Responsabilité médicale et indemnisation des préjudices corporels : enjeux et obligations.

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Responsabilité médicale et indemnisation des préjudices corporels : enjeux et obligations.

L’Essentiel : Le 18 juillet 2014, Monsieur [G] [X] a subi une chute d’échelle, entraînant des douleurs plantaires. Après plusieurs interventions chirurgicales en 2017, son état ne s’est pas amélioré. En 2019, il a demandé une expertise médicale, concluant à une prise en charge conforme mais à une complication non fautive. Le 20 novembre 2023, il a assigné l’ONIAM pour obtenir 3.368.597,72 € d’indemnisation. L’ONIAM a proposé 61.110,08 €, contestée par Monsieur [X]. Le tribunal a finalement accordé 137.025,38 € à Monsieur [X], tout en rejetant ses demandes de perte de gains professionnels.

Exposé du litige

Le 18 juillet 2014, Monsieur [G] [X] a subi une chute d’une échelle, entraînant des douleurs plantaires sans prise en charge médicale immédiate. En 2017, face à l’aggravation de ses douleurs, il consulte le Docteur [M], qui réalise plusieurs interventions chirurgicales entre juin et décembre 2017. Malgré ces opérations, Monsieur [X] ne constate pas d’amélioration de son état.

Demande d’expertise médicale

Monsieur [X] a saisi le juge des référés pour demander une expertise médicale, qui a été ordonnée le 17 octobre 2019. Le rapport d’expertise, déposé le 30 juillet 2020, conclut que la prise en charge médicale était conforme aux règles de l’art, mais qu’une complication non fautive s’est produite. Les préjudices ont été évalués, incluant un déficit fonctionnel temporaire et divers autres impacts sur sa qualité de vie.

Assignation de l’ONIAM

Le 20 novembre 2023, Monsieur [X] a assigné l’ONIAM pour obtenir une indemnisation de son préjudice, demandant un total de 3.368.597,72 € en réparation de son préjudice corporel. Il soutient que l’expertise a confirmé la conformité de la prise en charge médicale et que l’atteinte à son nerf plantaire est due à un aléa thérapeutique.

Réponse de l’ONIAM

L’ONIAM a contesté la demande de Monsieur [X], proposant une indemnisation réduite à 61.110,08 € et rejetant les demandes relatives à la perte de gains professionnels. L’ordonnance de clôture a été rendue le 17 septembre 2024, et le tribunal a soulevé l’absence d’appel en cause de l’organisme social dont dépendait Monsieur [X].

Motifs de la décision

Le tribunal a noté que l’organisme social n’avait pas été appelé en cause, ce qui a conduit à réserver les demandes d’indemnisation pour les préjudices pris en charge par cet organisme. Concernant l’indemnisation, le tribunal a reconnu le droit de Monsieur [X] à réparation pour les préjudices liés à l’accident médical non fautif, en tenant compte de la gravité des conséquences sur sa santé.

Évaluation des préjudices

Le tribunal a évalué les préjudices patrimoniaux et extra-patrimoniaux de Monsieur [X], incluant les frais divers, l’assistance d’une tierce personne, et les souffrances endurées. Les pertes de gains professionnels ont été rejetées, car il n’y avait pas de lien de causalité direct avec l’accident. Les préjudices ont été chiffrés à un total de 137.025,38 €.

Conclusion du jugement

Le tribunal a condamné l’ONIAM à verser à Monsieur [G] [X] la somme de 137.025,38 €, avec intérêts légaux, et a débouté Monsieur [X] de ses demandes relatives à la perte de gains professionnels et au préjudice sexuel temporaire. L’ONIAM a également été condamné à payer 3.000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens.

