L’Essentiel : La SARL FLS IMMOBILIER a engagé des travaux de réhabilitation d’un immeuble, confiés à la SARL PATRIMOINE ING2, avec une assurance souscrite auprès de la SA AXA FRANCE IARD. En 2022, des fissures sont apparues, entraînant une assignation en référé par le syndicat des copropriétaires pour désigner un expert et obtenir une provision de 30 000 euros. Les défendeurs ont contesté la recevabilité des demandes, arguant que la société était en liquidation. Le tribunal a déclaré irrecevables les demandes contre FLS IMMOBILIER, ordonnant néanmoins une expertise pour évaluer les désordres et les responsabilités.
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Contexte de l’affaireLa SARL FLS IMMOBILIER a entrepris la réhabilitation d’un immeuble situé à [Adresse 5]. Les travaux ont été confiés à la SARL PATRIMOINE ING2, devenue ITEC SUD, avec une assurance souscrite auprès de la SA AXA FRANCE IARD. La SARL FLS IMMOBILIER a également souscrit une assurance dommages-ouvrage et une assurance décennale constructeur non réalisateur auprès de la compagnie ALPHA INSURANCE, qui est désormais en faillite. Déroulement des travauxLe chantier a été ouvert le 15 juin 2013 et les travaux ont été principalement réalisés par la SARL EKMEN CONSTRUCTION, qui a ensuite été mise en liquidation judiciaire. Les travaux ont été déclarés achevés le 15 mai 2014, et l’immeuble a été soumis au régime de la copropriété par acte notarié le 23 juin 2014. Problèmes constatésEn 2022, des fissures ont été constatées sur la structure de l’immeuble. Face à l’absence de réaction des intervenants et de leurs assureurs, le syndicat des copropriétaires, représenté par la SAS FONCIA GRAND BLEU, a assigné en référé la SARL FLS IMMOBILIER, son liquidateur, la SARL ITEC SUD, ainsi que leurs assureurs, pour obtenir la désignation d’un expert et une provision de 30 000 euros. Demandes des partiesLe syndicat des copropriétaires a demandé la désignation d’un expert pour évaluer les désordres, leurs causes, et les responsabilités encourues. En réponse, la SARL FLS IMMOBILIER et son liquidateur ont contesté la recevabilité des demandes, arguant que la société était en liquidation et que les demandes étaient irrecevables. Arguments des défendeursLes défendeurs ont soutenu que la société FLS IMMOBILIER avait été dissoute et que la clôture des opérations de liquidation était opposable aux tiers. Le syndicat des copropriétaires a rétorqué que cette clôture était frauduleuse. Les autres parties, ITEC SUD, AXA FRANCE IARD et MAAF ASSURANCES, ont également contesté les demandes de provision et d’expertise, invoquant des contestations sérieuses sur la responsabilité et la nature des désordres. Décision du tribunalLe tribunal a déclaré irrecevables les demandes contre la SARL FLS IMMOBILIER, tout en ordonnant une expertise au contradictoire des autres parties. L’expert désigné a pour mission d’évaluer les désordres, leurs causes, et les responsabilités. La demande de provision a été rejetée, et les dépens ont été laissés à la charge du syndicat des copropriétaires. |
Q/R juridiques soulevées :
Sur la recevabilité des demandes contre la société FLS IMMOBILIERLa SARL FLS IMMOBILIER et son liquidateur, Monsieur [E] [P], soutiennent que les demandes du syndicat des copropriétaires sont irrecevables en vertu des articles 117 et 122 du code de procédure civile, ainsi que de l’article L.237-2 du code de commerce. L’article 117 du code de procédure civile stipule que : « Constituent des irrégularités de fond affectant la validité de l’acte le défaut de capacité d’ester en justice, le défaut de pouvoir d’une partie ou d’une personne figurant au procès comme représentant soit d’une personne morale, soit d’une personne atteinte d’une incapacité d’exercice ainsi que le défaut de capacité ou de pouvoir d’une personne assurant la représentation d’une partie en justice. » De plus, l’article 122 précise que : « Constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée. » Enfin, l’article L.237-2 du code de commerce dispose que : « La société est en liquidation dès l’instant de sa dissolution pour quelque cause que ce soit sauf dans le cas prévu au troisième alinéa de l’article 1844-5 du code civil. Sa dénomination sociale est suivie de la mention « société en liquidation ». La personnalité morale de la société subsiste pour les besoins de la liquidation, jusqu’à la clôture de celle-ci. » En l’espèce, la société FLS IMMOBILIER a été dissoute et la clôture des opérations de liquidation a été constatée