L’Essentiel : En 2013, Madame [G] a été diagnostiquée avec des méningiomes multiples, qu’elle attribue à son traitement par Androcur©, pris de 1991 à 2013. En juin 2019, elle a assigné plusieurs parties, dont BAYER, pour obtenir une expertise. Le juge des référés a ordonné cette expertise, confirmée par la cour d’appel en 2020. En 2022, Madame [G] a poursuivi d’autres laboratoires pour défaut d’information. En juin 2023, une nouvelle expertise a été ordonnée, et la cour d’appel a condamné BAYER à verser des sommes à Madame [G]. La seconde expertise a confirmé l’état consolidé de sa santé.
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Diagnostic et AssignationEn 2013, Madame [X] [G] a été diagnostiquée avec des méningiomes multiples, qu’elle soupçonne d’être causés par le traitement Androcur©, qu’elle a pris de 1991 à 2013. En juin 2019, elle a assigné plusieurs parties, dont la société BAYER et des professionnels de santé, en référé pour obtenir une expertise. Décisions Judiciaires InitialesLe 31 juillet 2019, le juge des référés a ordonné une expertise médicale et a confirmé la recevabilité de l’action de Madame [G]. La cour d’appel de Poitiers a confirmé cette décision le 16 juin 2020, et le pourvoi en cassation de BAYER a été rejeté le 10 novembre 2021. Rapport d’Expertise et ExtensionsLe rapport d’expertise, déposé le 19 avril 2021, a confirmé que Madame [G] avait reçu Androcur© entre 1991 et 2004, suivi de génériques jusqu’en 2013. Madame [G] a ensuite demandé l’extension de l’expertise à d’autres sociétés, ce qui a été partiellement accepté par le tribunal. Actions en Justice et ContestationsEn mai et juin 2022, Madame [G] a assigné plusieurs laboratoires et professionnels de santé pour obtenir réparation pour préjudices liés à un défaut d’information. Les laboratoires ont contesté la recevabilité de l’action, invoquant la prescription. Ordonnances et AppelsLe 15 juin 2023, le juge de la mise en état a rejeté les fins de non-recevoir et a ordonné une nouvelle expertise. BAYER et SANDOZ ont interjeté appel de cette ordonnance, demandant la déclaration d’irrecevabilité de l’action de Madame [G]. Décisions de la Cour d’AppelLe 19 décembre 2023, la cour d’appel a confirmé l’ordonnance du 15 juin 2023, tout en précisant que les experts devaient pouvoir participer à l’historique des prescriptions. Elle a également condamné BAYER à verser des sommes à Madame [G] et à la CPAM. Seconde Expertise et PrescriptionLe rapport de la seconde expertise, déposé le 14 novembre 2023, a conclu que l’état de Madame [G] était consolidé. La société VIATRIS SANTE a soulevé la prescription concernant les délivrances d’acétate de cyprotérone entre 2006 et 2012. Arguments de VIATRIS SANTEVIATRIS SANTE a contesté la recevabilité de l’action de Madame [G], arguant que les demandes étaient prescrites et que la responsabilité des laboratoires ne pouvait être engagée sur la base d’une obligation d’information. Décision Finale du Juge de la Mise en ÉtatLe juge de la mise en état a rejeté l’exception de prescription de VIATRIS SANTE, confirmant que l’action de Madame [G] était recevable. Il a également condamné VIATRIS SANTE à verser des sommes à Madame [G] et à la CPAM, tout en poursuivant la mise en état de l’affaire. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelle est la portée de l’article 1245-15 du Code civil concernant la prescription des actions en responsabilité ?L’article 1245-15 du Code civil stipule que l’action en réparation fondée sur la responsabilité du fait des produits défectueux se prescrit dans un délai de dix ans à compter de la mise en circulation du produit. Ce délai est essentiel pour déterminer si une action en justice est recevable. En l’espèce, la société VIATRIS SANTE a soutenu que les demandes de Madame [G] étaient prescrites, car elle avait bénéficié d’un traitement d’acétate de cyprotérone entre 2006 et 2012, et n’avait intenté son action qu’en 2022. Il est important de noter que la prescription peut être suspendue ou interrompue dans certaines circonstances, notamment lorsque la victime n’a pas connaissance du dommage. Dans le cas présent, la cour a considéré que la connaissance du dommage ne se situait qu’à la date de la consolidation de l’état de la victime, ce qui a permis de rejeter l’exception de prescription soulevée par la société VIATRIS SANTE. Quelles sont les implications de l’article 1355 du Code civil sur l’autorité de la chose jugée ?L’article 1355 du Code civil dispose que « l’autorité de la chose jugée n’a lieu qu’à l’égard de ce qui a fait l’objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même ; que la demande soit fondée sur la même cause ; que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles contre elles en la même qualité ». Dans le contexte de l’affaire, la société VIATRIS SANTE a tenté de faire valoir que les décisions antérieures concernant les sociétés BAYER HEALTHCARE et SANDOZ s’appliquaient également à elle. Cependant, le juge a conclu que les exceptions de prescription tranchées précédemment ne concernaient pas le rapport litigieux entre Madame [G] et la société VIATRIS SANTE, car cette dernière était étrangère aux décisions antérieures. Ainsi, l’exception de prescription soulevée par la société VIATRIS SANTE a été jugée recevable, car elle ne se heurtait pas à l’autorité de la chose jugée. Comment