Q/R juridiques soulevées :

Sur l’absence d’appel en cause de l’organisme social

L’article L376-1 alinéa 8 du code de la sécurité sociale stipule que « l’intéressé ou ses ayants droit doivent indiquer, en tout état de la procédure, la qualité d’assuré social de la victime de l’accident ainsi que les caisses de sécurité sociale auxquelles celle-ci est ou était affiliée pour les divers risques. Ils doivent appeler ces caisses en déclaration de jugement commun ou réciproquement. À défaut du respect de l’une de ces obligations, la nullité du jugement sur le fond pourra être demandée pendant deux ans, à compter de la date à partir de laquelle ledit jugement est devenu définitif, soit à la requête du ministère public, soit à la demande des caisses de sécurité sociale intéressées ou du tiers responsable, lorsque ces derniers y auront intérêt. »

En l’espèce, l’organisme social dont dépend Monsieur [X] n’a pas été appelé en la cause.

Il convient donc de réserver les chefs de demande relatifs aux indemnités qui réparent les préjudices que cet organisme a pris en charge, notamment les dépenses de santé actuelles et futures, à l’exclusion des préjudices à caractère personnel qui seront seuls liquidés, conformément aux dispositions de l’alinéa 3 du même article.

Sur l’obligation d’indemnisation

L’article L 1142-1 II du code de la santé publique précise que lorsque la responsabilité d’un professionnel, d’un établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins n’est pas engagée, un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices du patient et, en cas de décès, de ses ayants droit, au titre de la solidarité nationale, lorsqu’ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu’ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l’évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité, fixé par décret.

Ce caractère de gravité est apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle, mesurées en tenant notamment compte du taux d’atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique, de la durée de l’arrêt temporaire des activités professionnelles ou de celle du déficit fonctionnel temporaire.

L’article D1142-1 du même code précise que “Le pourcentage mentionné au dernier alinéa de l’article L. 1142-1 est fixé à 24 %.”

En l’espèce, l’ONIAM ne conteste pas devoir indemniser Monsieur [X] des conséquences résultant de l’accident médical non fautif dont il a été victime, eu égard à la durée de plus de six mois du déficit fonctionnel à un taux au moins égal à 50 %.

Sur l’indemnisation des préjudices

Sur la base du rapport d’expertise, qui n’est pas critiqué médicalement, et compte tenu des conclusions et des pièces produites, le préjudice corporel de Monsieur [X] doit être évalué comme suit :

I) Les Préjudices Patrimoniaux :

I-A) Les Préjudices Patrimoniaux Temporaires :

Les dépenses de santé sont réservées comme mentionné précédemment.

Les frais divers, représentant les honoraires d’assistance à l’expertise du médecin conseil, s’élèvent à 4.108 €, considérés comme nécessaires à la préservation des droits de Monsieur [X].

Les dépenses liées à l’assistance temporaire d’une tierce personne pour aider Monsieur [X] à effectuer les démarches et actes de la vie quotidienne sont évaluées à 7.991,20 €.

Les pertes de gains professionnels actuels ne peuvent être imputées au seul accident médical, ce chef de demande sera donc rejeté.

I-B) Les Préjudices Patrimoniaux Permanents :

Les pertes de gains professionnels futurs sont également rejetées, car elles ne peuvent être rattachées par un lien de causalité certain à la seule pénibilité accrue.

L’incidence professionnelle, qui indemnise les incidences périphériques du dommage, sera réparée à hauteur de 35.000 €.

Les frais de logement adapté, justifiés par des factures, seront indemnisés à hauteur de 3.802,78 €.

II) Les Préjudices Extra Patrimoniaux :

II-A) Les Préjudices Extra-Patrimoniaux Temporaires :

Le déficit fonctionnel temporaire sera indemnisé à hauteur de 6.203,40 €.

Les souffrances endurées, fixées à 5/7, seront indemnisées par le versement de 30.000 €.

Le préjudice esthétique temporaire sera indemnisé à hauteur de 2.000 €.

II-B) Les Préjudices Extra-Patrimoniaux Permanents :

Le déficit fonctionnel permanent sera indemnisé par l’allocation de 35.920 €.

Le préjudice esthétique permanent sera fixé à 2.000 €.

