Responsabilité et garanties dans la gestion locative : enjeux d’indemnisation et de validité des contrats.

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Responsabilité et garanties dans la gestion locative : enjeux d’indemnisation et de validité des contrats.

L’Essentiel : La SCI Ben, gérée par M. [O], a confié la gestion d’un immeuble à la SASU Logesima. En octobre 2020, un appartement a été loué à Mme [G], mais des loyers sont restés impayés à partir d’avril 2021. Après plusieurs déclarations de sinistre erronées, la SCI Ben a assigné la SASU Logesima et les assureurs en justice. Le tribunal a annulé le bail avec Mme [G] pour dol et a condamné la SASU Logesima à verser 14 278,97 euros à la SCI Ben pour perte de chance de percevoir les loyers, tout en rejetant d’autres demandes d’indemnisation.

Contexte de l’affaire

La SCI Ben, gérée par M. [O], a confié la gestion d’un immeuble à la SASU Logesima par un acte du 10 avril 2018. Le 15 octobre 2020, la SASU Logesima a loué l’appartement n°201 à Mme [G] pour un loyer mensuel de 850 euros, charges comprises. Une garantie « loyers impayés » a été souscrite le 12 février 2021 auprès de la SA Serenis assurances.

Problèmes de paiement et déclarations de sinistre

À partir d’avril 2021, des loyers sont restés impayés. Le 10 mai 2021, la SASU Logesima a fait une déclaration de sinistre par erreur à la SARL Trinity assurances. Une nouvelle déclaration a été faite à la SAS Groupe Solly Azar le 17 septembre 2021. Le 30 novembre 2021, la SAS Groupe Solly Azar a informé la SCI Ben que la SA SADA assurances serait le nouvel assureur à partir du 12 février 2022. Le 18 février 2022, la prise en charge du sinistre a été refusée par la SAS Groupe Solly Azar.

Procédures judiciaires

La SCI Ben a assigné plusieurs parties, dont la SASU Logesima et les assureurs, devant le tribunal judiciaire de Bobigny en octobre 2022 pour obtenir une indemnisation. Le 18 décembre 2023, le tribunal de proximité de Saint-Denis a annulé le bail avec Mme [G] pour dol, en raison de faux documents fournis par cette dernière.

Décisions du tribunal

Le juge de la mise en état a rejeté les fins de non-recevoir soulevées par Logesima et Serenity, ainsi que la demande de communication de pièces de la SCI Ben. L’instruction a été clôturée le 2 mai 2024, et l’affaire a été appelée à plaidoirie le 30 septembre 2024. Le 12 septembre 2024, la demande de révocation de l’ordonnance de clôture par Logesima a été rejetée.

Demandes de la SCI Ben

La SCI Ben a demandé au tribunal de condamner la SA Serenis assurances à lui verser 28 900 euros pour indemnisation, ainsi que 5 000 euros pour les frais d’expulsion. En cas de rejet, elle a demandé des condamnations subsidiaires à l’encontre de la SARL Trinity assurances et de la SASU Logesima.

Demandes des défendeurs

La SAS Serenity assurances a demandé à être reçue en ses demandes et a sollicité le déboutement de la SCI Ben, ainsi que des dommages-intérêts pour procédure abusive. La SARL Trinity assurances a également demandé le déboutement de la SCI Ben et des dommages-intérêts pour procédure abusive. La SASU Groupe Solly Azar et la SA Serenis assurances ont demandé la déclaration d’irrecevabilité de l’action de la SCI Ben.

Analyse des demandes et décisions

Le tribunal a déclaré irrecevable la fin de non-recevoir soulevée par la SASU Groupe Solly Azar et la SA Serenis assurances. La SCI Ben a été déboutée de sa demande contre la SA Serenis assurances. La SASU Logesima a été condamnée à verser 14 278,97 euros à la SCI Ben pour perte de chance de percevoir les loyers. Les demandes de la SCI Ben pour les frais d’expulsion ont été rejetées.

Conséquences financières

Les dépens ont été mis à la charge de la SASU Logesima. La SASU Logesima a également été condamnée à verser 4 000 euros à la SCI Ben au titre de l’article 700 du code de procédure civile, tandis que la SCI Ben a été condamnée à verser 1 500 euros à la SARL Trinity assurances. Les autres demandes des défendeurs au titre de l’article 700 ont été déboutées.

