L’Essentiel : M. [E] [P] a acquis une maison avec piscine le 11 octobre 2021. L’entretien de la piscine a été confié à la société Les Piscines du Faubourg, qui a réalisé l’hivernage le 21 décembre 2021. Le 22 mars 2024, M. [P] a découvert une fuite et a déclaré le sinistre le 22 avril. Il a reçu une facture d’eau de 17.724,88 euros, qu’il a contestée, invoquant un vice caché. Après une expertise amiable, M. [P] a assigné en référé plusieurs parties, demandant une expertise judiciaire. Le tribunal a ordonné une mesure d’expertise pour établir les faits.
|
Acquisition de la maisonPar acte authentique du 11 octobre 2021, M. [E] [P] a acquis une maison d’habitation avec piscine, située au [Adresse 1] à [Localité 3], de M. [T] [M] et Mme [X] [I] épouse [M]. L’entretien de la piscine avait été confié à la société Les Piscines du Faubourg. Intervention pour hivernageLa société Les Piscines du Faubourg a effectué l’hivernage de la piscine le 21 décembre 2021, comme en atteste une facture datée du 07 janvier 2022. Constatation de la fuiteLe 22 mars 2024, M. [P] a découvert une fuite dans le bassin de la piscine et a déclaré le sinistre le 22 avril 2024. Les sociétés Les Piscines du Faubourg et Bouchet ont été sollicitées pour effectuer les réparations nécessaires. Facture d’eau et mise en demeureLe 27 octobre 2022, M. [P] a reçu une facture de 17.724,88 euros de la société Veolia pour sa consommation d’eau de janvier à juin 2022. Il a mis en demeure M. et Mme [M] de régler cette facture, invoquant un vice caché dû à une surconsommation d’eau causée par une défectuosité de l’électrovanne. Expertise amiable et refus de dégrèvementUne expertise amiable a été réalisée par M. [L] [F], qui a déposé une note d’expertise le 09 février 2024. Par ailleurs, la direction de l’environnement de l’agglomération de [Localité 3] a confirmé le 19 janvier 2024 que le dossier n’était pas éligible au dégrèvement de la facture d’eau contestée. Assignation en référéFace à l’absence de résolution amiable, M. [P] a assigné en référé, le 16 mai 2024, les sociétés Veolia Eau – CGE, Bouchet, Les Piscines du Faubourg, ainsi que M. et Mme [M], pour demander une mesure d’expertise judiciaire. Demandes de M. [P]Dans ses conclusions, M. [P] a demandé le déboutement de M. et Mme [M] ainsi que de la société Veolia Eau – CGE, tout en réitérant ses demandes initiales. Il a soutenu avoir subi un vice caché, un défaut d’explication sur le fonctionnement de la piscine, un défaut de conseil de la société Les Piscines du Faubourg, et un manquement d’information de la part de Veolia. Réponse de M. et Mme [M]M. et Mme [M] ont demandé le rejet de la demande d’expertise, arguant que l’acte de vente contenait une clause d’exclusion de la garantie des vices cachés et que l’action en garantie était prescrite. Ils ont également demandé des dommages-intérêts. Réponse de Veolia Eau – CGELa société Veolia Eau – CGE a demandé le déboutement de M. [P] de ses demandes, tout en contestant la responsabilité et en réclamant le paiement de sommes dues, en raison de la surconsommation d’eau qu’elle attribue à un problème d’électrovanne. Audience et délibérationLors de l’audience du 24 octobre 2024, les parties ont réitéré leurs demandes. La société Bouchet n’a pas comparu. L’affaire a été mise en délibéré pour décision le 21 novembre 2024. Décision du tribunalLe tribunal a ordonné une mesure d’expertise pour établir les faits concernant la piscine et la consommation d’eau. Les demandes reconventionnelles de Veolia ont été jugées prématurées et déboutées. M. [P] a été condamné aux dépens, tandis que les demandes de M. et Mme [M] et de Veolia au titre de l’article 700 du code de procédure civile ont également été rejetées. