter l’exécution provisoire,
-CONDAMNER in solidum Maître [P] et la SCP [6] [P] au paiement de la somme de 5.000 €, sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens ;
-DIRE que les dépens seront employés en frais privilégiés de compte, liquidation et partage, et en ordonner distraction au profit de Maître Arnaud LUCIEN, Avocat constitué.
Au soutien de leurs demandes, ils font valoir qu’il appartient au notaire, lors d’une cession de droit au bail, de faire participer le bailleur ou obtenir son autorisation, mais également d’informer les nouveaux cessionnaires des éléments qui pourraient avoir une incidence sur ses droits et notamment des diverses cessions antérieures, ou encore des révisions de loyer réalisées, ou en cours. Or, en l’espèce, il n’est aucunement fait mention dans l’acte de vente de la révision du loyer ou de la procédure en cours tendant à la révision du loyer qui aura une répercussion sur les loyers des résidents. Le notaire est responsable de la régularité des actes qu’il dresse et engage sa responsabilité en cas de vérifications ou d’informations insuffisantes. Ils estiment que le notaire ne pouvait ignorer qu’une procédure était en cours alors que la situation était médiatisée.
Ils subissent un préjudice consistant en l’impossibilité de jouir paisiblement du droit au bail acquis par Monsieur [I] et de mettre à la location le chalet. Ils sollicitent ainsi le remboursement des sommes engagées lors de l’achat du droit au bail, les pertes locatives subies entre 2019 et 2022 ainsi qu’une indemnisation de la précarité subie.
Dans leurs conclusions du 31 mai 2023, la SCP [6] et [P] et Maître [ZJ] [P] demandent au tribunal de :
Vu l’article 1240 du Code Civil,
Vu les pièces versées aux débats,
• Juger qu’ils n’ont commis aucun manquement fautif, ayant causé le préjudice invoqué par Monsieur et Madame [G] [I],
• Juger que les époux [I] ne justifient d’aucun préjudice indemnisable causé par un manquement de Maître [ZJ] [P] et de la SCP [7],
• Débouter les époux [I] de l’ensemble de leurs demandes,
• Condamner Monsieur et Madame [G] [I] à leur payer la somme de
10 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi tant par Maître [P] que l’étude notariale et sanctionnant l’action abusive des époux [I],
• Condamner Monsieur et Madame [G] [I] à leur payer la somme de 6 000 € au titre des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu’aux entiers dépens distraits au profit de Maître Jean-Luc FORNO, avocat, membre de la SCP LOUSTAUNAU FORNO, sur ses offres et affirmations de droit.
• Dire y avoir lieu à écarter l’exécution provisoire.
Les notaires font valoir que, contrairement aux allégations des demandeurs, ils n’avaient aucune connaissance de la procédure en cours entre le propriétaire du terrain et le bailleur, de sorte qu’ils ne pouvaient en informer les consorts [I]. Ils rappellent que la résiliation du bail emphytéotique n’a été prononcée par le tribunal judiciaire de Draguignan que le 17 janvier 2019, soit bien après la signature de l’acte.
Ils ajoutent que les demandeurs ne procèdent que par affirmation sans produire aucun élément de preuve et qu’au surplus :
-Maître [ZJ] [P] a concouru à l’acte avec sa consœur Maître [D] [S], notaire à [Localité 12] (25),
-Le lien de causalité entre le préjudice invoqué et le manquement reproché au notaire fait défaut,
-Monsieur et Madame [I] font état d’un préjudice qui ne saurait être supporté par l’étude notariale et auraient dû exercer leur action à l’encontre de Monsieur [U] [BF] [F] et Madame [B] [Z] [O], leurs co-contractants.
Estimant la procédure introduite à leur encontre approximative et abusive, les notaires sollicitent la condamnation des demandeurs à leur payer une somme de 10.000 euros au titre du préjudice moral subi.
La procédure a été clôturée par ordonnance du 11 avril 2024 et renvoyée à l’audience collégiale du 7 novembre 2024, à l’issue de laquelle les parties ont été informées de la mise en délibéré de la décision par mise à disposition au greffe le 09 janvier 2025.
Sur les demandes de dommages et intérêts de Monsieur [G] [I] et Madame [V] [X]
Sur l’existence d’une faute du notaire
L’article 1240 du Code civil dispose que « tout fait de l’homme qui cause un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ».
Par sa qualité d’officier public, le notaire est tenu d’assurer l’efficacité et la sécurité des actes auxquels il prête son concours ou est requis de donner la forme authentique. Dans ces circonstances, il lui appartient d’éclairer les parties et d’appeler leur attention, de manière complète et circonstanciée, sur la portée et les effets de ceux-ci.