Exécution provisoire

Le jugement a été assorti de l’exécution provisoire de droit, conformément aux dispositions du code de procédure civile.

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la nature de la fin de non-recevoir soulevée par la SASU Groupe Solly Azar et la SA Serenis assurances contre la SCI Ben ?

La fin de non-recevoir soulevée par la SASU Groupe Solly Azar et la SA Serenis assurances repose sur l’argument que la SCI Ben serait dépourvue de qualité pour agir en justice, en raison de sa radiation du RCS le 10 septembre 2020.

L’article 122 du code de procédure civile définit la fin de non-recevoir comme tout moyen tendant à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel que le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, ou la chose jugée.

De plus, l’article 789, 6° du même code, en sa rédaction issue du décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019, précise que le juge de la mise en état est seul compétent pour statuer sur les fins de non-recevoir jusqu’à son dessaisissement.

En l’espèce, la SCI Ben a produit un extrait Kbis du 2 octobre 2023, attestant de son immatriculation au RCS, ce qui contredit l’argument de la SASU Groupe Solly Azar et de la SA Serenis assurances.

Quelles sont les conséquences de la demande de la SCI Ben en paiement des indemnisations des loyers impayés ?

La demande de la SCI Ben en paiement des indemnisations des loyers impayés est fondée sur l’article 1103 du code civil, qui stipule que les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.

L’article 1194 du même code précise que les contrats obligent non seulement à ce qui y est exprimé, mais également à toutes les suites que leur donnent l’équité, l’usage ou la loi.

Cependant, il incombe à l’assuré de justifier que les conditions nécessaires à l’application de la garantie d’assurance sont réunies, conformément à l’article 9 du code de procédure civile et à l’article 1353 du code civil.

En l’espèce, bien qu’une assurance « garantie des loyers impayés » ait été souscrite, il a été établi que le contrat était au nom de M. [O] et non de la SCI Ben.

Ainsi, la SCI Ben ne peut réclamer le paiement d’indemnités en exécution d’un contrat auquel elle n’est pas partie, ce qui entraîne le rejet de sa demande contre la SA Serenis assurances.

Quelles sont les implications de la responsabilité de la SASU Logesima dans cette affaire ?

La responsabilité de la SASU Logesima est engagée en vertu des articles 1991 et 1992 du code civil, qui stipulent que le mandataire est tenu d’accomplir le mandat tant qu’il en demeure chargé et répond des dommages-intérêts résultant de son inexécution.

La SCI Ben reproche à la SASU Logesima plusieurs fautes, notamment :

– Ne pas avoir décelé les incohérences dans les pièces justificatives des revenus de la locataire.
– Avoir contracté une garantie loyers impayés au nom de M. [O] et non de la SCI Ben.
– Avoir adressé une déclaration de sinistre au mauvais interlocuteur, ce qui a entraîné un refus de garantie.
– Avoir tardé à initier la procédure d’expulsion.

Cependant, il a été constaté que la SASU Logesima n’était pas responsable de la signature de l’assurance, qui a été faite par M. [O] en son nom propre.

De plus, le retard dans la déclaration de sinistre n’est pas en lien de causalité avec le préjudice, car le contrat ne couvrait pas la SCI Ben.

La SASU Logesima a commis une faute en ne vérifiant pas la solvabilité de Mme [G], ce qui a exposé sa responsabilité.

Le préjudice est considéré comme une perte de chance de percevoir les loyers, évaluée à 14 278,97 euros.

Quels sont les fondements des demandes reconventionnelles de la SARL Trinity assurances et de la SAS Serenity assurances ?

Les demandes reconventionnelles de la SARL Trinity assurances et de la SAS Serenity assurances reposent sur l’article 1240 du code civil, qui stipule que tout fait quelconque de l’homme causant un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

Ces sociétés soutiennent que la SCI Ben a abusé de son droit d’agir en justice, justifiant ainsi des demandes de dommages et intérêts pour procédure abusive.

Cependant, le tribunal a estimé que les éléments présentés par les défenderesses n’étaient pas suffisants pour caractériser une faute de la SCI Ben.

La SCI Ben a pu se méprendre sur ses droits en raison des nombreux intermédiaires intervenus dans le schéma assuranciel.

Ainsi, la SARL Trinity assurances et la SAS Serenity assurances ont été déboutées de leurs demandes de dommages et intérêts.