le 11 février 2021. Cette situation est opposable aux tiers, car elle a été régulièrement publiée. Le syndicat des copropriétaires prétend que cette clôture est frauduleuse, mais il ne parvient pas à prouver cette allégation. Ainsi, en l’absence de droit d’agir de la société FLS IMMOBILIER, les demandes formées contre elle par le syndicat sont déclarées irrecevables. Sur la demande principale de désignation d’un expertLe syndicat des copropriétaires fonde sa demande sur l’article 145 du code de procédure civile, qui prévoit que : « S’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé. » Le syndicat soutient que le liquidateur de la SARL FLS IMMOBILIER pourrait engager sa responsabilité pour avoir ignoré la garantie décennale. Il est important de noter que l’existence de contestations sérieuses ne constitue pas un obstacle à l’application de l’article 145. Le juge doit simplement établir qu’un procès est possible et que la mesure d’instruction sollicitée ne porte pas atteinte aux droits d’autrui. Dans cette affaire, le syndicat a produit des éléments probants, tels qu’un rapport de diagnostic structurel et un procès-verbal de commissaire de justice, qui justifient la nécessité d’une expertise. Ainsi, la demande d’expertise est accueillie, à l’exception de la SARL FLS IMMOBILIER, qui a été déclarée irrecevable. Sur la demande principale de versement d’une provisionLe syndicat des copropriétaires se fonde sur l’article 835 alinéa 2 du code de procédure civile, qui stipule que : « Le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection peut, dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, accorder une provision au créancier. » Le syndicat soutient que les désordres sont de nature décennale et que les défenderesses sont tenues à réparation. Cependant, les sociétés ITEC SUD et AXA FRANCE IARD contestent la responsabilité et soulignent l’absence de preuve du caractère décennal des désordres. La SA MAAF ASSURANCES remet également en question la qualité de locateur d’ouvrage de son assurée, ce qui nécessite une interprétation des pièces contractuelles. En conséquence, en raison des contestations sérieuses soulevées, le juge des référés ne peut pas faire droit à la demande de versement d’une provision, et le syndicat en sera débouté. Sur les demandes accessoiresConcernant les demandes accessoires, il est précisé qu’il n’est pas possible de réserver les dépens ou de surseoir à statuer sur les demandes relatives aux dépens dans l’attente d’une instance au fond. Les dépens de l’instance seront laissés à la charge du syndicat requérant, qui a intérêt à la mesure sollicitée. De plus, il n’y a pas lieu d’appliquer les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, et les demandes à ce titre seront également rejetées. Ainsi, le tribunal conclut que les demandes du syndicat des copropriétaires sont en grande partie irrecevables ou déboutées, et il ordonne une expertise pour établir les responsabilités et les préjudices. |
D E D R A G U I G N A N
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O R D O N N A N C E D E R É F É R É
CONSTRUCTION
RÉFÉRÉ n° : N° RG 24/03932 – N° Portalis DB3D-W-B7I-KIEW
MINUTE n° : 2025/ 56
DATE : 22 Janvier 2025
PRÉSIDENT : Monsieur Frédéric ROASCIO
GREFFIER : M. Alexandre JACQUOT
DEMANDERESSE
Syndicat des copropriétaires [Adresse 5] pris en la personne de son syndic en exercice la SARL FONCIA GRAND BLEU, dont le siège social est sis [Adresse 9]
représentée par Me Olivier SINELLE, avocat au barreau de TOULON
DEFENDEURS
S.A.R.L. FLS IMMOBILIER prise en la personne de son liquidateur Monsieur [E] [P], dont le siège social est sis [Adresse 2]
représentée par Me Antoine RYCKEBOER, avocat au barreau de DRAGUIGNAN
S.A.R.L. ITEC SUD, dont le siège social est sis [Adresse 6]
représentée par Me Isabelle REYNAUD-DAUTUN, avocat au barreau de DRAGUIGNAN
Monsieur [E] [P] en qualité de liquidateur de la SARL FLS IMMOBILIER, demeurant [Adresse 2]
représenté par Me Antoine RYCKEBOER, avocat au barreau de DRAGUIGNAN
S.A. AXA FRANCE, dont le siège social est sis [Adresse 3]
représentée par Me Sébastien GUENOT, avocat au barreau de DRAGUIGNAN
S.A. MAAF ASSURANCES, assureur de la SARL EKMEN CONSTRUCTION, dont le siège social est sis [Adresse 7]
représentée par Me Dominique PETIT-SCHMITTER, avocat au barreau D’AIX-EN-PROVENCE
DÉBATS : Après avoir entendu à l’audience du 11 Décembre 2024 les parties comparantes ou leurs conseils, l’ordonnance a été rendue ce jour par la mise à disposition de la décision au greffe.
