Responsabilité et légitime défense dans un contexte de violence interpersonnelle

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Responsabilité et légitime défense dans un contexte de violence interpersonnelle

L’Essentiel : Le 19 juillet 2018, Mme [K] [D] a déclaré avoir été victime de violences de la part de M. [X] [E] dans une maison de vacances. L’incident a débuté lorsque M. [E] a refusé de rendre un canapé à Mme [D], culminant lorsqu’il l’a giflée alors qu’elle s’occupait de sa fille handicapée. En novembre 2023, Mme [D] a assigné M. [E] en justice pour obtenir réparation, réclamant 11 065 € pour divers préjudices. Cependant, le tribunal a conclu que M. [E] avait agi en légitime défense, déboutant Mme [D] de ses demandes et lui imposant des dépens.

Contexte de l’Affaire

Mme [K] [D] a déclaré avoir été victime de violences volontaires le 19 juillet 2018, imputables à M. [X] [E], dans une maison de vacances où elle séjournait avec sa famille. Elle a expliqué qu’un colocataire, M. [E], s’était approprié un canapé qui lui était destiné et avait refusé de le lui rendre. L’incident s’est intensifié lorsque M. [E] est entré dans la chambre de Mme [D] alors qu’elle s’occupait de sa fille handicapée, et l’a giflée violemment.

Procédure Judiciaire

Suite à ces événements, Mme [K] [D] a assigné M. [X] [E] par acte d’huissier le 15 novembre 2023, demandant réparation pour le préjudice subi. Elle a sollicité des indemnités pour divers préjudices, incluant des frais de santé et des souffrances endurées, totalisant 11 065 €.

Demandes de M. [X] [E]

Dans ses conclusions notifiées le 6 mai 2024, M. [X] [E] a contesté les accusations, demandant au tribunal de constater l’absence de lien de causalité entre la gifle et les séquelles médicales. Il a également demandé à débouter Mme [D] de toutes ses demandes et, à titre subsidiaire, de reconnaître une faute de la victime.

Éléments de Preuve

Le tribunal a examiné les témoignages et les preuves présentées. La version de Mme [K] [D] reposait uniquement sur ses dires, tandis que celle de M. [X] [E] était corroborée par des témoins, y compris une personne qui avait filmé l’altercation. Selon ces témoignages, Mme [D] aurait d’abord giflé M. [E], qui aurait réagi par réflexe en lui rendant la gifle.

Décision du Tribunal

Le tribunal a conclu que la version de Mme [K] [D] était incohérente et infirmée par les témoignages. Il a établi que M. [X] [E] avait agi en légitime défense, exonérant ainsi ce dernier de toute responsabilité. Par conséquent, Mme [D] a été déboutée de toutes ses demandes et condamnée à payer les dépens ainsi qu’une somme de 2 000 € à M. [X] [E] en vertu de l’article 700 du code de procédure civile.

Q/R juridiques soulevées :

Quel est le fondement juridique de la demande d’indemnisation de Mme [K] [D] ?

La demande d’indemnisation de Mme [K] [D] repose sur le principe de la responsabilité civile délictuelle, tel que défini par l’article 1240 du Code civil. Cet article stipule :

« Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. »

Dans ce cas, Mme [K] [D] soutient avoir subi un préjudice à la suite des violences volontaires de M. [X] [E].

Cependant, pour qu’il y ait indemnisation, il faut établir un lien de causalité entre la faute et le dommage.

Or, le tribunal a constaté que Mme [K] [D] avait elle-même initié l’altercation en giflant M. [X] [E], ce qui a conduit à l’acte de défense de ce dernier.

Ainsi, la responsabilité de M. [X] [E] ne peut être engagée, car il a agi en état de légitime défense, conformément à l’article 122-5 du Code pénal, qui précise :

« N’est pas pénalement responsable la personne qui accomplit un acte commandé par la nécessité de la légitime défense. »

En conséquence, la demande d’indemnisation de Mme [K] [D] est rejetée.

Quelles sont les implications de la légitime défense dans cette affaire ?

La légitime défense est un principe fondamental du droit pénal et civil, qui permet à une personne de se défendre contre une agression. Selon l’article 122-5 du Code pénal :

« La légitime défense est caractérisée par l’absence de provocation de la part de la personne qui se défend, par la nécessité de la défense et par la proportionnalité de la riposte. »

Dans cette affaire, le tribunal a établi que Mme [K] [D] avait provoqué M. [X] [E] en lui donnant une gifle.

Cette provocation a été déterminante pour qualifier l’acte de M. [X] [E] comme étant une réaction réflexe et proportionnée à l’agression initiale.

Ainsi, la légitime défense a été reconnue, exonérant M. [X] [E] de toute responsabilité pour les blessures infligées à Mme [K] [D].

Le tribunal a donc conclu que l’absence de provocation de la part de M. [X] [E] était un élément clé pour justifier son acte.

