L’Essentiel : Madame [N] [B], ergothérapeute depuis 1988, a été placée en retraite progressive en janvier 2021. En arrêt maladie depuis août 2022, elle a perçu des indemnités journalières jusqu’à ce que la CPAM signale un trop-perçu, entraînant l’arrêt de ces versements. Contestant cette décision, elle a saisi la commission de recours amiable, puis le tribunal judiciaire de Lille, demandant la reconnaissance de la responsabilité de l’Association [5] et de la CPAM. Cependant, le tribunal a rejeté ses demandes, estimant qu’aucune faute n’avait été commise, et a condamné Mme [N] [B] aux dépens.
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Contexte de l’affaireMadame [N] [B] est ergothérapeute au sein de l’Association [5] depuis 1988 et a été placée en retraite progressive à partir de janvier 2021. Elle a été en arrêt de travail pour maladie depuis le 23 août 2022, bénéficiant du maintien de salaire de son employeur. Notification de l’induLe 22 mai 2023, l’Association [5] a informé Mme [N] [B] que la CPAM avait signalé qu’elle avait perçu à tort des indemnités journalières, entraînant l’arrêt de leur versement à partir du 1er avril 2023. Le 24 mai 2023, la CPAM a notifié à Mme [N] [B] l’arrêt des indemnités au-delà du 16 octobre 2022. Demande de remboursementLe 25 mai 2023, la CPAM a adressé à l’Association [5] une notification d’indu d’un montant de 5.033,34 euros pour les indemnités versées à tort. En réponse, Mme [N] [B] a saisi la commission de recours amiable le 31 mai 2023 pour contester ce refus d’indemnisation. Actions en justiceLe 28 septembre 2023, en l’absence de réponse de la commission, Mme [N] [B] a saisi le tribunal judiciaire de Lille pour demander la remise gracieuse de l’indu. Par la suite, elle a assigné l’Association [5] en intervention forcée, alléguant des fautes dans la gestion de son dossier. Demandes de Mme [N] [B]Lors de l’audience, Mme [N] [B] a demandé au tribunal de reconnaître la responsabilité de l’Association [5] et de la CPAM, de les condamner à lui verser des indemnités pour préjudice financier et moral, ainsi que le remboursement des frais de justice. Réponse de la CPAM et de l’Association [5]La CPAM a contesté la demande de Mme [N] [B], arguant que l’indu était justifié et que seule l’Association [5] pouvait contester. De son côté, l’Association [5] a demandé au tribunal de se déclarer incompétent et de débouter Mme [N] [B] de ses demandes. Examen des fautes alléguéesLe tribunal a examiné les trois fautes alléguées par Mme [N] [B] concernant le retard dans la transmission des arrêts de travail, le remboursement de l’indu sans l’informer, et l’absence de saisine du tribunal après le rejet de la commission de recours amiable. Décision du tribunalLe tribunal a rejeté les demandes de Mme [N] [B], considérant qu’aucune faute n’avait été commise par l’Association [5] ou la CPAM dans la gestion de son dossier. Il a également condamné Mme [N] [B] aux dépens et à verser 800 euros à l’Association [5] au titre de l’article 700 du code de procédure civile. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelle est la compétence du pôle social du tribunal judiciaire dans ce litige ?Le pôle social du tribunal judiciaire est compétent pour statuer sur les litiges relatifs à l’application des législations et réglementations de sécurité sociale, comme le précise l’article L. 142-1 du code de la sécurité sociale. Cet article énonce que le contentieux de la sécurité sociale comprend notamment les litiges relatifs à l’application des législations de sécurité sociale, au recouvrement des contributions, ainsi qu’à l’état d’incapacité permanente de travail. Dans le cas présent, l’indu réclamé par la CPAM à l’association [5] est directement lié à l’application de la législation de sécurité sociale concernant le régime de cumul emploi-retraite. Ainsi, bien que l’indu ait été notifié à l’association [5], il découle de l’application de la législation de sécurité sociale, ce qui confère au pôle social la compétence pour connaître de l’existence d’une éventuelle faute de l’association dans le traitement du dossier de Mme [N] [B]. En conséquence, l’exception d’incompétence soulevée par l’association [5] a été rejetée. Quelles sont les conditions de la responsabilité civile de l’employeur selon le code civil ?La responsabilité civile de l’employeur est régie par l’article 1240 du code civil, qui stipule que « tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ». Pour établir la responsabilité de l’association [5], il appartient à Mme [N] [B] de prouver que son employeur a commis des fautes ou négligences dans le traitement de son dossier. De plus, l’article 1353 du même code précise que « celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver ». Cela signifie que Mme [N] [B] doit démontrer non seulement l’existence d’une faute de l’association, mais également le préjudice qu’elle a subi en raison de cette faute. Dans cette affaire, Mme [N] [B] a invoqué plusieurs manquements de l’association, mais le tribunal a constaté qu’elle n’avait pas apporté la preuve de ces fautes, ce qui a conduit à son déboutement. Quels sont les droits de l’assuré en matière d’indemnités journalières selon le code de la sécurité sociale ?Les droits de l’assuré en matière d’indemnités journalières sont régis par l’article L. 323-1 du code de la sécurité sociale, qui stipule que « les assurés sociaux ont droit à des indemnités journalières en cas d’incapacité de travail résultant d’une maladie ou d’un accident ». Cet article précise également que le versement des indemnités journalières est soumis à certaines conditions, notamment la durée de l’arrêt de travail et le respect des formalités administratives. Dans le cas de Mme [N] [B], la CPAM a limité le versement des indemnités journalières à 60 jours en raison de son statut de retraite progressive, ce qui a été reconnu par toutes les parties. Cependant, Mme [N] [B] a contesté la notification de l’indu, arguant que des fautes avaient été commises dans la gestion de son dossier, ce qui a conduit à une situation préjudiciable pour elle. Malgré cela, le tribunal a jugé que la CPAM avait agi conformément à la législation en vigueur et que les droits de Mme [N] [B] avaient été respectés. Quelles sont les conséquences d’un indu de la CPAM sur les droits de l’assuré ?L’article L. 133-4 du code de la sécurité sociale stipule que « lorsqu’une somme a été indûment versée, la caisse d’assurance maladie peut en demander le remboursement ». Dans le cas de Mme [N] [B], la CPAM a notifié un indu de 5.033,34 euros en raison de versements d’indemnités journalières effectués à tort. Cette situation a eu pour conséquence que l’association [5] a remboursé cette somme à la CPAM, ce qui a entraîné une retenue sur le solde de tout compte de Mme [N] [B] lors de son départ en retraite. Mme [N] [B] a soutenu que ce remboursement a plongé sa situation financière dans la précarité, mais le tribunal a jugé que l’indu était justifié et que la CPAM avait agi conformément à la législation. Ainsi, les conséquences d’un indu peuvent être significatives pour l’assuré, notamment en termes de perte de revenus et de difficultés financières, mais elles doivent être évaluées à la lumière des obligations légales de la CPAM. Comment se manifeste la responsabilité de la CPAM dans le cadre de la gestion des indemnités journalières ?La responsabilité de la CPAM peut être engagée si elle commet une faute dans le traitement des dossiers d’indemnisation, conformément à l’article 1240 du code civil. Dans le cas de Mme [N] [B], elle a reproché à la CPAM d’avoir versé des indemnités journalières à tort pendant six mois avant de notifier un indu. Cependant, la CPAM a soutenu que cette erreur était survenue dans un contexte d’évolution législative et qu’elle avait agi dans le but d’éviter toute rupture dans le versement des prestations. Le tribunal a constaté que la CPAM avait rapidement corrigé son erreur après l’avoir détectée et qu’elle avait informé l’employeur et Mme [N] [B] dans un délai raisonnable. Ainsi, en l’absence de preuve d’une faute ou d’une négligence de la CPAM, la demande de Mme [N] [B] visant à faire reconnaître la responsabilité de la CPAM a été rejetée. Cela souligne l’importance pour les assurés de prouver non seulement l’existence d’une erreur, mais aussi la faute qui en découle pour engager la responsabilité de la CPAM. |
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE
PÔLE SOCIAL
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JUGEMENT DU 19 NOVEMBRE 2024
N° RG 23/01864 – N° Portalis DBZS-W-B7H-XSLD
DEMANDERESSE :
Mme [N] [B]
[Adresse 2]
[Localité 4]
comparante et assistée par Me Julien BRIOUT, avocat au barreau de LILLE
DEFENDERESSE :
CPAM [Localité 8] [Localité 9]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Localité 9]
représentée par Madame [I], munie d’un pouvoir
PARTIE(S) INTERVENANTE(S) :
Association [5]
[Adresse 3]
[Localité 4]
représentée par Me Stéphane PICARD, avocat au barreau de Paris substitué par Me Maud GUFFROY
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Président : Fanny WACRENIER, Vice-Présidente
Assesseur : Didier SELLESLAGH, Assesseur du pôle social collège employeur
Assesseur : Vianney HERMAN, Assesseur pôle social collège salarié
Greffier
Christian TUY,
DÉBATS :
A l’audience publique du 24 septembre 2024, date à laquelle l’affaire a été mise en délibéré, les parties ont été avisées que le jugement serait rendu le 19 Novembre 2024.