copie exécutoire à
Me Sébastien GUENOT
Me Dominique PETIT-SCHMITTER
Me Isabelle REYNAUD-DAUTUN
Me Antoine RYCKEBOER
Me Olivier SINELLE
2 copies service des expertises
1 copie dossier
délivrées le : Envoi par Com-ci
La SARL FLS IMMOBILIER a procédé à la réhabilitation d’un immeuble situé [Adresse 5].
Par contrat de maîtrise d’œuvre du 15 avril 2013, la SARL FLS IMMOBILIER a confié les travaux à la SARL PATRIMOINE ING2, devenue ITEC SUD, et assurée pour le chantier auprès de la SA AXA FRANCE IARD.
La SARL FLS IMMOBILIER a souscrit une assurance dommages-ouvrage et une assurance décennale constructeur non réalisateur (CNR) auprès de la compagnie danoise ALPHA INSURANCE, désormais en faillite.
Le chantier a été déclaré ouvert le 15 juin 2013.
Les travaux ont été pour l’essentiel réalisés par la SARL EKMEN CONSTRUCTION, ultérieurement mise en liquidation judiciaire, et assurée pour le chantier auprès de la SA MAAF ASSURANCES.
Les travaux ont été déclarés achevés le 15 mai 2014 et, suivant règlement de copropriété avec état descriptif de division constaté par acte notarié du 23 juin 2014 et régulièrement publié, l’immeuble a été soumis au régime de la copropriété.
Courant 2022, il a été constaté un phénomène de fissuration de la structure de l’immeuble.
Exposant une absence de réaction des intervenants à l’acte de construire et de leurs assureurs, et par exploits de commissaire de justice du 15 mai 2024, le syndicat des copropriétaires du [Adresse 5], pris en la personne de son syndic en exercice la SAS FONCIA GRAND BLEU, a fait assigner en référé la SARL FLS IMMOBILIER, prise en la personne de son liquidateur Monsieur [E] [P], également cité en cette qualité, la SARL ITEC SUD et son assureur la SA AXA FRANCE IARD ainsi que la SA MAAF ASSURANCES SA, assureur de la SARL EKMEN CONSTRUCTION, aux fins principales, au visa des articles 145 et 835 du code de procédure civile, de désignation d’un expert et de condamner in solidum les trois dernières à payer la somme provisionnelle de 30 000 euros.
Suivant ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 11 décembre 2024, reprenant ses précédentes écritures et auxquelles il se réfère à l’audience du 11 décembre 2024, le syndicat des copropriétaires du [Adresse 5], pris en la personne de son syndic en exercice la SAS FONCIA GRAND BLEU, sollicite du juge des référés du tribunal judiciaire de Draguignan, au visa des articles 145 et 835 du code de procédure civile, de :
Désigner tel expert qu’il plaira avec pour mission de :
se rendre sur les lieux, se faire remettre les documents utiles à l’accomplissement de sa mission ;décrire les désordres visés dans l’assignation, et les pièces y visées, et particulièrement les pièces n° 9 et 11 ;donner son avis sur les cause et origine des désordres ;donner son avis sur les moyens d’y remédier, en évaluer le coût et la durée par référence à au moins deux devis d’entreprises locales consultées à cet effet ;d’une manière plus générale, donner son avis sur les responsabilités encourues et les préjudices subis ;du tout dresser rapport après diffusion d’un pré-rapport au moins 45 jours auparavant ;Débouter les défendeurs de leurs demandes, fins et prétentions ;
Condamner in solidum la SARL ITEC SUD, son assureur la MAAF, et la compagnie AXA FRANCE IARD, assureur de la SARL EKMEN CONSTRUCTION, à payer la somme provisionnelle de 30 000 euros ;
Réserver les dépens ;Ordonner, en tant que de besoin, l’exécution provisoire de la décision à intervenir.