l’article 700 du Code de procédure civile s’applique-t-il dans cette affaire ?L’article 700 du Code de procédure civile permet au juge de condamner la partie perdante à payer à l’autre partie une somme d’argent au titre des frais exposés non compris dans les dépens. Dans cette affaire, la cour a condamné la société VIATRIS SANTE à verser 3.000 euros à Madame [G] et 800 euros à la CPAM de la Charente-Maritime en application de cet article. Cette décision a été motivée par le fait que la société VIATRIS SANTE avait opposé une fin de non-recevoir tirée de la prescription, similaire à celles précédemment écartées par la cour d’appel. Ainsi, la cour a jugé qu’il n’était pas inéquitable de condamner la société VIATRIS SANTE à payer ces sommes, compte tenu de la nature des demandes et des frais engagés par les parties. Quelles sont les obligations des laboratoires pharmaceutiques en matière d’information et de sécurité des produits ?Les obligations des laboratoires pharmaceutiques en matière d’information et de sécurité des produits sont principalement régies par les articles 1245-1 et suivants du Code civil, qui traitent de la responsabilité du fait des produits défectueux. Ces articles imposent aux fabricants une obligation de sécurité, qui inclut la mise à disposition d’informations claires et précises sur les risques associés à leurs produits. Dans cette affaire, la société VIATRIS SANTE a contesté la responsabilité qui lui était imputée, arguant que les obligations d’information ne pesaient que sur les médecins et non sur les laboratoires. Cependant, le juge a retenu que l’obligation d’alerte et de mise en garde, qui va au-delà de la simple obligation d’information, pourrait être applicable, ce qui pourrait engager la responsabilité des laboratoires en cas de manquement à cette obligation. Comment la jurisprudence influence-t-elle l’interprétation des délais de prescription en matière de responsabilité ?La jurisprudence joue un rôle crucial dans l’interprétation des délais de prescription en matière de responsabilité. Dans cette affaire, la cour a fait référence à un arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme, qui souligne l’importance du droit d’accès au juge. Elle a également pris en compte le fait que la connaissance du dommage par la victime est un élément déterminant pour le point de départ du délai de prescription. Ainsi, si la victime n’est pas consolidée ou n’a pas connaissance de son dommage, le délai de prescription ne commence pas à courir. Cette approche permet de protéger les droits des victimes et d’assurer qu’elles puissent engager des actions en justice même après l’expiration des délais de prescription, si elles n’avaient pas connaissance de leur préjudice. |
DOSSIER : N° RG 22/01472 – N° Portalis DB3J-W-B7G-FWCJ
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE POITIERS
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
ORDONNANCE DU JUGE DE LA MISE EN ÉTAT
EN DATE DU 21 NOVEMBRE 2024
DEMANDERESSE A L’INCIDENT :
LE :
Copie simple à :
– Me MICHOT
– Me GUILLON
– Me DROUINEAU
– Me GALLET
– Me LOUBEYRE
– Me RENNER
– Me FROIDEFOND
Copie exécutoire à :
–
–
S.A.S. VIATRIS SANTE (ANCIENNEMENT DÉNOMMÉ SAS MYLAN MEDICAL)
dont le siège social est sis [Adresse 10]
Représentée par Me Yann MICHOT de la SCP ERIC TAPON – YANN MICHOT, avocats au barreau de POITIERS, avocats postulant et par Me Françoise HECQUET, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant
DEFENDEURS A L’INCIDENT :
Madame [X] [G]
demeurant [Adresse 4]
Représentée par Me Constance GUILLON, avocat au barreau de POITIERS, avocat postulant et par Me Romain SINTES, avocat au barreau de TOULOUSE, avocat plaidant
Monsieur [C] [H]
demeurant [Adresse 2]
Représenté par Me Thomas DROUINEAU, avocat au barreau de POITIERS
Compagnie d’assurance MACSF
dont le siège social est sis [Adresse 9]
Représentée par Me Thomas DROUINEAU, avocat au barreau de POITIERS
Mutuelle MGEN DE LA VIENNE
dont le siège social est sis [Adresse 8]
Non constituée
S.A.S. BAYER HEALTHCARE
dont le siège social est sis [Adresse 1]
Représentée par Me Henri-noël GALLET, avocat au barreau de POITIERS, avocat postulant et par Me Jacques-Antoine ROBERT, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant
S.A.S. SANDOZ
dont le siège social est sis [Adresse 6]
Représentée par Me Isabelle LOUBEYRE, avocat au barreau de POITIERS, avocat postulant et par Me Ghislaine Issenhuth, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant
Monsieur [S] [W]
demeurant [Adresse 5]
Représenté par Me Jessy RENNER, avocat au barreau de POITIERS, avocat postulant et par Me Vania GURDJIAN-BACHEM, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant
MUTUELLE D’ASSURANCE DES PROFESSIONNELS (MADP)
dont le siège social est sis [Adresse 3]
Représenté par Me Jessy RENNER, avocat au barreau de POITIERS, avocat postulant et par Me Vania GURDJIAN-BACHEM, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant
CPAM DE LA VIENNE
Représentée par la CPAM de la CHARENTE-MARITIME dont le siège social est sis [Adresse 7]
Représentée par Maître Gérald FROIDEFOND de la SCP B2FAVOCATS, avocats au barreau de POITIERS
COMPOSITION :
JUGE DE LA MISE EN ETAT : Stéphane WINTER, Vice-président
GREFFIERS : Stéphane BASQ, lors de l’audience
Marie PALEZIS, lors de la mise à disposition
Débats tenus publiquement à l’audience d’incidents du 24 octobre 2024.
