L’Essentiel : Mme [E] [R] consulte le Docteur [D] pour des douleurs lombaires, entraînant une intervention chirurgicale le 5 janvier 2017. Suite à une malposition du matériel, plusieurs reprises chirurgicales sont nécessaires, dont une pour une infection post-opératoire. Mme [R] saisit la Commission de conciliation et d’indemnisation des accidents médicaux pour obtenir réparation, invoquant la responsabilité du Docteur [D] et de l’Hôpital [7]. Les experts concluent que les complications sont liées à la prise en charge, mais la CCI se déclare incompétente concernant l’infection. Finalement, le tribunal condamne l’Hôpital à indemniser Mme [R] pour son préjudice corporel.
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Exposé du litigeMme [E] [R] consulte le Docteur [D] pour des douleurs lombaires et crurales, entraînant une intervention chirurgicale le 5 janvier 2017. Suite à une malposition du matériel, plusieurs reprises chirurgicales sont nécessaires, dont une pour une fracture de L3 et une infection post-opératoire. Interventions chirurgicales et complicationsAprès l’arthrodèse initiale, Mme [R] subit une série d’interventions pour corriger les complications, notamment une infection causée par un Staphylococcus aureus. Elle reçoit un traitement antibiotique prolongé et continue de souffrir de lombalgies invalidantes. Demande d’indemnisationMme [R] saisit la Commission de conciliation et d’indemnisation des accidents médicaux pour obtenir réparation des préjudices subis, invoquant la responsabilité du Docteur [D] et de l’Hôpital [7]. Les experts identifient plusieurs complications post-opératoires, qualifiées d’aléas thérapeutiques. Rapport d’expertise et avis de la CCILes experts concluent que les complications sont imputables à la prise en charge de Mme [R], mais la CCI rend un avis d’incompétence concernant l’infection, ne répondant pas aux critères de gravité. L’assureur de l’hôpital propose une indemnisation amiable jugée insuffisante par Mme [R]. Assignation en justiceMme [R] assigne l’Hôpital [7], son assureur et la CPAM des Bouches-du-Rhône, demandant la reconnaissance de l’infection nosocomiale et une indemnisation de 22 788,62 €. Les parties défenderesses contestent la portée de leur responsabilité et demandent une limitation de celle-ci à 35 % des préjudices. Conclusions des partiesLa Fondation Hôpital Ambroise Paré et son assureur demandent le rejet des demandes de Mme [R] et de la CPAM, arguant que l’infection ne résulte pas d’une faute. La CPAM, quant à elle, réclame le remboursement de ses débours liés à l’infection. Décision du tribunalLe tribunal condamne l’Hôpital [7] et son assureur à indemniser Mme [R] pour son préjudice corporel à hauteur de 11 355,09 € et à verser 2 000 € au titre de l’article 700 du CPC. La CCSS des Hautes-Alpes est également indemnisée pour ses débours liés à l’infection nosocomiale. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelle est la responsabilité de l’Hôpital en cas d’infection nosocomiale ?L’article L.1142-1 du Code de la santé publique précise que : « I. – Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d’un défaut d’un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d’actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu’en cas de faute. Les établissements, services et organismes susmentionnés sont responsables des dommages résultant d’infections nosocomiales, sauf s’ils rapportent la preuve d’une cause étrangère. » Dans le cas de Mme [R], l’expertise a établi que l’infection nosocomiale était directement liée à l’intervention chirurgicale réalisée le 26 janvier 2017. L’Hôpital [7] a reconnu le caractère nosocomial de l’infection, mais a demandé à limiter sa responsabilité à 35% des préjudices, arguant que l’infection avait guéri sans