Responsabilité médicale et obligation d’information : enjeux et conséquences pour le patient.

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Responsabilité médicale et obligation d’information : enjeux et conséquences pour le patient.

L’Essentiel : En 2009, madame [E] a consulté le docteur [W] pour des problèmes de parodontie, entraînant l’extraction de dents et la pose d’implants. Malgré plusieurs interventions, elle a signalé une insatisfaction due à une dissymétrie des mâchoires. En 2023, après une expertise révélant des manquements dans les soins, elle a assigné le docteur [W] et son assureur. Madame [E] a demandé des indemnités pour divers préjudices, tandis que le docteur [W] a contesté ces demandes. Le tribunal a reconnu des fautes dans le traitement et a condamné le docteur [W] à verser 42.756,13 € à madame [E].

Contexte de l’affaire

En 2009, madame [I] [E] a consulté le docteur [W], chirurgien-dentiste, pour des problèmes de parodontie. Le traitement proposé incluait l’extraction de dents mobiles et la pose de neuf implants dentaires. Au fil des années, plusieurs interventions ont été réalisées, notamment la pose de bridges et de couronnes.

Consultations et complications

En mai 2018, madame [E] a consulté le docteur [W] en raison d’un abcès sur la dent 26, ce qui a conduit à des examens radiographiques et à une antibiothérapie. En octobre 2018, de nouveaux implants ont été posés, suivis d’autres bridges et couronnes en 2019. Malgré ces soins, madame [E] a exprimé son insatisfaction, notamment en raison d’une dissymétrie entre ses mâchoires.

Procédure judiciaire

Insatisfaite des résultats, madame [E] a assigné le docteur [W] devant le juge des référés, qui a désigné un expert, le docteur [C]. Ce dernier a rendu son rapport en novembre 2022, mettant en évidence des manquements dans les soins prodigués par le docteur [W]. En février 2023, madame [E] a formellement assigné le docteur [W] et son assureur, la MACSF.

Demandes de madame [E]

Dans ses conclusions, madame [E] a demandé des indemnités pour divers préjudices, incluant des frais de santé, des frais de déplacement, des souffrances temporaires, un préjudice esthétique, et un déficit fonctionnel permanent. Elle a également souligné un manquement à l’obligation d’information de la part du docteur [W].

Réponse du docteur [W] et de la MACSF

Le docteur [W] et la MACSF ont contesté les demandes de madame [E], arguant qu’il n’y avait pas de manquement à l’obligation d’information, car des documents avaient été signés. Ils ont également remis en question le montant des préjudices demandés, affirmant que madame [E] ne justifiait pas certaines dépenses.

Analyse du devoir d’information

Le tribunal a rappelé que le devoir d’information incombe au professionnel de santé et que son non-respect peut entraîner un préjudice moral. L’expert a noté l’absence d’information sur les risques liés aux prothèses dentaires, mais a également conclu que les soins étaient nécessaires. Le tribunal a donc rejeté la demande de perte de chance tout en reconnaissant un préjudice d’impréparation.

Évaluation des soins et préjudices

L’expert a identifié des fautes dans le traitement, entraînant des conséquences médicales pour madame [E]. Les préjudices patrimoniaux ont été évalués, incluant les frais de reprise des soins et d’autres dépenses. Les préjudices extra-patrimoniaux ont également été pris en compte, notamment les souffrances endurées et le préjudice esthétique.

Décision du tribunal

Le tribunal a condamné le docteur [W] et la MACSF à verser à madame [E] un total de 42.756,13 € pour divers préjudices, tout en réservant la demande relative au déficit fonctionnel temporaire. Ils ont également été condamnés à payer des frais d’expertise et des honoraires en vertu de l’article 700 du code de procédure civile.

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la portée de l’obligation d’information du professionnel de santé ?

L’article L1111-2 du Code de la santé publique précise que « toute personne a le droit d’être informée sur son état de santé ». Cette information doit porter sur les investigations, traitements ou actions de prévention proposés, leur utilité, leurs conséquences, ainsi que les risques prévisibles.

Cette obligation d’information incombe à tout professionnel de santé et doit être réalisée au cours d’un entretien individuel. En cas de litige, il appartient au professionnel de prouver que l’information a été délivrée conformément à cet article.

