Responsabilité notariale et point de départ de la prescription en matière d’indemnisation

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Responsabilité notariale et point de départ de la prescription en matière d’indemnisation

L’Essentiel : La SCI Le [13] a acquis un immeuble en 2011, mais a découvert en 2013 que son hangar empiétait sur des parcelles voisines. Après avoir régularisé partiellement la situation, elle a été impliquée dans une procédure de saisie immobilière concernant la SCI [12]. En 2022, la SCI [12] a vendu une parcelle litigieuse à la SCI Le [13] pour un euro. En août 2022, cette dernière a assigné Maître [G] et la SCP [9] en responsabilité professionnelle. Le 19 avril 2024, le juge a déclaré la demande recevable, tandis que les défendeurs ont interjeté appel, arguant de la prescription de la demande.

Acquisition de l’immeuble par la SCI Le [13]

La SCI Le [13] a acquis, le 5 août 2011, un immeuble à usage d’atelier d’une contenance de 4 ares 75 centiares pour un prix de 70 000 €. Cet immeuble, loué à 12 locataires, était déjà sous bail commercial depuis le 1er mai 2009.

Découverte de l’implantation du hangar

En 2013, la SCI Le [13] a découvert que son hangar était partiellement implanté sur deux autres parcelles, AM n°[Cadastre 7] et n°[Cadastre 8], appartenant respectivement à la SCI [12] et à la société [14]. Pour régulariser la situation, elle a acquis une partie de la parcelle de la société [14] pour un euro, mais n’a pas pu acquérir celle de la SCI [12] en raison d’une inscription hypothécaire.

Procédure de saisie immobilière

Le 18 septembre 2019, un jugement a ordonné la vente forcée d’un immeuble appartenant à la SCI [12] pour le recouvrement d’une créance. La SCI Le [13] a alors formé une tierce opposition contre cette décision. Le 2 septembre 2020, le jugement a été rétracté, mais la cour d’appel a finalement ordonné la poursuite de la saisie immobilière.

Achat de la parcelle litigieuse

Le 21 avril 2022, après mainlevée des hypothèques, la SCI [12] a vendu à la SCI Le [13] une parcelle sur laquelle se trouvait une partie du hangar, pour un euro.

Assignation en responsabilité professionnelle

Le 3 août 2022, la SCI Le [13] a assigné Maître [X] [G] et la SCP [9] en responsabilité professionnelle, demandant 91 764,53 euros en réparation de son préjudice. Les défendeurs ont soulevé la prescription de la demande.

Décision du juge de la mise en état

Le 19 avril 2024, le juge a déclaré la demande de la SCI Le [13] recevable et a débouté les défendeurs de leur fin de non-recevoir. L’affaire a été renvoyée à la mise en état pour le 1er juillet 2024.

Appel des défendeurs

Maître [G] et la SCP [9] ont interjeté appel de l’ordonnance, soutenant que la demande de la SCI Le [13] était prescrite. Ils ont demandé l’irrecevabilité de la demande et la condamnation de la SCI aux dépens.

Arguments des parties

Les appelants ont fait valoir que la SCI Le [13] était au courant du problème d’implantation depuis 2013 et n’avait pas agi en nullité de la vente. En revanche, la SCI Le [13] a soutenu que son préjudice n’était apparu qu’après la décision de la cour d’appel du 4 février 2021, date à laquelle elle a pu agir en responsabilité.

Décision de la cour d’appel

La cour a confirmé l’ordonnance du juge de la mise en état, considérant que le point de départ de l’action en responsabilité était la date de réalisation du dommage, soit le 4 février 2021. Elle a également condamné Maître [G] et la SCP [9] à payer 2 000 euros à la SCI Le [13] au titre de l’article 700 du code de procédure civile et a rejeté les autres demandes.

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la nature de la responsabilité du notaire dans le cadre de l’acte de vente ?

La responsabilité du notaire, en tant que rédacteur d’un acte de vente, est régie par l’article 1382 du Code civil, qui stipule que « tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ».

Dans le cas présent, la SCI Le [13] a assigné le notaire pour obtenir réparation d’un préjudice résultant de l’acte de vente du 5 août 2011.

Le juge a relevé que l’action en responsabilité a pour point de départ le jour de réalisation du dommage.

