Emploi et liquidation : enjeux de la responsabilité employeur en période de cessation d’activité.

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Emploi et liquidation : enjeux de la responsabilité employeur en période de cessation d’activité.

L’Essentiel : Le 22 mars 2019, l’EURL Loris a été mise en liquidation judiciaire. [B] [M], embauchée comme chauffeur de taxi, a pris acte de la rupture de son contrat le 29 juillet 2019, arguant qu’elle n’avait pas été informée de la liquidation. Elle a saisi le conseil de prud’hommes, demandant la reconnaissance de [V] [E] comme co-employeur. Le 28 septembre 2022, le conseil a condamné [V] [E] à verser des indemnités. En appel, [B] [M] a réclamé des sommes plus élevées. La cour a confirmé que la prise d’acte était justifiée et a condamné [V] [E] à verser diverses indemnités.

Contexte de l’affaire

Le 22 mars 2019, l’EURL Loris, gérée par [V] [E], a été mise en liquidation judiciaire, avec la SELAS OCMJ désignée comme mandataire liquidateur. [B] [M] a été embauchée par l’EURL Loris le 9 avril 2019 en tant que chauffeur de taxi, avec un salaire brut de 1 521,25€ pour 151,67 heures de travail.

Rupture du contrat de travail

Le 29 juillet 2019, [B] [M] a pris acte de la rupture de son contrat, invoquant que l’EURL Loris était en liquidation judiciaire au moment de son embauche, ce dont elle n’avait pas été informée. Elle a ensuite saisi le conseil de prud’hommes de Montpellier, arguant que l’EURL Loris et [V] [E] étaient ses co-employeurs et que la rupture constituait un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Jugement du conseil de prud’hommes

Le 28 septembre 2022, le conseil de prud’hommes a mis l’AGS hors de cause et a condamné [V] [E] à verser à [B] [M] des indemnités pour préavis et dommages et intérêts. [B] [M] a interjeté appel le 28 octobre 2022, demandant la reconnaissance de ses co-employeurs et des sommes plus élevées.

Appel et demandes des parties

Dans ses conclusions du 18 juillet 2023, [B] [M] a demandé d’infirmer le jugement et de reconnaître l’EURL Loris et [V] [E] comme co-employeurs, tout en réclamant des indemnités diverses. La SELAS OCMJ a également déposé des conclusions le 25 juillet 2024, demandant la nullité ou l’inopposabilité du contrat de travail à la procédure collective.

Arguments de [V] [E]

Dans ses conclusions du 10 octobre 2024, [V] [E] a demandé la confirmation du jugement et a réclamé des indemnités de 2 000€ à [B] [M] et à la SELAS OCMJ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Incompétence du conseil de prud’hommes

La cour a statué sur l’incompétence matérielle du conseil de prud’hommes, notant que celui-ci n’avait pas déclaré son incompétence dans son jugement.

Nullité du contrat de travail

La cour a déterminé que le contrat de travail de [B] [M] n’était pas nul mais inopposable à la procédure collective, en raison de la liquidation judiciaire de l’EURL Loris.

Demande contre [V] [E]

En confirmant le jugement, la cour a reconnu que [V] [E] avait été l’employeur de [B] [M] et a statué sur la prise d’acte de la rupture, considérant qu’elle était justifiée par la déloyauté de l’employeur.

Exécution déloyale et travail dissimulé

La cour a constaté que l’embauche de [B] [M] avait été réalisée à l’insu du liquidateur, ce qui constituait un manquement à l’obligation de loyauté. Cependant, l’élément intentionnel de travail dissimulé n’a pas été établi.

Conséquences de la prise d’acte

La prise d’acte a été jugée justifiée, et la cour a confirmé le jugement initial concernant l’indemnité compensatrice de préavis, tout en ajoutant les congés payés afférents.

Décision finale

La cour a infirmé le jugement et a condamné [V] [E] à verser diverses indemnités à [B] [M], tout en confirmant le jugement pour le surplus et en rejetant d’autres demandes. [V] [E] a été condamnée aux dépens.

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la nature de la nullité du contrat de travail en cas de liquidation judiciaire ?

