Responsabilité de l’État et conditions d’engagement en cas de dommages collatéraux lors d’opérations de police.

·

·

Responsabilité de l’État et conditions d’engagement en cas de dommages collatéraux lors d’opérations de police.

L’Essentiel : Monsieur [U] [B] a assigné l’agent judiciaire de l’Etat et la CPAM des Yvelines, demandant une expertise médicale et des indemnités pour son préjudice corporel suite à une opération de police le 28 novembre 2023. Lors de l’audience du 4 novembre 2024, il a soutenu que la responsabilité de l’Etat devait être engagée sans faute, tandis que l’agent judiciaire a demandé le rejet de ses demandes, arguant qu’aucune erreur n’avait été commise. Le tribunal a jugé les demandes prématurées, nécessitant un examen préalable de la responsabilité, et a condamné Monsieur [U] [B] à verser 1 000 € pour les frais de justice.

Contexte de l’affaire

Monsieur [U] [B] a assigné l’agent judiciaire de l’Etat et la CPAM des Yvelines devant le tribunal judiciaire de Paris, demandant une expertise judiciaire médicale, une provision de 15 000 € pour son préjudice corporel, ainsi qu’une somme de 3 000 € au titre des frais de justice.

Observations des parties

Lors de l’audience du 4 novembre 2024, Monsieur [U] [B] a soutenu ses demandes, tandis que l’agent judiciaire de l’Etat a demandé le rejet des demandes de Monsieur [U] [B], arguant que la responsabilité de l’Etat ne pouvait être engagée que sur la base d’une faute lourde.

Incident survenu

Le 28 novembre 2023, une opération de police a eu lieu au domicile de Monsieur [U] [B] dans le cadre de la recherche de son neveu, Monsieur [T] [B], suspecté de meurtre. Monsieur [U] [B] a subi une blessure au bras lors de cette intervention.

Arguments des parties

Monsieur [U] [B] a soutenu que la responsabilité de l’Etat devait être engagée sur le fondement de la responsabilité sans faute, tandis que l’agent judiciaire de l’Etat a affirmé que l’intervention n’était pas une erreur, car le domicile de Monsieur [U] [B] était lié à la recherche de son neveu.

Décision du tribunal

Le tribunal a constaté des contestations sérieuses concernant la responsabilité de l’Etat et a jugé que les demandes d’expertise et de provision étaient prématurées, nécessitant un examen préalable de la responsabilité de l’Etat.

Conséquences financières

Monsieur [U] [B] a été condamné à verser 1 000 € à l’agent judiciaire de l’Etat pour les frais de justice et à supporter l’ensemble des dépens de l’instance. La décision a également été déclarée commune à la CPAM des Yvelines, qui n’avait pas constitué avocat.

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la portée de l’article 145 du code de procédure civile concernant la demande d’expertise ?

L’article 145 du code de procédure civile stipule que :

« S’il existe un motif légitime de conserver et d’établir avant tout procès la preuve des faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, des mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, notamment en référé. »

Cet article permet donc à un justiciable de demander une expertise judiciaire avant même que le procès principal ne soit engagé,

ce qui est particulièrement pertinent dans les cas où la preuve pourrait être difficile à établir par la suite.

Cependant, il est important de noter que l’application de cet article ne préjuge en rien de la recevabilité ou du bien-fondé des demandes qui seront formulées ultérieurement,

ni de la responsabilité des parties impliquées dans la procédure.

Dans le cas présent, la demande d’expertise de Monsieur [U] [B] a été rejetée, car il a été constaté qu’il existait des contestations sérieuses concernant la responsabilité de l’État,

ce qui rendait prématurée la demande d’expertise.

Quelles sont les implications de la responsabilité sans faute de l’État dans ce contexte ?

La responsabilité sans faute de l’État est fondée sur le principe de l’égalité des citoyens devant les charges publiques.

Elle est applicable lorsque des dommages sont causés directement par une opération de police, même si la personne concernée n’est pas directement impliquée dans l’opération.

Dans le cas présent, Monsieur [U] [B] soutient que la responsabilité de l’État doit être engagée sur ce fondement,

car il n’était pas la cible de l’opération de police qui a eu lieu à son domicile.

Cependant, l’agent judiciaire de l’État a fait valoir que la responsabilité sans faute n’était pas applicable,

puisque les services de gendarmerie n’ont pas perquisitionné par erreur le domicile de Monsieur [U] [B],

mais cherchaient à interpeller son neveu, qui était censé résider à cette adresse.

Ainsi, la question de la responsabilité de l’État et du fondement juridique applicable au litige demeure contestée,

ce qui a conduit à la décision de rejeter les demandes d’expertise et de provision.