En l’espèce, le dommage s’est manifesté lorsque la SCI Le [13] a pris conscience du risque d’éviction lié à la procédure de saisie immobilière engagée contre la SCI [12].

Ce risque a été confirmé par l’arrêt de la cour d’appel du 4 février 2021, qui a autorisé la poursuite de la vente forcée.

Ainsi, la SCI Le [13] a pu agir en indemnisation à partir de cette date, ce qui rend sa demande recevable.

Comment se détermine le point de départ de la prescription en matière de responsabilité civile ?

Le point de départ de la prescription en matière de responsabilité civile est précisé par l’article 2224 du Code civil, qui dispose que « les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer ».

Dans cette affaire, la SCI Le [13] a soutenu que le dommage n’était apparu qu’à partir de la décision de la cour d’appel du 4 février 2021.

Le juge a retenu que c’est à cette date que la SCI a eu connaissance du risque d’éviction, ce qui constitue le point de départ du délai pour agir en responsabilité contre le notaire.

Ainsi, la demande formée le 3 août 2022 n’est pas prescrite, car elle a été introduite dans le délai de cinq ans suivant la réalisation du dommage.

Quelles sont les conséquences de la reconnaissance de responsabilité sur la prescription ?

La reconnaissance de responsabilité peut avoir un effet interruptif sur la prescription, conformément à l’article 2240 du Code civil, qui stipule que « la reconnaissance de la dette par le débiteur interrompt la prescription ».

Dans le cas présent, la SCI Le [13] a argué que l’attitude des appelants, qui ont cherché à régulariser la situation, constitue une reconnaissance de responsabilité.

Cependant, les appelants ont contesté cette interprétation, affirmant qu’aucune faute n’avait été établie à leur encontre.

Le juge a conclu que la demande de la SCI Le [13] était recevable et que la prescription n’était pas acquise, car le point de départ de l’action en responsabilité était la date de réalisation du dommage, soit le 4 février 2021.

Quelles sont les implications de l’article 700 du Code de procédure civile dans cette affaire ?

L’article 700 du Code de procédure civile prévoit que « la partie perdante peut être condamnée à payer à l’autre partie une somme au titre des frais irrépétibles ».

Dans cette affaire, la SCI Le [13] a demandé des dommages-intérêts au titre de cet article, ainsi que le remboursement des dépens.

Le juge a condamné Maître [X] [G] et la SCP [9] à payer à la SCI Le [13] une somme de 2000 euros au titre de l’article 700, en raison de leur statut de partie perdante.

Toute autre demande formée à ce titre a été rejetée, ce qui souligne l’importance de la décision du juge concernant les frais de justice dans le cadre de la procédure.

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

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COUR D’APPEL DE NANCY

Première Chambre Civile

ARRÊT N° /2025 DU 13 JANVIER 2025

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 24/00938 – N° Portalis DBVR-V-B7I-FLOZ

Décision déférée à la Cour : ordonnance du juge de la mise en état du tribunal judiciaire de VAL DE BRIEY, R.G.n° 22/01024, en date du 19 avril 2024,

APPELANTS :

Maître [X] [G]

Notaire

domicilié professionnellement [Adresse 3]

Représenté par Me Frédéric BARBAUT de la SELARL MAITRE FREDERIC BARBAUT, avocat au barreau de NANCY

S.C.P. [9], prise en la personne de son représentant légal, pour ce domicilié au siège social, sis [Adresse 3]

Représentée par Me Frédéric BARBAUT de la SELARL MAITRE FREDERIC BARBAUT, avocat au barreau de NANCY

INTIMÉE :

S.C.I. [13], prise en la personne de son représentant légal, pour ce domicilié au siège social, sis [Adresse 1]

Représentée par Me Hervé MERLINGE de la SCP SIBELIUS AVOCATS, avocat au barreau de NANCY, avocat postulant

Plaidant par Me Alain MORHANGE, avocat au barreau de METZ

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 21 Octobre 2024, en audience publique devant la Cour composée de :

Madame Nathalie CUNIN-WEBER, Président de Chambre, chargé du rapport,

Monsieur Thieery SILHOL, Président de Chambre,

Monsieur Jean-Louis FIRON, Conseiller,

qui en ont délibéré ;

Greffier, lors des débats : Madame Laurène RIVORY ;

A l’issue des débats, le Président a annoncé que l’arrêt serait rendu par mise à disposition au greffe le 13 Janvier 2025, en application de l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

