L’Essentiel : Le 06 janvier 2017, une victime a subi un traumatisme au genou droit lors d’un match de football, entraînant une rupture complète du ligament croisé antérieur. Suite à cet incident, une intervention chirurgicale a été réalisée par un médecin, consistant en une ligamentoplastie arthroscopique. Cependant, une reprise chirurgicale a été nécessaire en raison d’une défaillance de la fixation fémorale. Malgré ces interventions, la victime a continué à ressentir des douleurs persistantes, conduisant à des examens supplémentaires et à une nouvelle opération. La victime a ensuite saisi le tribunal judiciaire pour demander une expertise médicale et une indemnisation des préjudices subis.
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Résumé des faits de l’affaireLe 06 janvier 2017, une victime a subi un traumatisme au genou droit lors d’un match de football, entraînant une rupture complète du ligament croisé antérieur. Suite à cet incident, une intervention chirurgicale a été réalisée le 23 janvier 2017 par un médecin, consistant en une ligamentoplastie arthroscopique. Cependant, une reprise chirurgicale a été nécessaire le 25 janvier 2017 en raison d’une défaillance de la fixation fémorale. Malgré ces interventions, la victime a continué à ressentir des douleurs persistantes, ce qui a conduit à des examens supplémentaires et à une nouvelle opération le 24 juillet 2018 pour traiter les séquelles. Face à la persistance de ses problèmes de santé, la victime a saisi le tribunal judiciaire de Bordeaux pour demander une expertise médicale. Procédure judiciaire et demandes d’indemnisationLe tribunal a ordonné une expertise médicale, dont le rapport a été déposé le 24 janvier 2022. En février 2023, la victime a assigné le médecin responsable de l’intervention pour obtenir une indemnisation de divers préjudices, incluant des pertes de gains professionnels, des souffrances endurées et des préjudices esthétiques. Le médecin a contesté ces demandes, demandant à son tour une condamnation pour procédure abusive. Arguments des partiesLa victime a soutenu que le médecin avait manqué à son devoir d’information concernant les risques de l’intervention chirurgicale, ce qui aurait pu l’amener à refuser l’opération. De plus, elle a invoqué une faute technique dans la réalisation de la chirurgie. En revanche, le médecin a affirmé avoir correctement informé la victime et a contesté toute responsabilité, arguant que la complexité de l’intervention justifiait les choix techniques effectués. Décision du tribunalLe tribunal a débouté la victime de sa demande d’indemnisation, concluant qu’il n’y avait pas de preuve d’un manquement fautif de la part du médecin. La demande de réparation pour procédure abusive a également été rejetée. En conséquence, la victime a été condamnée à verser des dépens au médecin, ainsi qu’une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile. L’exécution provisoire de la décision a été maintenue. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelles sont les conditions de la responsabilité médicale selon le Code de la santé publique ?La responsabilité des professionnels de santé est régie par les articles L. 1142-1 et R. 4127-32 du Code de la santé publique. Selon l’article L. 1142-1 I, « les professionnels de santé ne sont responsables des conséquences dommageables d’actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu’en cas de faute ». Cela signifie que, pour engager la responsabilité d’un médecin, il faut prouver qu’il a commis une faute dans l’exercice de ses fonctions. L’article R. 4127-32 précise que « le médecin doit s’assurer que son patient a reçu une information claire et appropriée sur les risques liés à l’intervention ». Ainsi, la responsabilité du médecin ne peut être engagée que si un manquement à cette obligation d’information a causé un préjudice au patient. En l’espèce, le patient n’a pas démontré que le médecin n’avait pas respecté son devoir d’information, ce qui conduit à un rejet de la demande d’indemnisation. Quelles sont les implications du devoir d’information du médecin ?Le devoir d’information du médecin est fondamental dans la relation médecin-patient. L’article R. 4127-32 du Code de la santé publique stipule que « le médecin doit s’assurer que son patient a reçu une information claire et appropriée sur les risques liés à l’intervention ». Cela implique que le médecin doit informer le patient des risques, des bénéfices et des alternatives