Le contrat de travail conclu entre l’EURL Loris et [B] [M] le 9 avril 2019 est inopposable à la procédure collective en raison de la liquidation judiciaire de l’EURL Loris, prononcée le 22 mars 2019.

Selon l’article L. 641-9 du Code de commerce :

« Le jugement qui ouvre ou prononce la liquidation judiciaire emporte de plein droit, à partir de sa date, dessaisissement pour le débiteur de l’administration et de la disposition de ses biens tant que la liquidation judiciaire n’est pas clôturée et interdit à la personne en liquidation judiciaire d’exercer une activité commerciale ou artisanale. »

Ainsi, bien que le contrat ne soit pas nul, il est inopposable à la procédure collective, ce qui signifie que les créances résultant de ce contrat ne peuvent pas être inscrites au passif de la société en liquidation.

En conséquence, [B] [M] doit être déboutée de sa demande d’inscription au passif de l’EURL Loris pour les créances découlant de son contrat de travail.

Quelles sont les conséquences de la prise d’acte de la rupture du contrat de travail ?

La prise d’acte de la rupture du contrat de travail par [B] [M] a des conséquences importantes, notamment en ce qui concerne la qualification de cette rupture.

Lorsqu’un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu’il reproche à son employeur, cette rupture peut produire les effets d’un licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse, si les faits invoqués le justifient.

L’article L. 1231-1 du Code du travail stipule :

« Le contrat de travail peut être rompu à tout moment par l’une ou l’autre des parties, sous réserve du respect d’un préavis. »

Dans le cas présent, [B] [M] a pris acte de la rupture en raison de la situation de liquidation judiciaire de l’EURL Loris, ce qui constitue un manquement aux obligations de l’employeur.

La cour a donc confirmé que la prise d’acte était justifiée et que la rupture produisait les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, entraînant des indemnités pour la salariée.

Quelles sont les obligations de l’employeur en matière d’exécution du contrat de travail ?

L’employeur a l’obligation d’exécuter le contrat de travail de bonne foi, ce qui inclut le respect des conditions d’embauche et la loyauté envers le salarié.

L’article L. 1222-1 du Code du travail précise :

« Le contrat de travail est exécuté de bonne foi. »

Dans cette affaire, il a été établi que l’embauche de [B] [M] par [V] [E] a été réalisée à l’insu du liquidateur, et que la salariée n’a été informée de la situation de la société qu’après son embauche.

Ce manquement à l’obligation de loyauté a conduit la cour à condamner [V] [E] à indemniser [B] [M] pour le préjudice subi, à hauteur de 1 000€.

Quelles sont les implications du travail dissimulé dans cette affaire ?

Le travail dissimulé est une infraction qui peut entraîner des conséquences juridiques pour l’employeur, notamment en matière de cotisations sociales et de droits des salariés.

L’article L. 8221-1 du Code du travail définit le travail dissimulé comme :

« Le fait pour un employeur de ne pas déclarer une partie ou la totalité des salariés qu’il emploie. »

Dans cette affaire, bien que l’EURL Loris ait effectué les déclarations nécessaires, la cour a noté que l’élément intentionnel de [V] [E] n’était pas démontré, ce qui a conduit à débouter [B] [M] de sa demande d’indemnité pour travail dissimulé.

Il n’a pas été établi que la salariée ait subi un préjudice en raison de l’absence de déclaration de ses droits à la retraite et au chômage, ce qui a également conduit à son déboutement sur ce point.

Comment se prononce la cour sur les demandes d’indemnités de la salariée ?

La cour a examiné les demandes d’indemnités formulées par [B] [M] et a statué sur chacune d’elles en fonction des éléments de preuve présentés.

Concernant l’indemnité compensatrice de préavis, la cour a confirmé le jugement initial, en ajoutant les congés payés afférents, conformément à l’article L. 1234-1 du Code du travail :

« En cas de rupture du contrat de travail, le salarié a droit à une indemnité compensatrice de préavis. »

Pour les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, la cour a alloué à [B] [M] la somme de 1 200€, tenant compte de son ancienneté et de son salaire.