La violation de cette obligation constitue une faute délictuelle, permettant une indemnisation, même en l’absence de dommage corporel. En effet, le défaut d’information prive le patient de la possibilité de donner un consentement éclairé.

Dans le cas présent, l’expert a noté l’absence de trace d’information sur les risques liés aux prothèses dentaires dans le dossier de madame [E]. Bien que les actes réalisés aient été jugés nécessaires, le préjudice moral d’impréparation causé par ce défaut d’information doit être réparé.

Quelles sont les conséquences de la faute médicale sur la responsabilité du praticien ?

L’article L1142-1 I du Code de la santé publique stipule que les professionnels de santé ne sont responsables des conséquences dommageables d’actes de soins qu’en cas de faute. La faute médicale se définit par un manquement à l’obligation de fournir des soins consciencieux et conformes aux données acquises de la science.

Dans cette affaire, l’expert a conclu que le plan de traitement du docteur [W] était erroné et que la réalisation des soins était défectueuse, entraînant des complications pour madame [E]. Ces fautes ont causé des souffrances physiques et psychiques, ainsi qu’une atteinte à son intégrité.

Il est important de noter que la seule survenance d’un dommage ne suffit pas à établir la faute. Cependant, les conclusions de l’expert, qui n’ont pas été contestées, indiquent clairement que les soins prodigués n’étaient pas conformes aux standards requis, justifiant ainsi la responsabilité du praticien.

Comment évaluer les préjudices subis par la victime ?

L’évaluation des préjudices subis par la victime repose sur des critères précis, notamment les préjudices patrimoniaux et extra-patrimoniaux. Les préjudices patrimoniaux incluent les dépenses de santé, qui doivent être justifiées par des devis ou factures.

Dans le cas de madame [E], un devis de 25.206,13 € a été produit pour les frais de reprise des soins, conforme aux recommandations de l’expert. Il est établi que la victime ne doit pas avancer les frais de réparation avant d’obtenir une indemnisation, car l’obligation d’indemniser découle de la réalisation d’un dommage.

Les préjudices extra-patrimoniaux, quant à eux, incluent le déficit fonctionnel temporaire et permanent, les souffrances endurées, et le préjudice esthétique. L’expert a évalué ces préjudices, et le tribunal a retenu des montants spécifiques pour chacun d’eux, en tenant compte de l’absence de consolidation de l’état de santé de la victime.

Quelles sont les implications de la décision du tribunal concernant les demandes d’indemnisation ?

Le tribunal a condamné le docteur [W] et la MACSF à verser à madame [E] un total de 42.756,13 € de dommages et intérêts, incluant les préjudices patrimoniaux et extra-patrimoniaux. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement, conformément à l’article 1231-7 du Code civil.

La demande de madame [E] relative à la perte de chance a été rejetée, car il n’a pas été prouvé qu’elle aurait refusé les soins nécessaires si elle avait été correctement informée des risques. En revanche, le tribunal a reconnu un préjudice d’impréparation, qui a été indemnisé à hauteur de 4.000 €.

Le tribunal a également réservé la demande au titre du déficit fonctionnel temporaire, permettant à madame [E] de saisir à nouveau le tribunal une fois la consolidation de son état de santé acquise. Les frais d’expertise et les dépens ont été mis à la charge des défendeurs, qui ont également été condamnés à verser 3.000 € en application de l’article 700 du Code de procédure civile.

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

PREMIERE CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT N° 24/ DU 21 Novembre 2024

Enrôlement : N° RG 23/02202 – N° Portalis DBW3-W-B7H-3BVA

AFFAIRE : Mme [I], [U], [M] [Y] épouse [E] (Me Céline COLONNA MILANINI)
C/ M. [K] [W] (Me Basile PERRON) et autres

DÉBATS : A l’audience Publique du 26 Septembre 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

Président : SPATERI Thomas, Vice-Président (juge rapporteur)
Assesseur : BERGER-GENTIL Blandine, Vice-Présidente
Assesseur : BERTHELOT Stéphanie, Vice-Présidente