à l’intervention proposée. Dans le cas présent, l’expert a conclu que le consentement éclairé avait été signé et que l’information préopératoire avait été correctement réalisée. Le patient a été informé des complications possibles, y compris des risques rares comme la « ré-rutpure ». Ainsi, le tribunal a estimé que le patient avait été suffisamment informé et a débouté sa demande d’indemnisation pour défaut d’information. Quelles sont les conséquences d’une faute technique dans le cadre d’une intervention chirurgicale ?La responsabilité d’un médecin peut être engagée en cas de faute technique dans la réalisation d’une intervention chirurgicale. Cependant, selon l’article L. 1142-1 I du Code de la santé publique, la responsabilité ne peut être engagée que si cette faute a causé un préjudice au patient. Dans cette affaire, le patient a allégué une faute technique liée au positionnement du tunnel fémoral. L’expert a cependant conclu que ce positionnement, bien que critiqué, ne pouvait pas être considéré comme fautif compte tenu de la complexité de l’intervention. Il a été établi que le positionnement du tunnel fémoral n’était pas aberrant et que la nécessité d’une reprise chirurgicale ne suffisait pas à établir une faute. Ainsi, le tribunal a débouté le patient de sa demande d’indemnisation pour faute technique. Quelles sont les conditions pour qu’une procédure soit considérée comme abusive ?L’article 1240 du Code civil stipule que « tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ». Pour qu’une procédure soit qualifiée d’abusive, il faut prouver que le demandeur a agi avec l’intention de nuire ou de causer un préjudice à l’autre partie. Dans le cas présent, le médecin a soutenu que le patient avait agi avec acharnement, mais il n’a pas pu démontrer que le patient avait eu à dessein de nuire. Le tribunal a donc rejeté la demande de réparation du préjudice moral du médecin pour procédure abusive, considérant qu’il n’y avait pas de preuve d’un abus de droit. Quelles sont les implications des dépens et des frais d’expertise dans une procédure judiciaire ?Les dépens sont les frais engagés dans le cadre d’une procédure judiciaire, y compris les frais d’expertise. Selon l’article 700 du Code de procédure civile, « le juge peut condamner la partie perdante à payer à l’autre partie une somme au titre des frais irrépétibles ». Dans cette affaire, le tribunal a condamné le patient à verser les dépens, y compris les frais d’expertise, en raison de sa défaite dans la procédure. De plus, le tribunal a accordé au médecin une indemnité de 1500 € au titre de l’article 700, considérant qu’il était inéquitable de laisser à sa charge les frais non compris dans les dépens. Ainsi, les frais d’expertise et les dépens sont des éléments importants à prendre en compte dans le cadre d’une procédure judiciaire. |
SUR LE FOND
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE BORDEAUX
6EME CHAMBRE CIVILE
JUGEMENT DU 05 Février 2025
58G
RG n° N° RG 23/01638 – N° Portalis DBX6-W-B7H-XRFP
Minute n°
AFFAIRE :
[J] [Y]
C/
[H] [L], Caisse CPAM DE LA GIRONDE, S.A. AXA FRANCE VIE
Grosse Délivrée
le :
à Avocats : la SCP BAYLE – JOLY
Me Charlotte BOUYER
COMPOSITION DU TRIBUNAL :
Lors des débats en juge rapporteur :
Madame Louise LAGOUTTE, Vice-Président,
Madame Fanny CALES, juge,
Lors du délibéré et de la mise à disposition :
Madame Louise LAGOUTTE, Vice-Président,
Madame Fanny CALES, juge,
Madame Marie-Sylvie LHOMER, magistrat à titre temporaire,
greffier présente lors des débats et de la mise à disposition : Madame Elisabeth LAPORTE,
DEBATS :
A l’audience publique du 04 Décembre 2024,
JUGEMENT:
Réputé contradictoire
En premier ressort
Par mise à disposition au greffe
DEMANDEUR
Monsieur [J] [Y]
né le [Date naissance 1] 1982 à [Localité 10]
de nationalité Française
[Adresse 6]
[Localité 5]
représenté par Me Charlotte BOUYER, avocat au barreau de BORDEAUX
DEFENDEURS
Monsieur [H] [L]
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Localité 9]
représenté par Maître Paola JOLY de la SCP BAYLE – JOLY, avocats au barreau de BORDEAUX
CPAM DE LA GIRONDE prise en la personne de son directeur en exercice domicilié es qualités audit siège
[Adresse 11]
[Localité 4]
défaillant
S.A. AXA FRANCE VIE prise en la personne de son représentant légal domicilié es qualités audit siège
[Adresse 3]
[Localité 7]
défaillant
Le 06 janvier 2017, Monsieur [Y] a été victime d’un traumatisme au genou droit lors d’un match de football.