En 2013, Madame [X] [G] s’est vue diagnostiquer de multiples méningiomes, qu’elle a suspecté d’avoir pour cause le traitement Androcur© ou ses génériques, correspondant à un traitement par acétate de cyprotérone qu’elle a indiqué avoir consommé de 1991 à 2013 à raison de 50 mg par jour.
Par actes d’huissier des 12,14, 18, 19 et 26 juin 2019, Madame [X] [G] a fait assigner en référé la SAS BAYER, la SAS BAYER HEALTHCARE, le Docteur [C] [H], médecin généraliste, Monsieur [S] [W], pharmacien, l’Agence Nationale de Sécurité du Médicament (ANSM), le Ministre des Solidarités et de la Santé, la Mutuelle Générale de l’Éducation Nationale (MGEN) et la Caisse primaire d’assurance maladie de la Vienne (CPAM 86).
Par ordonnance réputée contradictoire du 31 juillet 2019, le juge des référés du tribunal de grande instance de Poitiers a fait droit à la demande d’expertise de Madame [G] et a désigné pour y procéder un collège d’experts composé du Docteur [O] [T], neurochirurgien, du Docteur [N] [D], pharmacologue et du Docteur [K] [Z], endocrinologue. Le juge a également dit n’y avoir lieu à référé du chef de la prescription invoquée par la société BAYER HEALTHCARE, a rejeté sa demande de mise hors de cause et a laissé provisoirement les dépens et frais irrépétibles à la charge de ceux qui les avaient exposés.
Par arrêt en date du 16 juin 2020, la cour d’appel de POITIERS a confirmé la décision rendue en première instance.
La société BAYER HEALTHCARE a formé un pourvoi en cassation contre cet arrêt qui a été rejeté le 10 novembre 2021.
Le rapport d’expertise a été déposé le 19 avril 2021. Il indiquait que Madame [G] se serait vu délivrer la spécialité princeps Androcur© commercialisée par la société BAYER HEALTHCARE entre octobre 1991 et novembre 2004, puis des spécialités génériques de décembre 2004 à l’année 2013. Il faisait état d’une absence de consolidation de l’état de Madame [G].
Madame [G] a de nouveau saisi le juge des référés du tribunal judiciaire de Poitiers afin que les opérations d’expertise soient étendues aux sociétés VIATRIS SANTE et SANDOZ. Le tribunal a fait droit à sa demande par ordonnance du 16 novembre 2021.
La société SANDOZ a interjeté appel de cette ordonnance. Par un arrêt en date du 12 juillet 2022, la cour d’appel de Poitiers a infirmé cette décision au motif que les opérations d’expertise judiciaire étaient closes depuis le jour même de l’assignation de Madame [G], l’extension n’étant plus possible.
Par actes des 24 mai, 31 mai et 3 juin 2022, Madame [G] a fait assigner les laboratoires SAS BAYER HEALTH CARE (ci-après SAS BAYER), SAS VIATRIS SANTE (anciennement SAS MYLAN MEDICAL), SAS SANDOZ, le Docteur [H], la Mutuelle d’Assurance du Corps de Santé Français (ci-après MACSF), Monsieur [W], la MADP, la CPAM, la MGEN aux fins notamment que :
Le tribunal :Juge qu’elle a subi un préjudice pour défaut d’information, préjudice moral distinct des atteintes corporelles, que le défaut d’information à l’origine de la perte de chance donnera lieu à la réparation intégrale des préjudices corporels subis dès lors que le risque s’est réalisé, que les laboratoires ont manqué à leur obligation d’information à son égard, que son médecin traitant a commis une faute en n’informant pas sa patiente des effets secondaires nouveaux, connus, graves, invalidants et irréversibles du traitement qu’il lui prescrivait régulièrement, que son pharmacien a commis une faute en ne se mettant pas en relation avec le médecin traitant et en n’informant pas des risques connus particulièrement graves de la prise prolongée d’acétate de cyprotérone,- Condamne les laboratoires, le médecin traitant solidairement avec son assureur, le pharmacien solidairement avec son assureur, à lui payer les sommes suivantes :
20.000 euros au titre du préjudice résultant du défaut d’information ;
Les sommes à venir et pour le moment réservées dans l’attente du rapport d’expertise sur les préjudices définitifs après consolidation, 10.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de la présente procédure au fond, de la procédure de référé en première instance, de référé en appel y compris l’intégralité des frais d’expertise qu’elle a avancés,Juge que les responsabilités seront partagées à hauteur de 70 % solidairement entre les laboratoires, à hauteur de 15 % pour le médecin traitant solidairement avec son assureur, et à hauteur de 15 % pour le pharmacien solidairement avec son assureur.