Suivant leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 9 décembre 2024, reprenant leurs précédentes écritures et auxquelles ils se réfèrent à l’audience du 11 décembre 2024, la SARL FLS IMMOBILIER, prise en la personne de son liquidateur Monsieur [E] [P], et Monsieur [E] [P], en qualité de liquidateur de la SARL FLS IMMOBILIER, sollicitent, au visa des articles 117 et suivants, 122, 145 du code de procédure civile et L.237-2 du code de commerce, de :
DECLARER irrecevables les demandes formées par le syndicat des copropriétaires du [Adresse 5] contre la société FLS IMMOBILIER ;
DEBOUTER le syndicat des copropriétaires du [Adresse 5] de sa demande tendant à voir ordonner une expertise au contradictoire de Monsieur [E] [P], ès-qualités de liquidateur amiable de la société FLS IMMOBILIER ;
CONDAMNER le syndicat des copropriétaires du [Adresse 5] à leur verser, sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, la somme de 3000 euros ;
CONDAMNER le syndicat des copropriétaires du [Adresse 5] aux entiers dépens de la présente instance, en vertu de l’article 699 du code de procédure civile.
Suivant ses conclusions notifiées par voie électronique le 7 octobre 2024, auxquelles elle se réfère à l’audience du 11 décembre 2024, la SARL ITEC SUD sollicite de :
La recevoir en ses protestations et réserves ;
Débouter le syndicat des copropriétaires du [Adresse 5] de sa demande de provision, en l’état d’une contestation sérieuse ;
Surseoir à statuer sur les dépens.
Suivant ses conclusions notifiées par voie électronique le 9 septembre 2024, auxquelles elle se réfère à l’audience du 11 décembre 2024, la SA AXA FRANCE IARD, en qualité d’assureur de la SARL ITEC SUD, sollicite de :
La RECEVOIR en l’expression de ses protestations et réserves ;
DEBOUTER le syndicat des copropriétaires [Adresse 5] de sa demande de provisions en ce qu’elle est dirigée à son encontre dès lors que celle-ci se heurte à des contestations sérieuses.
Suivant ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 9 décembre 2024, reprenant ses précédentes écritures et auxquelles elle se réfère à l’audience du 11 décembre 2024, la SA MAAF ASSURANCES, en qualité d’assureur de la SARL EKMEN CONSTRUCTION, sollicite, au visa des articles 145 et 835 du code de procédure civile, de :
Lui donner acte de ses protestations et réserves de fait de droit et de garantie sur la demande d’expertise formulée à son encontre par le SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES [Adresse 5] ;
Rejeter la demande de condamnation provisionnelle formulée par le SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DU [Adresse 5] à son encontre comme se heurtant à l’existence de contestations sérieuses et ses obligations étant très sérieusement contestables ;
Juger qu’il appartiendra au SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DU [Adresse 5] de supporter les frais d’expertise.
Pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens, il est renvoyé aux écritures des parties conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
Sur la recevabilité des demandes contre la société FLS IMMOBILIER
La SARL FLS IMMOBILIER et Monsieur [P] fondent leur demande d’irrecevabilité sur :
l’article 117 du code de procédure civile, selon lequel constituent des irrégularités de fond affectant la validité de l’acte le défaut de capacité d’ester en justice, le défaut de pouvoir d’une partie ou d’une personne figurant au procès comme représentant soit d’une personne morale, soit d’une personne atteinte d’une incapacité d’exercice ainsi que le défaut de capacité ou de pouvoir d’une personne assurant la représentation d’une partie en justice ;l’article 122 du même code, aux termes duquel constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée ;l’article L.237-2 du code de commerce, qui dispose : « la société est en liquidation dès l’instant de sa dissolution pur quelque cause que ce soit sauf dans le cas prévu au troisième alinéa de l’article 1844-5 du code civil. Sa dénomination sociale est suivie de la mention « société en liquidation ».La personnalité morale de la société subsiste pour les besoins de la liquidation, jusqu’à la clôture de celle-ci.
La dissolution d’une société ne produit ses effets à l’égard des tiers qu’à compter de la date à laquelle elle est publiée au registre du commerce et des sociétés. »
Ils prétendent que la société FLS IMMOBILIER a été dissoute, que la clôture des opérations de liquidation est intervenue et que, si la personnalité morale de la société peut subsister tant que les droits et obligations à caractère social ne sont pas liquidés, la requérante aurait dû faire désigner un mandataire ad hoc.