Madame [N] [B] exerce les fonctions d’ergothérapeute au sein de l’Association [5] en CDI à temps complet depuis le 1er février 1988.
A compter du 1er janvier 2021, Mme [N] [B] a été placée en situation de retraite progressive.
A compter du 23 août 2022, Mme [N] [B] a été placée en arrêt de travail pour maladie. A noter qu’au cours de son arrêt de travail, Mme [N] [B] a bénéficié du maintien de salaire de son employeur dans le cadre du régime de la subrogation.
Le 22 mai 2023 l’Association [5] a informée Mme [N] [B] que la Caisse Primaire d’Assurance Maladie (CPAM) de [Localité 8]-[Localité 9] l’a avisé de ce que Mme [B] a perçu à tort certaines indemnités journalières et qu’en conséquence le versement de ces indemnités cessait au 1er avril 2023.
Le 24 mai 2023, la Caisse Primaire d’Assurance Maladie de Roubaix-Tourcoing a notifié à Mme [N] [B] l’arrêt du versement des indemnités journalières au titre de son arrêt de travail au-delà du 16 octobre 2022.
Le 25 mai 2023, la Caisse Primaire d’Assurance Maladie de Roubaix-Tourcoing a adressé à l’Association [5] une notification d’indu d’un montant de 5.033,34 euros en raison du versement à tort des indemnités journalières sur la période du 17 octobre 2022 au 27 mars 2023 suite au changement de statut de Mme [N] [B] au 16 octobre 2022.
Le 31 mai 2023, Mme [N] [B] a saisi la commission de recours amiable aux fins de contester le refus de la caisse d’indemniser son arrêt de travail au-delà du 16 octobre 2022.
Le 20 juin 2023, l’Association [5] a informé Mme [N] [B] avoir saisi la commission de recours amiable aux fins de contester l’indu notifié le 25 mai 2023.
Le 30 juin 2023, Mme [N] [B] a fait valoir ses droits à la retraite complète.
Le 14 septembre 2023, l’Association [5] a adressé à Mme [N] [B] un trop perçu de rémunérations à la suite du rejet implicite de son recours devant la commission de recours amiable.
Le 28 septembre 2023, en l’absence de réponse de la commission de recours amiable, Mme [N] [B] a saisi le pôle social du tribunal judiciaire de Lille aux fins de solliciter la remise gracieuse de la totalité de l’indu réclamé par la caisse.
Par acte extrajudiciaire du 29 mars 2024, Mme [N] [B] a assigné en intervention forcée son ancien employeur, l’association [5], considérant que cette dernière a commis des fautes dans la gestion de son dossier.
L’affaire, appelée à l’audience du 19 décembre 2023, a été entendue après renvois, à l’audience du 24 septembre 2024.
A l’audience, Mme [N] [B], par l’intermédiaire de son conseil, a déposé des conclusions auxquelles il convient de se référer pour le détail de ses demandes, moyens et prétentions soutenus oralement.
Elle demande au tribunal de :
– Déclarer recevable l’action engagée visant à obtenir l’indemnisation de ses préjudices résultant de l’impossibilité de solliciter la remise gracieuse de l’indu notifié par la CPAM,
– Dire et juger que l’association [5] et la CPAM ont commis des fautes justifiant à son égard l’engagement de leur responsabilité civile délictuelle,
– Condamner in solidum l’association [5] et la CPAM à lui verser la somme de 5.033,34 euros en réparation de son préjudice financier et la somme de 2.500 euros en réparation de son préjudice moral,
– Condamner in solidum l’association [5] et la CPAM au paiement de la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– Condamner in solidum l’association [5] et la CPAM au entiers frais et dépens de l’instance.