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelles sont les conditions pour ordonner une mesure d’expertise judiciaire selon l’article 145 du code de procédure civile ?L’article 145 du code de procédure civile stipule que : « S’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès, la preuve des faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé. » Cet article exige donc l’existence d’un motif légitime, c’est-à-dire un fait crédible et plausible qui présente un lien utile avec un litige potentiel futur. Il est important de noter que l’application de cet article ne préjuge en rien de la responsabilité des parties ni des chances de succès du procès à venir. Dans le cas présent, M. [P] a justifié d’un motif légitime en démontrant qu’un dysfonctionnement de la piscine, notamment de l’électrovanne, a été objectivé par une expertise amiable. Ainsi, la demande d’expertise a été considérée comme fondée et recevable. Comment se prononce le tribunal sur les demandes reconventionnelles de la société Veolia Eau – CGE ?L’article 835 du code de procédure civile précise que : « Dans les cas où l’obligation n’est pas sérieusement contestable, le président du tribunal judiciaire statuant en référé peut toujours accorder une provision au créancier. » Pour qu’une provision soit accordée, il doit d’abord y avoir un constat préalable par le juge de l’existence d’une obligation non sérieusement contestable. Dans cette affaire, la demande reconventionnelle de la société Veolia Eau – CGE a été jugée prématurée, car une mesure d’expertise a été ordonnée pour établir les responsabilités concernant la surconsommation d’eau. Les responsabilités n’étant pas encore déterminées, les demandes de la société Veolia Eau – CGE ont été considérées comme sérieusement contestables, entraînant leur déboutement. Quelles sont les implications des articles 700 et 491 du code de procédure civile concernant les dépens et les frais irrépétibles ?L’article 700 du code de procédure civile stipule que : « Le juge peut condamner la partie perdante à payer à l’autre partie une somme au titre des frais irrépétibles. » Cependant, dans le cadre de la présente décision, le tribunal a jugé que la mesure d’expertise était à caractère purement probatoire. Ainsi, il n’y avait pas lieu d’appliquer les dispositions de l’article 700, entraînant le déboutement de M. et Mme [M] ainsi que de la société Veolia Eau – CGE de leurs demandes à ce titre. De plus, l’article 491 du code de procédure civile indique que le juge des référés doit statuer sur les dépens dès qu’il est dessaisi par la décision qu’il rend. Dans ce cas, M. [P] a été condamné à assumer les dépens d’une procédure initiée dans son intérêt, ce qui est conforme aux dispositions de l’article 491. Ainsi, les frais ont été répartis en fonction des intérêts des parties et des décisions rendues. |
TRIBUNAL JUDICIAIRE D’ ANGERS
-=-=-=-=-=-=-=-
N° RG 24/327 – N° Portalis DBY2-W-B7I-HRSG
N° de minute : 24/498
O R D O N N A N C E
———-
Le VINGT ET UN NOVEMBRE DEUX MIL VINGT QUATRE, Nous, Benoît GIRAUD, Président du Tribunal Judiciaire d’ANGERS, assisté de Aurore TIPHAIGNE, Greffière présente lors des débats et lors de la mise à disposition, avons rendu la décision dont la teneur suit :
DEMANDEUR :
Monsieur [E] [P]
né le 03 Août 1978 à [Localité 10] – (ALGÉRIE)
[Adresse 1]
[Localité 3]