Comment le tribunal a-t-il statué sur les frais du procès et l’exécution provisoire ?

Le tribunal a statué sur les frais du procès en application de l’article 696 du code de procédure civile, qui prévoit que la partie perdante est condamnée aux dépens, sauf décision motivée du juge.

En l’espèce, les dépens ont été mis à la charge de la SASU Logesima, qui a succombé à l’instance.

L’article 699 du même code permet aux avocats de demander que la condamnation aux dépens soit assortie du droit de recouvrer directement ceux des dépens dont ils ont fait l’avance.

Concernant les frais irrépétibles, l’article 700 du code de procédure civile stipule que le tribunal peut condamner la partie perdante à payer à l’autre une somme déterminée pour les frais exposés et non compris dans les dépens.

Le tribunal a condamné la SASU Logesima à payer 4 000 euros à la SCI Ben et 1 500 euros à la SARL Trinity assurances au titre de l’article 700.

Enfin, le tribunal a rappelé que le jugement est assorti de l’exécution provisoire de droit, conformément à l’article 514 du code de procédure civile.

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COUR D’APPEL DE PARIS
TRIBUNAL
JUDICIAIRE
de BOBIGNY

AFFAIRE N° RG 22/10872 – N° Portalis DB3S-W-B7G-W2YU
N° de MINUTE : 24/00686
Chambre 6/Section 3

JUGEMENT DU 25 NOVEMBRE 2024

La S.C.I. BEN
[Adresse 11]
[Localité 13]
représentée par Me Dominique MINIER, la SELARL MINIER-MAUGENDRE & ASSOCIEESavocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, vestiaire: B195

DEMANDEUR

C/

La S.A.S.U LOGESIMA
[Adresse 1]
[Localité 13]
représentée par Me Massimo BUCALOSSI, la SELARL RSDA, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P572

La S.A. SERENIS ASSURANCES
[Adresse 2]
[Localité 3]
représentée par Me Daniel REIN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : B0408

La S.A SA DEFENSE ET D’ASSURANCES (SADA)
[Adresse 5]
[Localité 4]
représentée par Me Olivier BOHBOT, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, vestiaire : PC 342

La S.A.S.U. GROUPE SOLLY AZAR
[Adresse 7]
[Localité 9]
représentée par Me Daniel REIN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : B0408

La S.A.S.U SERENITY ASSURANCES
[Adresse 6]
[Localité 12]
représentée par Me Clément BOIROT, avocat ( postulant) au barreau de PARIS, vestiaire : D 680 et Me Stephen CHAUVET, avocat (plaidant) au barreau de BORDEAUX

la S.A.R.L. TRINITY ASSURANCES
[Adresse 10]
[Localité 8]
représentée par Me Julien MALLET, SELASU MVA AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : A0905

DEFENDEURS

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Lors des débats et du délibéré

Président : Madame Charlotte THIBAUD, Vice-Présidente
Assesseurs : Monsieur David BRACQ-ARBUS, Juge
Monsieur François DEROUAULT, Juge

Assistés aux débats : Madame Reine TCHICAYA, Greffier

DÉBATS

L’affaire a été examinée à l’audience publique du 30 Septembre 2024 du tribunal judiciaire de Bobigny, tenue par Madame Charlotte THIBAUD, Présidente de la formation de jugement, et Messieurs David BRACQ-ARBUS et François DEROUAULT, juges, assistés de Mme Madame Reine TCHICAYA, greffier.

Monsieur David BRACQ-ARBUS a rédigé le jugement rendu.

À l’issue des débats, l’affaire a été mise en délibéré au 25 novembre 2024.

JUGEMENT

La présente décision est prononcée publiquement, par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort, signée par Madame Charlotte THIBAUD, assistée de Madame Reine TCHICAYA, Greffier.

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Suivant acte sous seing privé du 10 avril 2018, la SCI Ben, dont le gérant est M. [O], a confié la gestion d’un immeuble sis [Adresse 11] à la SASU Logesima.

Dans ce cadre et suivant acte sous seing privé du 15 octobre 2020, la SASU Logesima a donné à bail l’appartement n°201 à Mme [G] pour un loyer mensuel de 850 euros charges comprises.