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Madame [G] a saisi le juge de la mise en état le 24 octobre 2022 aux fins de voir ordonner une nouvelle expertise et désigné le Professeur [O] [T] neurochirurgien, le Docteur [N] [D] pharmacien, le Docteur [K] [Z] expert avec mission de dire si son état est consolidé et fixer les préjudices corporels définitifs. Elle a également demandé au juge de la mise en état d’ordonner la communication des « PSUR » (pour « periodic safety update report »), correspondant aux rapports périodiques actualisés de sécurité des 6 années précédant l’année 2006 concernant les spécialités d’acétate de cyprotérone, sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision à venir.
Par conclusions d’incident notifiées par RPVA le 20 décembre 2022, la société BAYER HEALTHCARE a demandé au juge de la mise en état de déclarer irrecevable comme éteinte et prescrite l’action engagée par Madame [G] sur le fondement des articles 1245-15 et 1245-16 du code civil. Elle s’est également opposée, à titre principal aux demandes présentées par Madame [G]. A titre subsidiaire, elle a demandé que la communication des pièces soit limitée aux PSUR de la spécialité pharmaceutique Androcur© et pour les seules années 2000 à 2004 et que mission d’expertise consiste à lister les PSUR communicables aux parties, d’en établir une synthèse communicable ainsi que de dire si pour chaque période concernée, le nombre de cas de pharmacovigilance rapportés était inférieur, égal ou supérieur au nombre de cas de méningiomes attendu dans la population générale féminine, et de dire si les cas rapportés en pharmacovigilance de chaque spécialité avant 2006 permettaient à eux-seuls d’établir un lien direct, certain et exclusif entre la prise prolongée d’acétate de cyprotérone et la survenue de méningiomes et de rejeter toute astreinte.
Par ordonnance en date du 15 juin 2023, le Juge de la mise en état du Tribunal judiciaire de Poitiers a rejeté les moyens de prescription opposés à l’action en responsabilité de Madame [G], déclaré Madame [G] recevable, ordonné une expertise médicale confiée à un collège d’expert composé du Professeur [O] [T], neurochirurgien, du Docteur [N] [D], pharmacien et du Docteur [K] [Z], endocrinologue. Il a d’y n’y avoir lieu à l’application de l’article 700 du Code de procédure civile et a réservé le sort les dépens de l’incident à ceux afférents au fond.
La société BAYER HEALTHCARE a interjeté appel de cette ordonnance le 30 juin 2023. Elle demandait à la Cour d’appel de Poitiers d’infirmer l’ordonnance entreprise en ce qu’elle avait rejeté ses fins de non-recevoir, de déclarer l’action de Madame [G] irrecevable comme éteinte et prescrite, de la débouter de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions, de ses demandes au titre de l’article 700 du Code de procédure pénale et qu’elle la condamne aux dépens.
La société SANDOZ a également sollicité l’infirmation de l’ordonnance du 15 juin 2023 en ce qu’elle a rejeté la fin de non-recevoir fondée sur la forclusion de l’action engagée par Madame [G] et demandé à la cour de déclarer celle-ci forclose en ses demandes, fins et conclusions.
A titre subsidiaire, elle lui demandait d’infirmer l’ordonnance en ce qu’elle avait rejeté sa demande d’une nouvelle expertise complète et prononcé en complément de la mesure d’expertise post-consolidation une mesure d’expertise limitée au lien de causalité entre la prise des spécialités génériques de la spécialité Androcur© et la survenue des méningiomes de Madame [G], et, statuant à nouveau, de prononcer une nouvelle mesure d’expertise complète, de lui donner acte de ses protestations et réserves, de désigner un nouveau collège d’experts composé d’un neurologue, d’un pharmacologue et d’un endocrinologue avec telle mission aux frais avancés par Madame [G]. À titre très subsidiaire, si la cour maintenait la mesure d’expertise post-consolidation et la mesure d’expertise complémentaire limitée au lien de causalité entre la prise des spécialités génériques de la spécialité Androcur© et la survenue des méningiomes de Madame [G], elle lui demandait de prendre acte de ses protestations et réserves. En tout état de cause, elle réclamait la confirmation de l’ordonnance s’agissant du rejet de communication de pièces et des prétentions formulées au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Dans ses conclusions, la société VIATRIS SANTE a sollicité de la cour d’appel de Poitiers qu’elle prononce une nouvelle mesure d’expertise, lui donne acte de ses protestations et réserves, désigne un nouveau collège d’experts composé d’un neurologue, d’un pharmacien, et d’un endocrinologue au titre d’une mission d’expertise qu’elle a détaillée aux frais avancés par Madame [G] ; à titre très subsidiaire, si la cour maintenait la mesure d’expertise post-consolidation et la mesure d’expertise complémentaire limitée au lien de causalité entre la prise des spécialités génériques de la spécialité Androcur© et la survenue des méningiomes de Madame [G], qu’elle lui donne acte de ses protestations et réserves ; en tout état de cause, qu’elle confirme l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a rejeté la demande de communication de pièces présentée par Madame [G].
Le Docteur [C] [H] et la société MACSF déclarent ont indiqué s’en remettre à prudence de justice sur le mérite des demandes des sociétés BAYER HEALTHCARE et SANDOZ.