Au soutien de ses demandes, elle expose en substance que :
– La CPAM était fondée à limiter le versement de ses indemnités journalières à 60 jours et elle ne conteste donc pas la nature de l’indu réclamé par la CPAM né de la décision du 24 mai 2023,
– Cependant, elle estime qu’elle a subi un préjudice financier important du fait des fautes communes de l’association et de la CPAM dans la gestion de ses indemnités journalières,
– Ainsi, l’association a tardé à transmettre les arrêts de travail à la CPAM puisque ce n’est que le 1er mars 2023 que l’association a transmis à la CPAM les éléments permettant de traiter son arrêt du 23 août 2022, ce qui a eu pour conséquence une notification tardive par la CPAM de ce que les [7] avaient été versées à tort pour la période du 26/08/2022 au 27/03/2023 et cessaient le 01/04/2023,
– L’association a commis une deuxième faute en remboursant l’indu à la CPAM sans l’en aviser, ce qui a eu pour conséquence que cette somme a été retenue dans son solde tout compte, ce qui l’a plongée dans une grande précarité,
– L’association a commis une troisième faute en ne saisissant pas le tribunal en contestation de l’indu après le rejet implicite de son recours devant la commission de recours amiable, ce qui l’a privé de la possibilité de solliciter la remise gracieuse de l’indu,
– Le pôle social est compétent pour statuer sur sa demande de dommages et intérêts formulée à l’encontre de son employeur dans le sens où son action a été initialement engagée en vue de demander la remise gracieuse de l’indu,
– La CPAM a également sa part de responsabilité dès lors qu’elle a réclamé tardivement l’indu, tout en continuant le versement de ces prestations durant 6 mois alors qu’elle devait être au fait de la législation applicable,
– Son préjudice financier est important puisqu’elle a été privée de son maintien de salaire à compter de mai 2023 et d’une partie de son solde tout compte pour rembourser cet indu,
– Son préjudice moral est également important car la situation a engendré un état de fatigue psychologique nécessitant un suivi régulier à ce titre.
En réponse, la Caisse Primaire d’Assurance Maladie de Roubaix-Tourcoing a déposé des écritures auxquelles il convient de se reporter pour le détail de ses demandes, moyens et prétentions soutenues oralement.
Elle demande au tribunal de :
– Déclarer la demande de remise de dettes formulée par Mme [N] [B] irrecevable,
– Débouter Mme [N] [B] de ses demandes, fins et conclusions,
– Débouter Mme [N] [B] de sa demande d’indemnisation au titre de son préjudice financier et de son préjudice moral,
– Débouter Mme [N] [B] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– Condamner Mme [N] [B] aux frais et dépens de l’instance.
Au soutien de ses demandes, elle expose en substance que :
– L’employeur étant le seul créancier connu de la caisse en raison du régime subrogatoire, l’indu n’a été notifié qu’à l’employeur et seul ce dernier pouvait contester l’indu devant le pôle social du tribunal judiciaire ; or l’indu a été remboursé par l’employeur,
– L’indu était justifié et Mme [B] ne remet plus en cause son bien-fondé,
– L’erreur de versement des indemnités journalières s’est inscrite dans un contexte d’évolution législative, ce qui a généré l’indu ; cependant cette erreur n’est pas constitutive d’une faute.
L’association [5], par l’intermédiaire de son conseil, a déposé des conclusions auxquelles il convient de se reporter pour le détail de ses demandes, moyens et prétentions.
Elle demande au tribunal de :
À titre liminaire :
– Se déclarer incompétent au profit du Conseil de prud’hommes de Lille pour connaitre de l’action en responsabilité civile de Mme [N] [B] à son encontre,
– Débouter Mme [N] [B] de l’ensemble de ses demandes, fins, et conclusions,
À titre principal :
– Juger que l’association n’a commis aucune faute ou négligence envers Mme [N] [B],
– Débouter Mme [N] [B] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
À titre subsidiaire :
– Limiter à de plus justes proportions les demandes de Mme [N] [B]
En tout état de cause :
– Condamner Mme [N] [B] au paiement de la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– Condamner Mme [N] [B] aux entiers frais et dépens de l’instance.
Au soutien de ses demandes, elle fait valoir en substance que :
– Le Conseil de prud’hommes est seul compétent pour statuer sur une demande de dommages et intérêts formulé par un salarié contre son employeur dans le cadre de l’engagement de sa responsabilité civile,
– Mme [B] ne rapporte pas la preuve d’un envoi tardif des arrêts de travail, le mail produit n’est pas probant et les propres pièces de Mme [B] justifient du contraire,
– Mme [B] prétend à tort n’avoir pas été tenue informée de sa situation,
– La commission de recours amiable a été saisie pour contester l’indu ; par la suite elle n’avait aucune obligation de saisir le tribunal après le rejet implicite, ce d’autant que l’indu est justifié et n’est pas contesté par Mme [B],
– Si tant est que Mme [B] ait subi un préjudice, il repose sur l’erreur de la caisse dans l’application du régime de prise en charge, ce qui ne saurait engager sa propre responsabilité.
A l’issue des débats, les parties ont été informées que le jugement serait rendu après plus ample délibéré par décision mise à disposition du greffe le 19 novembre 2024.