Quels sont les effets de la décision sur les dépens et les frais de justice ?

La décision du tribunal a des conséquences directes sur les dépens et les frais de justice, conformément à l’article 696 du Code de procédure civile, qui stipule :

« La partie qui succombe est condamnée aux dépens. »

Dans ce cas, Mme [K] [D] a été déboutée de l’ensemble de ses demandes, ce qui signifie qu’elle est considérée comme la partie succombante.

Par conséquent, elle est condamnée à payer les dépens de la procédure, y compris les frais engagés par M. [X] [E].

De plus, en application de l’article 700 du Code de procédure civile, le tribunal a condamné Mme [K] [D] à verser à M. [X] [E] la somme de 2 000 € pour couvrir ses frais de justice.

Cette disposition vise à garantir que la partie qui a dû défendre ses droits en justice ne soit pas pénalisée financièrement par la procédure.

Comment la décision du tribunal affecte-t-elle les droits de Mme [K] [D] ?

La décision du tribunal a des implications significatives pour les droits de Mme [K] [D]. En étant déboutée de ses demandes d’indemnisation, elle perd son droit à réparation pour les préjudices qu’elle prétend avoir subis.

Cela signifie qu’elle ne pourra pas obtenir les sommes qu’elle avait demandées pour ses préjudices patrimoniaux et extra-patrimoniaux, qui s’élevaient à un total de 11 065 €.

De plus, la condamnation aux dépens et le versement de 2 000 € à M. [X] [E] en application de l’article 700 du Code de procédure civile aggravent sa situation financière.

Elle doit également faire face à la stigmatisation d’avoir été reconnue comme la partie responsable de l’altercation, ce qui peut avoir des conséquences sur sa réputation personnelle et sociale.

En somme, la décision du tribunal a pour effet de réduire considérablement les droits de Mme [K] [D] à une réparation financière et à une reconnaissance de son préjudice.

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT N°

Enrôlement : N° RG 23/12000 – N° Portalis DBW3-W-B7H-35A4

AFFAIRE : Mme [K] [D] (Maître Charlotte MOREAU de la SELARL CAMPOCASSO & ASSOCIES)
C/ M. [X] [E] (Me Marine FANDOS)

DÉBATS : A l’audience Publique du 03 Décembre 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL lors des débats et du délibéré

Président : Monsieur Cyrille VIGNON

Greffier : Madame Taklite BENMAMAS, lors des débats

A l’issue de laquelle, la date du délibéré a été fixée au : 07 Janvier 2025

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 07 Janvier 2025

PRONONCE par mise à disposition le 07 Janvier 2025

Par Monsieur Cyrille VIGNON, Vice-Président

Assistée de Madame Taklite BENMAMAS, Greffier

NATURE DU JUGEMENT

réputée contradictoire et en premier ressort

NOM DES PARTIES

DEMANDERESSE

Madame [K] [D]
née le [Date naissance 2] 1949 à [Localité 11] (TUNISIE) (99), demeurant [Adresse 5]

immatriculée à la sécurité sociale sous le n° [Numéro identifiant 3]

représentée par Maître Charlotte MOREAU de la SELARL CAMPOCASSO & ASSOCIES, avocats au barreau de MARSEILLE

C O N T R E

DEFENDEUR

Monsieur [X] [E]
né le [Date naissance 1] 1945 à [Localité 7], demeurant [Adresse 6]

représenté par Me Marine FANDOS, avocat postulant au barreau de MARSEILLE et Me Anne-Laure BECHEROT-JOANA, avocat plaidant au barreau d’AVIGNON

la CPAM DES BOUCHES DU RHONE,
dont le siège social est sis [Adresse 4], prise en la personne de son représentant légal

défaillante

FAITS ET MOYENS DE PROCÉDURE :

Mme [K] [D] fait valoir qu’elle a été victime le 19 juillet 2018 de violences volontaires imputables à M. [X] [E] , dans une maison de vacances située [Adresse 8] à [Localité 9] où elle louait une chambre avec son époux et sa fille âgée de 32 ans lourdement handicapée. Elle expose que l’un des colocataires, Monsieur [E], s’est approprié un canapé, habituellement destiné à son usage,n avant l’arrivée de la famille [D] et a refusé de permettre à Madame [D] de le récupérer. Elle fait valoir que M. [X] [E] s’est introduit dans la chambre alors qu’elle changeait la couche de sa fille que de manière incompréhensible, Monsieur [E] l’a alors très violemment giflé. Madame [D] a dû être transportée au service des urgences du Centre Hospitalier de [Localité 10] par le SAMU en raison de ses douleurs et de son état de vulnérabilité,

Par acte d’huissier délivré le 15 novembre 2023, Mme [K] [D] a assigné M. [X] [E] pour qu’il soit condamné à réparer le préjudice subi à la suite des faits précités.