Le syndicat requérant objecte que la clôture des opérations de liquidation de la société FLS IMMOBILIER a été conduite de façon frauduleuse et est ainsi inopposable aux tiers.
Il sera d’abord relevé que les défendeurs ne soutiennent pas une nullité de l’assignation mais un défaut du droit d’agir de la société FLS IMMOBILIER rendant irrecevable les demandes adverses à son égard.
En l’espèce, les défendeurs soulignent à raison qu’outre la dissolution de la société FLS IMMOBILIER, la clôture des opérations de liquidation amiable a été constatée le 11 février 2021 avec effet à compter du 31 décembre 2020 et que cette circonstance est opposable aux tiers pour avoir été régulièrement publiée.
Ils soulignent aussi à bon droit que, si la personnalité morale de la société peut subsister après la clôture des opérations de liquidation, c’est à la condition qu’une mandataire chargé de reprendre les opérations de liquidation soit désigné et il n’est en l’espèce pas justifié d’une telle désignation par le syndicat requérant.
Ce dernier ne peut valablement prétendre à ce stade que la clôture des opérations de liquidation serait par principe frauduleuse au seul motif d’avoir été prononcée quelques secondes après la liquidation de la société FLS IMMOBILIER. Il appartenait au syndicat requérant de démontrer ces éléments avant l’introduction de la présente instance de référé afin de pouvoir en conclure que la clôture des opérations de liquidation, ayant toutes les apparences de la régularité, lui serait inopposable.
Il n’est pas davantage pertinent de relever que la SARL FLS IMMOBILIER n’a pas objecté de sa perte du droit d’agir au moment où elle a été assignée à la présente instance, cet élément n’ayant pas pour effet de faire revivre sa personnalité juridique.
En l’absence de droit d’agir de la société FLS IMMOBILIER, les demandes formées contre elle par le syndicat requérant sont irrecevables.
Sur la demande principale de désignation d’un expert
Le syndicat requérant fonde ses prétentions de ce chef sur l’article 145 du code de procédure civile selon lequel « s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé. »
Il soutient que le liquidateur de la SARL FLS IMMOBILIER est susceptible d’engager sa responsabilité pour avoir volontairement ignoré la garantie décennale, d’ordre public, susceptible d’être recherchée au moment des opérations de liquidation. Il ajoute que l’action en responsabilité contre le liquidateur peut être exercée dans les trois ans de la manifestation du fait dommageable.
En défense, Monsieur [P] relève qu’aucune instance n’était en cours relativement aux désordres allégués par le syndicat requérant au jour de la liquidation de la société FLS IMMOBILIER, les désordres étant apparus en 2022.
Il est constant que l’existence de contestations sérieuses ne constitue pas un obstacle à la mise en œuvre des dispositions de l’article 145 précité.
Il appartient au juge saisi de l’application de ce texte de caractériser le motif légitime d’ordonner une mesure d’instruction sans toutefois procéder préalablement à l’examen de la recevabilité d’une éventuelle action, non plus que de ses chances de succès sur le fond.
Il suffit de constater qu’un tel procès est possible, qu’il a un objet et un fondement suffisamment déterminés, que sa solution peut dépendre de la mesure d’instruction sollicitée et que celle-ci ne porte aucune atteinte illégitime aux droits et libertés fondamentaux d’autrui. De plus, le litige potentiel ne doit pas être manifestement voué à l’échec.
Le syndicat requérant verse aux débats un courrier de la SA MAAF ASSURANCES du 26 avril 2022 qui informe le syndic de désordres constatés sur la cage d’escalier compromettant la solidité de l’ouvrage et l’invitant à procéder à une mise en péril très rapidement. En outre, le syndicat a fait établir de manière non contradictoire un rapport de diagnostic structure visuel établi le 30 juin 2023 par la SAS ELEVEN STRUCTURE, qui retrace les fissures existantes sur l’ensemble du bâtiment et classe en urgence à très court terme (3 à 6 mois) le traitement des désordres structurels affectant la cage d’escalier. Les désordres sont également matérialisés par le procès-verbal de commissaire de justice du 6 septembre 2023 sur plusieurs appartements à différents étages et sur la cage d’escalier de l’immeuble.
Aucune des parties ne conteste le motif légitime résultant des désordres précités de sorte qu’il est justifié des conditions fixées à l’article 145 du code de procédure civile.