Sur le moyen d’irrecevabilité soulevé par la CPAM de la demande de Mme [B] en remise gracieuse de l’indu
Il convient de préciser que la nature de l’indu réclamé par la CPAM n’est plus remise en cause par les parties et que Mme [B] ne sollicite plus la remise gracieuse de l’indu né de la décision de la CPAM du 24 mai 2023 de refus d’indemniser son arrêt de travail au-delà du 16 octobre 2022, l’indu notifié à l’association [5] le 25 mai 2023 ayant été payé par cette dernière.
Aux termes des dernières conclusions du conseil de Mme [B] soutenues oralement à l’audience de plaidoirie du 24 septembre 2024, Mme [B] sollicite l’indemnisation de ses préjudices résultant de l’impossibilité dans laquelle elle s’est trouvée de solliciter la remise gracieuse de l’indu.
Dans ces conditions, la demande la CPAM de voir déclarer irrecevable le recours de Mme [B] portant sur la remise gracieuse de l’indu est devenue sans objet.
Sur l’exception d’incompétence du pôle social du tribunal judiciaire de Lille soulevée par l’association [5] à la demande d’indemnisation de Mme [B]
Aux termes de l’article L. 142-1 du code de la sécurité sociale, le contentieux de la sécurité sociale comprend les litiges relatifs :
1° A l’application des législations et réglementations de sécurité sociale et de mutualité sociale agricole ;
2° Au recouvrement des contributions, versements et cotisations mentionnés au 5° de l’article L. 213-1 ;
3° Au recouvrement des contributions, versements et cotisations mentionnés aux articles L. 1233-66, L. 1233-69, L. 3253-18, L. 5212-9, L. 5422-6, L. 5422-9, L. 5422-11, L. 5422-12 et L. 5424-20 du code du travail ;
4° A l’état ou au degré d’invalidité, en cas d’accident ou de maladie non régie par le livre IV du présent code, et à l’état d’inaptitude au travail ;
5° A l’état d’incapacité permanente de travail, notamment au taux de cette incapacité, en cas d’accident du travail ou de maladie professionnelle ;
6° A l’état ou au degré d’invalidité, en cas d’accidents ou de maladies régies par les titres III, IV et VI du livre VII du code rural et de la pêche maritime, à l’état d’inaptitude au travail ainsi que, en cas d’accidents du travail ou de maladies professionnelles régies par les titres V et VI du même livre VII, à l’état d’incapacité permanente de travail, notamment au taux de cette incapacité ;
7° Aux décisions des caisses d’assurance retraite et de la santé au travail et des caisses de mutualité sociale agricole concernant, en matière d’accidents du travail agricoles et non agricoles, la fixation du taux de cotisation, l’octroi de ristournes, l’imposition de cotisations supplémentaires et, pour les accidents régis par le livre IV du présent code, la détermination de la contribution prévue à l’article L. 437-1 ;
8° Aux décisions de la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées mentionnées au premier alinéa de l’article L. 241-9 du code de l’action sociale et des familles ;
9° Aux décisions du président du conseil départemental mentionnées à l’article L. 241-3 du même code relative aux mentions » invalidité » et » priorité « .
Il résulte des dispositions de l’article L. 1411-1 du code du travail que le conseil de prud’hommes règle par voie de conciliation les différends qui peuvent s’élever à l’occasion de tout contrat de travail soumis aux dispositions du présent code entre les employeurs, ou leurs représentants, et les salariés qu’ils emploient.
Il juge les litiges lorsque la conciliation n’a pas abouti.
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En l’espèce, par courrier du 25 mai 2023, la CPAM a notifié à l’association [5] un indu de 5.033,34 euros correspondant aux indemnités journalières versées à tort le 28/03/2023 pour la période du 17/10/2022 au 17 mars 2023 en raison du changement de statut de la salariée au 16/10/2022.
L’association [5] était l’unique créancier connu de la CPAM dans la mesure où il est constant que les indemnités journalières étaient versées directement à l’employeur qui avance les indemnités journalières à sa salariée dans le cadre de l’application du régime de la subrogation.
L’Association [5] soutient que le pôle social du tribunal judiciaire de Lille est incompétent pour statuer sur la demande de dommages et intérêts formulée par Mme [B] à son encontre au profit du Conseil de prud’hommes de Lille.
La nature même de l’indu réclamé portait sur l’application de la législation et de la réglementation de sécurité sociale applicable au régime de cumul emploi retraite des salariés.
Bien que cet indu ait été notifié à l’association [5] dans le cadre du régime de la subrogation, il n’en demeure pas moins que cet indu est la conséquence directe de l’application de la législation de sécurité sociale, domaine de compétence du pôle social du tribunal judiciaire.