Les examens réalisés postérieurement ont mis en évidence une rupture complète du ligament croisé antérieur.
Le 23 janvier 2017, il a bénéficié d’une intervention de ligamentoplastie arthroscopique avec reconstruction du ligament croisé antérieur et du poplité par technique de Laprade, réalisée par le Docteur [L] au sein de la Clinique du sport à [Localité 9].
Une reprise chirurgicale a été réalisée le 25 janvier 2017 en raison d’une faillite précoce de la fixation fémorale de la ligamentoplastie.
En raison d’une gêne persistante et douloureuse du genou droit, un arthroscanner a été réalisé le 24 mai 2017. Il a été hospitalisé le 22 juin 2017 à la Clinique du sport pour une intervention le même jour pour ablation du matériel.
Le 25 janvier 2018, une IRM a été réalisée, suggérant une nouvelle rupture du ligament croisé antérieur.
Le 24 juillet 2018, il a été de nouveau opéré aux fins de réalisation d’une plastie du ligament croisé antérieur de type Macintosh associée à une plastie complémentaire du point d’angle postérolatéral et à une plastie de reconstruction du ligament collatéral de type Werner Muller, réalisée au Centre Hospitalier de [Localité 8].
Invoquant des séquelles persistantes au niveau de son genou malgré la dernière intervention, il a saisi le juge des référés près le tribunal judiciaire de Bordeaux aux fins d’expertise.
Par ordonnance en date du 21 juin 2021, le Tribunal judiciaire de Bordeaux statuant en référé a ordonné une mesure d’expertise médicale de Monsieur [Y] confiée au Dr [X].
Le 24 janvier 2022, l’expert judiciaire a déposé son rapport d’expertise définitif.
Monsieur [Y] a, par actes délivrés les 21, 22 et 24 février 2023, fait assigner devant le présent tribunal le Docteur [L] pour voir indemniser son préjudice ainsi que, en qualité de tiers payeurs, la CPAM de la Gironde et la S.A. AXA FRANCE VIE.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 11 juin 2024 et l’affaire a été appelée à l’audience du 04 décembre 2024 au cours de laquelle elle a été retenue puis mise en délibéré par mise à disposition au greffe à la date de ce jour, les parties en ayant été informées selon les modalités de l’article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.
PRETENTIONS DES PARTIES
Par conclusions responsives et récapitulatives notifiées par voie électronique le 23 octobre 2023, Monsieur [Y] demande au tribunal de :
– déclarer le Docteur [L] responsable sur le fondement de l’article L1142-1 du Code de la santé publique ;
– Condamner le Docteur [L] à indemniser Monsieur [Y] comme suit :
– Déficit fonctionnel temporaire : 7.895,25 €
– Déficit fonctionnel permanent : 34.500 €
– Incidence professionnelle : 30.000 €
– Souffrances endurées : 8.000 €
– Préjudice sexuel : 3.000 €
– Préjudice esthétique temporaire : 1.500 €
– Préjudice esthétique permanent : 1.500 €
– Préjudice d’agrément : 15.000 €
– Assistance tierce personne temporaire : 13.177,29 €
– Frais divers : 7.743 €
– Dépenses de santé actuelles : mémoire
– Perte de gains professionnels actuelle : 28.692 €
– Préjudice d’impréparation : 5.000 €
– Dire et juger que les condamnations porteront intérêt au taux légal à compter du jugement à intervenir.