Pour garantir l’efficacité et la validité de l’acte, il appartient au notaire de rechercher la volonté des parties, de prendre les initiatives nécessaires, et de se renseigner avec précision afin de déceler les obstacles juridiques qui pourraient s’opposer à l’efficacité de l’acte qu’il instrumente. Toutefois, tenu d’une obligation de moyen, le notaire n’est pas soumis à une obligation d’investigation illimitée, dès lors que son étendue dépend des possibilités effectives de contrôle et de vérification. En effet, la responsabilité du notaire, qui aura accompli les contrôles juridiques nécessaires, ne peut être engagée que si cet officier public pouvait douter de l’efficacité de l’opération envisagée au moment de la signature des actes qu’il instrumente. Ce n’est que dans ce cas qu’il peut lui être reproché de ne pas avoir accompli des investigations complémentaires.
En l’espèce, Monsieur [I] et Madame [X] font grief à Maître [P] de ne pas les avoir informés du contentieux existant entre Madame [E], la propriétaire et bailleresse du domaine « [Adresse 16] » et Madame [H] [W].
Aux termes d’un arrêt du 22 septembre 2022, la cour d’appel de LYON a prononcé la résiliation du bail emphytéotique du 11 août 1982 qui fonde la cession du droit au bail de Monsieur [H] [W] à Monsieur [F] et Madame [O] en 1991 et 1997. Par l’effet de cette décision, Monsieur [I] et Madame [X] ont perdu leur droit au bail et leur titre d’occupation des lieux. Ces derniers produisent une mise en demeure de quitter le site de « [Adresse 16] » émanant du conseil de Madame [H] [W] en date du 17 juillet 2023.
La lecture de l’arrêt du 22 septembre 2022 permet d’apprendre que le bail emphytéotique du 11 août 1982 est l’objet d’un contentieux depuis le 15 juin 2004, Madame [E] ayant initié une procédure en révision du loyer, puis le 23 novembre 2012 une demande de résolution du bail emphytéotique pour non-paiement.
Monsieur [I] et Madame [X] exposent qu’ils ignoraient tout de ce contentieux à la signature de l’acte instrumenté par Maître [P] le 20 juin 2016 et qu’ils n’en ont été informés qu’en 2019. Ils indiquent avoir reçu notamment le 14 mars 2019 un courriel d’information quant à la tenue d’une réunion concernant la procédure de résiliation du bail emphytéotique et avoir découvert sur le site « Doctrine » un arrêt de la cour d’appel d’Aix-en-Provence du 17 janvier 2019 concernant le litige qui opposait Madame [E] et Madame [H] [W].
Monsieur [I] et Madame [X] reprochent ainsi au notaire de ne pas avoir fait mention dans l’acte de vente d’une procédure en cours tendant à la révision des loyers. Ils soutiennent sur leur premier moyen que le notaire n’a pas vérifié les diverses cessions antérieures et les révisions de loyers en cours et sur le second moyen, que le notaire ne pouvait pas ignorer la procédure en cours, en l’état de sa médiatisation.
Sur le premier moyen, il convient d’observer que l’acte du 20 juin 2016, en page 3 pour la parcelle cadastrée section A n°[Cadastre 2] et en page 6 pour la parcelle cadastrée section A n°[Cadastre 3], mentionne que le bail emphytéotique cédé a eu lieu « sous diverses clauses, charges et conditions que les parties jugent inutiles de rappeler ici, ce dont elles dispensent en conséquence expressément le notaire soussigné. Desquelles clauses, charges et conditions, LE CESSIONNAIRE déclare et reconnaît au surplus avoir pris une entière connaissance tant par la lecture que lui en a faite du bail le notaire soussigné, que par celle qu’il en a faite lui-même, au cours de ses pourparlers préalables avec [13] d’une copie de cet acte que ce dernier lui avait communiqué pour qu’il fût à même d’apprécier l’étendue de ses obligations ».
Cette mention eu égard aux déclarations des parties, confirmées par elles au moment de la signature de l’acte, relève de leur volonté propre et affirmée de ne pas faire apparaître toutes les informations concernant le bail cédé. Pour autant, certaines charges et conditions jugées utiles par les parties, ont été littéralement retranscrites.