En conséquence, le pôle social du tribunal judiciaire de Lille est compétent pour connaitre de l’existence d’une éventuelle faute de la part de l’association [5] dans le cadre de l’indemnisation de l’arrêt de travail pour maladie de l’assurée.
L’exception d’incompétence soulevée par l’Association [5] sera dès lors rejetée.
Sur la responsabilité civile de l’Association [5]
Aux termes de l’article 1240 du code civil tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
Aux termes de l’article 1353 du même code, celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver.
Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation.
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Pour retenir la responsabilité civile de l’association [5], il appartient à Mme [N] [B] d’établir que son employeur a fait preuve de fautes ou de négligences dans le traitement de son dossier et d’apporter la preuve du préjudice subit en raison de ces manquements.
Mme [N] [B] invoque à l’encontre de son employeur trois manquements fautifs qu’il convient d’examiner successivement.
– Le retard de transmission des arrêts de travail à la CPAM
Mme [N] [B] expose qu’en raison du régime subrogatoire, son employeur a perçu directement les indemnités journalières et maintenu son salaire mais qu’il a tardé à adresser ses arrêts de travail à la CPAM, ce qui a eu pour conséquence une information tardive de ce qu’elle ne pouvait plus prétendre aux [7] après le 16 octobre 2022.
En l’espèce, il ressort des accusés de réception de dépôt des arrêts de travail produits par Mme [N] [B] elle-même ( sa pièce 15) que l’association [5] a transmis au plus tard ses arrêts de travail à la CPAM, le lendemain matin du début de l’arrêt de travail.
Il suit de là qu’il n’est pas possible pour Mme [N] [B] d’affirmer que l’employeur a tardé à transmettre ses arrêts de travail à la CPAM dans la mesure où ceux-ci ont été envoyés le jour même, à l’exception du premier arrêt de travail du 23 août 2022 envoyé le lendemain.
Mme [N] [B] se prévaut d’une discussion émise par l’assurance maladie le 14 mars 2023 (sa pièce 23) pour justifier de ce que l’association [5] aurait tardé à adresser à la CPAM l’attestation de salaire demandée pour l’étude de ses droits aux indemnités journalières, attestation qui aurait été envoyée le 1er mars 2023 pour le traitement de son arrêt initial du 23 août 2022.
Elle ajoute que c’est l’organisme de prévoyance [6] qui l’a informé en mars 2023 que l’association [5] n’avait pas signalé le début de son arrêt de travail du 23 août 2022.
L’association [5] relève que la pièce 23 de Mme [B] ne saurait constituer une preuve fiable dans la mesure où le message émane d’une personne » [H] [U] » dont on ne sait ses fonctions ni si elle travaille effectivement pour l’assurance maladie à défaut de signature électronique, outre le fait que le message contient plusieurs erreurs sur les dates de l’arrêt de travail.
Force est de constater que ce message qui apparait émaner de l’assurance maladie ne peut être opérant à l’effet de rapporter une preuve certaine d’un manquement ou d’une négligence de l’association [5] dans l’envoi des arrêts de travail de sa salariée à la CPAM ou d’une attestation de salaire en l’absence de toute authentification de son auteur.
Par ailleurs, la CPAM, dont la responsabilité civile est également mise en cause au cours de la présente instance, n’a pas indiqué dans ses écritures avoir réceptionné tardivement les arrêts de travail ni l’attestation de salaire pour régulariser la situation de Mme [N] [B].
– Le remboursement de l’indu par l’employeur sans l’informer de la situation
Mme [N] [B] reproche à l’association [5] d’avoir rembourser à la CPAM l’indu de 5.033,34 euros au titre des indemnités journalières versées à tort du 17/10/2022 au 27/03/2023 sans avoir pris la peine de l’en aviser et de recueillir son avis, ce qui a eu pour conséquence que cette somme a été retenue dans son solde tout compte le 30 juin 2023, au moment de son départ en retraite complète, ce qui l’a plongée dans une grande précarité financière.
L’association [5] s’en défend au regard des propres pièces de Mme [B].
Il résulte du courrier de l’association [5] du 22 mai 2023 adressé à Mme [N] [B] qu’elle a été informée d’une demande de la CPAM de remboursement de trop perçu d’IJSS pour la période du 17/10/2022 au 27/03/2023 et de l’arrêt du versement des [7] depuis le 1er avril 2023 en raison du fait que le versement des [7] est limité à 60 jours en cas de retraite progressive. L’association [5] informait qu’elle suspendait en conséquence le maintien de salaire dès mai et invitait Mme [B] à se rapprocher au plus vite de la CPAM.