Le préjudice d’agrément sera évalué à 10.000 €.

Le total des indemnités s’élève donc à 137.025,38 €, avec intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement, conformément à l’article 1231-6 du code civil.

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

PREMIERE CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT N° 25/ DU 09 Janvier 2025

Enrôlement : N° RG 23/12420 – N° Portalis DBW3-W-B7H-4CHF

AFFAIRE : M. [G] [X] (Maître [S] [H] de la SELARL ABEILLE & ASSOCIES)
C/ ONIAM (SELARL DE LA GRANGE ET FITOUSSI AVOCATS)

DÉBATS : A l’audience Publique du 07 Novembre 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

Président : SPATERI Thomas, Vice-Président (juge rapporteur)
Assesseur : BERGER-GENTIL Blandine, Vice-Présidente
Assesseur : BERTHELOT Stéphanie, Vice-Présidente

Greffier lors des débats : ALLIONE Bernadette

Vu le rapport fait à l’audience

A l’issue de laquelle, les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le : 09 Janvier 2025

Jugement signé par SPATERI Thomas, Vice-Président et par ALLIONE Bernadette, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

NATURE DU JUGEMENT

contradictoire et en premier ressort

NOM DES PARTIES

DEMANDEUR

Monsieur [G] [X]
né le [Date naissance 1] 1969, de nationalité Française, directeur de développement, demeurant et domicilié [Adresse 2]

représenté par Maître Bruno ZANDOTTI de la SELARL ABEILLE & ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE

C O N T R E

DEFENDEUR

OFFICE NATIONAL D’INDEMNISATION DES ACCIDENTS MÉDICAUX, DES AFFECTIONS IATROGÈNES ET DES INFECTIONS NOSOCOMIALES (ONIAM)
dont le siège social est sis [Adresse 3], pris en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

représenté par Maître Patrick DE LA GRANGE de la SELARL DE LA GRANGE ET FITOUSSI AVOCATS, avocat au barreau de MARSEILLE
substitué par Maître Eléna NOUVI

EXPOSÉ DU LITIGE :

Le 18 juillet 2014 Monsieur [G] [X] a chuté d’une échelle et s’est réceptionné sur les deux pieds en hyperextension, lui causant des douleurs plantaires.

Il n’initiera aucune prise en charge médicale à la suite de cette chute.

Deux ans plus tard, au début de l’année 2017 et à la suite de l’apparition de douleurs, Monsieur [X] a pris attache avec le Docteur [M].

Dans ces circonstances, Monsieur [X] a bénéficié d’une intervention chirurgicale consistant en un micropeignage du tibial, associé à une injection de plasma et une greffe tibiale postérieure, intervention réalisée par le Docteur [M] le 27 juin 2017. Une ostéotomie de médialisation du calnécum et une ligamentoplastie du spring ligament étaient réalisées le 18 décembre 2017.
Monsieur [X] se plaint toutefois de l’absence d’amélioration depuis lors.

C’est dans ce contexte que Monsieur [X] a saisi le juge des référés du tribunal de céans afin de solliciter l’organisation d’une expertise médicale. Il a été fait droit à cette demande d’expertise par ordonnance en date du 17 octobre 2019.