Greffier lors des débats : BESANÇON Bénédicte

Vu le rapport fait à l’audience

A l’issue de laquelle, les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le : 21 Novembre 2024

Jugement signé par SPATERI Thomas, Vice-Président et par ALLIONE Bernadette, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

NATURE DU JUGEMENT

réputée contradictoire et en premier ressort

NOM DES PARTIES

DEMANDERESSE

Madame [I], [U], [M] [Y] épouse [E]
née le [Date naissance 1] 1959 à [Localité 4] (13)
de nationalité Française, retraitée, demeurant et domiciliée [Adresse 6]

représentée par Maître Céline COLONNA MILANINI, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

C O N T R E

DEFENDEURS

Monsieur le Docteur [K] [W]
de nationalité Française, chirurgien-dentiste, domicilié [Adresse 2]

Société MACSF
société d’assurance à forme mutuelle inscrite au SIREN sous le n° 775 665 631, dont le siège social est sis [Adresse 5], prise en la personne de ses dirigeants légaux en exercice domiciliés en cette qualité audit siège

représentés par Maître Basile PERRON de la SELARL CABINET CHOULET AVOCATS, avocat au barreau de MARSEILLE

CPAM DES BOUCHES-DU-RHONE
dont le siège social est sis [Adresse 3], prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

défaillante

EXPOSÉ DU LITIGE :

Faits et procédure :

En 2009 madame [I] [E] a consulté le docteur [W], chirurgien-dentiste, en raison d’une parodontie. Celui-ci a préconisé l’extraction de dents mobiles et la pose de 9 implants au niveau des dents 12, 11, 21, 22, 23, 36, 37, 46 et 47.

En 2010 le docteur [W] a procédé à la pose d’un bridge dento-implanto-porté des dents 16 à 26, d’un bridge dento-implanto-porté des dents 44, 45, 46, 48 et deux couronnes sur les dents 36 et 37.

Le 20 septembre 2017 il a de nouveau posé des bridges sur les dents 48, 44 et 45 et des couronnes sur les dents 36 et 37.

Le 30 mai 2018 madame [E] a consulté le docteur [W] en raison d’un abcès au niveau de la dent 26. Le docteur [W] a réalisé une radio panoramique et prescrit une antibiothérapie.

Le 22 octobre 2018 le docteur [W] a procédé à la pose d’implants au niveau des dents 16 , 24 et 25. Début 2019 il a mis en place un bridge dento-implanto-porté des dents 16 à 26, un bridge dento-implanto-porté des dents 43, 44, 45, 46, 47 et deux couronnes sur les dents 36 et 37.

Insatisfaite des soins réalisés et se plaignant d’une importante dissymétrie entre les mâchoires, madame [E], après avoir consulté un autre praticien, a fait assigner le docteur [W] devant le juge des référés de ce siège, lequel a, par ordonnance du 26 novembre 2021, désigné le docteur [C] en qualité d’expert.

Celui-ci a déposé son rapport définitif le 26 novembre 2022.

Par acte de commissaire de justice des 14,17 et 24 février 2023 madame [E] a fait assigner le docteur [W] et son assureur la MACSF, en présence de la CPAM des Bouches du Rhône.

Demandes et moyens des parties :