Il est à noter que ce courrier de l’association [5] du 22 mai 2023 a été adressé à Mme [B] avant que la CPAM ne l’informe par courrier du 24 mai 2023 du refus de versement de ses indemnités journalières au-delà du 16/10/2022 en raison de la limitation à 60 jours du paiement desdites indemnités.
Ainsi dès qu’elle a eu connaissance de l’arrêt du versement des [7] par la CPAM, l’association [5] a rapidement répercuté à Mme [B] les informations en sa possession. Mme [B] ne démontre pas du contraire.
L’indu d’indemnités journalières a été notifié par la CPAM à l’association [5] le 25 mai 2023, qui l’a contesté par la saisine de la commission de recours amiable réceptionnée le 13 juin 2023.
Par courrier du 20 juin 2023, l’association [5] a ensuite informé Mme [N] [B] de la réception du courrier d’indu, de ce qu’elle était contrainte de cesser le versement du précompte des [7] dans le cadre de la subrogation ainsi que le maintien de salaire et de sa saisine le 7 juin 2023 de la commission de commission de recours amiable aux fins de contester l’indu.
Enfin, par courrier du 14 septembre 2023, l’association [5] a informé Mme [N] [B] du rejet implicite de son recours devant la commission de recours amiable formé le 7 juin 2023 et, suite à la remise de son solde de tout compte au 30 juin 2023, du montant des sommes dues au titre des salaires en trop perçu à la suite de l’indu, suite à la remise de son solde de tout compte au 30 juin 2023.
Mme [N] [B] reproche à l’association [5] d’avoir payé l’indu à la CPAM sans lui demander son avis. Cependant cette circonstance ne saurait être constitutive d’une faute pour l’association [5] au regard de l’indu qui la concernait seule, ayant par ailleurs tenue informée Mme [B] de la situation, des démarches entreprises et de leur évolution dans le temps ainsi qu’il résulte des courriers susmentionnés.
– L’absence de saisine du Pôle Social à la suite de la décision implicite de rejet de la commission de recours amiable
Mme [B] reproche à l’association [5] de ne pas avoir saisi le tribunal en contestation de l’indu après le rejet implicite de la commission de recours amiable, ce qui l’a privé de la possibilité de solliciter la remise gracieuse de l’indu ou d’une chance de voir l’indu annulé, la charge du remboursement reposant en définitive sur
elle depuis le courrier de son employeur du 14 septembre 2023.
L’association [5] rétorque qu’aucune obligation ou fondement juridique quelconque ne lui imposait de saisir le tribunal en contestation de l’indu après le rejet implicite de la commission de recours amiable, ce d’autant que Mme [B] n’en a jamais formulé la demande à réception de son courrier du 14 septembre 2023.
Le tribunal retient que bien que l’association [5] ait réglé les sommes nées de l’indu, qui au demeurant ne sont pas contestées ni par l’employeur ni par Mme [B] dans leur principe, il ne saurait lui être reproché une quelconque faute ou négligence dans la mesure où elle a contesté cet indu devant la commission de recours amiable tout en informant Mme [N] [B] du rejet implicite de son recours.
Par ailleurs, l’association [5] était libre de saisir ou non le tribunal après le rejet implicite de la commission de recours amiable.
Mme [B] ne peut arguer d’une perte de chance de voir l’indu annulé dans la mesure où elle reconnait le bienfondé de l’indu, tout comme l’employeur. Elle ne peut davantage arguer d’une perte de chance d’obtenir une remise gracieuse de l’indu auprès de la CPAM dans la mesure où l’indu a été notifié à l’employeur seul comme l’a justement rappelé la CPAM dans ses écritures.
En conséquence de l’ensemble de ces éléments, il ne saurait être reproché de faute ou de négligence par l’association [5] dans le traitement du dossier relatif à l’arrêt de travail de Mme [N] [B].
En conséquence, Mme [N] [B] sera déboutée de sa demande tendant à faire reconnaitre la responsabilité de l’association [5] et partant de sa demande de dommages et intérêts.
Sur la responsabilité civile de la CPAM de Roubaix-Tourcoing
Pour retenir la responsabilité civile de la caisse, il appartient à Mme [N] [B] d’établir que la caisse a fait preuve de fautes ou de négligences dans le traitement de son dossier et d’apporter la preuve du préjudice subit en raison de ces manquements.