– Ordonner la capitalisation des intérêts,
– Condamner le Docteur [L] à verser à Monsieur [Y] la somme de 3.500 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile
– Condamner le Docteur [L] aux entiers dépens.
– Dire n’y avoir lieu à écarter l’exécution provisoire de la décision à intervenir.
Au terme des conclusions responsives notifiées par voie électronique le 18 mars 2024, Monsieur [L] demande au tribunal de :
– Débouter Monsieur [Y] de l’intégralité de ses demandes dirigées à son encontre,
– Condamner Monsieur [Y] à lui verser la somme de 3 000 € pour procédure abusive ,
– Condamner Monsieur [Y] à lui verser la somme de 2 000 € au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
– Condamner Monsieur [Y] aux entiers dépens de la procédure.
A titre subsidiaire,
– Débouter Monsieur [Y] de ses demandes formulées au titre des pertes de gains professionnels actuels, de l’incidence professionnelle, du préjudice sexuel, du préjudice d’agrément et du préjudice d’impréparation ;
– Réduire les demandes de Monsieur [Y] au titre des frais divers, de l’assistance par tierce personne temporaire, du déficit fonctionnel temporaire, du déficit fonctionnel permanent, des souffrances endurées, du préjudice esthétique temporaire et du préjudice esthétique permanent à de plus justes proportions ;
– Réduire les sommes sollicitées au titre de l’article 700 du code de procédure civile à de plus justes proportions ;
– Débouter Monsieur [Y] de sa demande de capitalisation des intérêts au taux légal ;
– Suspendre l’exécution provisoire ;
A titre infiniment subsidiaire,
– Débouter Monsieur [Y] de sa demande formulée au titre des pertes de gains professionnels actuels ;
– Réduire les demandes de Monsieur [Y] au titre de l’incidence professionnelle, du préjudice sexuel, du préjudice d’agrément, du préjudice d’impréparation, des frais divers, de l’assistance par tierce personne temporaire, du déficit fonctionnel temporaire, du déficit fonctionnel permanent, des souffrances endurées, du préjudice esthétique temporaire et du préjudice esthétique permanent à de plus justes proportions ;
– Réduire les sommes sollicitées au titre de l’article 700 du code de procédure civile à de plus justes proportions ;
– Débouter Monsieur [Y] de sa demande de capitalisation des intérêts au taux légal ;
– Suspendre l’exécution provisoire ;
Pour l’exposé des moyens venant au soutien de ces demandes, il est renvoyé aux conclusions écrites des parties.
La CPAM de la Gironde et la S.A. AXA FRANCE VIE n’ont pas constitué avocat. Il sera statué par jugement réputé contradictoire.
Il résulte des dispositions de l’article 472 du code de procédure civile que si le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond. Le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l’estime régulière, recevable et bien fondée.
Sur la responsabilité médicale du Docteur [L]
Monsieur [Y] sollicite d’une part l’indemnisation d’un préjudice d’impréparation autonome et d’une perte de chance d’éviter le dommage en refusant l’intervention (qu’il évalue à 50 %) sur le fondement du manquement au devoir d’information du Docteur [L] qui n’aurait pas informé son patient de la complexité réelle et du caractère “exceptionnel” de cette chirurgie. Il fait état à ce titre de l’insuffisance des fiches de consentement signées. D’autre part, il sollicite l’indemnisation de son préjudice corporel résultant de la chirurgie réalisée le 23 janvier 2017 au motif d’une faute technique dans la réalisation du geste chirurgical à savoir le défaut de positionnement du tunnel fémoral. Il s’appuie sur une partie des conclusions du médecin expert et l’avis médical du Docteur [K].