Par acte sous seing privé du 12 février 2021, une garantie « loyers impayés » a été souscrite auprès de la SA Serenis assurances, par l’intermédiaire de la SAS Serenity assurances et de la SAS Groupe Solly Azar.

Des loyers sont demeurés impayés à compter du mois d’avril 2021 et, le 10 mai 2021, la SASU Logesima a adressé par erreur une déclaration de sinistre à la SARL Trinity assurances, tiers au contrat.

Une nouvelle déclaration de sinistre a été adressée à la SAS Groupe Solly Azar le 17 septembre 2021.

Par courrier du 30 novembre 2021, la SAS Groupe Solly Azar a informé la SCI Ben que la SA SADA assurances serait, à compter du 12 février 2022, l’assureur garantie loyers impayés en lieu et place de la SA Serenis assurances.

Par courrier du 18 février 2022, la SAS Groupe Solly Azar a opposé à M. [O] un refus de prise en charge du sinistre.

C’est dans ces conditions que la SCI Ben a, par actes d’huissier des 3, 4, 10, 13 et 14 octobre 2022, fait assigner la SASU Logesima, la SA Serenis assurances, la SA SADA assurances, la SAS Groupe Solly Azar, la SAS Serenity assurances et la SARL Trinity assurances devant le tribunal judiciaire de Bobigny aux fins notamment de solliciter l’indemnisation de son préjudice.

Par jugement du 18 décembre 2023, le tribunal de proximité de Saint-Denis a annulé pour dol le bail conclu avec Mme [G], cette dernière ayant produit de faux documents pour soutenir sa demande de location.

Par ordonnance du 15 janvier 2024, le juge de la mise en état a :
– rejeté la fin de non-recevoir soulevée par les sociétés Logesima et Serenity à l’encontre de la SCI Ben ;
– rejeté la demande de communication de pièces de la SCI Ben.

La clôture de l’instruction a été prononcée le 2 mai 2024 par ordonnance du même jour, et l’affaire appelée à l’audience de plaidoiries du 30 septembre 2024.

Par ordonnance du 12 septembre 2024, le juge de la mise en état a rejeté la demande de révocation de l’ordonnance de clôture présentée par la SASU Logesima.

Le jugement a été mis en délibéré au 25 novembre 2024, date de la présente décision.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 15 février 2024, la SCI Ben demande au tribunal judiciaire de Bobigny de :

A titre principal,
– condamner la SA Serenis assurances à lui payer la somme de 28 900 euros au titre des indemnisations prévues au contrat GLI ;
– condamner la SASU Logesima à payer la somme de 5 000 euros au titre des frais liés à l’expulsion des occupants ;

A titre subsidiaire,
– condamner in solidum la SARL Trinity assurances et la SASU Logesima au paiement de la somme de 28 000 euros au titre de la perte de chance subie par la SCI Ben de percevoir les indemnités d’assurance de la part de la société Serenis ;
– condamner la SASU Logesima à payer la somme de 5 000 euros au titre des frais liés à l’expulsion des occupants ;

A titre très subsidiaire,
– condamner la SASU Logesima au paiement de la somme de 28 000 euros au titre de la perte de chance subie par la SCI Ben de percevoir les loyers ;
– condamner la SASU Logesima à payer la somme de 5 000 euros au titre des frais liés à l’expulsion des occupants ;

En tout état de cause,
– condamner la SASU Logesima à garantir la SCI Ben de toute condamnation qui pourrait être prononcée à son égard ;
– condamner la SASU Logesima au paiement d’une somme de 8 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et en tous les dépens.

*

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 8 avril 2024, la SAS Serenity assurances demande au tribunal judiciaire de Bobigny de :

– recevoir la société Serenity assurances en ses demandes ;
– donner acte qu’aucune demande n’est formulée à l’encontre de la société Serenity assurances dans la présente instance ;
En conséquence,
– débouter la SCI Ben de l’intégralité de ses demandes en principal, intérêts, frais et accessoires ;
– condamner la SCI Ben à payer à la société Serenity assurances la somme de 5 000 euros à titre de dommages intérêts pour procédure abusive ;
– condamner la SCI Ben à payer à la société Serenity assurances la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner la SCI Ben aux entiers dépens ;
– suspendre l’exécution provisoire dans le cas où la société Serenity assurances succomberait.