Enfin, la cour a également accordé une indemnité sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile, qui permet de condamner la partie perdante à payer une somme pour couvrir les frais d’avocat.

Ainsi, la cour a statué en faveur de [B] [M] sur plusieurs points, tout en confirmant certaines décisions du jugement initial.

ARRÊT n°

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D’APPEL DE MONTPELLIER

1re chambre sociale

ARRET DU 08 JANVIER 2025

Numéro d’inscription au répertoire général :

N° RG 22/05499 – N° Portalis DBVK-V-B7G-PS76

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 28 SEPTEMBRE 2022 du CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE MONTPELLIER

N° RG F19/01111

APPELANTE :

Madame [B] [M]

[Adresse 6]

Représentée par Me Thibault GANDILLON de la SCP LES AVOCATS DU THELEME, avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIMEES :

Madame [V] [E]

[Adresse 1]

Représentée par Me Emilien FLEURUS, avocat au barreau de MONTPELLIER (postulant)

S.E.L.A.S. OCMJ, représentée par Me [L], es qualité de liquidateur judiciaire de l’EURL LORIS, SARL unipersonnelle, inscrite au RCS de Montpellier sous le numéro 750 463 747, dont le siège social est sis [Adresse 1])

[Adresse 2]

Représentée par Me Nicolas PERROUX de la SCP JUDICIA AVOCATS, avocat au barreau de MONTPELLIER, substitué par Me PASCAL, avocat au barreau de MONTPELLIER

Association UNEDIC DELEGATION AGS – CGEA [Localité 7], association soumise à la loi du 1er juillet 1901, inscrite au répertoire SIREN sous le numéro 775 671 878, prise en la personne de son représentant légal, dûment habilité à cet effet, domicilié en cette qualité au siège situé [Adresse 5] et en son établissement situé :

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentée par Me Julien ASTRUC de la SCP DORIA AVOCATS, avocat au barreau de MONTPELLIER

Ordonnance de clôture du 16 Octobre 2024

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 06 Novembre 2024,en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Philippe DE GUARDIA, Président de chambre, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Philippe DE GUARDIA, Président de chambre

M. Jean-Jacques FRION, Conseiller

Mme Anne MONNINI-MICHEL, Conseillère

Greffier lors des débats : Mme Marie BRUNEL

ARRET :

– contradictoire ;

– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;

– signé par Monsieur Philippe DE GUARDIA, Président de chambre, et par Mme Marie BRUNEL, Greffière.

*

* *

FAITS ET PROCÉDURE

Le 22 mars 2019, l’EURL Loris, dont [V] [E] était la gérante, a été placée en liquidation judiciaire. La SELAS OCMJ a été désignée en qualité de mandataire liquidateur.

[B] [M] a été embauchée par l’EURL Loris à compter du 9 avril 2019. Elle exerçait les fonctions de chauffeur de taxi avec un salaire mensuel brut en dernier lieu de 1 521,25€ pour 151,67 heures de travail.

Le 29 juillet 2019, elle a pris acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de l’employeur en raison du fait que l’EURL Loris était en liquidation judiciaire au moment de son embauche et qu’elle n’en avait pas été informée.

Le 2 octobre 2019, soutenant à la fois que l’EURL Loris et [V] [E] étaient ses co-employeurs et que la rupture produisait les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, la salariée a saisi le conseil de prud’hommes de Montpellier qui, par jugement en date du 28 septembre 2022, a :

– mis l’AGS hors de cause,

– condamné [V] [E] au paiement des sommes de 380,31€ brut à titre d’indemnité compensatrice de préavis et de 300€ net à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Le 28 octobre 2022, [B] [M] a interjeté appel. Dans ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 18 juillet 2023, elle demande d’infirmer le jugement, de dire que l’EURL Loris et [V] [E] étaient ses co-employeurs et de fixer sa créance au passif de l’EURL LORIS et condamner in solidum [V] [E], en tant que personne physique, à :

– la somme de 10 000€ net de dommages et intérêts au titre d’exécution déloyale du contrat de travail,

– la somme de 9 127,50€ net au titre des dommages et intérêts pour travail dissimulé,

– la somme de 1 521,25€ net de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– la somme de 95€ brut au titre de l’indemnité de licenciement,

– la somme de 1 521,25€ brut au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,

– la somme de 152,12€ brut au titre des congés payés y afférents,

– la somme de 456,30€ brut au titre de l’indemnité de congés payés,

– la somme de 2 000€ net au titre de dommages et intérêts pour absence de cotisations réelles pour les droits à la retraite,

– la somme de 1 500€ net en l’application de l’article 700 du code de procédure civile.