Aux termes de ses dernières conclusions en date du 29 mars 2023 madame [E] demande au tribunal de condamner le docteur [W] et de son assureur à lui payer les sommes suivantes :
Au titre des préjudices patrimoniaux :
25.206,13 € au titre des dépenses de santé actuelles avant consolidation (sommes à parfaire en fonction des soins effectués),560 € au titre des frais de déplacement directement en lien avec son préjudice,360 € au titre des frais d’assistance à expertise ;Au titre des préjudices extra-patrimoniaux :
13.802,40 € au titre du déficit fonctionnel temporaire (somme à parfaire),8.000 € au titre des souffrances temporaires endurées,3.000 € au titre du préjudice esthétique temporaire,5.000 € au titre de la perte de chance,5.000 € au titre du préjudice d’impréparation,7.500 € au titre du déficit fonctionnel permanent.Elle demande encore la condamnation du docteur [W] à lui payer la somme de 6.000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.
Au soutien de ses demandes elle fait valoir que l’expertise a mis en évidence le fait que les soins prodigués par le docteur [W] n’ont pas été attentifs, consciencieux et conformes aux données acquises de la science. Ainsi au niveau de la mandibule elle lui indique que les bridges sont le fruit d’un plan de traitement non conforme, d’une réalisation défaillante avec comme conséquence la présence d’une gingivite chronique, d’infections récurrentes et de difficultés à s’alimenter, et esthétiquement non satisfaisants.
Elle ajoute que le docteur [W] a manqué à son obligation d’information, aucun formulaire de consentement éclairé n’ayant été fourni ni signé.
Sur son préjudice elle expose avoir été contrainte de faire l’avance de frais de reprise, pour une somme de 25.206,13 € restant à sa charge. En désaccord avec l’expert, elle estime que le taux de déficit fonctionnel temporaire partiel doit être fixé à 10 % au lieu de 2 %, et le taux de déficit fonctionnel permanent à 5 % au lieu de 2 % compte tenu du retentissement psychologique.

Le docteur [W] et la MACSF ont conclu le 11 mars 2024 à la réduction des sommes pouvant être allouées à madame [E] et au rejet des demandes concernant le défaut d’information aux motifs que l’octroi d’une indemnisation en raison de la faute dans le choix du traitement et au titre de la perte de chance de refuser ce traitement conduirait à une double indemnisation, qu’aucun manquement au devoir d’information n’est caractérisé dès lors que madame [E] a signé les devis et un formulaire de consentement mentionnant un risque d’échec et de complications.
Sur le montant du préjudice ils exposent que madame [E] ne justifie pas des dépenses de santé actuelles restées à sa charge pour la reprise des soins, ni des frais de déplacement dont elle sollicite le remboursement, que le taux de déficit fonctionnel permanent est nul dès lors que les dents défaillantes ont été remplacées et qu’en tout état de cause ce poste de préjudice ne peut être liquidé en absence de consolidation.

La CPAM des Bouches du Rhône n’a pas constitué avocat.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur le devoir d’information :

L’article L1111-2 du code de la santé publique dispose que “Toute personne a le droit d’être informée sur son état de santé. Cette information porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu’ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus. Elle est également informée de la possibilité de recevoir, lorsque son état de santé le permet, notamment lorsqu’elle relève de soins palliatifs au sens de l’article L. 1110-10, les soins sous forme ambulatoire ou à domicile. Il est tenu compte de la volonté de la personne de bénéficier de l’une de ces formes de prise en charge. Lorsque, postérieurement à l’exécution des investigations, traitements ou actions de prévention, des risques nouveaux sont identifiés, la personne concernée doit en être informée, sauf en cas d’impossibilité de la retrouver.
Cette information incombe à tout professionnel de santé dans le cadre de ses compétences et dans le respect des règles professionnelles qui lui sont applicables. Seules l’urgence ou l’impossibilité d’informer peuvent l’en dispenser.
Cette information est délivrée au cours d’un entretien individuel.”
“En cas de litige, il appartient au professionnel ou à l’établissement de santé d’apporter la preuve que l’information a été délivrée à l’intéressé dans les conditions prévues au présent article. Cette preuve peut être apportée par tout moyen.”

La violation de l’obligation d’information constitue une faute délictuelle, donnant lieu à une indemnisation indépendamment de toute atteinte corporelle, dans la mesure où elle a privé le patient de la faculté de donner un consentement éclairé.

Indépendamment des cas dans lesquels le défaut d’information sur les risques inhérents à un acte individuel de prévention, de diagnostic ou de soins a fait perdre au patient une chance d’éviter le dommage résultant de la réalisation de l’un de ces risques, en refusant qu’il soit pratiqué, le non-respect, par un professionnel de santé, de son devoir d’information cause à celui auquel l’information était due, lorsque ce risque se réalise, un préjudice moral résultant d’un défaut de préparation aux conséquences d’un tel risque, qui, dès lors qu’il est invoqué, doit être réparé (cf Cass. Civ. 1ère, 25 janvier 2017).