séquelles. Ainsi, la responsabilité de l’Hôpital est engagée, mais elle peut être limitée si l’établissement prouve qu’il n’y a pas eu de faute dans l’organisation des soins. Comment évaluer le montant de l’indemnisation pour préjudice corporel ?L’évaluation du préjudice corporel se base sur plusieurs éléments, notamment les préjudices patrimoniaux et extra-patrimoniaux. Les préjudices patrimoniaux temporaires incluent les frais médicaux, les frais divers et l’assistance d’une tierce personne. Les préjudices extra-patrimoniaux temporaires comprennent le déficit fonctionnel temporaire, les souffrances endurées et le préjudice esthétique. Dans le cas de Mme [R], le tribunal a retenu les montants suivants : – **Frais divers** : 614,81€ Le total des préjudices s’élève donc à 11 355,09€, qui sera soumis à des intérêts au taux légal à compter du jugement, conformément à l’article 1231-7 du Code civil. Quelles sont les implications de l’article 700 du Code de procédure civile ?L’article 700 du Code de procédure civile stipule que : « La partie qui succombe dans ses prétentions peut être condamnée à payer à l’autre partie une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. » Dans cette affaire, le tribunal a condamné l’Hôpital [7] et son assureur à verser 2 000 € à Mme [R] au titre de l’article 700, en reconnaissance des frais engagés pour obtenir la réparation de ses droits. De plus, une somme de 800 € a été allouée à la CCSS des Hautes-Alpes pour ses frais de gestion, également en vertu de cet article. Ces dispositions visent à garantir que les parties ne subissent pas de pertes financières en raison des frais de justice, renforçant ainsi l’accès à la justice. |
DE MARSEILLE
PREMIERE CHAMBRE CIVILE
JUGEMENT N°25/12 DU 09 Janvier 2025
Enrôlement : N° RG 23/11784 – N° Portalis DBW3-W-B7H-4EPK
AFFAIRE : Mme [E] [R]( Me Fabrice LABI)
C/ HOPITAL [7] (Me Charlotte SIGNOURET)
DÉBATS : A l’audience Publique du 07 Novembre 2024
COMPOSITION DU TRIBUNAL :
Président : SPATERI Thomas, Vice-Président
BERGER-GENTIL Blandine, Vice-Présidente, juge rapporteur
BERTHELOT Stéphanie, Vice-Présidente
Greffier lors des débats : ALLIONE Bernadette
Vu le rapport fait à l’audience
A l’issue de laquelle, les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le : 09 Janvier 2025
Jugement signé par SPATERI Thomas, Vice-Président et par BESANÇON Bénédicte, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
NATURE DU JUGEMENT
contradictoire et en premier ressort
NOM DES PARTIES
DEMANDERESSE
Madame [E] [R] née le [Date naissance 4] 1698 à [Localité 10] (TUNISIE), demeurant [Adresse 6]
représentée par Me Fabrice LABI, avocat au barreau de MARSEILLE,
CONTRE
DEFENDEURS
Compagnie d’assurance RELYENS MUTUAL INSURANCE, dont le siège social est sis [Adresse 2]
représentée par Me Charlotte SIGNOURET, avocat au barreau de MARSEILLE
L’HOPITAL [7], dont le siège social est sis [Adresse 5]
représenté par Me Charlotte SIGNOURET, avocat au barreau de MARSEILLE
LA CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DES BOUCHES DU RHONE, dont le siège social est sis [Adresse 3]
représentée par Maître Régis CONSTANS de la SCP VINSONNEAU PALIES-NOY-GAUER & ASSOCIES, avocats au barreau de MARSEILLE
LA CAISSE COMMUNE DE SECURITE SOCIALE DES HAUTES ALPES prise en la personne de son directeur en exercice venant aux droits de la CPAM des Bouches du Rhône, dont le siège social est sis [Adresse 1], PARTIE INTERVENANTE
représentée par Maître Régis CONSTANS de la SCP VINSONNEAU PALIES-NOY-GAUER & ASSOCIES, avocats au barreau de MARSEILLE
Mme [E] [R] s’est adressée le 2 novembre 2016 au Docteur [D], exerçant à titre libéral en qualité de neurochirurgien au sein de l’HOPITAL [7] en raison de lombalgie et cruralgie bilatérales prédominantes à droite et évoluant depuis huit mois.