représenté par Maître Benoit MARTIN de la SELARL BM&A AVOCATS, Avocat au barreau D’ANGERS
DÉFENDEURS :
S.A.S. BOUCHET, immatriculée au RCS D’ANGERS sous le n°447 818 584, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège,
[Adresse 7]
[Localité 4]
Non comparante, ni représentée,
SCA VEOLIA EAU – COMPAGNIE GENERALE DES EAUX, immatriculée au RCS de PARIS sous le n°572 025 526, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège,
[Adresse 2]
[Localité 6]
représentée par Maître Jean charles LOISEAU de la SELARL GAYA, substitué par Maître Hortense DE BOUGLON, Avocate au barreau d’ANGERS, Avocate postulante et par Maître Jean-Philippe PIN, Avocat au barreau de PARIS, Avocat plaidant,
S.A.S.U LES PISCINES DU FAUBOURG (PISCINES MAGILINE), immatriculée au RCS D’ANGERS sous le n°750 017 667, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège,
[Adresse 9],
[Adresse 9]
[Localité 3]
représentée par Maître Aurélien GOGUET de la SELARL ASTROLABE AVOCATS, Avocat au barreau d’ANGERS, Avocat postulant, et par Maître Arthur PIERRET, Avocat au barreau de NANTES, Avocat plaidant,
C.EXE : Maître Aurélien GOGUET
Maître Benoit MARTIN
Maître Jean charles LOISEAU
Maître Louis-rené PENNEAU
C.C :
1 Copie défaillant (1) par LS
1 Copie Serv. Expertises
1 Copie régie
Copie Dossier
le
Madame [X] [I] épouse [M]
Née le 01 Août 1964 à [Localité 11] (03)
[Adresse 5]
[Localité 3] (49)
représentée par Maître Louis-rené PENNEAU de la SELAS ORATIO AVOCATS, Avocat au barreau D’ANGERS
Monsieur [T] [M]
Né le 20 Juin 1961 à [Localité 3] (49)
[Adresse 5]
[Localité 3] (49)
représenté par Maître Louis-rené PENNEAU de la SELAS ORATIO AVOCATS, Avocat au barreau D’ANGERS
*************
Vu l’exploit introductif du présent Référé en date du 16 Mai 2024; les débats ayant eu lieu à l’audience du 24 Octobre 2024 pour l’ordonnance être rendue ce jour, ce dont les parties comparantes ont été avisées ;
Par acte authentique du 11 octobre 2021, M. [E] [P] a acquis de M. [T] [M] et Mme [X] [I] épouse [M], une maison d’habitation sur un terrain situé au [Adresse 1] à [Localité 3], comprenant une piscine.
L’installation et l’entretien de la piscine avaient été confiés par les anciens propriétaires à la société Les Piscines du Faubourg.
Suivant facture du 07 janvier 2022, la société Les Piscines du Faubourg est intervenue le 21 décembre 2021 pour procéder à l’hivernage de la piscine.
Le 22 mars 2024, M. [P] a constaté une fuite sur le bassin de la piscine. Il a déclaré le sinistre le 22 avril 2024.
Les sociétés Les Piscines du Faubourg et Bouchet sont intervenues pour réparer la fuite.
Le 27 octobre 2022, la société Veolia a adressé à M. [P] une facture d’un montant de 17.724,88 euros au titre de sa consommation d’eau pour la période de janvier à juin 2022.
Par courrier recommandé avec accusé de réception distribué le 22 novembre 2022, M. [P] a mis en demeure M. et Mme [M] de régler la facture d’eau en évoquant un vice caché en raison d’une surconsommation anormale d’eau imputable à la défectuosité de l’électrovanne.
Par courrier recommandé avec accusé de réception distribué le 14 décembre 2022, le conseil de M. [P] a sollicité de la société Veolia qu’elle réduise le montant de la facture, ce qu’elle a refusé.
Une expertise amiable a été confiée à M. [L] [F], lequel a déposé une note d’expertise le 09 février 2024.
Par courrier du 19 janvier 2024, la direction de l’environnement de l’agglomération de [Localité 3] a confirmé la non éligibilité du dossier au dégrèvement sur la facture d’eau litigieuse.
Les parties ne sont pas parvenues à résoudre amiablement leur différend.