En l’espèce l’expert a relevé qu’il n’existe pas de trace d’information préalable au dossier sur les risques de mettre en place des prothèses à appuis mixtes dento-implanto-portés, aucune mention n’apparaissant dans le consentement éclairé standard du mois d’octobre 2018.

Néanmoins il a également indiqué que les actes réalisés étaient indispensables afin de réhabiliter la denture de madame [E]. En conséquence, il n’y a pas lieu de retenir de préjudice spécifique de perte de chance de refuser les interventions du docteur [W] puisque, même régulièrement informée des risques inhérents à la pose de prothèses, il n’est pas établi que madame [E] aurait refusé des soins indispensables à son état de santé. La demande relative à la perte de chance sera donc rejetée.

En revanche la réalisation de ces risques, dont elle n’a pu avoir connaissance, a causé chez elle un préjudice moral d’impréparation qu’il conviendra de réparer à hauteur de 4.000 €.

Sur la réalisation des soins :

En application de l’article L 1142-1 I du code de la santé publique, hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d’un défaut d’un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d’actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu’en cas de faute.
La faute médicale se rattache à un manquement du médecin à son obligation de délivrer à son patient des soins consciencieux, attentifs, et, réserve faite de circonstances exceptionnelles, conformes aux données acquises de la science au moment où il dispense les soins.

La faute du médecin ne peut être déduite de la seule survenance d’un dommage.

En l’espèce l’expert, sans être contredit, a mentionné dans son rapport que le plan de traitement mis en œuvre par le docteur [W] est faux, en ce que le bridge dento-implanto-porté secteur 40 était voué à un échec certain, et que sa réalisation a été défectueuse avec comme conséquence la présence d’une gingivite chronique, d’infections récurrentes, de difficultés à s’alimenter et esthétiquement non satisfaisant, et qu’il convient en conséquence de reprendre intégralement le bridge maxillaire et les deux bridges mandibulaires, pour un coût évalué de 25.000 à 35.000 €.

Aux termes non contestés du rapport d’expertise, les fautes commises par le docteur [W] ont entraîné pour la victime, les conséquences médico-légales suivantes :

– une atteinte à l’intégrité physique et psychique de 3% après remplacement des dents manquantes par des prothèses,
– des souffrances endurées qualifiées de 3/7,
– un préjudice esthétique temporaire qualifié de 2/7,
étant précisé que la consolidation n’est pas acquise et qu’elle ne le sera que lorsque l’ensemble des traitements aura été repris et finalisé.

Sur la base de ce rapport, contre lequel aucune critique médicalement fondée n’est formée, et compte tenu des conclusions et des pièces produites, le préjudice corporel de madame [E] doit être évalué ainsi qu’il suit :

I) Les Préjudices Patrimoniaux

Les dépenses de santé :

La victime produit un devis d’un montant de 25.206,13 €, après déduction des remboursements de la sécurité sociale, au titre des frais de reprise des deux bridges. Les soins décrits dans ce devis sont conformes à ceux préconisés par l’expert et leur coût compatible avec son évaluation.
En outre il ne saurait être exigé de la victime qu’elle fasse l’avance des soins nécessaires à la réparation de son préjudice préalablement à l’obtention de son indemnisation. En effet l’obligation d’indemniser naît de la réalisation d’un dommage consécutif à une faute, et non d’une réparation préalable de ce même dommage par la victime elle-même. Le docteur [W] et la MACSF ne sauraient donc faire grief à madame [E] de ne pas produire de facture acquittée de reprise des soins.

Le docteur [W] et la MACSF seront donc condamnés in solidum à payer à madame [E] la somme de 25.206,13 €.

Les frais divers :

Les frais divers sont représentés par les honoraires d’assistance à l’expertise du médecin conseil, soit 360 €, au vu des éléments produits, outre 560 € au titre des frais de déplacement directement en lien avec son préjudice.

II) Les Préjudices Extra Patrimoniaux

II-A) Les Préjudices Extra-Patrimoniaux Temporaires

Le déficit fonctionnel temporaire :

Ce poste de préjudice est destiné à indemniser l’incapacité fonctionnelle totale ou partielle que subit la victime jusqu’à sa consolidation et correspond à une perte de qualité de vie et des joies usuelles de la vie courante incluant le préjudice d’agrément temporaire pendant cette période.