Une arthrodèse inter-somatique avec implantation d’une cage était indiquée puis réalisée le 5 janvier 2017.
Un scanner était réalisé montrant une malposition du matériel posé.
Une intervention de reprise était réalisée le 12 janvier 2017 au sein du même établissement de santé.
Un scanner réalisé le 23 janvier 2017 mettait en évidence une fracture corporéale de L3 justifiant une seconde reprise réalisée le 26 janvier 2017 par le Docteur [D], consistant en une stéosynthèse postérieure de L2 à L5 après ablation d’une arthrodèse L4-L5 qui avait été réalisée à l’hôpital de [8] en 2006.
Mme [R] regagnait son domicile le 3 février 2017.
Elle était à nouveau hospitalisée en urgence le 14 février 2017 pour une hyperthermie associée à une désunion de cicatrice postérieure.
Une troisième reprise chirurgicale a été réalisée le jour-même par le Docteur [D] pour mise à plat de la collection septique paravertébrale post-opératoire avec prélèvements bactériologiques et mise en place d’une antibiothérapie probabiliste. Les cultures issues des prélèvements pratiqués révélaient une contamination au Staphylococcus aureus sensible.
Mme [R] bénéficiait alors d’une antibiothérapie réadaptée par RIFADINE et OFLOCET poursuivie jusqu’au 2 juin 2017.
En raison de lombalgies invalidantes et persistantes, Mme [R] était reçue pour la dernière fois en consultation par le Docteur [D] le 2 août 2017.
Elle était ensuite suivie à compter du mois de juin 2018 par le Professeur [N] à la TIMONE qui posait une nouvelle indication opératoire et réalisait le 9 juillet 2018 une ostéotomie transpédiculaire en L4 et une ostéosynthèse postérieure Tl l-S1.
Mme [R] poursuivait un parcours de rééducation à la clinique [9] jusqu’au 10 août 2018, date à laquelle elle réintégrait son domicile.
Malgré une amélioration sensible de ses douleurs lombaires, Mme [R] se plaignait d’une cruralgie droite se manifestant au cours d’efforts prolongés.
C’est dans ces circonstances qu’elle saisissait la Commission de conciliation et d’indemnisation des accidents médicaux d’une demande d’indemnisation à l’encontre du Docteur [D] et de la Fondation Hôpital Ambroise Paré.
Les experts désignés le 21 septembre 2022, le Docteur [C] [O], neurochirurgien, et le Docteur [P], microbiologiste et spécialisé en hygiène hospitalière, déposaient leur rapport d’expertise médicale le 9 mai 2023, déclarant imputables à la prise en charge de Mme [R] trois complications post-opératoires distinctes :
– Une malposition de la cage intersomatique L3 L4 responsable d’une cruralgie gauche nécessitant reprise chirurgicale,
– Une fracture de L3 nécessitant une ablation du matériel d’ostéosynthèse L4 L5 et une ostéosynthèse postérieure L2 L5,
– Une infection de site opératoire nécessitant une chirurgie et un traitement d’antibiothérapie pendant trois mois.
Ils précisaient que « ces complications inhérentes à la chirurgie réalisée le 5 janvier 2017 ont eu une incidence limitée dans le temps mais certaine avec nécessité de trois reprises chirurgicales et une antibiothérapie prolongée pendant trois mois et demi pour infection de site opératoire. »
La malposition de la cage ainsi que la fracture de L3 consécutive à l’intervention initiale étaient qualifiées d’aléas thérapeutiques.
Un avis d’incompétence était rendu par la CCI le 31 mai 2023, faute pour le dommage imputable à l’infection de revêtir les critères de gravité nécessaires.