*
C’est dans ce contexte que, par actes de commissaire de justice du 16 mai 2024, M. [P] a fait assigner les sociétés Veolia Eau – Compagnie Générale des Eaux (CGE), Bouchet, Les Piscines du Faubourg (Piscines Magiline), ainsi que M. et Mme [M], devant le président du tribunal judiciaire d’Angers statuant en référé, sur le fondement des dispositions des articles 145 et 834 du code de procédure civile, aux fins de voir ordonner une mesure d’expertise judiciaire et réserver les dépens.
Par voie de conclusions notifiée électroniquement le 02 septembre 2024, M. [P] sollicite du juge de débouter M. et Mme [M] ainsi que la société Veolia Eau – CGE de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions. Il réitère le surplus de ses demandes introductives d’instance.
A l’appui de ses prétentions, M. [P] soutient avoir été victime :
– d’un vice caché ;
– d’un défaut d’explication claire de la part des vendeurs de la maison sur le fonctionnement de la piscine et de l’eletrovanne ;
– d’un défaut de conseil de la part de la société Les Piscines du Faubourg ;
– d’un défaut d’alerte de la société Veolia Eau – CGE compte tenu de la consommation anormale d’eau, ce qui pourrait engager sa responsabilité pour manquement à son obligation d’information contractuelle.
Il précise que l’action en garantie des vices cachés à l’encontre des vendeurs ne serait pas prescrite puisqu’il n’aurait eu connaissance du vice qu’à la réception de la facture de la société Veolia Eau – CGE, soit le 27 octobre 2022.
Par ailleurs, il soutient que les demandes reconventionnelles formées par la société Veolia Eau – CGE se heurteraient à des contestations sérieuses, en ce que les responsabilités n’ont pas été déterminées, outre qu’il en conteste le quantum.
*
Par voie de conclusions en défense n°2, M. et Mme [M] sollicitent du juge des référés, au visa de l’article 145 du code de procédure civile ainsi que des articles 1641 et suivants du code civil, de :
– rejeter la demande d’expertise formulée à leur encontre ;
– condamner M. [P] à leur verser la somme de 2.500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance.
A l’appui de leurs prétentions, M. et Mme [M] font valoir que M. [P] ne disposerait pas d’un intérêt légitime à solliciter une expertise judiciaire dès lors que :
– l’acte de vente authentique du 11 octobre 2021comporterait une clause d’exclusion de la garantie des vices cachés ;
– l’action en garantie des vices cachés serait prescrite depuis le 24 mars 2024, soit deux ans après la connaissance de l’existence de la fuite par M. [P] ;
– l’action fondée sur la garantie biennale de bon fonctionnement aurait eu pour point de départ la date de l’acte de vente, soit le 11 octobre 2021 et, ainsi, serait également prescrite.
*
Par voie de conclusions récapitulatives n°2, la société Veolia Eau – CGE demande au juge des référés, au visa du règlement du service de l’eau et du règlement sanitaire départementale de Maine-et-Loire, des dispositions des articles 1103, 1104 et 1231-1 du code civil, ainsi que de l’article 835 alinéa 2 du code de procédure civile :
– à titre principal, de débouter M. [P] de l’ensemble de ses demandes formées à son encontre ;
– à titre subsidiaire, de donner acte de ses protestations et réserves de garantie et de responsabilité sur la demande d’expertise ;
– à titre reconventionnel, de condamner M. [P] à lui verser les sommes suivantes :
* 17.786,09 euros correspondant au solde de la facture n°23673 du 16 octobre 2023, les intérêts au taux légal sur cette somme à compter de la date de signification de ses conclusions;
* 1.899,62 euros au titre de la majoration de la redevance assainissement, les intérêts au taux légal sur cette somme à compter de la date de signification de ses conclusions ;
– en tout état de cause, condamner M. [P] à lui payer la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre aux entiers dépens.