*

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 28 mars 2024, la SARL Trinity assurances demande au tribunal judiciaire de Bobigny de :

– recevoir la SARL Trinity assurances en son argumentation ;

Y faisant droit,
– débouter la SCI Ben de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

Reconventionnellement,
– condamner la SCI Ben à verser une somme de 5 000 euros à la SARL Trinity assurances à titre de dommages intérêts pour procédure abusive ;

En tout état de cause,
– condamner la SCI Ben à verser une somme de 3 500 euros à la SARL Trinity assurances en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner la SCI Ben aux entiers dépens.

*

Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 15 avril 2024, la SASU Groupe Solly Azar et la SA Serenis assurances demandent au tribunal judiciaire de Bobigny de :

– dire et juger que la SCI Ben ne dispose plus de la capacité d’agir en justice et qu’en tout état de cause elle est dépourvue de représentant légal ;

En conséquence,
– déclarer l’action irrecevable ;

A titre subsidiaire,
– mettre hors de cause la société Groupe Solly Azar ;
– prononcer la nullité du contrat d’assurance en application de l’article L.113-8 du code des assurances ;
– dire et juger que le refus de prise en charge est légitime et que la demanderesse ne peut prétendre à aucune indemnisation, les conditions contractuelles n’étant pas réunies ;

En tout état de cause,
– dire et juger que la demanderesse ne justifie pas de ses préjudices ;
– condamner la SCI Ben à verser 2 000 euros au titre de l’article 700 à chacune des défenderesses.

*

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 31 mai 2023, la SA SADA demande au tribunal judiciaire de Bobigny de :

– recevoir la SA SADA, prise en la personne de son représentant légal, en l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
En conséquence,
– mettre hors de cause la SA SADA ;
– débouter la SCI Ben, prise en la personne de son représentant légal, de l’ensemble des demandes, fins et conclusions ;

– condamner la SCI Ben, prise en la personne de son représentant légal ou tout succombant à régler à la SA SADA, prise en la personne de son représentant légal, une somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens, avec bénéfice du droit prévu par les dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ;
– dire n’y avoir lieu à écarter l’exécution provisoire.

*
Pour un plus ample exposé des moyens développés les parties, il est renvoyé à la lecture des conclusions précitées, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la fin de non-recevoir soulevée par la SASU Groupe Solly Azar et la SA Serenis assurances contre la SCI Ben

L’article 122 du code de procédure civile définit la fin de non-recevoir comme tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

L’article 789, 6° du code de procédure civile, en sa rédaction issue du décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019, applicable aux instances introduites à partir du 1er janvier 2020, dispose que lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu’à son dessaisissement, seul compétent, à l’exclusion de toute autre formation du tribunal, pour […] statuer sur les fins de non-recevoir ; […] les parties ne sont plus recevables à soulever ces exceptions et incidents ultérieurement à moins qu’ils ne surviennent ou soient révélés postérieurement au dessaisissement du juge.

En l’espèce, la SASU Groupe Solly Azar et la SA Serenis assurances font valoir que la SCI Ben est dépourvue de qualité pour agir en justice dès lors qu’elle a été radiée du RCS le 10 septembre 2020.

Outre le fait que les fins de non-recevoir présentées à la juridiction saisies au fond sont, conformément aux dispositions visées ci-dessus, irrecevables, force et de constater que la SCI Ben produit un extrait Kbis du 2 octobre 2023 témoignant de son immatriculation au RCS.

Sur les demandes en paiement de la SCI Ben

Sur la demande en paiement au titre de l’indemnisations des loyers impayés

A titre liminaire, il est rappelé que l’article 768 du code de procédure civile dispose que le tribunal ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n’examine les moyens au soutien de ces prétentions que s’ils sont invoqués dans la discussion, de sorte qu’il ne sera pas répondu aux moyens développés par la SCI Ben contre les défendeurs à l’égard desquels aucune demande n’est formée.

Sur la demande présentée à titre principal contre la SA Serenis assurances

L’article 1103 du code civil dispose que les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits. L’article 1194 du même code ajoute que les contrats obligent non seulement à ce qui y est exprimé, mais encore à toutes les suites que leur donnent l’équité, l’usage ou la loi.

Conformément à l’article 9 du code de procédure civile et 1353 du code civil, il incombe à l’assuré de justifier que les conditions nécessaires à l’application de la garantie d’assurance sont réunies, et à l’assureur qui s’en prévaut de démontrer que les conditions nécessaires à l’application d’une clause de déchéance ou d’exclusion de garantie sont réunies.