La société RELYENS, ès qualité d’assureur de l’HOPITAL [7], n’a pas contesté le caractère nosocomial de l’infection et a formulé une offre d’indemnisation amiable pour un montant de 7 732,09€ jugée insuffisante par Mme [R].
Suivant exploits en date des 08, 14 et 20 novembre 2023, Mme [E] [R] a assigné l’hôpital EUROPEEN, la société RELYENS et la CPAM des Bouches du Rhône devant le tribunal de céans aux fins :
– Dire et juger qu’elle a contracté une infection associée aux soins au cours de son hospitalisation au sein de l’HOPITAL [7],
– Dire et juger que l’HOPITAL [7] et son assureur sont tenus d’indemniser les conséquences dommageables de l’infection nosocomiale contractée, telles qu’évaluées par le rapport d’expertise contradictoire établi par les experts commis par la CCI, et ce en l’absence de toute cause étrangère,
Par conséquent,
– Condamner l’HOPITAL [7] et son assureur à indemniser les préjudices subis à hauteur de la somme totale de 22 788,62€,
– Condamner L’HOPITAL [7] et son assureur au paiement de la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du CPC,
– Condamner L’HOPITAL [7] et son assureur au entiers dépens de l’instance, dont distraction au profit de Me Fabrice LABI, sur son affirmation de droit.
Au soutien de ses demandes, elle soutient qu’il est établi par le rapport d’expertise qu’elle a contracté une infection associée aux soins au cours de son hospitalisation au sein de l’HOPITAL [7] ; que les experts ont, sans aucune discussion possible, identifié le point de départ de l’infection comme étant l’intervention chirurgicale pratiquée le 26 janvier 2017 aux fins de traitement de la fracture de L3 ; qu’il appartient dès lors à l’établissement de santé et à son assureur de prendre en charge l’indemnisation de son préjudice.
Aux termes de leurs conclusions signifiées le 10 juin 2024, la fondation HOPITAL AMBROISE PARE et la société RELYENS MUTUAL INSURANCE demandent au tribunal de :
– Juger que la responsabilité de la Fondation Hôpital Ambroise Paré devra être limitée à 35 % des conséquences dommageables subies par Mme [R],
– Débouter la CCSS des Hautes-Alpes, venant aux droits de la CPAM des Bouches-du-Rhône de sa demande de condamnation au versement de la somme de 25 989 € au titre de ses débours,
– Subsidiairement, déduire la créance de la CCSS des Hautes-Alpes, venant aux droits de la CPAM des Bouches-du-Rhône de l’indemnisation allouée à Mme [R],
– Débouter la CCSS des Hautes-Alpes, venant aux droits de la CPAM des Bouches-du-Rhône de sa demande de condamnation au versement de la somme de 1 191 € au titre de l’indemnité forfaitaire de gestion,
– Réduire les demandes d’indemnisation de Mme [R], et la débouter de ses demandes injustifiées,
EN TOUTE HYPOTHESE :
– Débouter Mme [R] ainsi que la CCSS des Hautes-Alpes venant aux droits de la CPAM des Bouches-du-Rhône, de leur demande de condamnation au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, outre les entiers dépens,
– Juger que l’exécution provisoire est incompatible avec la nature de l’affaire et ne pas l’ordonner.
Elles rappellent que s’agissant de l’infection nosocomiale, les experts ont précisé que « Les premiers signes d’infection sont apparus dans les deux semaines qui ont suivies l’intervention chirurgicale réalisée le 26.01.2017 par le Dr [D] à l’hôpital européen, à type de signes locaux avec une désunion de la cicatrice et des signes généraux à type de fièvre et frissons.