A l’appui de ses prétentions, la société Veolia Eau – CGE fait valoir que M. [P] ne démontrerait pas une faute de sa part au titre de son obligation d’alerte, pas plus qu’il ne justifierait avoir subi un préjudice résultant de ce défaut de conseil, de sorte qu’il n’aurait pas de motif légitime à solliciter une expertise à son encontre. En outre, elle soutient que sa responsabilité contractuelle ne saurait être engagée dès lors que la surconsommation d’eau ne résulterait pas d’une fuite de canalisation d’eau potable, mais serait localisée au niveau de l’électrovanne de remplissage automatique de la piscine.
Par ailleurs, la société Veolia Eau – CGE expose que le règlement du service de l’eau et le règlement sanitaire départemental de Maine-et-Loire mettraient à la charge de M. [P] une obligation de surveillance et de contrôle du compteur et des installations qui sont sous sa garde, de sorte que toute défectuosité qui aurait échappée à la surveillance de l’abonné engagerait sa responsabilité. Elle ajoute que M. [P] ne rapporterait pas la preuve du mauvais fonctionnement du compteur ou d’une erreur de relevé. Ainsi, il n’existerait aucune contestation sérieuse quant à l’obligation pour M. [P] de régler la facture litigieuse.
*
A l’audience du 24 octobre 2024, M. [P], la société Veolia Eau – CGE ainsi que M. et Mme [M] ont réitéré leurs demandes, tandis que la société Les Piscines du Faubourg a formulé des protestations et réserves d’usage.
La société Bouchet n’a pas comparu ni constitué avocat.
L’affaire a été mise en délibéré au 21 novembre 2024.
Conformément à l’article 446-1 du code de procédure civile, pour plus ample informé de l’exposé et des prétentions des parties, il est renvoyé à l’assignation introductive d’instance et aux écritures déposées et développées oralement à l’audience.
Aux termes de l’article 472 du code de procédure civile, lorsque le défendeur ne comparaît pas, le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l’estime régulière, recevable et bien fondée, notamment au regard des dispositions d’ordre public régissant la matière.
I.Sur la demande d’expertise
Aux termes de l’article 145 du code de procédure civile, s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès, la preuve des faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé.
Ce texte suppose l’existence d’un motif légitime, c’est-à-dire un fait crédible et plausible qui présente un lien utile avec un litige potentiel futur dont la solution peut dépendre de la mesure d’instruction sollicitée. L’application de cet article n’implique aucun préjugé sur la responsabilité des parties appelées à la procédure, ni sur les chances de succès du procès susceptible d’être ultérieurement engagé.
*
En l’espèce, il résulte des pièces produites, notamment de la note expertale établie le 09 février 2024 par M. [F], expert amiable, qu’un dysfonctionnement de la piscine de M. [P], notamment de l’électrovanne, a été objectivé et dont la preuve, les causes et les conséquences pourraient être utiles à la solution d’un litige.
Il sera rappelé qu’il ne relève pas des pouvoirs du juge des référés, juge de l’évidence, mais du seul juge du fond, de se prononcer sur le point de départ et les éventuelles causes d’interruption des délais de prescription des actions en responsabilité susceptibles d’être recherchées, sur l’étendue des obligations mises à la charge des parties et les éventuelles causes d’exonération de responsabilité et, plus généralement, de trancher les responsabilités dans la survenance des désordres dénoncés par M. [P].
Par ailleurs, aucune instance n’est en cours pour le même litige.
De ce fait, M. [P] justifie d’un motif légitime au sens de l’article 145 du code de procédure civile à conserver ou établir la preuve de ses allégations.
En conséquence, pour toutes ces considérations, il sera fait droit à la demande d’expertise sollicitée dans les conditions détaillées dans le dispositif.
Le coût de l’expertise sera avancé par M. [P], demandeur à cette mesure d’instruction ordonnée dans son intérêt.
II.Sur les demandes reconventionnelles de la société Veolia Eau – CGE
Aux termes des dispositions de l’article 835 du code de procédure civile, dans les cas où l’obligation n’est pas sérieusement contestable, le président du tribunal judiciaire statuant en référé peut toujours accorder une provision au créancier.