Son rapport a été déposé le 30 juillet 2020. Aux termes de ce dernier l’expert a estimé que la prise en charge médicale de Monsieur [X], avait été conforme aux règles de l’art. Il conclut à la survenue d’une complication qualifiée d’accident médical non fautif résultant de la tension liée au déplacement calcanéen.
Les préjudices ont été évalués comme suit :
Date de consolidation : 13 juin 2019Déficit fonctionnel temporaire total : 4 joursDéficit fonctionnel temporaire partiel 😮 à 50 % : 331 jours avec tierce personne 1h par jour
o à 33% : 91 jours avec tierce personne 4h par semaine
o à 25% : 29 jours avec tierce personne 4h par semaine
o à 10% : néant au lieu de 3 mois
Aide aux déplacements professionnels pendant 264 jours, sur justificatifsPréjudice esthétique temporaire : 2/7 pour 6 semainesSouffrances endurées : 5/7DFP : 16% imputable à l’accident,Préjudice esthétique définitif : 1/7Arrêt de travail supplémentaire de 6 mois avec incapacité professionnelle totalePréjudice d’agrément : déplacement à pied, les stations debout prolongées qui sont régulièrement plus ou moins freinés ou pénibles. Les activités sportives sont freinées et pour certaines raisonnablement impossibles (courses, sauts).Activités professionnelles : essentiellement intellectuelles ne sont pas directement impactées mais lorsqu’elles exigent des déplacements à pied elles sont source d’une gêne alléguée recevable.
Par acte de commissaire de justice du 20 novembre 2023 monsieur [X] a fait assigner l’ONIAM afin d’obtenir l’indemnisation de son préjudice.

Aux termes de ses dernières conclusions en date du 6 juin 2024 il demande au tribunal de condamner l’ONIAM à lui payer la somme totale de 3.368.597,72 € en réparation de son préjudice corporel et de réserver le poste de préjudice relatif aux frais de logement adapté, outre 3.000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.
Au soutien de ses demandes il fait valoir que l’expertise a indiqué que la prise en charge par le docteur [M] a été conforme aux données acquises de la science et que la seule cause possible de l’atteinte du nerf plantaire interne reste une mise en tension peropératoire relevant en tout état de cause d’un aléa thérapeutique entraînant une situation anormale par rapport à son état de santé initial et à celui qui était attendu dans les suites de la prise en charge.

L’ONIAM a conclu le 16 septembre 2024 à la réduction des sommes pouvant être allouées à monsieur [X] à hauteur de 61.110,08 €, et au rejet des demandes concernant la perte de gains professionnels.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 17 septembre 2024.

A l’audience le tribunal a soulevé d’office l’absence d’appel en cause de l’organisme social dont dépend monsieur [X].

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur l’absence d’appel en cause de l’organisme social :

L’article L376-1 alinéa 8 du code de la sécurité sociale dispose que « l’intéressé ou ses ayants droit doivent indiquer, en tout état de la procédure, la qualité d’assuré social de la victime de l’accident ainsi que les caisses de sécurité sociale auxquelles celle-ci est ou était affiliée pour les divers risques. Ils doivent appeler ces caisses en déclaration de jugement commun ou réciproquement. A défaut du respect de l’une de ces obligations, la nullité du jugement sur le fond pourra être demandée pendant deux ans, à compter de la date à partir de laquelle ledit jugement est devenu définitif, soit à la requête du ministère public, soit à la demande des caisses de sécurité sociale intéressées ou du tiers responsable, lorsque ces derniers y auront intérêt. »

En l’espèce l’organisme social dont dépend monsieur [X] n’a pas été appelé en la cause. Il conviendra en conséquence de réserver les chefs de demande relatifs aux indemnités qui réparent les préjudices que cet organisme a pris en charge (dépenses de santé actuelles et futures), à l’exclusion des préjudices à caractère personnel qui seront seuls liquidés, et ce en application des dispositions de l’alinéa 3 du même article.

Sur l’obligation d’indemnisation :

En application de l’article L 1142-1 II du code de la santé publique, lorsque la responsabilité d’un professionnel, d’un établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins n’est pas engagée, un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices du patient et, en cas de décès, de ses ayants droit, au titre de la solidarité nationale, lorsqu’ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu’ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l’évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité, fixé par décret, apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant notamment compte du taux d’atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique, de la durée de l’arrêt temporaire des activités professionnelles ou de celle du déficit fonctionnel temporaire.
Ouvre droit à réparation des préjudices au titre de la solidarité nationale un taux d’atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique supérieur à un pourcentage d’un barème spécifique fixé par décret ; ce pourcentage, au plus égal à 25 %, est déterminé par ledit décret.