S’agissant du liquidateur amiable de la société FLS IMMOBILIER, le syndicat requérant n’a pas à ce stade à prouver sa faute et les éléments propres à engager sa responsabilité.
La seule possibilité d’engager sa responsabilité suffit et le requérant rappelle à raison que le délai de trois ans suivant la manifestation du fait dommageable n’est pas écoulé. En outre, il n’a pas à établir de manière certaine à ce stade que le liquidateur aurait omis volontairement une créance, la seule possibilité de voir engager la responsabilité du liquidateur suffit.
Dès lors, Monsieur [P] sera débouté de sa demande de mise hors de cause.
Il sera donné acte des protestations et réserves des sociétés ITEC SUD, AXA FRANCE IARD et MAAF ASSURANCES, lesquelles n’impliquent aucune reconnaissance de responsabilité ou de garantie.
Il sera fait droit à la demande d’expertise au contradictoire des parties, à l’exception de la SARL FLS IMMOBILIER.
La mission sera fixée au dispositif de la présente ordonnance, en reprenant l’essentiel des éléments sollicités par le syndicat requérant et la précision apportée par la SA AXA FRANCE IARD.
Par ailleurs, la provision à valoir sur les honoraires de l’expert sera à verser par le syndicat requérant, ayant intérêt à la mesure sollicitée.
Sur la demande principale de versement d’une provision
Le syndicat requérant fondent ses prétentions de ce chef sur l’article 835 alinéa 2 du code de procédure civile, qui prévoit la possibilité pour le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence, dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, d’accorder une provision au créancier, ou d’ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire.
Il soutient que le caractère décennal des désordres est établi et que les défenderesses sont tenues de à réparation. En réponse aux sociétés ITEC SUD et AXA, il fait observer que l’opération de réhabilitation était indissociable de l’immeuble existant si bien que les désordres sont imputables à ladite opération. En réponse à la société MAAF, il précise que les comptes-rendus de chantier et le contrat de maîtrise d’œuvre établissent que la société EKMEN CONSTRUCTION est un constructeur et qu’il appartient à l’assureur de cette dernière de prouver qu’elle serait intervenue en tant que sous-traitant.
La SARL ITEC SUD prétend que ni elle ni son assureur n’ont participé aux opérations d’expertise amiable diligentées par la MAAF et servant à établir le caractère décennal des désordres. Elle souligne qu’il appartient au requérant de démontrer que les travaux réalisés sont à l’origine des fissurations observées, alors qu’une multiplicité de causes est envisageable.
Son assureur la SA AXA FRANCE IARD soutient ce dernier élément, en particulier au vu de la vétusté du bâtiment, et relève l’absence de preuve du caractère décennal des désordres.
La SA MAAF ASSURANCES SA allègue que la société PATRIMOINE ING2, devenue ITEC SUD, n’est pas intervenue qu’en qualité de maître d’œuvre dans les travaux en litige, mais en réalité en qualité de cocontractant général chargé à ce titre de l’exécution des travaux et de la maîtrise d’œuvre. Aussi, son assurée n’est pas intervenue en qualité de locateur d’ouvrage, mais de sous-traitant de la société PATRIMOINE ING2.
En droit, il est admis que la contestation sérieuse est souverainement appréciée par le juge des référés et qu’elle ne saurait être constituée par la seule expression d’une opposition aux demandes par le défendeur.
Les seuls éléments techniques recueillis, en particulier le seul diagnostic visuel, ne peuvent établir avec certitude le caractère décennal des désordres au sens de l’article 1792 du code civil, et surtout l’imputabilité des désordres à la construction d’origine. La SA MAAF ASSURANCES souligne à juste titre que son courrier attire l’attention sur les risques en termes de sécurité du bâtiment, mais ne prend à aucun moment position sur l’application éventuelle de ses garanties, notamment décennales.
Au demeurant, la SA MAAF ASSURANCES SA remet en cause la qualité de locateur d’ouvrage de son assurée et ainsi sa qualité de constructeur tenu à la responsabilité décennale, ces éléments nécessitant une interprétation des pièces contractuelles ne relevant pas de l’office du juge des référés.
En l’état des contestations sérieuses opposées, il n’y a pas lieu à référé sur cette demande de versement d’une provision et le syndicat requérant en sera débouté.