Le Docteur [L] s’oppose à toute reconnaissance de sa responsabilité et conclut au débouté des demandes de Monsieur [Y]. Il se fonde sur les conclusions du médecin expert retenant que le patient avait été informé et que l’anomalie de positionnement du tunnel fémoral ne pouvait être considérée comme une faute technique en raison de la complexité de l’intervention. Il fait valoir enfin que l’avis du Docteur [K] a été dressé unilatéralement et non contradictoirement et ne saurait fonder sa responsabilité pour faute.
Il résulte des dispositions combinées des articles L. 1142-1 I et R. 4127-32 du code de la santé publique que, hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d’’un défaut d’un produit de santé, les professionnels de santé ne sont responsables des conséquences dommageables d’actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu’en cas de faute.
Il est ainsi admis que la responsabilité du médecin, qui n’est tenu qu’à une obligation de moyens dans la réalisation des actes médicaux sus visés, ne peut être engagée qu’en cas ce faute dont il résulte pour le patient un préjudice en relation de causalité directe et certaine.
En l’espèce, s’agissant du manquement invoqué au devoir d’information, il ressort des conclusions de l’expert qu’aucun grief n’avait été émis spontanément à propos de l’information lors des réunions d’expertise par Monsieur [Y], y compris lorsqu’il a été précisément interrogé sur ce point. L’expert a conclu à ce titre que les comptes rendus de rendez-vous étaient détaillés, que le consentement éclairé avait été signé et que l’information préopératoire avait été correctement réalisée. Spécifiquement interrogé sur ce point dans le cadre des dires, le médecin expert a confirmé que le risque d’échec avait été clairement mentionné sur le consentement signé.
À ce titre, il apparait que la fiche d’information remise à Monsieur [Y] mentionne effectivement tant les complications fréquentes (hématome, phlébite), moins fréquentes telles que l’algodystrophie mais également les complications rares de nature infectieuses voire également la “ré-rutpure”.
De plus, si Monsieur [Y] expose ne pas avoir été spécifiquement informé de la nature particulière de l’opération réalisée et d’un éventuel risque accru au vu de la complexité de l’intervention, il convient de relever que, le Docteur [X], comme le Docteur [K] ont mentionné qu’il avait été informé du type de chirurgie qui allait être pratiquée. De plus, il ressort du rapport du Docteur [X] que la complexité des lésions a justifié de fait l’orientation vers le Docteur [L], spécialisé dans la chirurgie concernée. Ainsi, il ne saurait être retenu que Monsieur [Y] n’avait pas conscience de la nature particulière de l’intervention.
En tout état de cause, il ressort des constatations médicales que le diagnostic était correct et il n’est pas démontré que Monsieur [Y] aurait pu refuser l’intervention au vu de la nature de sa blessure voir même qu’une alternative était envisageable.
Par conséquent, il convient de débouter Monsieur [Y] s’agissant de sa demande d’indemnisation d’un préjudice d’impréparation et de perte de chance de refuser l’intervention fondée sur le défaut d’information.
S’agissant de la faute technique invoquée, le Docteur [X] a conclu que la faillite de l’amarrage osseux était directement en relation avec la position trop postérieure du tunnel fémoral. Il a pu rappeler à ce titre la nature complexe de l’intervention par rapport à une “simple” chirurgie de ligament croisé antérieur qui justifiait de fait la réalisation de plusieurs tunnels fémoraux sur la face latérale du fémur, pouvant alors interférer et gêner le positionnement du tunnel fémoral litigieux pour le ligament croisé antérieur.
Ainsi, si le positionnement trop postérieur du tunnel fémoral a été soulevé par l’expert judiciaire, expliquant ainsi l’échec de la tenue de la vis, il est néanmoins relevé que ce positionnement n’était pas aberrant et ne pouvait donc être considéré comme fautif quand bien même une reprise chirurgicale ait été nécessaire.
