Responsabilité et exécution provisoire : enjeux de la consignation des sommes dues

·

·

Responsabilité et exécution provisoire : enjeux de la consignation des sommes dues

L’Essentiel : Le 21 novembre 2023, le tribunal judiciaire de Nîmes a jugé la SAS Jacqueline responsable des désordres d’un véhicule Burstner, lui ordonnant de verser 33 984,43 euros en dommages-intérêts. En appel, la SAS a contesté cette décision, invoquant un risque de non-recouvrement et l’absence de rapport d’expertise contradictoire. Les requérants ont répliqué en soulignant la faiblesse des arguments de la SAS et la solidité de leur situation financière. Le premier président a finalement rejeté la demande de consignation de la SAS, condamnant celle-ci à verser 1 200 euros aux requérants pour frais de justice.

Jugement du Tribunal Judiciaire de Nîmes

Le 21 novembre 2023, le tribunal judiciaire de Nîmes a rendu un jugement déclarant la SAS Jacqueline responsable des désordres affectant un véhicule de marque Burstner appartenant aux requérants. Le tribunal a également déclaré opposable un rapport d’expertise du cabinet Blachier daté du 6 juin 2022 et a condamné la SAS Jacqueline à verser 33 984,43 euros en dommages-intérêts pour préjudice matériel, ainsi qu’une somme de 1 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile. Les requérants ont été déboutés de leur demande de dommages-intérêts pour préjudice de jouissance.

Appel de la SAS Etablissements Jacqueline

Le 18 décembre 2023, la SAS Etablissements Jacqueline a interjeté appel de la décision du tribunal. Par la suite, le 23 septembre 2024, elle a assigné les requérants devant le premier président, demandant la consignation des sommes dues selon le jugement du 21 novembre 2023. Elle a également demandé que les requérants soient condamnés à lui verser 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

Arguments de la SAS Etablissements Jacqueline

Dans ses conclusions, la SAS Etablissements Jacqueline a fait valoir qu’il existait un risque sérieux de non-recouvrement des sommes en cas de réformation de la décision, en raison de la situation financière des requérants. Elle a également soutenu que les requérants avaient assigné sur la base d’un rapport d’expertise non contradictoire, près de cinq ans après les réparations effectuées sur leur véhicule.

Réponse des Requérants

Les requérants, M. [N] [L] et M. [K] [M], ont demandé le rejet des prétentions de la SAS Etablissements Jacqueline, arguant que la probabilité d’une infirmation du jugement était faible. Ils ont contesté l’absence de moyens sérieux d’annulation de la décision et ont souligné que la demande d’expertise judiciaire n’était pas sincère, mais dilatoire. Ils ont également mis en avant la solvabilité de leur patrimoine, tout en notant que la SAS Jacqueline n’avait pas prouvé son insolvabilité.

Décision du Premier Président

Le premier président a examiné la demande de consignation et a noté qu’il n’y avait pas de preuves suffisantes de l’insolvabilité des requérants. Il a rejeté la demande d’aménagement de l’exécution provisoire, rappelant que l’exécution d’une décision frappée d’appel se faisait aux risques de celui qui la demandait. En outre, la SAS Etablissements Jacqueline a été condamnée à verser 1 200 euros aux requérants en application de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens de la procédure.

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les conditions de la consignation selon l’article 521 du code de procédure civile ?

L’article 521 alinéa 1 du code de procédure civile stipule que :

« La partie condamnée au paiement de sommes autres que des aliments, des rentes indemnitaires ou des provisions peut éviter que l’exécution provisoire soit poursuivie en consignant, sur autorisation du juge, les espèces ou les valeurs suffisantes pour garantir, en principal, intérêts et frais, le montant de la condamnation. »

Cette disposition permet à la partie condamnée de se prémunir contre les risques liés à l’exécution d’une décision de justice, en garantissant le montant de la condamnation par une consignation.

Il est important de noter que le premier président dispose d’un pouvoir discrétionnaire pour aménager l’exécution provisoire, sans que celui qui le demande ait à justifier de conséquences manifestement excessives.

Dans le cas présent, la SAS Etablissements Jacqueline a demandé la consignation des sommes dues, invoquant un risque de non-recouvrement en cas de réformation de la décision.