Le diagnostic de certitude a été porté lors de la réintervention pour évacuer la collection septique le 14.02.2017 avec réalisation de prélèvements peropératoires permettant d’isoler la bactérie en cause. La chirurgie et l’antibiothérapie adaptée à la bactérie en cause ont permis la guérison de l’infection sans séquelles. La porte d’entrée est l’intervention chirurgicale réalisée le 26.01.2017 par le Dr [D] à l’hôpital européen, une chirurgie pour ostéosynthèse postérieure L2L3, pour traitement de la fracture de L3. » ; qu’ils ont également retenu un état antérieur résultant d’une arthrodèse et d’une ostéosynthèse réalisées en 2009, des lombalgies chroniques et un syndrome dépressif chronique ; qu’ils ont ventilé les postes de préjudices imputables pour partie à l’accident médical non fautif (35 % pour les préjudices temporaires et 35% pour les préjudices permanents) et à l’infection nosocomiale (35 % pour les préjudices temporaires).
Elles indiquent que si la Fondation Hôpital Ambroise Paré n’entend pas contester le caractère nosocomial de l’infection contractée par Mme [R] que les Experts ont rattaché à l’intervention du 26 janvier 2017, elle demande à ce que sa responsabilité soit strictement limitée aux conséquences de cette infection nosocomiale ; que l’indemnisation mise à la charge de la Fondation Hôpital Ambroise Paré ne saurait donc être supérieure à 35 % des préjudices temporaires de Mme [R] ; que les experts n’ont relevé aucun défaut d’organisation du service au sein de l’établissement, aucun manquement fautif au contrat de soins imputable au personnel paramédical et aucun manquement à l’exécution du contrat d’hôtellerie ; qu’ils ont conclu que le comportement de l’équipe médicale a été conforme aux règles de l’art et aux données acquises de la science à l’époque du fait générateur, et que la prise en charge de l’infection nosocomiale a été réalisée de façon conforme aux règles de l’art ; qu’aucun préjudice permanent n’est imputable à l’infection nosocomiale.
S’agissant du recours de la CPAM, elles rappellent qu’il appartient aux tiers payeurs d’établir que les dépenses engagées sont liées à l’acte médical litigieux et non à l’état antérieur du patient, ce qui implique de produire une attestation d’imputabilité du médecin conseil de la CPAM, qui fait en l’espèce défaut ; qu’en conséquence, en l’absence d’imputabilité, la CCSS des Hautes-Alpes, venant aux droits de la CPAM des Bouches-du-Rhône n’est pas en mesure d’établir que sa créance serait imputable de manière directe et certaine à l’infection nosocomiale contractée au sein de l’Hôpital européen [7], de sorte que sa demande devra être rejetée.
Aux termes de leurs conclusions signifiées le 26 septembre 2024, la CPCAM des BOUCHES-DU-RHONE, et la CCSS des HAUTES ALPES demandent au tribunal de:
– Accueillir l’intervention de la CCSS des Hautes-Alpes en lieu et place de la CPCAM des Bouches-du-Rhône et mettre hors de cause cette dernière ;
– Fixer à la somme de 25 989,76 € le montant des débours exposés par la Caisse en réparation du préjudice subi par Mme [R], conséquemment à l’infection nosocomiale contractée lors de l’opération chirurgicale réalisée par le docteur [D], le 26 janvier 2017, au sein de l’Hôpital européen [7] ;
– Condamner in solidum l’Hôpital [7] et son assureur, RELYENS
MUTUEL INSURANCE, à verser à la CCSS des Hautes-Alpes la somme de 25 989,76 € en remboursement desdits débours, avec intérêts au taux légal à compter de la signification des présentes écritures ;
– Condamner in solidum l’Hôpital européen [7] et son assureur, RELYENS MUTUEL INSURANCE, à verser à la CCSS des Hautes-Alpes la somme de 1 191 € au titre de l’indemnité forfaitaire de gestion, prévue à l’article L.376-1 du code de la sécurité sociale ;
– Condamner in solidum l’Hôpital [7] et son assureur, RELYENS MUTUEL INSURANCE, au paiement d’une indemnité de 800 € par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.