Comment l’article 700 du code de procédure civile s’applique-t-il dans cette affaire ?

L’article 700 du code de procédure civile dispose que :

« Le juge peut condamner la partie perdante à payer à l’autre partie une somme au titre des frais exposés par celle-ci et non compris dans les dépens. »

Dans cette affaire, Monsieur [U] [B] a été débouté de ses demandes, ce qui le qualifie de partie perdante au sens de cet article.

En conséquence, il a été condamné à verser à l’agent judiciaire de l’État la somme de 1 000 € au titre de l’article 700,

en plus des entiers dépens de l’instance.

Cette disposition vise à compenser les frais engagés par la partie qui a dû défendre ses droits en justice,

et elle est souvent appliquée dans les décisions de justice lorsque l’une des parties est déboutée de ses demandes.

Ainsi, la décision de condamner Monsieur [U] [B] à verser cette somme est conforme aux dispositions de l’article 700.

Quelles sont les conséquences de la non-représentation de la CPAM des Yvelines dans cette procédure ?

La CPAM des Yvelines, bien que régulièrement assignée, n’a pas constitué avocat,

ce qui a des conséquences sur la procédure. Selon le principe du contradictoire,

la décision rendue est réputée contradictoire même en l’absence de représentation de la CPAM.

Cela signifie que la décision s’applique également à cette partie,

même si elle n’a pas été en mesure de défendre ses intérêts lors de l’audience.

Cette situation souligne l’importance pour toutes les parties d’être présentes et représentées lors des procédures judiciaires,

car l’absence peut entraîner des décisions qui les engagent,

comme cela a été le cas ici où la décision a été déclarée commune à la CPAM des Yvelines.

Ainsi, la non-représentation de la CPAM n’a pas empêché le tribunal de statuer sur les demandes de Monsieur [U] [B].

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS

N° RG 24/54920 – N° Portalis 352J-W-B7I-C5FOX

N° : 12

Assignation du :
04 et 08 Juillet 2024

[1]

[1] 2 Copies exécutoires
délivrées le :

ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ
rendue le 25 novembre 2024

par Lucie LETOMBE, Juge au Tribunal judiciaire de Paris, agissant par délégation du Président du Tribunal,

Assistée de Larissa FERELLOC, Greffier.
DEMANDEUR

Monsieur [U] [B]
[Adresse 1]
[Localité 5]

représenté par Maître Paul YON de l’EURL PAUL YON SARL, avocats au barreau de PARIS – #C0347

DEFENDEURS

AGENT JUDICIAIRE DE L’ETAT (AJE)
[Adresse 2]
[Localité 3]
représenté par Maître Frédéric GABET, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS – #PB139

La CPAM des YVELINES
[Adresse 6]
[Localité 4]

non constituée

DÉBATS

A l’audience du 04 Novembre 2024, tenue publiquement, présidée par Lucie LETOMBE, Juge, assistée de Larissa FERELLOC, Greffier,

Nous, Président, après avoir entendu les conseils des parties,

Vu les actes délivrés en date des 4 et 8 juillet 2024, par lesquels Monsieur [U] [B] a assigné devant le président du tribunal judiciaire de Paris, statuant en référé, l’agent judiciaire de l’Etat et la CPAM des Yvelines, aux fins de voir :
– ordonner une mission d’expertise judiciaire médicale,
– condamner l’agent judiciaire de l’Etat à lui payer la somme provisionnelle de 15 000 € à valoir sur l’indemnisation définitive de son préjudice corporel,
– condamner l’agent judiciaire de l’Etat à lui payer la somme de 3 000 € au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

Vu les observations à l’audience du 4 novembre 2024, Monsieur [U] [B], représenté par son conseil, qui a soutenu les demandes formulées dans l’assignation ;

Vu les conclusions déposées et soutenues à l’audience par l’agent judiciaire de l’Etat, représentée par son conseil, qui demande au juge des référés de :
– débouter Monsieur [U] [B] de ses demandes,
– à titre subsidiaire, le débouter de sa demande de provision et mettre à sa charge les frais d’expertise,
– le condamner à lui verser la somme de 1 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

Bien que régulièrement assignée, la CPAM des Yvelines n’a pas constitué avocat, de sorte que la décision sera en conséquence réputée contradictoire ;

Conformément à l’article 446-1 du code de procédure civile, pour plus ample informé de l’exposé et des prétentions des parties, il est renvoyé à l’assignation introductive d’instance et aux écritures déposées et développées oralement à l’audience.

La date de délibéré a été fixée au 25 novembre 2024.