Mme [B] fait grief à la CPAM d’avoir versé à tort 6 mois d’indemnités journalières à son employeur avant de notifier tardivement un indu, alors qu’elle se devait être au fait de la législation applicable en matière de cumul emploi retraite progressive.
En l’espèce, la CPAM reconnait dans ses écritures qu’une erreur a pu être commise dans le traitement de la situation de Mme [N] [B] mais que pour autant cette erreur ne saurait être constitutive à elle seule d’un droit ou d’une quelconque faute, rappelant que la Caisse est en droit d’effectuer des contrôles a priori mais aussi a posteriori et que la logique de paiement s’inscrit dans la volonté d’éviter toute rupture ou retard dans le paiement des prestations.
Bien que l’erreur de la caisse ne soit pas contestée, elle s’est inscrite dans un contexte d’évolution législative accru, les dispositions relatives au versement des indemnités journalières des salariés placés en retraite progressive ayant évoluées à deux reprises en presque deux années.
Par ailleurs, c’est à l’occasion d’une vérification opérée par la CPAM suite au paiement du 28 mars 2023 qu’une erreur concernant les droits aux [7] de Mme [B] a été détectée et qu’une information en a été donnée à l’employeur dans le cadre de la subrogation puis à Mme [B] par le courrier du 24 mai 2023.
Le retard dans la vérification des droits à [7] ayant conduit au constat de l’erreur de versement des [7] sur la période du 17/10/2022 au 27/03/2023, ce qui a généré l’indu, ne caractérise pas une faute imputable à la CPAM, le contrôle a posteriori des caisses étant autorisé et la CPAM ayant corrigé la situation auprès de l’employeur et de Mme [B] dans un temps proche de la détection de son erreur.
Par ailleurs, Mme [N] [B], n’a pas été privée de la possibilité de contester le courrier de la CPAM du 24 mai 2023 d’arrêt du versement des indemnités journalières postérieurement au 16 octobre 2022, ce qu’elle a fait devant la commission de recours amiable le 31 mai 2023.
En l’absence de caractérisation d’un comportement fautif de la CPAM, Mme [N] [B] sera déboutée de sa demande tendant à faire reconnaitre la responsabilité de la CPAM et partant de sa demande de dommages et intérêts.
Sur les demandes accessoires
Mme [N] [B] qui succombe sera condamnée aux éventuels dépens de la présente instance. Sa demande indemnitaire formée à l’encontre de l’association [5] et de la CPAM sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile sera dès lors rejetée.
Mme [B] étant déboutée de l’ensemble de ses demandes formées à l’encontre de l’association [5] suite à son assignation en intervention forcée, il ne parait pas inéquitable de faire application de l’indemnité réclamée par l’association [5] à l’encontre de Mme [N] [B] sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et à ce titre il convient d’allouer à l’association [5] la somme de 800 euros.
Le Tribunal statuant, après débats en audience publique, par jugement contradictoire, en premier ressort, mis à disposition au greffe ;
CONSTATE que la demande de la Caisse Primaire d’Assurance Maladie de [Localité 8] [Localité 9] de voir déclarer irrecevable le recours de Madame [N] [B] portant sur la remise gracieuse de l’indu est devenue sans objet,
REJETTE l’exception d’incompétence du pôle social du tribunal judiciaire de Lille soulevée par l’Association [5],
DÉBOUTE Mme [N] [B] de sa demande visant à faire reconnaitre la responsabilité de l’Association [5] ;
DÉBOUTE Mme [N] [B] de sa demande visant à faire reconnaitre la responsabilité civile de la CPAM de Roubaix-Tourcoing ;
DÉBOUTE en conséquence Mme [N] [B] de l’ensemble de ses demandes en dommages et intérêts formées à l’encontre de l’Association [5] et de la CPAM de Roubaix-Tourcoing ;
CONDAMNE Mme [N] [B] aux dépens ;
CONDAMNE à titre reconventionnel Mme [N] [B] à payer à l’Association [5] la somme de 800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
DÉBOUTE les parties du surplus de leurs demandes plus amples ou contraires,
DIT que le présent jugement sera notifié à chacune des parties conformément à l’article R. 142-10-7 du code de la sécurité sociale par le greffe du Pôle social du Tribunal judiciaire de Lille.
Ainsi et jugé et mis à disposition du greffe du Pôle social du Tribunal judiciaire de Lille les jour, mois et an sus-dits.
LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE
Christian TUY Fanny WACRENIER
Expédié aux parties le :
– 1 CE à Me [T] [E] et à la CPAM de Roubaix-Tourcoing
– 1 CCC à Me Julien BRIOUT, à [5] et à Mme [N] [B]
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