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Copie exécutoire délivrée le à

Copie délivrée le à

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ARRÊT : contradictoire, rendu par mise à disposition publique au greffe le 13 Janvier 2025, par Madame PERRIN, Greffier, conformément à l’article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile ;

signé par Madame CUNIN-WEBER, Président, et par Madame PERRIN, Greffier ;

FAITS ET PROCÉDURE :

Selon acte reçu par Maître [X] [G], notaire à [Localité 10], le 5 août 2011, la SCI Le [13] a acquis de la SCI [16] un immeuble à usage d’atelier (hangar métallique) cadastré section AM n°[Cadastre 2] sis [Adresse 5] à [Localité 11] d’une contenance de 4 ares 75 centiares au prix de 70000 €.

L’acte mentionne que le bien est à usage commercial et est loué à 12 locataires à usage de dépôt et de bureau et fait l’objet depuis le 1er mai 2009 d’un bail commercial portant sur un bureau, une boîte aux lettres à la société [15].

En 2013, la SCI Le [13] a appris que son hangar était implanté à la fois sur la parcelle AM n°[Cadastre 2] acquise, mais aussi sur la parcelle AM n°[Cadastre 7], propriété de la SCI [12] et sur la parcelle n°[Cadastre 8], propriété de la société [14].

Pour régulariser la situation du bien, la SCI Le [13] a pu acquérir de la S.A.R.L. [14] partie de la parcelle où est implanté son hangar (devenir section AM n°[Cadastre 4] d’une contenance de 4 ares 25 centiares) moyennant le prix symbolique de un euro. Cette acquisition n’a, en revanche, pas été possible pour la parcelle appartenant à la SCI [12] sur laquelle le Trésor Public disposait d’une inscription hypothécaire.

Par jugement du 18 septembre 2019, le juge de l’exécution a ordonné la vente forcée par adjudication d’un « immeuble sis [Adresse 6] à [Localité 11] cadastré section AM n°[Cadastre 7] d’une contenance de 583 m² comprenant des locaux d’activité d’une surface utile de 441 m² » appartenant à la SCI [12] au profit du comptable du pôle de recouvrement spécialisé de Meurthe et Moselle dont la créance a été fixée à 41428 euros.

La SCI Le [13] a assigné le pôle de recouvrement spécialisé en tierce opposition.

Par jugement du 2 septembre 2020, le juge de l’exécution a rétracté le jugement du 18 septembre 2019, mais sur appel du pôle de recouvrement spécialisé, la cour d’appel de Nancy a, par arrêt en date du 4 février 2021, dit n’y avoir lieu à rétractation et ordonné la poursuite de la procédure de saisie immobilière. Faute d’acquéreur, le pôle de recouvrement spécialisé s’est désisté de sa demande.

Par acte reçu le 21 avril 2022, après accord de mainlevée sans paiement des hypothèques du Trésor public, la SCI [12] a vendu à la SCI Le [13] un terrain sur lequel est édifié partie d’un hangar métallique cadastré section AM n°[Cadastre 7] sis [Adresse 6] à [Localité 11], d’une contenance de 5 ares 83 centiares au prix symbolique de un euro.

Par assignation délivrée le 3 août 2022, la SCI Le [13] a fait citer Maître [X] [G] et la SCP [9], devant le tribunal judiciaire aux fins de mise en cause de leur responsabilité professionnelle.

Elle demande, au visa de l’article 1231-1 du code civil, de les condamner à lui verser la somme de 91764,53 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du jugement, outre aux dépens et à lui verser la somme de 6000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions du 12 juin 2023, les défendeurs ont saisi le juge de la mise en état au visa de l’article 789 du code de procédure civile et aux fins de s’entendre déclarer la demande prescrite.

Par ordonnance contradictoire du 19 avril 2024, le juge de la mise en état de Val de Briey a :

– déclaré Maître [X] [G] et la SCP [9] mal fondés en leur fin de non-recevoir et les en a déboutés,

– déclaré la SCI [13] recevable en la forme en sa demande,

– condamné Maître [X] [G] et la SCP [9] aux dépens de la procédure d’incident,

– débouté les parties de leurs autres demandes, plus amples ou contraires,

– renvoyé l’affaire à la mise en état électronique du lundi 1er juillet 2024.