La CCSS des Hautes Alpes soutient que la responsabilité de l’Hôpital européen [7] est incontestablement engagée sur le fondement des dispositions de l’article 1142-1 du code de la santé publique, en raison de l’infection contractée par Mme [R] au cours de l’opération chirurgicale du 26 janvier 2017, dont la matérialité et le caractère nosocomial ont été confirmés par l’expertise diligentée par la CCI ; qu’à la date du 08 janvier 2024, la Caisse est en mesure de faire valoir sa créance définitive d’un montant de 25 989,76 €, constituée des prestations exclusivement retenues par le médecin-conseil du recours contre les tiers comme strictement imputables aux faits litigieux ; que cette créance est composée des dépenses de santé actuelles – à savoir les frais hospitaliers, médicaux, pharmaceutiques, d’appareillage et de transport – qui se sont avérées nécessaires pour améliorer l’état de santé de Mme [R], conséquemment à l’infection nosocomiale qu’elle a contractée lors de l’opération chirurgicale du 26 janvier 2017, au sein de l’Hôpital européen [7] ; que l’imputabilité des prestations ci-dessus visées aux faits litigieux est confirmée par le médecin-conseil du recours contre les tiers, dont il est versé l’attestation d’imputabilité.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures susvisées.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 31 octobre 2024 et l’affaire renvoyée à l’audience collégiale du 07 novembre 2024.
Sur le droit à indemnisation :
L’article L.1142-1 du Code de la santé publique dispose :
« I. – Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d’un défaut d’un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d’actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu’en cas de faute.
Les établissements, services et organismes susmentionnés sont responsables des dommages résultant d’infections nosocomiales, sauf s’ils rapportent la preuve d’une cause étrangère.
II. – Lorsque la responsabilité d’un professionnel, d’un établissement, service ou organisme mentionné au I ou d’un producteur de produits n’est pas engagée, un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices du patient, et, en cas de décès, de ses ayants droit au titre de la solidarité nationale, lorsqu’ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu’ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l’évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité, fixé par décret, apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant notamment compte du taux d’atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique, de la durée de l’arrêt temporaire des activités professionnelles ou de celle du déficit fonctionnel temporaire.
Ouvre droit à réparation des préjudices au titre de la solidarité nationale un taux d’atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique supérieur à un pourcentage d’un barème spécifique fixé par décret ; ce pourcentage, au plus égal à 25%, est déterminé par ledit décret. ».
En l’espèce, l’expert retient que les premiers signes d’infection sont apparus dans les deux semaines qui ont suivi l’intervention chirurgicale réalisée le 26.01.2017 par le Dr [D] à l’hôpital européen ; que la bactérie en cause est l’agent pathogène le plus fréquemment en cause dans ce type d’infection du site opératoire : un staphylocoque doré.
La Fondation Hôpital [7] ne conteste pas devoir indemniser Mme [R] des conséquences dommageables dans la limite de 35% des postes retenus, l’expert ayant précisé que l’infection nosocomiale ayant guéri sans séquelles, seuls des préjudices temporaires lui étaient imputables, de sorte que le calcul du D.F.T.P devra être calculé sur cette base.
Sur le montant de l’indemnisation :
Aux termes non contestés du rapport d’expertise, l’accident a entraîné pour la victime, les conséquences médico-légales suivantes :
– un déficit fonctionnel temporaire partiel à 75% du 14.02.2017 au 25.02.2017
– un déficit fonctionnel temporaire partiel à 90 % du 26.02.2017 au 07.03.2017
– un déficit fonctionnel temporaire partiel à 40 % du 08.03.2017 au 13.04.2017
– un déficit fonctionnel temporaire partiel à 50 % du 14.04.2017 au 30.04.2017
– un déficit fonctionnel temporaire partiel à 25 % du 01.05.2017 au 02.06.2017
(fin du traitement de l’infection de site opératoire imputable à l’infection)
– des souffrances endurées qualifiées de 4,5 /7
– un préjudice esthétique temporaire qualifié de 2/7
– un préjudice esthétique permanent qualifié de 2/7
Sur la base de ce rapport, contre lequel aucune critique médicalement fondée n’est formée, et compte tenu des conclusions et des pièces produites, le préjudice corporel de Mme [R] doit être évalué ainsi qu’il suit :
I) Les Préjudices Patrimoniaux :
I-A) Les Préjudices Patrimoniaux Temporaires :
Les dépenses de santé :
Les frais médicaux et assimilés ont été totalement pris en charge par la CPAM des Bouches du Rhône.