En l’espèce, s’il n’est pas contesté et au demeurant démontré qu’une assurance « garantie des loyers impayés » a été souscrite auprès de la SA Serenis assurances le 12 février 2021, force est de constater que toutes les pièces afférentes à ce contrat sont au nom de M. [O], sans qu’il ne soit jamais fait référence à sa qualité de gérant ou de représentant de la SCI Ben et sans qu’il ne soit justifié de ce que la SCI Ben a repris à son compte les engagements souscrits par M. [O].

Le contrat a donc été souscrit par M. [O], personne physique.

Or, c’est la SCI Ben qui a donné à bail le bien litigieux et subit le préjudice résultant du défaut de paiement des loyers par la locataire.

La SCI Ben ne pouvant réclamer à son profit le paiement d’indemnités en exécution d’un contrat auquel elle n’est pas partie, elle sera déboutée de sa demande contre la SA Serenis assurances.

Sur la demande présentée à titre subsidiaire contre la SARL Trinity assurances

L’article 1240 du code civil dispose que tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

La SCI Ben reproche à la SARL Trinity d’avoir reçu une déclaration de sinistre par la SASU Logesima et d’avoir tardé à la transmettre à l’assureur, la SA Serenis, qui a tiré de ce retard un motif de refus de garantie.

Or, en l’absence de contrat liant la SCI Ben à la SARL Trinity, cette dernière n’était nullement tenue d’entreprendre une quelconque action visant à permettre ou faciliter l’instruction de la demande d’indemnisation.

La demande sera ainsi rejetée.

Sur la demande présentée à titre subsidiaire contre la SASU Logesima

Aux termes des articles 1991 et 1992 du code civil, le mandataire est tenu d’accomplir le mandat tant qu’il en demeure chargé, et répond des dommages-intérêts qui pourraient résulter de son inexécution. Le mandataire répond non seulement du dol, mais des fautes ou négligences qu’il commet dans sa gestion.

Engage ainsi sa responsabilité le mandataire chargé de la gestion locative d’un bien immobilier qui manque à son devoir de diligence, notamment lorsqu’il ne s’est pas suffisamment assuré de la solvabilité du locataire choisi, ou de l’efficacité de la garantie souscrite contre les loyers impayés en cas de souscription d’une telle assurance.

Il incombe en revanche au mandant qui entend voir engager la responsabilité civile de son mandataire de rapporter la preuve du préjudice dont il sollicite réparation ; qu’il soit entier ou résulte d’une perte de chance, ce préjudice, pour être indemnisable, doit être certain, actuel et en lien direct avec le manquement commis ; la réparation de la perte de chance doit être mesurée en considération de l’aléa jaugé et ne saurait être égale à l’avantage qu’aurait procuré cette chance si elle s’était réalisée.

En l’espèce, la SCI Ben soutient que la SASU Logesima a commis plusieurs fautes d’exécution de son mandat de gestion :
– en ne décelant pas les incohérences dans les pièces justificatives des revenus de la locataire, qui auraient pourtant dû lui permettre de se rendre compte de la tromperie ;
– en contractant une garantie loyers impayés au nom de M. [O] et non à celui de la SCI Ben ;
– en adressant une déclaration de sinistre au mauvais interlocuteur, la SARL Trinity assurances, de sorte qu’une fois la déclaration envoyée au véritable assureur (la SA Serenis), celui-ci a opposé un refus au motif que le délai avait été dépassé ;
– en initiant tardivement la procédure judiciaire aux fins d’acquisition de la clause résolutoire.

S’agissant de la signature de l’assurance, si la SASU Logesima a effectivement joué le rôle d’intermédiaire avec l’assureur et a présenté un contrat à M. [O], c’est bien ce dernier qui l’a signé en son nom propre. Or, il n’ignorait pas qu’il n’était pas le bailleur, de sorte qu’aucune faute ne peut ici être reprochée à l’agence immobilière.

S’agissant de la transmission de la déclaration de sinistre au mauvais interlocuteur : à considérer qu’il s’agisse d’une faute du mandataire (le mandat ne prévoit aucune obligation quant à la souscription d’une garantie d’assurance), elle serait, en toute hypothèse, sans lien de causalité avec le préjudice constitué par la perte de loyers dès lors que le contrat ne couvre pas la SCI Ben mais M. [O] personne physique, qui n’est pas le bailleur.