Cependant, la cour a relevé qu’aucun moyen pertinent n’a été présenté pour justifier cette demande, et que la preuve de l’insolvabilité des consorts [L]/[M] n’a pas été rapportée.

Quels sont les critères pour l’octroi des frais irrépétibles selon l’article 700 du code de procédure civile ?

L’article 700 du code de procédure civile dispose que :

« Dans toutes instances, le juge peut condamner la partie perdante à payer à l’autre partie une somme au titre des frais irrépétibles. »

Les frais irrépétibles sont ceux qui ne peuvent être récupérés par la partie qui les a engagés, tels que les honoraires d’avocat.

Le juge apprécie souverainement le montant de cette somme, en tenant compte de la situation des parties et de l’équité.

Dans l’affaire en question, la SAS Etablissements Jacqueline a été condamnée à verser 1 200 euros à M. [N] [L] et M. [K] [M] en application de l’article 700, ce qui a été jugé non inéquitable par la cour.

La cour a également noté que la SAS Etablissements Jacqueline, en succombant, devait supporter la charge des entiers dépens de la procédure, ce qui est conforme à la règle générale en matière de frais de justice.

Quelles sont les implications de l’exécution provisoire selon le jugement du tribunal judiciaire de Nîmes ?

Le jugement du tribunal judiciaire de Nîmes, en date du 21 novembre 2023, a rappelé que l’exécution provisoire est de droit.

Cela signifie que la décision rendue est immédiatement exécutoire, même en cas d’appel.

L’article 521 du code de procédure civile précise que la partie condamnée peut demander la consignation pour éviter que l’exécution provisoire soit poursuivie, mais cela ne suspend pas l’exécution de la décision.

Dans cette affaire, la SAS Etablissements Jacqueline a interjeté appel, mais cela n’a pas eu pour effet de suspendre l’exécution du jugement initial.

Ainsi, les consorts [L]/[M] ont le droit de percevoir les sommes qui leur ont été allouées, à moins qu’une décision contraire ne soit prise par la cour d’appel.

La cour a donc rejeté la demande d’aménagement de l’exécution provisoire, soulignant que l’exécution d’une décision frappée d’appel se fait aux risques et périls de celui qui la demande.

COUR D’APPEL

DE NÎMES

REFERES

ORDONNANCE N°

AFFAIRE : N° RG 24/00132 – N° Portalis DBVH-V-B7I-JKX6

AFFAIRE : S.A.S. ETABLISSEMENTS JACQUELINE C/ [L], [M]

JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT

ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ RENDUE LE 10 Janvier 2025

A l’audience publique des RÉFÉRÉS de la COUR D’APPEL DE NÎMES du 22 Novembre 2024,

Nous, S. DODIVERS, Présidente de Chambre à la Cour d’Appel de NÎMES, spécialement désignée pour suppléer le Premier Président dans les fonctions qui lui sont attribuées,

Assistée de Madame Véronique PELLISSIER, Greffière, lors des débats et lors du prononcé,

Après avoir entendu en leurs conclusions et plaidoiries les représentants des parties, dans la procédure introduite

PAR :

S.A.S. ETABLISSEMENTS JACQUELINE

immatriculée au RCS d’AMIENS sous le n° 342 320 884

poursuites et diligences de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité en son siège social

[Adresse 1]

[Localité 5]

représentée par Me Emmanuelle VAJOU de la SELARL LX NIMES, Postulant, avocat au barreau de NIMES, substituée par Me Benjamin MINGUET, avocat au barreau de NIMES,

représentée par Me Philippe BOUILLON de la SCP ATALLAH COLIN MICHEL VERDOT ET AUTRES, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, substitué par Me Chadene MGHIZOU, avocat au barreau de PARIS

DEMANDERESSE

Monsieur [N] [L]

né le 23 Mars 1959 à [Localité 9]

[Adresse 2]

[Localité 6]

représenté par Me Christine TOURNIER BARNIER de la SCP TOURNIER & ASSOCIES, avocat au barreau de NIMES substituée par Me Alexis FAGES, avocat au barreau de NIMES