Monsieur [S] [W] et la MADP ont demandé à la cour de confirmer les dispositions de l’ordonnance du juge de la mise en état s’agissant de la mesure d’expertise ordonnée et de ses modalités, de l’avance des frais d’expertise ainsi que des dépens et de l’application de l’article 700 du code de procédure civile ; de leur donner acte de leurs plus expresses réserves et protestations d’usage s’agissant de la mesure d’expertise sollicitée par Madame [G] ; de prendre acte de ce qu’ils s’en remettaient à la prudence de la justice s’agissant des autres demandes de la société BAYER HEALTHCARE et de la société SANDOZ ; et de condamner les sociétés BAYER HEALTHCARE, SANDOZ et VIATRIS SANTE aux entiers dépens d’appel et au paiement de la somme de 1.500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
Madame [G] a demandé à la cour de confirmer l’ordonnance entreprise et de condamner solidairement les laboratoires BAYER, SANDOZ et MYLAN à lui payer 5.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
La CPAM de la Vienne a demandé à la cour de confirmer l’ordonnance déférée en toutes ses dispositions, de débouter la société BAYER HEALTHCARE de l’ensemble de ses demandes et de la condamner en application de l’article 700 du code de procédure civile à lui verser 2.500 euros. Elle a déclaré faire sienne l’argumentation du juge de la mise en état.
Par un arrêt en date du 19 décembre 2023, la cour d’appel de Poitiers a :
-déclaré irrecevables les conclusions d’intimés transmises par la voie électronique le 7 septembre 2023 par Monsieur [S] [W] et la MADP ;
-confirmé l’ordonnance du 15 juin 2023, précisant que si les experts commis par l’ordonnance déférée s’avéraient avoir établi en vertu de l’exécution provisoire, et déposé, leur rapport définitif, sans que les sociétés SANDOZ et VIATRIS SANTE eussent pu, l’ayant demandé, participer à la détermination de l’historique des prescriptions du produit litigieux et/ou faire rediscuter des constatations ou analyses contenues dans le rapport du 15 avril 2021, leurs opérations se trouveraient rouvertes en vertu du présent arrêt afin qu’il y soit procédé, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Poitiers restant en charge de la surveillance de telles opérations ;
-rejeté toutes demandes autres ou contraires et condamné la société BAYER HEALTHCARE à payer la somme de 5.000 euros à Madame [G], 2.500 euros à la CPAM de la Vienne, ainsi qu’aux dépens de l’appel.
Le rapport de la seconde expertise a été déposé le 14 novembre 2023 concluant notamment que l’état de Madame [G] est consolidé à la date du 15 septembre 2023.
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Par ses dernières conclusions d’incident notifiées par RPVA le 17 octobre 2024, la société VIATRIS SANTE demande au juge de la mise en état de :
« JUGER que l’ensemble des demandes formulées par Madame [G] à l’encontre de la société VIATRIS SANTE s’agissant des délivrances d’acétate de cyprotérone du 15 juillet 2006 au 31 mai 2012 sont prescrites.
Par conséquent,
PRONONCER une fin de non-recevoir concernant l’ensemble des demandes formulées par Madame [G] à l’encontre de la société VIATRIS SANTE s’agissant des délivrances d’acétate de cyprotérone du 15 juillet 2006 au 31 mai 2012,
REJETER l’ensemble des demandes formulées par Madame [G] à l’encontre de la société VIATRIS SANTE.
EN TOUT ETAT DE CAUSE : REJETER l’ensemble des demandes formulées à l’encontre du laboratoire VIATRIS SANTE sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile et concernant les dépens
CONDAMNER in solidum Madame [G] et l’ensemble des autres défendeurs à verser à la société VIATRIS SANTE la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance ».
La société VIATRIS SANTE conteste que ses prétentions se heurtent à l’autorité de la chose jugée. Elle indique qu’aucune juridiction ne s’est prononcée sur la prescription de l’action de Madame [G] à son égard. Elle déclare ainsi qu’au stade de la procédure de référé, il n’a pas été jugé que l’exception de prescription était ou non bien fondée mais qu’elle se heurtait à une contestation sérieuse. Elle ajoute que la cour d’appel n’a pas davantage statué sur ce point mais a relevé que la procédure engagée par Madame [G] n’était pas « manifestement irrecevable » vis-à-vis de la société BAYER HEALTHCARE et que le débat ne relevant pas de l’évidence il devait être renvoyé au Juge du fond. Elle souligne qu’elle-même n’était pas partie à l’instance en référé ou concernée par l’arrêt de la cour d’appel. Sur les reproches faits par Madame [G] du défaut d’intervention aux débats antérieurs sur les fins de non-recevoir, elle indique n’avoir pas été appelée à la cause initialement, tandis que la seconde expertise ordonnée par le juge de la mise en état le 15 juin 2023 devait permettre de déterminer, à son contradictoire, « l’historique des prescriptions du produits litigieux » « avec leurs dates et l’identité du fabricant du produit délivré » de sorte qu’il ne lui était pas possible de se prononcer sur la prescription à son égard avant l’aboutissement de cette expertise.