L’avis du Docteur [K], dressé non contradictoirement et sur les seuls éléments apportés par Monsieur [Y] conteste ce positionnement. Il invoque une réalisation chirurgicale non conforme aux données de la science au motif que la technique utilisée nécessitait impérativement la réalisation d’un tunnel complet orienté d’une façon spécifique pour permettre à la vis d’avoir une valeur mécanique. Néanmoins, cet avis n’est pas en soi contraire à l’appréciation de celle du Docteur [X] qui confirme ce positionnement inadapté du tunnel fémoral. Cependant, il convient de relever que le Docteur [K] ne prend pas en considération la nature particulièrement difficile de cette intervention ou le risque d’interférence ou de gêne avec les autres tunnels pour apprécier la maladresse fautive dans le placement du tunnel et donc dans le geste chirurgical du Docteur [L].
Ainsi, l’avis du Docteur [K] ne suffit pas à contester l’appréciation médicalemen t motivée du Docteur [X] qui conclut à l’absence de manquement fautif de la part du Docteur [L] dans la réalisation de l’intervention. Monsieur [Y] ne rapporte donc pas la preuve d’un manquement fautif du Docteur [L] dans la réalisation de l’intervention.
Par conséquent, il conviendra de débouter Monsieur [Y] de sa demande en indemnisation de son préjudice sur le fondement de la maladresse fautive du Docteur [L].
Sur la demande formée par le Docteur [L] sur le fondement de la procédure abusive,
Le Docteur [L] soutient qu’il a subi un préjudice moral en raison de l’action procédurale de Monsieur [Y] démontrant un acharnement de sa part à son encontre.
Au terme des dispositions de l’article 1240 du code civil tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
L’usage du droit d’agir en justice ne saurait être qualifié de fautif qu’en cas d’abus de droit et suppose que le titulaire de ce droit en fait à dessein de nuire un usage préjudiciable à autrui.
En l’espèce, il n’est pas démontré que Monsieur [Y] aurait eu à dessein de nuire au Docteur [L].
La demande de Monsieur [L] à titre de réparation de son préjudice moral à ce titre sera donc rejetée.
Sur les autres dispositions du jugement
Succombant principalement à la procédure, Monsieur [Y] sera condamné aux dépens, dans lesquels seront inclus les frais antérieurs à l’engagement de l’instance relatifs à l’instance de référé expertise ayant préparé la présente instance outre les frais d’expertise.
D’autre part, il serait inéquitable de laisser à la charge de Monsieur [L] les frais non compris dans les dépens. Il convient en conséquence de condamner Monsieur [Y] à une indemnité en sa faveur au titre de l’article 700 du code de procédure civile à hauteur de 1500 €.
La demande de Monsieur [Y] à ce titre sera rejetée.
Par ailleurs, rien ne justifie d’écarter l’exécution provisoire de droit prévue par l’article 514 du code de procédure civile.
Le Tribunal,
DEBOUTE Monsieur [Y] de sa demande tendant à voir déclarer le Docteur [L] responsable et à l’indemniser du dommage résultant de l’intervention du 23 janvier 2017,
DEBOUTE Monsieur [L] de sa demande tendant à voir condamner Monsieur [Y] à lui verser lasomme de 3000 € en réparation de son préjudice moral pour procédure abusive,
CONDAMNE Monsieur [Y] à verser à Monsieur [L] la somme de 1500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile:
REJETTE la demande de Monsieur [Y] au titre des frais irrépétibles,
CONDAMNE Monsieur [Y] aux dépens, qui comprendront ceux de l’instance ayant donné lieu à l’ordonnance de référé du 21 juin 2021 ainsi que le coût de l’expertise judiciaire,
DIT n’y avoir lieu à écarter l’exécution provisoire de droit de la présente décision.
REJETTE les autres demandes des parties.
Le jugement a été signé par Louise LAGOUTTE, président et Elisabeth LAPORTE, greffier.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
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