A titre subsidiaire, elle demande que [V] [E], à titre personnel, soit reconnue seul employeur et de la condamner au paiement des sommes ci-dessus.

A titre infiniment subsidiaire, elle demande de prononcer la résiliation du contrat de travail aux torts de [V] [E] et de la condamner au versement des mêmes sommes.

En tout état de cause, elle demande de condamner [V] [E] à relever et garantir toute somme qui seraient fixées au passif de la société Loris, de débouter les parties adverses de leurs demandes et de juger l’arrêt à intervenir opposable à l’AGS.

Dans ses dernières conclusions déposées par RPVA le 25 juillet 2024, la SELAS OCMJ, ès-qualités de mandataire liquidateur de l’EURL Loris, relevant appel incident, demande de juger que le contrat de travail est nul ou à tout le moins, inopposable à la procédure collective et de rejeter les prétentions adverses.

À titre subsidiaire, elle demande de confirmer le jugement et, en tout état de cause, de :

– dire opposable à [V] [E] le jugement rendu à l’encontre de la société Loris ;

– condamner [V] [E] à substituer la SELAS OCMJ de toute condamnation prononcée au profit de [B] [M] ;

– condamner solidairement [B] [M] et [V] [E] au paiement de la somme de 2 000€ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

L’Unedic Délégation AGS CGEA de [Localité 7], dans ses conclusions notifiées par RPVA le 23 février 2023, demande de confirmer le jugement et de lui donner acte de ce qu’elle revendique le bénéfice des textes légaux et réglementaires relatifs aux garanties de la créance des salariés.

Dans ses dernières conclusions déposées par RPVA le 10 octobre 2024, [V] [E] demande de confirmer le jugement et de condamner [B] [M] et la société OCMJ, ès-qualités, à lui verser, chacune, la somme de 2 000€ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, il y a lieu de se reporter au jugement du conseil de prud’hommes et aux conclusions déposées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

SUR L’INCOMPÉTENCE DU CONSEIL DE PRUD’HOMMES :

Selon l’article 954 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif.

[V] [E] qui, dans le corps de ses conclusions, soulève l’incompétence matérielle de la juridiction prud’homale, se borne dans leur dispositif à solliciter la confirmation du jugement.

Or, dans le dispositif de son jugement, le conseil de prud’hommes ne s’est pas déclaré incompétent.

Il n’y a donc pas lieu de statuer à ce titre.

SUR LA NULLITÉ DU CONTRAT DE TRAVAIL :

Selon l’article L. 641-9 du code de commerce, le jugement qui ouvre ou prononce la liquidation judiciaire emporte de plein droit, à partir de sa date, dessaisissement pour le débiteur de l’administration et de la disposition de ses biens tant que la liquidation judiciaire n’est pas clôturée et interdit à la personne en liquidation judiciaire d’exercer une activité commerciale ou artisanale.

Le débiteur dessaisi de l’administration et de la disposition de ses biens consécutivement à la liquidation judiciaire n’est frappé d’aucune incapacité d’accomplir des actes juridiques.

Dès lors, les actes accomplis par lui ne sont pas frappés de nullité mais seulement d’inopposabilité à la procédure collective.

Il s’ensuit que le contrat de travail conclu le 9 avril 2019 entre l’EURL Loris, en liquidation judiciaire depuis le 22 mars précédent, et [B] [M] n’est pas nul mais inopposable à la procédure collective, peu important la bonne foi de la salariée.

[B] [M] doit donc être déboutée de sa demande d’inscription au passif de la société Loris des créances résultant de son contrat de travail.