S’agissant de l’applicabilité du régime de responsabilité du fait des produits défectueux, la société VIATRIS SANTE déclare que Madame [G] ne sollicite pas l’application des articles 1245 et suivants du code civil issus de la transposition de la Directive du 25 juillet 1985, régime qui lui serait défavorable, qu’elle se prévaudrait ainsi d’autres fondements juridiques, selon elle, disparates et confus. Elle soutient que la responsabilité prévue aux articles 1245 et suivants a un caractère exclusif qui fait obstacle à l’application des régimes de responsabilité de droit commun, à l’exception de la responsabilité pour faute.
Elle précise de ce dernier chef que la faute doit être « distincte du défaut de sécurité du produit en cause », déclare que Madame [G] ne rapporte pas la preuve de la violation d’une obligation distincte de l’obligation d’information, se contentant d’invoquer un « prétendu manquement [….] à [l’] obligation d’information sur les caractéristiques du produit ».
Elle soutient que le régime de responsabilité fondé sur l’obligation de sécurité-résultat serait obsolète et non transposable à la présente procédure, ce régime n’étant plus applicable aux produits mis en circulation après 1998.
Elle soutient par ailleurs que les obligations de respect de l’intégrité et de la dignité des patients et obligations d’information issues des articles 16 et 16-3 du code civil, et L.1111-2 du code de la santé publique ne pèse que sur les médecins et non sur les laboratoires pharmaceutiques.
La société VIATRIS SANTE ajoute que le Juge de la mise en état, dans son ordonnance du 15 juin 2023, s’est fondé de manière exclusive sur un arrêt de la Cour d’appel de Pau du 12 mars 1958 afin d’écarter l’application du régime de responsabilité du fait des produits défectueux en retenant l’existence de la violation d’une « obligation d’alerte et de mise en garde (…) qui, par sa nature, va au-delà de la simple obligation d’information attachée au risques des produits » et « ne se confond pas avec ladite défectuosité », arrêt qui ne serait plus valable depuis l’entrée en vigueur de la loi du 19 mai 1998. Elle précise que l’ordonnance du Juge de la mise en état serait contradictoire car, tout en retenant l’application de la responsabilité délictuelle de droit commun, celui-ci aurait considéré, sans toutefois le démontrer, que l’obligation d’information des laboratoires allait au-delà de l’obligation d’information attachée aux risques des produits.
Elle affirme également que la cour d’appel de Poitiers, dans son arrêt du 19 décembre 2023, ne pouvait déterminer le régime applicable en l’espèce, celui-ci relevant de la compétence du juge du fond, ni n’avait en sa possession tous les éléments, le second rapport d’expertise n’étant pas encore déposé.
La société VIATRIS SANTE soutient que les demandes présentées par Madame [G] à son égard sont donc prescrites sur le fondement de l’article 1245-15 du code civil qui prévoit un délai de 10 ans à compter de la date de la mise en circulation du produit. Elle indique que Madame [G] a bénéficié d’un traitement d’acétate de cyprotérone MERCK (devenu VIATRIS SANTE) du 15 juillet 2006 au 3 juillet 2009 et d’acétate de cyprotérone MYLAN (devenu également VIATRIS SANTE) de juillet 2009 à juin 2013, qu’elle n’a intenté une action à son égard sur le fond que le 31 mai 2022, soit une prescription la concernant pour les produits délivrés entre le 15 juillet 2006 et le 31 mai 2012.
S’agissant de l’arrêt de la cour d’appel de Poitiers du 19 décembre 2023, elle affirme que l’arrêt de la Cour européenne des droits de l’Homme du 11 mars 2014 invoqué ne serait pas transposable au cas de Madame [G], que celle-ci a eu connaissance de ses méningiomes en 2013, soit avant l’expiration du délai de prescription prévu à l’article 1245-15 du code civil, de sorte que ne serait pas justifiée l’application d’un délai de prescription allongé ou un report du point de départ de celle-ci. La société VIATRIS fait par ailleurs état que la cour d’appel de Poitiers a violé les objectifs de la directive européenne de 1985 votée le 12 mars 2024 relative à la responsabilité des produits défectueux en refusant d’appliquer le délai de prescription de 10 ans prévu à l’article 1245-15 du code civil à l’égard des laboratoires BAYER HEALTHCARE et SANDOZ.
Par conclusions d’incident notifiées par RPVA le 15 octobre 2024, la société SANDOZ demande à la juridiction de :
« Débouter la société VIATRIS SANTE de sa demande tendant à ce que la société SANDOZ soit condamnée in solidum avec l’ensemble des défendeurs à lui verser la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance.
Prendre acte que la société SANDOZ s’en rapporte à la justice s’agissant des autres demandes.
Condamner toute autre partie succombante à supporter les dépens ».
La société SANDOZ soutient qu’il serait anormal qu’elle soit condamnée in solidum avec les autres défendeurs au paiement de la somme de 3.000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, n’étant pas à l’initiative de la procédure d’incident, tandis que sa responsabilité au titre de l’action en réparation n’est pas établie.
Par conclusions d’incident notifiées par RPVA le 14 octobre 2024, la société BAYER HEALTHCARE sollicite du juge de la mise en état qu’il prenne acte qu’elle s’en rapporte à justice s’agissant de l’incident soulevé par la société VIATRIS SANTE et condamne la partie succombante à l’incident aux entiers dépens de celui-ci.