Les frais divers :
Les frais divers sont représentés par les honoraires d’assistance à l’expertise du médecin conseil, soit 540€, au vu des éléments produits.
Par ailleurs, il sera retenu des frais de déplacement pour se rendre à l’accédit la somme réclamée à hauteur de 74,81€ pour se rendre à l’accédit à l’hôpital [11] à [Localité 12] avec un véhicule 6CV.
La tierce personne temporaire :
Ces dépenses sont liées à l’assistance temporaire d’une tierce personne pour aider la victime handicapée à effectuer les démarches et plus généralement les actes de la vie quotidienne.
L’expert a retenu la nécessité d’une aide humaine temporaire à raison de 4h par semaine sur la période de D.F.T.P classe III (50%), soit sur la période du 14.04.2017 au 30.04.2017
Le versement de l’indemnité octroyée au titre de la tierce personne ne saurait être subordonné à la production de justifications de dépenses effectives. Son montant ne peut être réduit en cas d’assistance bénévole par un membre de la famille.
Compte tenu du coût moyen de l’emploi d’une personne non qualifiée à domicile, en dehors du recours à une association prestataire, le coût horaire de 20 € sera retenu. Le préjudice de Mme [R] s’élève ainsi à la somme suivante :
10 heures x 20 € = 200€ x 35% = 70€.
II) Les Préjudices Extra Patrimoniaux :
II-A) Les Préjudices Extra-Patrimoniaux Temporaires :
Le déficit fonctionnel temporaire :
Ce poste de préjudice est destiné à indemniser l’incapacité fonctionnelle totale ou partielle que subit la victime jusqu’à sa consolidation et correspond à une perte de qualité de vie et des joies usuelles de la vie courante incluant le préjudice d’agrément temporaire pendant cette période.
Compte tenu de la nature des lésions subies par Mme [R] et de la gêne qu’elles ont entraînée sur sa vie quotidienne, il y a lieu d’indemniser ce poste de préjudice sur la base de 30€ par jour dans la limite de 35%.
– déficit fonctionnel temporaire partiel à 75% du 14.02.2017 au 25.02.2017 : 270 €
– déficit fonctionnel temporaire partiel à 90 % du 26.02.2017 au 07.03.2017 : 270 €
– déficit fonctionnel temporaire partiel à 40 % du 08.03.2017 au 13.04.2017 : 444 €
– déficit fonctionnel temporaire partiel à 50 % du 14.04.2017 au 30.04.2017 : 255 €
– déficit fonctionnel temporaire partiel à 25 % du 01.05.2017 au 02.06.2017 : 247,50 €
Sous Total 1 486,50 €
Total : 1486,50 x 35% : 520,28 €
Les souffrances endurées :
Mme [R] réclame une indemnisation à hauteur de 27 000€.
Les souffrances endurées fixées par l’expert à 4,5 /7 seront indemnisées par le versement de la somme de 9 450€, tenant compte du taux de 35% retenu par l’expert pour les préjudices temporaires.
Le préjudice esthétique temporaire :
Ce poste vise à réparer le préjudice né de l’obligation pour la victime de se présenter temporairement au regard des tiers dans une apparence physique altérée en raison de ses blessures.
Mme [R] réclame de ce chef la somme de 2 000€.