S’agissant du retard pris dans l’introduction d’une procédure d’expulsion, le mandat stipule que la SASU Logesima devait « à défaut de paiement par les débiteurs et en cas de difficultés quelconques, exercer toutes poursuites judiciaires, toutes actions résolutoires ou autres, faire tous commandements, sommations, assignations et citations devant tous tribunaux et commissions administratives, se concilier, transiger ou requérir jugements, les faire exécuter, former toutes oppositions, prendre part à toutes assemblées de créanciers. »

Si l’agence immobilière a effectivement commis une faute en n’exerçant pas les poursuites judiciaires aux fins de résolution du bail et de paiement de la dette de loyers, force est de constater que la SCI Ben en a pris l’initiative sans pour autant parvenir à faire exécuter le jugement condamnant la locataire à la rembourser des loyers demeurés impayés, Mme [G] étant insolvable et se maintenant dans les lieux.

Ainsi, la faute de l’agence immobilière est sans lien de causalité avec le préjudice dont la réparation est réclamée.

S’agissant enfin de l’insuffisante vérification des pièces témoignant de la solvabilité de Mme [G], il résulte de son dossier que la locataire a transmis :
– un contrat de travail à durée indéterminée conclu avec la société [Localité 14] gel le 7 mars 2019 stipulant une rémunération de 2 705,03 euros par mois ;
– un bulletin de salaire établi par [Localité 14] gel en juillet 2020 et mentionnant un salaire net à payer avant impôt sur le revenu de 2 365,55 euros ;
– un bulletin de salaire établi par [Localité 14] gel en août 2020 et mentionnant un salaire net à payer avant impôt sur le revenu de 2 462,57 euros ;
– un bulletin de salaire établi par [Localité 14] gel en septembre 2020 et mentionnant un salaire net à payer avant impôt sur le revenu de 2 336,52 euros ;
– l’avis d’imposition sur les revenus de 2019 mentionnant un revenu salarié de 16 718 euros (soit 1 393 par mois environ).

Si l’usage commande de solliciter plusieurs pièces justificatives (contrat de travail, fiches de paye et avis d’imposition) en pareille situation, c’est précisément dans le but de pouvoir les confronter et d’identifier d’éventuelles contradictions flagrantes.

Ainsi, la SASU Logesima aurait dû procéder à cette vérification d’usage, qui lui aurait permis de constater que l’avis d’imposition sur les revenus perçus en 2019 est manifestement incohérent avec les revenus déclarés par Mme [G].

Ainsi, la SASU Logesima a commis une faute exposant sa responsabilité à l’égard de sa mandante, la SCI Ben.

S’agissant du préjudice, il ne peut s’analyser qu’en une perte de chance de percevoir les loyers, une telle opération économique étant nécessairement soumise à un aléa.

Cette perte de chance sera fixée à 0,8 s’agissant d’un T2 en région parisienne.

S’agissant de la perte de loyers, le tribunal retient les éléments suivants :
– il est constant que le loyer charges comprises est de 850 euros par mois ;
– il n’est pas contesté que Mme [G] a cessé de payer le loyer à partir du mois d’avril 2021 ;
– la SCI Ben indique que Mme [G] se maintient aujourd’hui encore dans les lieux et n’a jamais repris le paiement des loyers, sans pour autant apporter aucun élément justificatif de la poursuite de son préjudice ;
– il convient ainsi de retenir l’élément objectif le plus récent versé aux débats, soit l’extrait de compte établi par Logesima (pièce n°24 de la SCI Ben), qui fait apparaitre une dette locative de 17 848,71 euros.

La SASU Logesima sera ainsi condamnée à payer à la SCI Ben la somme de (17848,71*0,8=) 14 278,97 euros.

Sur la demande en paiement au titre des frais liés à l’expulsion des occupants

En l’espèce, la SCI Ben sollicite l’octroi d’une indemnité pour les « frais d’huissier, de justice, de relance » liés à l’expulsion de Mme [G], évaluée à 5 000 euros, sans qu’aucune pièce justificative ne soit transmise.

Faute de démonstration de l’existence du préjudice, la demande sera rejetée.