Le Docteur [Y] , désigné par décision du 2 juin 2022 par la Cour d’Appel d’Aix en Provence, ayant déposé son rapport, Mme [K] [D] sollicite que lui soient accordées, en réparation de son préjudice corporel, les sommes suivantes :

I) Préjudices Patrimoniaux

I-A) Préjudices patrimoniaux temporaires

– Dépenses de santé restées à charge 150 €
– Frais divers 720 €

II) Préjudices extra-patrimoniaux

II-A) Préjudices extra-patrimoniaux temporaires

– Déficit fonctionnel temporaire partiel à 25 % 405 €
– Déficit fonctionnel temporaire partiel à 10 % 810 €
– Souffrances endurées 5500 €

II-B) Préjudices extra-patrimoniaux permanents

– Déficit fonctionnel permanent 3630 €

SOIT AU TOTAL 11 065 €
dont il convient de déduire la somme de €, déjà versée à titre de provision.

Mme [K] [D] demande en outre au tribunal de :

– condamner M. [X] [E] à lui payer la somme de 1500 € en application de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner M. [X] [E] aux entiers dépens.

Par concluisons notifiées le 6 mai 2024, M. [X] [E] demande au tribunal de :
A titre principal,
Constater l’absence de lien de causalité entre la gifle et les séquelles retenues dans le certificat médical initial repris par l’expert,
Débouter Madame [D] de l’ensemble de ses demandes,

A titre subsidiaire,
Constater la faute de la victime,
Exonérer totalement Monsieur [E],
Débouter Madame [D] de l’ensemble de ses demandes,
A titre infiniment subsidiaire,
Ramener à de plus justes proportions les prétentions indemnitaires de Madame [D],
En tout état de cause,
Condamner Madame [D] à verser à Monsieur [E] la somme de 4500€ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamner Madame [D] aux entiers dépens.

L’organisme social bien que régulièrement mis en cause n’est pas représenté.

MOTIFS DU JUGEMENT :

Sur le droit à indemnisation :

La version de Madame [K] [D] ne résulte que de ses propres dires. En revanche la version différente de M. [X] [E] est corroborée par des témoins de l’altercation; Madame [K] [D] mentionnant bien la présence de Mme [Z] (dont le témoignage est produit par M. [X] [E]) filmant l’altercation. Selon M. [X] [E] et les témoins, c’est Madame [K] [D] qui est venue à la rencontre de M. [X] [E] en lui donnant directement elle-même une gifle, à laquelle M. [X] [E], a, dans un réflex d’auto défense lui-même répliqué en giflant Madame [K] [D]. De fait, Madame [K] [D] est incapable d’expliquer pourquoi M. [X] [E] l’aurait giflé directement en premier. En revanche, Madame [K] [D] qui était très énervée du fait que M. [X] [E] avait pu voir sa fille handicapée dénudée, était de ce fait motivée pour aller le gifler.

Il résulte des débats, de l’examen des pièces produites et des considérations combinées qui précèdent que la version de Madame [K] [D], du reste incompréhensible, qui ne repose que sur ses dires, concernant le fait qu’elle aurait été spontanément giflée sans raison par M. [X] [E], est infirmée par M. [X] [E] et les témoins. Il est donc établi qu’avant d’être giflée par M. [X] [E], Madame [K] [D] venait elle-même de le gifler. L’acte réflexe de M. [X] [E] s’est inscrit dans le srtict cadre de la légitime défense proportionnée. La faute intentionnelle commise par Madame [K] [D] consistant à gifler spontanément M. [X] [E] exonère totalement ce dernier. Madame [K] [D] sera nécessairement déboutée de l’ensemble de ses demandes.

Conformément à l’article 696 du code de procédure civile, Madame [K] [D] , partie succombante, sera condamnée aux entiers dépens de la présente procédure.

Mme [K] [D] sera condamnée à payer à M. [X] [E] la somme de 2 000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL,

Statuant par mise à disposition au greffe, par jugement réputé contradictoire, en matière civile ordinaire, en premier ressort, après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Déboute Mme [K] [D] de l’ensemble de ses demandes;

Déclare le présent jugement commun et opposable à la CPAM des Bouches du Rhône;

Condamne Mme [K] [D] à payer à M. [X] [E] la somme de 2000 € en application de l’article 700 du CPC.

Dit qu’il n’y a pas lieu d’écarter l’exécution provisoire de droit de la présente décision;

Rappelle que la présente décision est assortie de droit de l’exécution provisoire ;

Condamne Mme [K] [D] aux entiers dépens;

AINSI JUGE ET PRONONCE PAR MISE A DISPOSITION AU GREFFE DE LA DEUXIÈME CHAMBRE DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MARSEILLE LE 7 JANVIER DEUX MILLE VINGT- CINQ

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


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