Pour statuer ainsi, sur la prescription, le juge a relevé que l’action en responsabilité dirigée contre un notaire en sa qualité de rédacteur d’un acte de vente, a pour point de départ le jour de réalisation du dommage de l’acquéreur.

Le juge a constaté que le dommage pour la SCI Le [13] s’est manifesté par la procédure d’exécution forcée immobilière engagée par le pôle de recouvrement spécialisé contre la SCI [12], qui lui occasionne un risque d’éviction qu’elle a contesté en formant une tierce opposition, dont le sort n’a été définitivement connu que le 4 février 2021, date de l’arrêt de rejet de la cour d’appel de Nancy. Il en déduit que c’est à compter de cette date que la SCI Le [13] était en mesure d’agir en indemnisation de son éventuel préjudice, de sorte que la demande formée le 3 août 2022 n’est pas prescrite et est recevable en la forme.

Par déclaration reçue sous la forme électronique, le 14 mai 2024, Maître [G] et la SCP [9] ont relevé appel de cette ordonnance.

Au dernier état de la procédure, par conclusions reçues au greffe de la cour d’appel sous la forme électronique le 21 mai 2024, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, Maître [G] et la SCP [9] demandent à la cour, de :

– infirmer l’ordonnance du juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Val de Briey en date du 19 avril 2024 en ce qu’elle a déclaré Maître [X] [G] et la SCP [9] mal fondés en leur fin de non recevoir et les en a déboutés, et les a condamnés aux dépens de la procédure d’incident,

Statuant à nouveau,

– prononcer l’irrecevabilité des demandes de la SCI Le [13] à l’encontre de Maître [G] et de la SCP [9] comme étant prescrites,

– condamner la SCI Le [13] à payer à Maître [G] et à la SCP [9] la somme de 5000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner la SCI Le [13] aux entiers dépens de première instance et d’appel.

Au dernier état de la procédure, par conclusions reçues au greffe de la cour d’appel sous la forme électronique le 10 juin 2024, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, la SCI Le [13] demande à la cour, de :

– confirmer l’ordonnance du juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Val de Briey en date du 19 avril 2024,

– juger en conséquence, recevables les demandes de la SCI Le [13],

– condamner Maître [X] [G] et la SCP [9] à payer à la SCI Le [13] une somme de 5000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles d’appel,

– condamner Maître [X] [G] et la SCP [9] aux dépens.

La clôture de l’instruction a été prononcée par ordonnance du 26 août 2024.

L’audience de plaidoirie a été fixée le 21 octobre 2024 et le délibéré au 13 janvier 2025.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Vu les dernières conclusions déposées par Maître [G] et la SCP [9] le 21 mai 2024 et par la SCI Le [13] le 10 juin 2024 et visées par le greffe, auxquelles il convient de se référer expressément en application de l’article 455 du code de procédure civile ;

Vu la clôture de l’instruction prononcée par ordonnance du 26 août 2024 ;

Sur le bien fondé de l’appel

A l’appui de leur recours les appelants indiquent que la difficulté concernant les effets de la vente passée par acte authentique le 5 août 2011, qui ne comprenait que la parcelle cadastrée AM. n° [Cadastre 2] seule propriété de la SCI cédante, alors que le hangar en litige était bâti sur trois parcelles (cadastrées AM. n°[Cadastre 7] et [Cadastre 8]) était connue de la part de la SCI Le [13] depuis le constat d’huissier de justice du 1er octobre 2013 ;

Ils indiquent que la société acquéreur n’a pas poursuivi la nullité de la vente mais a souhaité acquérir les deux parcelles d’assise de son hangar non cédées ;

Ainsi la parcelle n°[Cadastre 8] a été acquise le 15 septembre 2020 après division de sa parcelle, pour un euro ;

En revanche pour la dernière parcelle, propriété de la société [12], l’acquisition projetée a été bloquée du fait de l’existence d’inscriptions hypothécaires de la part du Trésor Public qui a poursuivi l’exécution de sa créance en vente forcée prononcée par le tribunal de Val de Briey le 18 septembre 2019 ;

La procédure de tierce opposition diligentée ensuite par la SCI Le [13], s’est soldée par une décision de rejet par la cour de ce siège en date du 4 février 2021, qui a autorisé la poursuite de la vente forcée qui cependant, n’a pas prospéré ; ce n’est qu’après désistement du Trésor Public et mainlevée des inscriptions, que la SCI Le [13] a pu acquérir la parcelle en litige par acte du 21 avril 2022 ;