Monsieur [K] [M]

né le 09 Avril 1954 à [Localité 8]

[Adresse 4]

[Localité 3]

représenté par Me Christine TOURNIER BARNIER de la SCP TOURNIER & ASSOCIES, avocat au barreau de NIMES substituée par Me Alexis FAGES, avocat au barreau de NIMES

DÉFENDEURS

Avons fixé le prononcé au 10 Janvier 2025 et en avons ensuite délibéré conformément à la loi ;

A l’audience du 22 Novembre 2024, les conseils des parties ont été avisés que l’ordonnance sera rendue par sa mise à disposition au Greffe de la Cour le 10 Janvier 2025.

EXPOSE DU LITIGE

Par jugement contradictoire prononcé le 21 novembre 2023, assorti de l’exécution provisoire, le tribunal judiciaire de Nîmes a :

Déclaré opposable à la SAS Jacqueline le rapport en date du 6/06/2022 du cabinet Blachier,

Déclaré la SAS Jacqueline responsable des désordres affectant le véhicule immatriculé [Immatriculation 7] de marque Burstner appartenant aux requérants,

Condamné la SAS Jacqueline à payer aux requérants la somme de 33984,43 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de leur préjudice matériel,

Par conséquent

Rappelé que l’exécution provisoire du présent jugement est de droit,

Débouté les requérants de leur demande en dommages-intérêts au titre du préjudice de jouissance,

Condamné la requise au paiement des entiers dépens,

Condamné la SAS Jacqueline à payer aux requérants la somme de 1 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

La SAS Etablissements Jacqueline a interjeté un appel de l’intégralité de cette décision, par déclaration du 18 décembre 2023.

Par exploit de commissaire de justice du 23 septembre 2024, la SAS Etablissements Jacqueline, appelante, a fait assigner M. [N] [L] et M. [K] [M], devant le premier président, sur le fondement des articles 521 et 523 du code de procédure civile, aux fins de voir :

Ordonner la consignation par la SAS Etablissements Jacqueline auprès de la Caisse des dépôts et des consignations des sommes pour lesquelles elle a été condamnée au titre du jugement du 21 novembre 2023 du tribunal judiciaire de Nîmes, soit les sommes suivantes :

-33 984.43 euros à titre de dommages et intérêts,

-1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– Condamner M. [N] [L] et M. [K] [M] à lui payer la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens,

Débouter les requis de toutes demandes, fins et prétentions plus amples ou contraires.

Par conclusions notifiées par RPVA le 21 novembre 2024, la SAS Etablissements Jacqueline, appelante, sollicite du premier président, au visa des articles 521 et 523 du code de procédure civile, de :

Ordonner la consignation par la SAS Etablissements Jacqueline auprès de la Caisse des dépôts et des consignations des sommes pour lesquelles elle a été condamnée au titre du jugement du 21 novembre 2023 du tribunal judiciaire de Nîmes soit les sommes suivantes :

– 33.984,43 euros à titre de dommages-intérêts ;

– 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Condamner M. [N] [L] et M. [K] [M] à payer à la SAS Etablissements Jacqueline la somme de 2.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens,

Débouter M. [N] [L] et M. [K] [M] de toutes leurs demandes, fins et conclusions plus amples ou contraires.

L’appelante soutient, à l’appui de ses prétentions, qu’il existe un risque sérieux de non-recouvrement des sommes perçues en cas de réformation de la décision de première instance compte tenu de la qualité de personne physique des consorts [L]-[M] et notamment de retraité de M. [K] [M].

Elle ajoute qu’il existe des moyens sérieux de réformation du jugement entrepris puisque les défendeurs l’ont assignée sur la base d’un rapport d’expertise non contradictoire, et ce, près de cinq ans après qu’elle ait effectué des réparations sur leur véhicule et alors, qu’ils avaient parcouru près de 23 197 kilomètres entre les réparations et la survenance du prétendu dommage.