DISCUSSION

Sur la demande d’expertise

Il résulte des dispositions de l’article 145 du code de procédure civile que s’il existe un motif légitime de conserver et d’établir avant tout procès la preuve des faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, des mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, notamment en référé.

L’application de ce texte n’implique aucun préjugé sur la recevabilité et le bien fondé des demandes formées ultérieurement ou sur la responsabilité des personnes appelées comme partie à la procédure ni sur les chances du procès susceptible d’être engagé.

Si la responsabilité de l’Etat pour faute est seule susceptible d’être recherchée par les personnes concernées par une perquisition, la responsabilité de l’Etat à l’égard des tiers est engagée sans faute, sur le fondement de l’égalité des citoyens devant les charges publiques, en cas de dommages directement causés par une perquisition. Doivent être regardés comme des tiers par rapport à la perquisition les personnes autres que la personne dont le comportement a justifié la perquisition ou que les personnes qui lui sont liées et qui étaient présentes dans le lieu visé par l’ordre de perquisition ou ont un rapport avec ce lieu.

Doivent notamment être regardés comme des tiers les occupants ou propriétaires d’un local distinct de celui visé par l’ordre de perquisition, mais perquisitionné par erreur ainsi que le propriétaire du lieu visé par l’ordre de perquisition, dans le cas où ce propriétaire n’a pas d’autre lien avec la personne dont le comportement a justifié la perquisition que le bail concernant le lieu perquisitionné.

Au cas présent, il ressort des pièces de la procédure que, le 28 novembre 2023, Monsieur [U] [B] a fait l’objet d’une opération de police à son domicile, la gendarmerie de [Localité 7] cherchant à interpeller son neveu, Monsieur [T] [B], censé résider à cette adresse et recherché pour meurtre. Monsieur [T] [B] était absent du domicile, et Monsieur [U] [B] a eu le bras cassé lors de son interpellation.

Le demandeur soutient, pour justifier de ses demandes d’expertise et de provision, que la responsabilité de l’Etat doit être engagée sur le fondement de la responsabilité sans faute, car il ne peut revendiquer la qualité d’usager du service public, n’étant pas visé par l’opération de police ayant eu lieu à son domicile.

L’agent judiciaire de l’Etat fait valoir, quant à lui, que le régime de la responsabilité sans faute n’est pas applicable à l’espèce, dans la mesure ou les services de gendarmerie n’ont pas perquisitionné par erreur le domicile du demandeur, qui était censé héberger son neveu, recherché pour meurtre et cible de l’opération de police. Il expose que le demandeur a la qualité d’usager du service public de la justice et que la responsabilité de l’Etat ne peut être engagée que sur le fondement de la faute lourde, relevant de l’appréciation du juge du fond.

Il ressort en effet des pièces produites que l’ordre de perquisition visait le domicile du demandeur aux fins d’interpeller son neveu, de sorte que les services de gendarmerie ne sont pas intervenus par erreur au dudit domicile.

Il convient ainsi de constater l’existence de contestations sérieuses sur le principe de la responsabilité de l’Etat et du fondement juridique applicable au litige.

Dès lors, dans ces conditions, les demandes d’expertise et de provision sont prématurées, et il convient que soit préalablement tranchée au fond la question de la responsabilité de l’Etat.

Les demandes d’expertise et de provision formées par le demandeur seront rejetées.

Sur les autres demandes

Partie perdante au sens de l’article 696 du code de procédure civile, Monsieur [U] supportera la charge des entiers dépens de l’instance, et sera condamné à verser la somme de 1 000 € à l’agent judiciaire de l’Etat au titre des dispositions de l’article 700 du même code.

La présente ordonnance sera déclarée commune à la CPAM des Yvelines qui, régulièrement assignée, n’a pas constitué avocat.

PAR CES MOTIFS

Statuant par ordonnance de référé, par mise à disposition au greffe, après débats en audience publique, par décision réputée contradictoire et en premier ressort ;

Déboutons Monsieur [U] [B] de ses demandes d’expertise et de provision ;

Condamnons Monsieur [U] [B] à verser à l’agent judiciaire de l’Etat la somme de 1 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamnons Monsieur [U] [B] aux entiers dépens de l’instance en référé ;

Déclarons la présente décision commune à la CPAM des Yvelines ;

Disons n’y avoir lieu à référé sur le surplus des demandes ;

Rappelons que la présente ordonnance est exécutoire de plein droit par provision.

Fait à Paris le 25 novembre 2024

Le Greffier, Le Président,

Larissa FERELLOC Lucie LETOMBE


Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Chat Icon