Sur les demandes accessoires
Il n’est pas possible de réserver les dépens du référé ou de surseoir à statuer sur les demandes relatives aux dépens dans l’attente d’une instance au fond dont le principe n’est pas certain. Les dépens de l’instance seront laissés à la charge du syndicat requérant, ayant intérêt à la mesure sollicitée, alors que le défendeur à une mesure d’expertise ordonnée sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile ne peut être considérée comme une partie perdante au sens de l’article 696 du code de procédure civile. (Cass.Civ.2ème, 21 novembre 2024, numéro 22-16.763)
L’équité ne commande pas de condamner l’une des parties de payer les frais irrépétibles de l’autre. Il ne sera pas fait application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et le syndicat requérant, la SARL FLS IMMOBILIER et Monsieur [P] seront déboutés de leurs demandes à ce titre.
Par ailleurs, il est rappelé qu’aux termes des articles 514 et suivants du code de procédure civile, l’exécution provisoire de la présente ordonnance est de droit, sauf motivation contraire, et il n’y a en conséquence pas lieu de l’ordonner.
Nous, Juge des référés, statuant après débats en audience publique, par décision contradictoire mise à disposition au greffe, exécutoire de droit et en premier ressort :
DECLARONS le syndicat des copropriétaires du [Adresse 5], pris en la personne de son syndic en exercice la SAS FONCIA GRAND BLEU, irrecevable en ses demandes contre la SARL FLS IMMOBILIER, prise en la personne de son liquidateur Monsieur [E] [P],
DEBOUTONS Monsieur [E] [P], en qualité de liquidateur de la SARL FLS IMMOBILIER, de sa demande de mise hors de cause,
ORDONNONS une expertise au contradictoire de Monsieur [E] [P], en qualité de liquidateur de la SARL FLS IMMOBILIER, de la SARL ITEC SUD, anciennement dénommée PATRIMOINE ING2, de la SA AXA FRANCE IARD en qualité d’assureur de la SARL ITEC SUD et de la SA MAAF ASSURANCES SA en qualité d’assureur de la SARL EKMEN CONSTRUCTION,
DESIGNONS pour y procéder :
Monsieur [B] [W]
[Adresse 4]
Port. : [XXXXXXXX01]
Mèl : [Courriel 8]
lequel aura pour mission, après avoir pris connaissance du dossier, s’être fait communiquer tous documents utiles, avoir entendu les parties ainsi que tout sachant :
– se rendre sur les lieux [Adresse 5] ;
– rechercher les conventions verbales ou écrites intervenues entre les parties et annexer à son rapport copie de tous documents contractuels ;
– préciser les dates auxquelles les travaux ont été exécutés et terminés, la date de prise de possession et s’il y a lieu les dates des procès-verbaux de réception en mentionnant les réserves éventuellement formulées ainsi que les notifications écrites de désordres révélés postérieurement à la réception ; si la réception des travaux n’a pas eu lieu à l’amiable entre les parties, indiquer à quelle date celle-ci pourra intervenir avec ou sans réserves ;
– rechercher si les travaux ont été effectués conformément aux conventions entre parties, aux normes et règlements en vigueur ainsi qu’aux règles de l’art, en décrivant, le cas échéant, les malfaçons ou moins-values constatées ;
– examiner et décrire les désordres invoqués par la partie demanderesse dans son acte introductif d’instance et relatés dans le rapport d’expertise non contradictoire du 30 juin 2023 ainsi que le procès-verbal de constat de commissaire de justice du 6 septembre 2023 ;
– dire si les désordres constatés sont imputables à des vices apparents ou cachés lors de la prise de possession ; rechercher les causes et origines des désordres et dire en particulier s’ils proviennent d’une erreur de conception, d’un vice de matériau, d’un défaut ou d’une erreur d’exécution, d’un défaut d’entretien du bien immobilier ou de toute autre cause ; dire si les travaux de réhabilitation en litige sont à l’origine des désordres affectant l’immeuble ou préciser si les désordres peuvent s’expliquer par la vétusté de celui-ci ;
– préciser la nature des désordres en indiquant s’il y a lieu :
si l’entrepreneur a satisfait à la garantie annale de parfait achèvement, en procédant à la réparation des désordres signalés lors de la réception ou par notification écrite postérieure ;s’il a été satisfait à la garantie biennale de bon fonctionnement des éléments d’équipement de l’ouvrage ne faisant pas corps avec lui ;si les désordres constatés compromettent la solidité de l’ouvrage ou l’affectent dans un de ses éléments constitutifs ou l’un de ses éléments d’équipement, et le rendent impropre à sa destination ; dire si les éléments d’équipement défectueux font, ou non, indissociablement corps avec les ouvrages de viabilité, de fondation, d’ossature, de clos ou de couvert ;- fournir tous éléments techniques et de fait de nature à permettre à la juridiction qui sera éventuellement saisie de se prononcer sur les responsabilités encourues et sur la proportion des responsabilités ;