L’état de santé de madame [E] n’étant pas à ce jour consolidé, ce chef de préjudice sera réservé. Il appartiendra à la demanderesse de saisir à nouveau le tribunal, le cas échéant, après que la consolidation sera acquise.

Les souffrances endurées :

Les souffrances endurées fixées par l’expert à 3/7 seront indemnisées par le versement de la somme de 6.000 €.

Le préjudice esthétique temporaire :

Ce poste vise à réparer le préjudice né de l’obligation pour la victime de se présenter temporairement au regard des tiers dans une apparence physique altérée en raison de ses blessures.

Fixé par l’expert à 2/7, ce préjudice sera indemnisé à hauteur de 3.000 €.

II-B) Les Préjudices Extra-Patrimoniaux Permanents

Le déficit fonctionnel permanent :

Ce poste de préjudice est destiné à indemniser le préjudice extra-patrimonial découlant de l’incapacité médicalement constatée et à réparer ses incidences touchant exclusivement la sphère personnelle de la victime, soit non seulement les atteintes aux fonctions physiologiques de celle-ci mais aussi la douleur permanente qu’elle ressent, la perte de la qualité de vie et les troubles dans ses conditions d’existence après consolidation.

Compte tenu des séquelles conservées par la victime, il a été estimé par l’expert à 3%, après que les soins nécessaires auront été réalisés. L’expert indique à ce sujet que ce n’est pas parce qu’une dent est remplacée par une prothèse sur implant que le déficit fonctionnel permanent est nul, en raison notamment du fait qu’un implant n’est pas identique à une racine dentaire. Par ailleurs dans une réponse à un dire il explique que ce taux inclus le retentissement psychologique

Compte tenu de l’âge de madame [E] à ce jour (65 ans) il y a donc lieu de l’indemniser par l’allocation de la somme de 3.630 €.

RÉCAPITULATIF

– préjudice d’impréparation : 4.000 €,
– dépenses de santé actuelles : 25.206,13 €,
– frais divers : 920 €,
– déficit fonctionnel temporaire : réservé en l’absence de consolidation,
– souffrances endurées : 6.000 €,
– préjudice esthétique temporaire : 3.000 €,
– déficit fonctionnel permanent : 3.630 €,

TOTAL : 42.756,13 €.

En application de l’article 1231-7 du code civil, cette somme portera intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement.

Sur les autres demandes :

Le docteur [W] et la MACSF, qui succombent à l’instance, en supporteront in solidum les dépens, qui comprendront les frais d’expertise, avec droit de recouvrement direct au profit de maître COLONNA-MILANINI, conformément à l’article 699 du code de procédure civile.

Ils seront encore condamnés in solidum à payer à madame [E] la somme de 3.000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Il n’y a pas lieu de statuer par une disposition spéciale sur l’exécution provisoire, attachée de plein droit au présent jugement,

PAR CES MOTIFS :

Le tribunal, statuant par jugement réputé contradictoire et en premier ressort :

Condamne in solidum le docteur [K] [W] et la MACSF à payer à madame [I] [Y] épouse [E] la somme de 42.756,13 € de dommages et intérêts, avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement ;

Réserve la demande au titre du déficit fonctionnel temporaire ;

Dit qu’il appartiendra à madame [I] [Y] épouse [E] de saisir à nouveau le tribunal, le cas échéant, afin d’obtenir l’indemnisation de ce poste de préjudice dès que la consolidation de son état de santé sera acquise ;

Déboute madame [I] [Y] épouse [E] de sa demande au titre de la perte de chance ;

Condamne in solidum le docteur [K] [W] et la MACSF à payer à madame [I] [Y] épouse [E] la somme de 3.000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne in solidum le docteur [K] [W] et la MACSF aux dépens, qui comprendront les frais d’expertise, avec droit de recouvrement direct au profit de maître COLONNA-MILANINI, conformément à l’article 699 du code de procédure civile.

AINSI JUGÉ, PRONONCÉ ET MIS À DISPOSITION AU GREFFE DE LA PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MARSEILLE LE VINGT ET UN NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT QUATRE.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


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