En tout état de cause, contrairement à ce que les demandeurs soutiennent, le notaire n’était pas tenu de vérifier la chaîne de cessions depuis son origine alors même que s’agissant d’un bail emphytéotique, le preneur dispose d’un droit réel sur la chose. Quand bien même le notaire aurait réalisé des investigations complémentaires pour vérifier les déclarations des cédants, il n’est pas établi qu’en remontant la chaîne de cessions du droit au bail depuis son origine, le notaire aurait eu connaissance des procédures en cours initiées par Madame [Y] [E]. Le bail cédé ne fait d’ailleurs pas référence à Madame [Y] [E], ou à son auteur Madame [M] [E] veuve [J]. Il est rappelé que monsieur [F] et madame [O] tenaient leurs droits de monsieur [H] [W] à qui la cession a bien été notifiée conformément à la réglementation en vigueur et qu’il n’existait aucune action en cours entre ce dernier et ses locataires. En tout état de cause, l’obligation d’information quant à l’existence d’une action judiciaire en cours ne pourrait peser que sur l’une des parties à cette procédure et aucunement sur le Notaire qui n’avait aucun moyen d’en avoir connaissance autrement que par les déclarations des parties à l’acte en l’espèce.
Il s’ensuit qu’il n’est pas rapporté par Monsieur [I] et Madame [X] d’éléments pouvant faire douter le notaire de l’efficacité de l’opération envisagée au moment de la signature de l’acte et pour lesquels il aurait du réaliser des investigations complémentaires.
Sur le second moyen, il n’est pas établi qu’au moment de la signature de l’acte de cession, Maître [P] avait pu avoir connaissance de la procédure judiciaire en cours. D’une part, aucune déduction ne peut être utilement tirée de la publication dans la presse locale, de l’article produit par Monsieur [I] et Madame [X], intitulé « [Localité 10] (83) : bataille autour d’un village de vacances, avec à la clé d’éventuelles expulsions », cet article certes antérieur à la cession pour avoir été publié le 27 mars 2013, n’est pas contemporain de la cession intervenue en 2016. Le second article « [Localité 10] : sous le coup d’une expulsion » est encore moins utile pour être daté du 12 avril 2019 et être postérieur à la cession. En outre, il sera rappelé que Maître [P] était notaire à [Localité 8], et non à [Localité 10] où se trouve le domaine « [Adresse 16] ».
Dès lors, aucune faute caractérisée par un manquement à son devoir d’information ou de vérification ne peut être retenue à l’encontre de Maître [ZJ] [P]. Monsieur [I] et Madame [X] seront déboutés de leurs demandes à l’encontre de Maître [ZJ] [P] et de la SCP [6] [P].
Sur la demande de dommages et intérêts de Maître [ZJ] [P] et de la SCP [7]
En application combinée des dispositions de l’article 32-1 du code de procédure civile et 1240 du code civil, celui qui agit en justice de manière abusive peut être condamné à réparer le préjudice qui en résulte.
L’exercice d’une action en justice constitue par principe un droit et ne dégénère en abus pouvant donner naissance à des dommages et intérêts qu’en cas de faute susceptible d’engager la responsabilité civile de son auteur.
L’appréciation erronée qu’une partie peut faire de ses droits n’est pas en elle-même constitutive d’un abus et l’action en justice ne dégénère en abus que s’il constitue un acte de malice ou de mauvaise foi.
Il n’est pas démontré que la procédure introduite par Monsieur [I] et Madame [X], bien qu’ils succombent en leurs prétentions, aurait dégénéré en abus de droit.
En conséquence, la demande de dommages et intérêts de Maître [ZJ] [P] et de la SCP [7] sera rejetée.
Sur les demandes accessoires
Aux termes de l’article 696 du Code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.
Monsieur [I] et Madame [X], qui succombent à l’instance, seront condamnés aux dépens de la présente procédure, lesquels seront recouvrés directement au profit du conseil des défendeurs qui en ont fait la demande conformément aux termes de l’article 699 du code de procédure civile.
Aux termes de l’article 700 du Code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans tous les cas, le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée.
Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à ces condamnations.
En l’espèce, Monsieur [I] et Madame [X], condamnés aux dépens et succombant à la présente procédure, seront condamnés à verser à Maître [ZJ] [P] et à la SCP [7] ensemble la somme de 2.500 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.
Le Tribunal, statuant publiquement, par jugement rendu par mise à disposition au greffe,
DEBOUTE Monsieur [G] [I] et Madame [V] [X] de l’ensemble de leurs demandes ;
DEBOUTE Maître [ZJ] [P] et la SCP [7] de leur demande de dommages et intérêts ;
CONDAMNE Monsieur [G] [I] et Madame [V] [X] aux entiers dépens ;
DIT que les dépens seront recouvrés directement au profit de Maître Jean-Luc FORNO, avocat, membre de la SCP LOUSTAUNAU FORNO ;
CONDAMNE Monsieur [G] [I] et Madame [V] [X] à payer à Maître [ZJ] [P] et la SCP [7] la somme unique de 2.500 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.
Ainsi jugé et prononcé par mise à disposition de la décision au greffe du tribunal, le NEUF JANVIER DEUX MILLE VINGT CINQ, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile.
Le greffier, Le Président,
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