L’article D1142-1 du même code précise que “Le pourcentage mentionné au dernier alinéa de l’article L. 1142-1 est fixé à 24 %.
Présente également le caractère de gravité mentionné au II de l’article L. 1142-1 un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ayant entraîné, pendant une durée au moins égale à six mois consécutifs ou à six mois non consécutifs sur une période de douze mois, un arrêt temporaire des activités professionnelles ou des gênes temporaires constitutives d’un déficit fonctionnel temporaire supérieur ou égal à un taux de 50 %.
A titre exceptionnel, le caractère de gravité peut être reconnu :
1° Lorsque la victime est déclarée définitivement inapte à exercer l’activité professionnelle qu’elle exerçait avant la survenue de l’accident médical, de l’affection iatrogène ou de l’infection nosocomiale ;
2° Ou lorsque l’accident médical, l’affection iatrogène ou l’infection nosocomiale occasionne des troubles particulièrement graves, y compris d’ordre économique, dans ses conditions d’existence.”

En l’espèce l’ONIAM ne conteste pas devoir indemniser monsieur [X] des conséquences résultant de l’accident médical non fautif dont il a été victime eu égard à la durée de plus de six mois du déficit fonctionnel à un taux au moins égal à 50 % (soit 100 % pendant 4 jours et 50 % pendant 331 jours).
Le caractère anormal des conséquences de cet accident, bien que non discuté lui non plus, se déduit de la comparaison entre le taux du déficit fonctionnel qui aurait résulté de la pathologie initiale si la prise en charge avait évolué sans dommage (7% selon l’expert) et le taux de déficit fonctionnel actuel de 23 %, soit 16 % imputables au seul accident.

Sur l’indemnisation des préjudices :

Sur la base du rapport d’expertise, contre lequel aucune critique médicalement fondée n’est formée, et compte tenu des conclusions et des pièces produites, le préjudice corporel de monsieur [X], âgé de 49 ans au moment de sa consolidation, doit être évalué ainsi qu’il suit :

I) Les Préjudices Patrimoniaux :

I-A) Les Préjudices Patrimoniaux Temporaires :

Les dépenses de santé :

Poste réservé comme dit ci-dessus.

Les frais divers :

Les frais divers sont représentés par les honoraires d’assistance à l’expertise du médecin conseil, soit 4.108 €, au vu des éléments produits.

Ces honoraires correspondent à des démarches nécessaires à l’assistance de monsieur [X] à l’expertise et leur coût, qui ne peut être strictement comparé à celui taxé dans le cadre d’une expertise judiciaire, n’est pas excessif eu égard aux tarifs habituellement pratiqués. Ces dépenses supportées par la victime, nées directement et exclusivement de l’accident, sont par la même indemnisables, sans que monsieur [X] ait à justifier de l’absence de possibilité de prise en charge par un assureur. Ces frais exposés par la victime pour se faire assister d’un médecin lors des opérations d’expertise sont nécessaires à la préservation de ses droits. En effet, le débat présentant un caractère scientifique il paraît légitime qu’elle s’entoure d’un conseil technique au même titre que la compagnie d’assurances et ce dans le respect du principe du contradictoire. La réparation du préjudice subi par la victime doit être intégrale et la dépense correspondant aux honoraires du médecin conseil de la victime, non prise en charge par l’organisme social, qui a été supportée par la victime, est née directement et exclusivement de l’accident : elle est par là même indemnisable par l’assureur du conducteur ou du gardien du véhicule impliqué.

La tierce personne temporaire :

Ces dépenses sont liées à l’assistance temporaire d’une tierce personne pour aider la victime handicapée à effectuer les démarches et plus généralement les actes de la vie quotidienne.

L’expert a retenu la nécessité d’une aide humaine temporaire à raison de 1 heure par jour pendant 331 jours, puis 4 heures par semaine pendant 120 jours (soit 17,14 semaines).