Sur les demandes reconventionnelles en paiement de la SARL Trinity assurances et de la SAS Serenity assurances

Aux termes de l’article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

Le droit d’agir, s’il est l’expression d’une liberté fondamentale et d’un pouvoir légal, n’est pas pour autant un droit discrétionnaire. Il peut être exercé abusivement et justifier, à ce titre, réparation.

En l’espèce, les éléments soulevés par les défenderesses sont insuffisants à caractériser une faute de la SCI Ben faisant dégénérer le droit d’agir de cette dernière en abus dès lors qu’elle a pu se méprendre sur ses droits au vu des nombreux intermédiaires intervenus dans le schéma assuranciel, de sorte que la SARL Trinity assurances et la SAS Serenity assurances seront déboutées de leurs demandes de dommages et intérêts présentées de ce chef.

Sur les frais du procès et l’exécution provisoire

Sur les dépens

Aux termes de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.

En application de l’article 699 du code de procédure civile, les avocats peuvent, dans les matières où leur ministère est obligatoire, demander que la condamnation aux dépens soit assortie à leur profit du droit de recouvrer directement contre la partie condamnée ceux des dépens dont ils ont fait l’avance sans avoir reçu provision.

En l’espèce, les dépens seront mis à la charge de la SASU Logesima, succombant à l’instance.

Autorisation sera donnée à ceux des avocats en ayant fait la demande et pouvant y prétendre de recouvrer directement ceux des dépens dont ils ont fait l’avance sans avoir reçu provision.

Sur les frais irrépétibles

En application de l’article 700 du code de procédure civile, le tribunal condamne la partie tenue aux dépens ou la partie perdante à payer à l’autre la somme qu’il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

Par principe, le tribunal alloue à ce titre une somme correspondant aux frais réellement engagés, à partir des justificatifs produits par les parties, ou, en l’absence de justificatif, à partir des données objectives du litige (nombre de parties, durée de la procédure, nombre d’écritures échangées, complexité de l’affaire, incidents de mise en état, mesure d’instruction, etc.).

Par exception et de manière discrétionnaire, le tribunal peut, considération prise de l’équité ou de la situation économique des parties, allouer une somme moindre, voire dire qu’il n’y a lieu à condamnation.

En l’espèce, la SASU Logesima, condamnée aux dépens, sera condamnée à payer à la SCI Ben une somme qu’il est équitable de fixer à 4 000 euros.

Par ailleurs, l’équité commande de condamner la SCI Ben à payer de ce chef la somme de 1 500 euros à la SARL Trinity assurances.

Sur l’exécution provisoire

Il convient de rappeler qu’en application de l’article 514 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n°2019-1333 du 11 décembre 2019 applicable aux instances introduites à compter du 1er janvier 2020, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n’en dispose autrement.

PAR CES MOTIFS,

Le tribunal, statuant publiquement par jugement contradictoire et en premier ressort, par mise à disposition au greffe,

DECLARE irrecevable la fin de non-recevoir soulevée par la SASU Groupe Solly Azar et la SA Serenis assurances contre la SCI Ben ;

DEBOUTE la SCI Ben de sa demande en paiement dirigée contre la SA Serenis assurances ;

CONDAMNE la SASU Logesima à payer à la SCI Ben la somme de 14 278,97 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de la perte de chance de pecevoir les loyers ;

DEBOUTE la SCI Ben de sa demande en paiement au titre des frais liés à l’expulsion des occupants ;

DEBOUTE la SARL Trinity assurances de sa demande reconventionnelle en paiement à titre de dommages et intérêts ;

DEBOUTE la SAS Serenity assurances de sa demande reconventionnelle en paiement à titre de dommages et intérêts ;

MET les dépens à la charge de la SASU Logesima ;

ADMET les avocats qui en ont fait la demande et qui peuvent y prétendre au bénéfice des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la SASU Logesima à payer à la SCI Ben la somme de 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la SCI Ben à payer à la SARL Trinity assurances la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

DEBOUTE la SASU Logesima de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

DEBOUTE la SASU Groupe Solly Azar et la SA Serenis assurances de leur demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

DEBOUTE la SA SADA assurances de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

RAPPELLE que le présent jugement est assorti de l’exécution provisoire de droit.

La minute a été signée par Madame Charlotte THIBAUD, Vice-Présidente, et par Madame Reine TCHICAYA, Greffier.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


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