Par conclusions d’incident notifiées par RPVA le 2 octobre 2024, le Docteur [C] [H] et la MACSF indiquent s’en remettre à justice sur la fin de non-recevoir opposée par la société VIATRIS et sur les dépens.
Par ses dernières conclusions d’incident en réponse notifiées par RPVA le 17 octobre 2024, Madame [G] demande au juge de la mise en état de :
« DEBOUTER la société VIATRIS SANTE de ses demandes considérant que la question a déjà été posée et tranchée dans une procédure d’incident dans laquelle VIATRIS SANTE était présente,
CONDAMNER la société VIATRIS SANTE à payer la somme de 3.000 € à Madame [X] [G] au titre des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile,
CONDAMNER la société VIATRIS SANTE aux dépens de l’instance ».
Elle déclare tout d’abord que plusieurs juridictions ont rejeté l’exception de prescription opposée à ses prétentions : le juge des référés le 31 juillet 2019, la cour d’appel le 16 juin 2020 et la Cour de cassation. Elle ajoute que cette exception a également été soulevée devant le Juge de la mise en état par la société BAYER HEALTHCARE et que la société VIATRIS ne s’est pas jointe à cette demande alors qu’elle en avait l’occasion en qualité de partie. Elle soutient que le Juge de la mise en état a ainsi déjà tranché cette question dans son ordonnance du 15 juin 2023, décision de rejet ayant autorité de la chose jugée. Elle soutient que l’incident soulevé par la société VIATRIS n’a pour seul objectif que de faire ralentir le procès et la « faire épuiser financièrement et moralement ». Elle indique enfin que VIATRIS tente de placer le débat juridique sur le terrain de la responsabilité des produits défectueux qui ne serait pas favorable aux consommateurs de médicaments, alors qu’au-delà du défaut d’information de la notice, le débat porterait sur le comportement fautif et sur les dispositifs d’information que les laboratoires pouvaient mettre en œuvre, ce qu’ils n’auraient pas fait.
Par conclusions d’incident notifiées par RPVA le 21 octobre 2024, la CPAM de la CHARENTE-MARITIME sollicite du juge de la mise en état qu’il la déclare recevable et bien fondée en ses demandes, fins et conclusions ; qu’il prenne acte qu’elle s’en rapporte à justice sur l’incident soulevé par la société VIATRIS SANTE, faisant sienne l’argumentation développée en réponse par Madame [G] ; qu’il condamne VIATRIS SANTE à lui verser la somme de 800 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens de l’incident.
Elle soutient, sur ce point, que la société VIATRIS SANTE adopte une attitude dilatoire en multipliant les incidents sur des questions juridiques déjà tranchées et exposant les défenderesses à des frais de procédure.
Monsieur [S] [W] et la MUTUELLE D’ASSURANCES DES PROFESSIONNELS (MADP) n’ont pas entendu conclure sur l’incident.
*
L’incident a été examiné à l’audience du 24 octobre 2024 et la décision mise en délibéré au 14 novembre 2024, date prorogée au 21 novembre 2024.
L’article 789 du Code civil dispose que le juge de la mise en état est seul compétent jusqu’à son dessaisissement pour statuer sur les fins de non-recevoir.
L’article 122 du même code édicte que constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.
Sur l’autorité de la chose jugée :
L’article 1355 du Code civil dispose que :
« L’autorité de la chose jugée n’a lieu qu’à l’égard de ce qui a fait l’objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même ; que la demande soit fondée sur la même cause ; que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles contre elles en la même qualité ».
Le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Poitiers a rendu une ordonnance le 15 juin 2023, confirmée par la cour d’appel de Poitiers le 19 décembre 2023, rejetant les exceptions de prescription opposées aux actions en responsabilité engagées par Madame [G] à l’encontre de la société BAYER HEALTHCARE et SANDOZ au titre des dommages causés par la consommation d’acétate de cyprotérone sur telles périodes de temps.
La société VIATRIS SANTE a présenté une demande tendant à voir l’action de Madame [G] prescrite à son égard s’agissant des délivrances d’acétate de cyprotérone du 15 juillet 2006 au 31 mai 2012.
Les exceptions de prescription tranchées par le juge de la mise en état le 15 juin 2023 puis par la cour d’appel de Poitiers le 19 décembre 2023 étant attachées au rapport litigieux ayant existé entre Madame [G] et la société BAYER HEALTHARE d’une part, Madame [G] et la société SANDOZ d’autre part, rapports auxquels la société VIATRIS SANTE est étrangère, il sera jugé que l’exception de prescription afférente au rapport litigieux ayant existé entre Madame [G] et la société VIATRIS SANTE ne se heurte pas à l’autorité attachée aux décisions judiciaires précitées.
L’exception de prescription dont il s’agit est donc recevable.
Sur la prescription opposée par la société VIATRIS SANTE :
Il apparaît que l’appréciation de la fin de non-recevoir dont argue la société VIATRIS SANTE est conditionnée par celle de la pertinence du fondement de l’action exercée à son encontre par Madame [G] qui indique leur imputer au visa de l’article 1240 du code civil une faute distincte du manquement du fabricant à l’obligation de sécurité pesant sur lui en vertu des articles 1245-1 et suivants du code civil, alors que le laboratoire conteste le caractère distinct d’une telle faute si elle était avérée.