Par conclusions notifiées le 20 novembre 2024, M. [N] [L] et M. [K] [M], intimés, sollicitent du premier président, au visa des articles 521 et 523 du code de procédure civile, de :

Débouter la SAS Etablissement de ses prétentions et rejeter sa demande d’autorisation de consignation des sommes à verser selon jugement du 21 novembre 2023,

Condamner la SAS Etablissement Jacqueline à payer à M. [N] [L] et M. [K] [M] la somme de 2.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

A l’appui de leurs écritures, les consorts [L]/[M] soutiennent tout d’abord que l’hypothèse d’une infirmation du jugement rendu le 21 novembre 2023 est peu sérieuse, ayant signifié leurs conclusions d’intimés par RPVA le 13 juin 2024.

Ils font valoir ensuite l’absence de moyens sérieux d’annulation ou de réformation de la décision querellée en ce que la contestation de la motivation du jugement du 21 novembre 2023 par la SAS Etablissements Jacqueline n’établit pas des moyens sérieux d’infirmation.

Ils relèvent que la demande d’expertise judiciaire du véhicule en cause d’appel n’est pas spontanée et sincère, mais à visée dilatoire.

Ils indiquent par ailleurs que la SAS Etablissements Jacqueline n’apporte pas la preuve de leur prétendue impécuniosité, prétendant que leur patrimoine leur permet de garantir le remboursement de leur créance dans l’hypothèse improbable d’une infirmation du jugement dont appel et qu’en revanche, l’appelante n’apporte aucun élément concernant sa solvabilité. Ils concluent ainsi qu’il n’est pas établi de motif légitime de priver le créancier de la perception immédiate même partielle des sommes qui lui ont été allouées par le juge de première instance.

Par référence à l’article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé aux conclusions déposées par chacune des parties pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions.

SUR CE :

-Sur la demande de consignation :

L’article 521 alinéa 1 du code de procédure civile dispose que la partie condamnée au paiement de sommes autres que des aliments, des rentes indemnitaires ou des provisions peut éviter que l’exécution provisoire soit poursuivie en consignant, sur autorisation du juge, les espèces ou les valeurs suffisantes pour garantir, en principal, intérêts et frais, le montant de la condamnation.

Le premier président dispose d’un pouvoir discrétionnaire pour aménager, en application des articles 521 et suivants du code de procédure civile, l’exécution provisoire sans que celui qui le demande ait à justifier de conséquences manifestement excessives.

En l’espèce, la demanderesse fait état d’une possible réformation et du risque de non restitution des fonds par les consorts [L]/ [M].

Cependant, il n’est pas fait état de moyens qui pourraient avoir un caractère très pertinent amenant à être nécessairement pris en compte par la cour, de même la preuve de l’insolvabilité des consorts [L]/[M] n’est pas rapportée, ce d’autant moins que la production de l’avis d’imposition des époux [L] montre des revenus mensuels confortables.

En conséquence de quoi, tout en rappelant que l’exécution d’une décision frappée d’appel se fait aux risques et péril de celui qui la demande, il y a lieu de rejeter la demande d’aménagement de l’exécution provisoire attachée à la décision rendue par le tribunal judiciaire de Nîmes le 21 novembre 2023.

Sur les frais irrépétibles et la charge des dépens

Il n’est pas inéquitable de condamner la SAS établissements Jacqueline à payer à Monsieur [N] [L] et Monsieur [K] [M] la somme de 1 200 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

La SAS établissements Jacqueline succombant sera tenue de supporter la charge des entiers dépens de la présente procédure.

PAR CES MOTIFS

Nous S. Dodivers statuant sur délégation du premier président de la cour d’appel de Nîmes, en référé, par ordonnance contradictoire, en dernier ressort et mise à disposition au greffe,

Déboutons la SAS Etablissements Jacqueline de sa demande d’aménagement de l’exécution provisoire attachée au jugement rendu par le tribunal judiciaire de Nîmes le 21 novembre 2023,

Condamnons la SAS Etablissements Jacqueline à payer à Monsieur [N] [L] et Monsieur [K] [M] la somme de 1 200 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamnons la SAS Etablissements Jacqueline aux dépens de la présente instance de référé.

Ordonnance signée par Madame S. DODIVERS, Présidente de Chambre, et par Madame Véronique PELLISSIER, Greffière, présente lors du prononcé.

LA GREFFIERE

LA PRÉSIDENTE


Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Chat Icon