– déterminer notamment grâce à des devis fournis par les parties, la nature, la durée et le coût des travaux propres à remédier aux désordres et donner son avis sur leur contenu ; dans l’hypothèse où les parties ne fournissent pas les devis attendus, procéder à une estimation des travaux de reprise et dans tous les cas préciser leur durée prévisible ; donner son avis sur l’ensemble des préjudices, notamment de jouissance, invoqués par la partie demanderesse en faisant toute observation utile sur la durée et la méthode d’évaluation de ce préjudice selon les éléments apportés par les parties ; en cas d’urgence, proposer les travaux indispensables aux frais avancés de la partie demanderesse ;
– faire toute observation jugée utile à la manifestation de la vérité,
DISONS que l’expert fera connaître sans délai s’il accepte la mission,
DISONS que l’expert sera autorisé à recourir aux services d’un sapiteur de son choix dans une spécialité qui n’est pas la sienne,
DISONS qu’à la fin de ses opérations, l’expert adressera un pré-rapport aux parties et leur impartira un délai ne pouvant être inférieur à QUARANTE-CINQ JOURS leur permettant de lui faire connaître leurs observations,
DISONS qu’il répondra aux dites observations en les annexant à son rapport définitif,
DISONS que l’expert commis convoquera les parties par lettre recommandée avec accusé de réception à toutes les réunions d’expertise avec copie par lettre simple aux défenseurs, leurs convenances ayant été préalablement prises,
DISONS toutefois que, dans l’hypothèse où l’expert aurait recueilli l’adhésion formelle des parties à l’utilisation de la plate-forme OPALEXE, celle-ci devra être utilisée pour les convocations, les communications de pièces et plus généralement pour tous les échanges,
DISONS que le syndicat des copropriétaires du [Adresse 5], pris en la personne de son syndic en exercice la SAS FONCIA GRAND BLEU, versera au régisseur d’avances et de recettes du tribunal une provision de 5000 euros (CINQ MILLE EUROS) à valoir sur la rémunération de l’expert, dans le délai de TROIS MOIS à compter de la notification de la présente décision, sauf dans l’hypothèse où une demande d’aide juridictionnelle antérieurement déposée aurait été accueillie, auquel cas les frais seront avancés par l’Etat,
DISONS qu’à défaut de consignation dans le délai prescrit, la désignation de l’expert sera caduque,
DISONS que, lors de la première réunion des parties, l’expert dressera un programme de ses investigations et évaluera le montant prévisible de ses honoraires et de ses débours,
DISONS qu’à l’issue de cette réunion, l’expert fera connaître au juge la somme globale qui lui paraît nécessaire pour garantir en totalité le recouvrement de ses honoraires et de ses débours, et sollicitera, le cas échéant, le versement d’une consignation complémentaire,
DISONS que l’expert devra déposer son rapport dans le délai de DIX MOIS suivant la date de la présente ordonnance,
DISONS qu’en cas de refus, carence ou empêchement, il sera procédé à son remplacement par simple ordonnance rendue d’office ou à la demande de la partie la plus diligente,
DISONS que l’expert devra aviser le tribunal d’une éventuelle conciliation des parties,
DISONS que le contrôle des opérations d’expertise sera assuré par le magistrat désigné pour assurer ce rôle par le président du tribunal judiciaire de Draguignan,
DONNONS acte des protestations et réserves des sociétés ITEC SUD, AXA FRANCE IARD et MAAF ASSURANCES,
DISONS n’y avoir lieu à référé sur la demande de versement d’une provision présentée par le syndicat des copropriétaires du [Adresse 5], pris en la personne de son syndic en exercice la SAS FONCIA GRAND BLEU, et la REJETONS,
LAISSONS au syndicat des copropriétaires du [Adresse 5], pris en la personne de son syndic en exercice la SAS FONCIA GRAND BLEU, la charge des dépens de l’instance,
DISONS n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
REJETONS le surplus de ses demandes.
Ainsi jugé et prononcé par mise à disposition au greffe, les jours, mois et an susdits.
LE GREFFIER LE PRESIDENT
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