Cette appréciation du fondement de l’action intentée par Madame [G], notamment de la question d’une violation par le laboratoire d’une obligation d’alerte et de mise en garde, qui, par sa nature, irait au-delà de la simple obligation d’information attachée au risque des produits et sortirait alors du champ du délai de prescription décennal de l’article 1245-15 précité – obligation d’alerte et de mise en garde qui apparaît correspondre à la faute reprochée par la demanderesse à l’action en responsabilité – échappe cependant à la compétence du juge de la mise en état et relève du juge du fond.
S’ajoutent à ces considérations l’incidence de l’entrée en vigueur de la loi ayant transposé en droit français la directive 85/374/CEE du Conseil du 25 juillet 1985 en vertu de laquelle ont été créés les articles 1386-6 et suivants du code civil, devenus en vertu de l’ordonnance du 10 février 2016 les articles 1245-1 et suivants, de ce code, qu’invoquent la société VIATRIS SANTE, particulièrement en ses articles 1245-15, 1245-16 et 1245-17.
Il résulte de la seconde expertise que la société VIATRIS SANTE vise dans ses conclusions d’incident que Madame [G] s’est vu prescrire et délivrer entre octobre 1991 et le 9 novembre 2004 :
De l’Androcur© produit par BAYER entre octobre 1991 et novembre 2004De l’acétate de cyprotérone 50 mg G-GAM SANDOZ de décembre 2004 à juin 2006,De l’acétate de cyprotérone 50 mg MERCK (devenu VIATRIS SANTE) de juillet 2006 à juillet 2009,De l’acétate de cyprotérone 50 mg MYLAN (devenu VIATRIS SANTE) de juillet 2009 à juin 2013.
La consommation des produits à base d’acétate de cyprotérone commercialisés par la société VIATRIS SANTE que Madame [G] suspecte d’être en relation de causalité avec les méningiomes diagnostiqués en 2013 serait donc intervenue postérieurement à la transposition en droit français de la directive européenne du 25 juillet 1985, qui devait intervenir conformément à son article 19 dans les trois ans de sa notification soit donc avant le 30 juillet 1988 mais qui ne l’a été que par la loi n°98-389 du 19 mai 1998, applicable aux produits mis en circulation après son entrée en vigueur au 23 mai 1988.
Ainsi, concernant les produits mis en circulation à partir du 23 mai 1998, l’article 1386-17, devenu 1245-16, du code civil dispose que l’action en réparation fondée sur la responsabilité du fait des produits défectueux se prescrit dans un délai de trois ans à compter de la date à laquelle le demandeur a eu ou aurait dû avoir connaissance notamment du dommage, étant relevé qu’il est constant que la connaissance du dommage se situe à la date de la consolidation de l’état de la victime.
Il ressort cependant des débats que Madame [G] n’était pas consolidée lorsqu’elle a introduit son action à l’encontre la société VIATRIS SANTE, le premier rapport d’expertise déposé le 19 avril 2021 concluant à un état non consolidé, tandis que la consolidation n’a été relevée par les experts qu’après l’engagement de la présente instance.
Par ailleurs, il ne peut pas être retenu, pour les produits mis en circulation à partir du 23 mai 1998, que l’article 1386-16, devenu 1245-17, du code civil, selon lequel sauf faute du producteur, la responsabilité de celui-ci du fait des produits défectueux est éteinte dix ans après la mise en circulation du produit, ferait obstacle à une action de la victime qui ne connaissait pas son dommage avant l’expiration de ce délai décennal, au vu de l’atteinte substantielle au droit d’accès au juge garanti par l’article 6§1 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales qui en résulterait pour Madame [G], laquelle n’aurait tout simplement alors jamais été à même d’engager une action contre le producteur (CEDH. Sect II, 11.03.2014 Howald Moor c/ Suisse).
En conséquence de quoi, l’exception de prescription opposée par la société VIATRIS SANTE sera rejeté.
Sur les dépens et les demandes présentées au titre de l’article 700 du Code de procédure civile :
Partie succombante, la société VIATRIS SANTE sera tenue aux dépens de l’incident.
La société VIATRIS SANTE ayant opposé une fin de non recevoir tirée de la prescription similaire celles précédemment opposées par les sociétés BAYER HEALTHCARE et SANDOZ alors que la cour d’appel de Poitiers les a écartées par une motivation de principe, il n’est pas inéquitable de la condamner à payer à Madame [G] la somme de 3.000€ et à la CPAM de CHARENTE-MARITIME la somme de 800 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.
Le Juge de la mise en état, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par ordonnance réputé contradictoire, et non susceptible d’appel conformément aux dispositions de l’article 795 alinéa 2 du code de procédure civile,
REJETONS l’exception de prescription opposée par la société VIATRIS SANTE à l’action en responsabilité engagée par Madame [X] [G] à son égard,
CONDAMNONS la société VIATRIS SANTE à verser à Madame [X] [G] la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,
CONDAMNONS la société VIATRIS SANTE à verser à la CPAM de la CHARENTE-MARITIME la somme de 800 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,
DISONS que la mise en état de l’affaire se poursuivra conformément au calendrier de procédure fixé après avis des parties, modifié à l’issue de l’audience de mise en état physique du 4 avril 2024.
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