L’octroi d’une provision suppose le constat préalable par le juge de l’existence d’une obligation non sérieusement contestable, au titre de laquelle la provision est demandée et ne peut l’être qu’à hauteur du montant non sérieusement contestable de cette obligation.
Par ailleurs, il appartient au demandeur de prouver l’existence de l’obligation, puis au défendeur de démontrer, le cas échéant, qu’il existerait une contestation sérieuse susceptible de faire échec à la demande.
Il y a lieu de rappeler que l’attribution d’une telle provision s’effectue aux risques du demandeur, qu’elle ne préjuge en rien de l’issue du litige et qu’elle peut être sujette à restitution.
*
En l’espèce, une mesure d’expertise venant d’être ordonnée afin de dresser un état des lieux des désordres affectant la piscine de M. [P] ayant conduit à une surconsommation d’eau, les demandes reconventionnelles formées par la société Veolia Eau – CGE apparaissent prématurées, outre qu’elles sont sérieusement contestables, compte tenu de ce que les responsabilités ne sont pas encore déterminées.
Par conséquent, la société Veolia Eau – CGE sera déboutée de l’ensemble de ses demandes reconventionnelles.
III.Sur les dépens et les frais irrépétibles
Au vu de l’article 491 du code de procédure civile, le juge des référés doit statuer sur les dépens dès lors qu’il est dessaisi par la décision qu’il rend. Il ne peut ni les réserver, ni dire qu’ils suivront le sort d’une instance au fond qui demeure éventuelle à ce stade. Par conséquent, M. [P] assumera les dépens d’une procédure initiée dans son intérêt et avant toute procédure au fond.
Par ailleurs, la mesure d’expertise étant à caractère purement probatoire, il n’y a pas lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile. M. et Mme [M] ainsi que la société Veolia Eau – CGE seront ainsi déboutés de leurs demandes à ce titre.
Nous, Benoît Giraud, président du tribunal judiciaire d’Angers, statuant en référé, publiquement, par ordonnance réputée contradictoire et en premier ressort :
Vu les dispositions des articles 145 et 825 alinéa 2 du code de procédure civile ;
Donnons acte aux parties présentes ou représentées de leurs protestations et réserves ;
Ordonnons une mesure d’expertise au contradictoire de M. [E] [P], M. [T] [M], Mme [X] [I] épouse [M], la société Veolia Eau – Compagnie Générale des Eaux, la société Bouchet et de la société Les Piscines du Faubourg (Piscines Magiline) ;
Commettons pour y procéder, M. [L] [U] – [Adresse 8], expert inscrit sur la liste de la Cour d’Appel d’Angers, avec mission de :
– convoquer et entendre les parties assistées le cas échéant, de leurs conseils, et recueillir leurs observations à l’occasion des opérations ou lors de la tenue des réunions d’expertise,
– se faire remettre toutes pièces utiles à l’accomplissement de sa mission, ainsi que tout rapport technique ou rapport d’expertise déjà effectué à la demande de l’une ou l’autre des parties,
– se rendre sur les lieux : [Adresse 1] à [Localité 3],
-faire une visite et une description des lieux,
– produire des photographies, croquis et plans nécessaires pour illustrer son rapport,
– vérifier si les désordres allégués, malfaçons ou inachèvement de travaux existent en considération des documents contractuels liant les parties ; dans l’affirmative, les décrire, en indiquer la nature et la date d’apparition, en distinguant ceux qui affectent d’une part les éléments constitutifs de l’ouvrage ou les éléments d’équipement tels que définis par l’article 1792-2 du code civil et d’autre part ceux qui affectent les autres éléments d’équipement du bâtiment,
– préciser les dates essentielles des opérations de construction à savoir la date de demande de déclaration de travaux, la date de déclaration réglementaire d’ouverture du chantier, la date d’achèvement des travaux, ainsi que la date de réception de l’ouvrage par les parties en cause ou de prise de possession des lieux , la date du certificat de conformité et donner tous éléments sur la date d’apparition des désordres,