Compte tenu du coût moyen de l’emploi d’une personne non qualifiée à domicile, en dehors du recours à une association prestataire, le coût horaire de 20 € sera retenu. Le préjudice de monsieur [X] s’élève ainsi à la somme suivante :

heures (331 x 20) + (4 x 17,14 x 20) € = 7.991,20 €.

Les pertes de gains professionnels actuels :

L’expert relève qu’au regard des suites prévues de l’intervention du 18 décembre 2017, il était prévu un arrêt de travail de six mois jusqu’au 20 mars 2018.
À raison de l’aléa thérapeutique, la reprise du travail ne s’est faite que le 27 septembre 2018, soit un arrêt de travail supplémentaire de six mois.

Monsieur [X] exerce la profession de directeur du développement au sein de la SA L’AGENCE TELECOM, et d’après la fiche de poste produite aux débats ces fonctions l’obligent à de nombreux déplacements

D’après ses avis d’imposition, monsieur [X] a perçu en 2018 des revenus d’un montant de 22.318 €, contre 91.539 € en 2017, 106.655 € en 2016 et 30.098 € en 2015. Selon une attestation de son employeur en date du 12 février 2021, la baisse de revenus observable à partir du début de l’année 2018 est consécutive à une réduction d’activité et des objectifs.

Néanmoins l’expert indique que les déplacements professionnels, pour pénibles qu’ils soient, ne sont pas rendus impossibles, et que l’on ne peut établir de lien formel et indiscutable en la situation actuelle et une éventuelle diminution des activités professionnelles, au surplus chez une personne qui ne fait plus état de traitement antalgique au long cours. L’expert émet encore l’idée que cette diminution soit multifactorielle.
Il sera par ailleurs observé que les avis d’imposition produits montrent, pour les années antérieures à 2018, une très importante variabilité de ses revenus.

Il n’est donc pas possible d’imputer la perte de gains professionnels actuels éprouvée du 27 septembre 2018 au 13 juin 2019, date de la consolidation, au seul accident médical.
Ce chef de demande sera donc rejeté.

I-B) Les Préjudices Patrimoniaux Permanents :

Les pertes de gains professionnels futurs :

Les pertes de gains professionnels futurs indemnisent la victime de la perte ou de la diminution de ses revenus consécutive à l’incapacité permanente à laquelle elle est désormais confrontée dans la sphère professionnelle à la suite du dommage.

Il a déjà été vu ci-dessus que la perte de gains professionnels éprouvée ne peut être rattachée par un lien de causalité certain à la seule pénibilité accrue dans les conditions de travail résultant des douleurs résiduelles conséquences de l’accident.

Ce chef de demande sera également rejeté.

L’incidence professionnelle :

Ce poste a pour objet d’indemniser les incidences périphériques du dommage touchant à la sphère professionnelle, telles que la dévalorisation sur le marché du travail, la perte de chance professionnelle, l’augmentation de la pénibilité de l’emploi occupé ou le préjudice consécutif à l’abandon de la profession exercée avant l’accident au profit d’une autre choisie en fonction du handicap.

Monsieur [X] sollicite l’indemnisation de l’incidence professionnelle en soutenant qu’il éprouve une gêne lors des déplacements à pied et qu’il subit une dévalorisation au regard de ses résultats, lui empêchant d’obtenir une promotion dans le cadre de sa carrière.

L’expert a relevé que les douleurs alléguées sont cohérentes avec ce que l’ont sait des suites opératoires, et qu’il convient de retenir une pénibilité acquise dans les déplacements professionnels.

Il convient de réparer ce chef de préjudice à hauteur de 35.000 €.

Les frais de logement adapté :

Les frais de logement aménagé incluent non seulement l’aménagement du domicile, mais aussi le surcoût découlant de l’acquisition d’un domicile mieux adapté au handicap (surcroît de superficie pour faciliter la circulation d’un fauteuil roulant ou pour l’aménagement d’une chambre destinée à la tierce personne assurant la surveillance de nuit, etc.).