Fixé par l’expert à 2/7 ce préjudice sera indemnisé à hauteur de la somme de 700€, tenant compte du taux de 35% retenu par l’expert pour les préjudices temporaires.
Aucun préjudice permanent n’ayant été déclaré par les experts imputable à l’infection nosocomiale contractée au sein de l’Hôpital [7], la demande d’indemnisation par Mme [R] de son préjudice esthétique permanent sera rejeté.
RÉCAPITULATIF :
– frais divers 614,81€
– assistance tierce personne 70€
– déficit fonctionnel temporaire 520,28€
– souffrances endurées 9 450€
– préjudice esthétique temporaire 700€
TOTAL 11 355,09€
En application de l’article 1231-7 du code civil, cette somme portera intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement.
Sur la demande de la CPAM :
Il convient de faire droit à la demande présentée par la CPAM des Bouches du Rhône en remboursement de ses débours et de lui allouer à ce titre la somme de 25 989,76€ correspondant à des frais hospitaliers, médicaux pharmaceutiques, d’appareillage et de transport sur la période du 14.02.2017 au 07.03.2017, consécutifs à l’infection nosocomiale contractée lors de l’intervention chirurgicale du 26.01.2017, ainsi qu’il en est justifié par l’attestation d’imputabilité versée aux débats qui précise que « seules les prestations liées à l’accident en cause ont été retenues. Les soins qui y sont étrangers ont été écartés ».
Il sera fait droit à la demande portant sur l’indemnité forfaitaire prévue par l’article L.376-1 du code de la sécurité sociale, pour un montant de 1 191€.
Sur les demandes accessoires :
L’article 514 du Code de procédure civile, dans sa rédaction issue de l’article 3 du décret n°2019-1333 du 11 décembre 2019 applicable aux instances introduites après le 1er janvier 2020 prévoit que les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision n’en dispose autrement.
Il n’y a pas lieu en l’espèce d’écarter l’exécution provisoire de droit.
Conformément à l’article 696 du code de procédure civile, l’Hôpital [7], partie succombante, sera condamnée aux entiers dépens de la présente procédure.
Mme [E] [R] ayant exposé des frais pour obtenir la reconnaissance de ses droits, il est équitable de condamner in solidum l’Hôpital [7] et la société RELYENS MUTUAL INSURANCE à lui payer la somme de 2 000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.
Il est par ailleurs équitable de condamner in solidum l’Hôpital [7] et son assureur la société RELYENS MUTUAL INSURANCE au paiement de la somme de 800€ en vertu des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
LE TRIBUNAL, statuant après débats publics par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire rendu en premier ressort,
REÇOIT l’intervention de la CCSS des Hautes-Alpes ;
ORDONNE la mise hors de cause de la CPCAM des Bouches-du-Rhône ;
CONDAMNE in solidum la Fondation Hôpital [7] et la société RELYENS MUTUAL INSURANCE à payer avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement à Mme [E] [R] :
– la somme de 11 355,09 € en réparation de son préjudice corporel,
– la somme de 2 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
CONDAMNE in solidum la fondation Hôpital [7] et la société RELYENS MUTUAL INSURANCE à payer avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement à la CCSS des Hautes-Alpes :
-la somme de 25 989,76 € au titre de ses débours.
-l’indemnité forfaitaire de l’article L.376-1 du code de la sécurité sociale, pour un montant de 1 191 €.
-la somme de 800 € en vertu des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
CONDAMNE in solidum la fondation Hôpital [7] et la société RELYENS MUTUAL INSURANCE aux entiers dépens, avec distraction au profit de Maître Fabrice LABI, avocat, sur son affirmation de droit.
AINSI JUGE PAR MISE A DISPOSITION AU GREFFE DE LA PREMIERE CHAMBRE CIVILE DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MARSEILLE LE 09 Janvier 2025
LE GREFFIER LE PRESIDENT
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