– rechercher les causes des désordres en faisant procéder si nécessaire à toute étude ou analyse technique, mécanique ou chimique,
– fournir tous éléments permettant de déterminer s’ils proviennent d’une erreur grave de conception, d’une erreur de construction, d’un vice des matériaux et/ou produits, d’une malfaçon dans leur mise en oeuvre, d’une négligence dans l’entretien ou l’exploitation des ouvrages ou de toute autre cause et si ces désordres constituent une simple défectuosité, des malfaçons ou des vices graves,
– fournir tous éléments techniques et de fait, de nature à permettre à la juridiction éventuellement saisie de déterminer à quels fournisseurs ou intervenants ces désordres, malfaçons ou inachèvements sont imputables et dans quelle proportion,
– indiquer l’importance de ces désordres éventuels en précisant s’ils affectent l’ouvrage dans l’un ou l’autre de ses éléments constitutifs et sont de nature à rendre l’immeuble impropre à sa destination, ou leur conséquence sur la solidité, l’habitabilité ou l’esthétique du bâtiment, ou s’ils affectent la solidité d’éléments d’équipement en précisant si ces éléments sont dissociables ou non du corps de l’ouvrage ( fondation, ossature, clos et couvert),
– préciser les travaux nécessaires pour remédier aux désordres éventuels ; en évaluer le coût et la durée d’exécution, en fonction des devis qui devront être recherchés et produits par M. [E] [P] auprès des entreprises de son choix, en vérifiant les devis fournis et le cas échéant en donnant toutes précisions sur les modifications à apporter à ces devis quant aux travaux et/ou à leur coût,
– d’une manière générale donner à la juridiction les éléments permettant de se prononcer sur les responsabilités éventuellement encourues,
– évaluer le préjudice subi par le maître de l’ouvrage du fait des malfaçons ou désordres constatés (trouble de jouissance notamment) ou provenant d’un retard dans l’exécution des travaux. En ce dernier cas, donner son avis sur les causes du retard et préciser à qui il peut être imputé,
– dire si, après l’exécution des travaux de remise en état, l’immeuble restera affecté d’une moins value et donner en ce cas son avis sur son importance,
– apurer les comptes entre les parties, s’il y a lieu et, dans l’affirmative, se faire remettre pièces relatives aux factures ou honoraires impayées et à leur paiement en donnant toutes précisions sur les sommes non réglées ;
Rappelons que l’expert peut s’adjoindre d’initiative, si besoin est, un technicien dans une autre spécialité que la sienne, dont le rapport sera joint au rapport (articles 278 et 282 du code de procédure civile) et/ou se faire assister par une personne de son choix intervenant sous son contrôle et sa responsabilité (article 278-1) ;
Rappelons que :
1) le coût final des opérations d’expertise ne sera déterminé qu’à l’issue de la procédure, même si la présente décision s’est efforcée de fixer le montant de la provision à une valeur aussi proche que possible du coût prévisible de l’expertise,
2) la partie qui est invitée par cette décision à faire l’avance des honoraires de l’expert n’est pas nécessairement celle qui en supportera la charge finale, à l’issue du procès,
et que le fait que l’une des parties bénéficie de l’aide juridictionnelle partielle ou totale n’implique pas nécessairement que cette partie soit dispensée, à l’issue du litige, de la charge totale ou partielle du coût de la mesure d’instruction ;
Accordons à l’expert pour le dépôt de son rapport au service du contrôle des expertises un délai de DIX MOIS à compter de la réception de l’avis de consignation envoyé par le Greffe ;
Disons que l’expert devra solliciter du magistrat chargé du contrôle de l’expertise une prorogation de ce délai si celui-ci s’avère insuffisant ;
Fixons à 3.000€ (trois mille euros) le montant de la provision à valoir sur la rémunération de l’expert que M. [E] [P] devra consigner auprès du régisseur du tribunal judiciaire d’Angers dans le délai de deux mois à compter de la date de la notification de la présente ordonnance, par virement ou par chèque établis à l’ordre de la régie des avances et recettes du tribunal judiciaire d’Angers en indiquant le n° RG et le nom de parties ;