L’expert indique que les travaux d’aménagement de la salle de bains, consistant en la création d’appuis supplémentaires, est cohérent avec les faits.

Monsieur [X] justifie à ce titre avoir exposé une somme totale de 3.802,78 €, d’après les factures produites, et il conviendra de condamner l’ONIAM de l’indemniser pour ladite somme.

II) Les Préjudices Extra Patrimoniaux :

II-A) Les Préjudices Extra-Patrimoniaux Temporaires :

Le déficit fonctionnel temporaire :

Ce poste de préjudice cherche à indemniser l’incapacité fonctionnelle totale ou partielle que subit la victime jusqu’à sa consolidation et correspond à une perte de qualité de vie et des joies usuelles de la vie courante incluant le préjudice d’agrément temporaire pendant cette période.

Compte tenu de la nature des lésions subies par monsieur [X] et de la gêne qu’elles ont entraînée sur sa vie quotidienne, il y a lieu d’indemniser ce poste de préjudice sur la base de 30 euros par jour.

– déficit fonctionnel temporaire total : 4 x 30 = 120 €
– déficit fonctionnel temporaire partiel à 50 % : 331 x 30 x 50 % = 4.965 €
– déficit fonctionnel temporaire partiel à 33 % : 91 x 30 x 33 % = 900,90 €
– déficit fonctionnel temporaire partiel à 25 % : 29 x 30 x 25 % = 217,50 €

Total : 6.203,40 €

Les souffrances endurées :

Les souffrances endurées fixées par l’expert à 5/7 seront indemnisées par le versement de la somme de 30.000 €.

Le préjudice esthétique temporaire :

Ce poste vise à réparer le préjudice né de l’obligation pour la victime de se présenter temporairement au regard des tiers dans une apparence physique altérée en raison de ses blessures.

Fixé par l’expert à 2/7 jusqu’à la date de consolidation, ce préjudice sera indemnisé à hauteur de 2.000 €.

Le préjudice sexuel temporaire :

Il convient de distinguer trois types de préjudices de nature sexuelle :
le préjudice morphologique lié à l’atteinte aux organes sexuels résultant du dommage subi ;le préjudice lié à l’acte sexuel lui-même qui repose sur la perte du plaisir lié à l’accomplissement de l’acte sexuel ( perte de l’envie ou de la libido, perte de la capacité physique de réaliser l’acte sexuel , perte de la capacité à accéder au plaisir) ;le préjudice lié à une impossibilité ou difficulté à procréer (ce préjudice pouvant notamment chez la femme se traduire sous diverses formes comme le préjudice obstétrical, etc.).
L’expert n’a pas identifié un tel dommage. Monsieur [X] indique qu’il n’a pas pu se livrer à l’acte sexuel pendant la période de déficit fonctionnel.

Cependant l’indemnité allouée à ce titre vise à réparer le préjudice incluant pour la période antérieure à la consolidation, la perte de qualité de vie et des joies usuelles de la vie courante durant la maladie traumatique, le préjudice temporaire d’agrément, et le préjudice sexuel temporaire.

Il n’y a donc pas lieu de réparer par l’octroi d’une somme spécifique ce chef de préjudice, ce qui reviendrait à indemniser monsieur [X] deux fois pour le même dommage.

Ce chef de demande sera donc rejeté.

II-B) Les Préjudices Extra-Patrimoniaux Permanents :

Le déficit fonctionnel permanent :

Ce poste de préjudice cherche à indemniser le préjudice extra-patrimonial découlant de l’incapacité médicalement constatée et à réparer ses incidences touchant exclusivement la sphère personnelle de la victime, soit non seulement les atteintes aux fonctions physiologiques de celle-ci mais aussi la douleur permanente qu’elle ressent, la perte de la qualité de vie et les troubles dans ses conditions d’existence après consolidation.

Compte tenu des séquelles conservées par la victime, il a été estimé par l’expert à 16 %.