S’agissant de la recherche d’une faute prétendument faite par le notaire, Maître [G], ils opposent à cette action la fin de non-recevoir tirée de la prescription quinquennale, en retenant comme point de départ de l’action, au plus tard le 1er octobre 2013, date du contrat d’huissier de justice établissant le problème d’implantation du hangar acquis ; ils affirment que l’arrêt de la cour d’appel du 4 février 2021, ne statue pas sur la propriété de la parcelle AM. n°[Cadastre 7], dont le titulaire était la SCI [12], en ce qu’il autorise la poursuite de la vente de ce bien en recouvrement de sa créance ;

Ils contestent toute reconnaissance de faute, interruptive de prescription, en l’absence de faute établie à leur encontre ;

En réponse la SCI [13] considère qu’elle n’a subi un préjudice qu’à compter de la décision de la cour d’appel du 4 février 2021 aux termes de laquelle elle encourrait un risque d’éviction, et que cette date est le point de départ du délai pour agir en responsabilité contre la société de notaires ayant concouru à l’acte d’acquisition du hangar en litige ;

Ainsi conformément à la jurisprudence de la Cour de cassation, le point de départ en matière de recherche de responsabilité est la date de réalisation du dommage ;

Or en l’espèce, outre le risque d’éviction du fait de la poursuite de la procédure de vente forcée par le PRS, il existe un préjudice fiscal qui n’a été révélé qu’au moment de la cession des parcelles manquantes et de leur inscription au cadastre, laquelle génère une taxation foncière plus importante que celle énoncée initialement ; il existe depuis le 15 septembre 2020 pour la parcelle n° [Cadastre 4] et le 21 avril 2022 pour celle n° [Cadastre 7] ; or il est constant qu’une action en responsabilité ne peut être envisagée qu’à partir d’un dommage certain et non à partir d’un fait susceptible de générer un dommage ;

Enfin elle relève que l’attitude des appelants ayant à coeur de régulariser l’anomalie consécutive à la cession, vaut reconnaissance de responsabilité, interruptive de prescription ;

Aux termes de l’article 2224 du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer ;

Il résulte de ces dispositions que l’action en responsabilité dirigée contre un notaire en sa qualité de rédacteur d’un acte de vente, a pour point de départ le jour de réalisation du dommage de l’acquéreur ;

En l’espèce, tel que retenu par le premier juge, la manifestation du dommage est intervenue pour la SCI Le [13] qui a acheté un hangar industriel affecté à la location pour y entreposer des véhicules en tous genres, lorsqu’elle a acquis la certitude qu’elle pouvait être privée de la pleine propriété de celui-ci du fait de la poursuite de la procédure de vente forcée par l’administration fiscale contre la société [12] propriétaire de la dernière parcelle d’assise du bâtiment, soit le 4 février 2021, date de l’arrêt de la cour d’appel de ce siège l’ayant validé ;

En conséquence, l’action en responsabilité diligentée par la SCI Le [13] contre le notaire et la SCP de notaires ayant concouru à l’acte de vente du 5 août 2011, a été initiée le 3 août 2022 ; dès lors il y a lieu de constater que la prescription n’est pas acquise ; l’ordonnance déférée sera par conséquent confirmée ;

Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens

La charge des dépens de la procédure de première instance sera confirmée ;

Maître [G] et la SCP [9], partie perdante, devront supporter les dépens de la procédure d’appel ; en outre ils seront condamnés à payer à la SCI Le [13] la somme de 2000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ; toute autre demande formée à ce titre sera en revanche rejetée ;

PAR CES MOTIFS,

LA COUR, statuant par arrêt contradictoire prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe,

Confirme l’ordonnance déférée,

Y ajoutant,

Condamne Maître [X] [G] et la SCP [9] à payer à la SCI Le [13] la somme de 2000 euros (DEUX MILLE EUROS) au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Rejette tout autre demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne Maître [X] [G] et la SCP [9] aux dépens de la procédure d’appel.

Le présent arrêt a été signé par Madame CUNIN-WEBER, Présidente de la première chambre civile de la Cour d’Appel de NANCY, et par Madame PERRIN, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Signé : C. PERRIN.- Signé : N. CUNIN-WEBER.-

Minute en sept pages.


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