Disons qu’à défaut de consignation dans ce délai et selon les modalités imparties, la désignation de l’expert sera caduque ;
Disons que s’il estime insuffisante la provision ainsi fixée, l’expert devra, lors de la première ou au plus tard de la deuxième réunion, dresser un programme de ses investigations et évaluer d’une manière aussi précise que possible le montant prévisible de ses honoraires et débours ;
Disons qu’à l’issue de cette réunion, l’expert fera connaître aux parties et au magistrat chargé du contrôle de l’expertise la somme globale qui lui paraît nécessaire pour garantir en totalité le recouvrement de ses honoraires et de ses débours et sollicitera, la cas échéant, le versement d’une consignation supplémentaire ;
Disons que l’expert provoquera la première réunion sur place dans un délai maximum de cinq semaines à partir de sa saisine, constituée par l’avis donné à l’expert du versement de la consignation, et que les parties lui communiqueront préalablement toutes les pièces dont elles entendent faire état ;
Disons que les parties communiqueront ensuite sans retard les pièces demandées par l’expert et que, en cas de défaillance, le juge du suivi de l’expertise pourra être saisi aux fins de fixation d’une astreinte ;
Disons que les pièces seront accompagnées d’un bordereau avec la justification de la communication à toutes les parties en cause ;
Disons que lors de la première réunion et en tout cas dès que possible, l’expert exposera sa méthodologie et fixera le calendrier de ses opérations, avec la date de diffusion du projet de rapport, le délai imparti aux parties pour lui faire parvenir leurs dires et la date du dépôt du rapport définitif ;
Disons que les parties procéderont aux mises en cause nécessaires dans les deux mois de la saisine de l’expert, ou, si la nécessité s’en révèle ultérieurement, dès que l’expert donnera son accord ;
Disons qu’à la fin de ses opérations, l’expert organisera une réunion de clôture ou adressera aux parties une note de synthèse pour les informer du résultat de ses investigations. Les parties disposeront alors d’un délai de trois semaines pour faire parvenir leurs observations récapitulatives. Le tout devant être consigné dans son rapport d’expertise ;
Disons que faute pour une partie d’avoir communiqué à l’expert les pièces demandées ou fait parvenir son dire dans les délais impartis, elle sera réputée y avoir renoncé sauf si elle a justifié préalablement à l’expiration du délai d’un motif résultant d’une cause extérieure ;
Disons que l’expert déposera au service des expertises du tribunal son rapport dans un délai maximum de DIX MOIS suivant sa saisine, sauf prorogation accordée préalablement à l’expiration de ce délai, en un seul original, après en avoir envoyé un exemplaire à chaque partie;
Disons que l’expert joindra à cet envoi la copie de sa demande de rémunération et que les parties disposeront d’un délai de quinze jours pour formuler des observations sur cette demande ;
Disons qu’en cas d’empêchement ou refus, l’expert commis pourra être remplacé par ordonnance à la demande de la partie la plus diligente ;
Désignons, pour contrôler les opérations d’expertise, le juge chargé des expertises de ce Tribunal;
Déboutons la société Veolia Eau – Compagnie Générale des Eaux de ses demandes reconventionnelles ;
Condamnons M. [E] [P] aux dépens ;
Déboutons M. [T] [M] et Mme [X] [I] épouse [M] de leur demande formulée au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Déboutons la société Veolia Eau – Compagnie Générale des Eaux de sa demande formulée au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Rappelons que la présente décision est, de plein droit, exécutoire à titre provisoire.
Ainsi fait et prononcé à la date ci-dessus par mise à disposition au greffe, la présente ordonnance a été signée par Benoît Giraud, président, juge des référés, et par Aurore Tiphaigne, greffière,
Aurore Tiphaigne, Benoît Giraud,
Laisser un commentaire