Il y a donc lieu de l’indemniser par l’allocation de la somme de 35.920 €.

Eu égard à sa finalité de réparation d’une incapacité permanente de travail, qui lui est assignée à l’article L. 431-1 du code de la sécurité sociale, et à son mode de calcul, appliquant au salaire de référence de la victime le taux d’incapacité permanente défini à l’article L. 434-2 du même code, la rente d’accident du travail doit être regardée comme ayant pour objet exclusif de réparer, sur une base forfaitaire, les préjudices subis par la victime dans sa vie professionnelle en conséquence de l’accident, c’est-à-dire ses pertes de gains professionnels et l’incidence professionnelle de l’incapacité, et que dès lors le recours exercé par une caisse de sécurité sociale au titre d’une telle rente ne saurait s’exercer que sur ces deux postes de préjudice et non sur un poste de préjudice personnel.

En conséquence, il n’y a pas lieu d’imputer la rente accident du travail sur l’indemnité allouée en réparation du déficit fonctionnel permanent.

Le préjudice esthétique :

Estimé à 1/7 par l’expert au vu de la présence d’éléments cicatriciels, ce poste de préjudice sera fixé à la somme de 2.000 €.

Le préjudice d’agrément :

Ce poste de préjudice vise exclusivement à réparer le préjudice d’agrément spécifique lié à l’impossibilité ou à la difficulté pour la victime de pratiquer régulièrement une activité sportive ou de loisirs et doit être évalué in concreto.

Au vu des documents produits, le préjudice d’agrément est justifié par la nature et la localisation des séquelles entravant la pratique de de toutes les activités sportives à l’exclusion de la natation. Il sera évalué à la somme de 10.000 €.

En l’absence de document justifiant d’une activité sportive ou de loisir antérieurement pratiquée, monsieur [X] ne démontre pas subir un préjudice d’agrément spécifique, distinct du préjudice réparé au titre du déficit fonctionnel permanent .

RÉCAPITULATIF

– dépenses de santé actuelles : réservé
– frais divers : 4.108 €
– tierce personne temporaire : 7.991,20 €
– pertes de gains professionnels actuels : 0 €
– dépenses de santé futures : réservé
– pertes de gains professionnels futures : 0 €
– incidence professionnelle : 35.000 €
– frais de logement adapté : 3.802,78 €
– déficit fonctionnel temporaire : 6.203,40 €
– préjudice sexuel : 0 €
– souffrances endurées : 30.000 €
– préjudice esthétique temporaire : 2.000 €
– déficit fonctionnel permanent : 35.920 €
– préjudice esthétique permanent : 2.000 €
– préjudice d’agrément : 10.000 €

TOTAL : 137.025,38 €

En application de l’article 1231-6 du code civil, cette somme portera intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement.

Sur les autres demandes :

L’ONIAM, qui succombe à l’instance, en supportera les dépens, avec droit de recouvrement direct au profit de maître [H], conformément à l’article 699 du code de procédure civile.

Il sera encore condamné à payer à monsieur [X] la somme de 3.000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

Le tribunal, statuant par jugement contradictoire et en premier ressort :

Condamne l’ONIAM à payer à monsieur [G] [X] la somme de 137.025,38 €, avec intérêts au taux légal depuis le jour du présent jugement, en réparation de ses préjudices ;

Déboute monsieur [G] [X] de ses demandes relatives à la perte de gains professionnels actuels et futurs et au préjudice sexuel temporaire ;

Réserve les chefs de demandes relatifs aux dépenses de santé actuelles et futures ;

Condamne l’ONIAM à payer à monsieur [G] [X] la somme de 3.000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne l’ONIAM aux dépens, avec droit de recouvrement direct au profit de maître [H], conformément à l’article 699 du code de procédure civile.

AINSI JUGÉ, PRONONCÉ ET MIS À DISPOSITION AU GREFFE DE LA PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MARSEILLE LE NEUF JANVIER DEUX MILLE VINGT CINQ.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


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