SUR LES DEMANDES A L’ENCONTRE DE [V] [E] :

En sollicitant la confirmation du jugement l’ayant condamnée au paiement de sommes à titre d’indemnité de préavis et de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, [V] [E] reconnaît avoir été l’employeur de [B] [M].

Elle précise d’ailleurs dans ses conclusions qu’elle « ignorait qu’au cours de la liquidation de la société LORIS… elle était relevée de ses fonctions de gérante au bénéfice exclusif du liquidateur » et qu’il n’y a eu qu’une « seule erreur sur la qualité de l’entité employeur… [ce qui] n’implique nullement le caractère dissimulé de la relation de travail dûment déclarée ».

Dans ces conditions, [B] [M] est fondée à former ses demandes à l’encontre de [V] [E], à titre personnel.

Sur la prise d’acte de la rupture :

Lorsqu’un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu’il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets soit d’un licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient, soit, dans le cas contraire, d’une démission.

Il appartient donc à la cour de vérifier si les faits invoqués par la salariée sont établis et, dans l’affirmative, s’ils caractérisent un manquement suffisant de l’employeur à ses obligations pour que la rupture produise les effets d’un licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse.

Sur l’exécution déloyale du contrat :

L’employeur est tenu d’exécuter de bonne foi le contrat de travail.

Il est acquis que l’embauche de [B] [M] par [V] [E] a été réalisée à l’insu du liquidateur.

Pour sa part, la salariée n’a été informée de la situation de la société que postérieurement à son embauche.

En procédant de la sorte, [V] [E] a manifestement manqué à son obligation de loyauté.

Au regard des éléments portés à l’appréciation de la cour, [V] [E] sera donc condamnée à indemniser le préjudice subi par la salariée à hauteur de la somme de 1 000€.

Sur le travail dissimulé et les dommages et intérêts pour absence de cotisation :

Il est acquis que seule l’EURL Loris a procédé à la déclaration préalable à l’embauche, déclaré les cotisations afférentes aux salaires et délivré des bulletins de paie à la salariée.

Néanmoins, au vu des circonstances de l’espèce et de la complexité de la situation résultant de la liquidation judiciaire, l’élément intentionnel de [V] [E] n’est pas démontrée.

[B] [M] sera dès lors déboutée de sa demande à titre de l’indemnité de travail dissimulé.

De même, n’étant pas établi que la salariée aurait subi de préjudice relatif à l’absence de déclaration de ses droits à la retraite et au chômage, il y a lieu de la débouter de sa demande de dommages et intérêts à ce titre.

Sur les conséquences de la prise d’acte de la rupture :

La prise d’acte, motivée par la déloyauté de l’employeur qui a procédé à une embauche postérieurement au jugement prononçant sa liquidation judiciaire, est justifiée.

Au demeurant, dès lors que [V] [E] sollicite la confirmation du jugement, elle admet que la rupture du contrat de travail de la salariée produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Il convient de confirmer le jugement qui a correctement calculé le montant de l’indemnité compensatrice de préavis revenant à la salariée, sauf à y ajouter les congés payés afférents.

[B] [M], qui n’a pas l’ancienneté de huit mois requise, n’a pas droit à une indemnité de licenciement.

L’employeur, à qui incombe la charge de la preuve, ne justifie pas du paiement effectif de la somme de 456,30€ correspondant à l’indemnité de congés payés équivalent à un dixième des salaires perçus sollicitée par la salariée.

Il sera donc fait droit à la demande de la salariée à ce titre.

Au regard de l’ancienneté de [B] [M], de son salaire moyen au moment du licenciement et à défaut d’éléments nouveaux sur sa situation familiale et l’évolution de sa situation professionnelle, il y a lieu de lui allouer la somme de 1 200€ à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

* * *

L’équité commande de faire application de l’article 700 du code de procédure civile devant la cour d’appel.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Infirmant le jugement et statuant à nouveau,

Condamne [V] [E] à verser à [B] [M] :

– la somme de 1 000€ net à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ;

– la somme de 38,03€ brut à titre de congés payés sur préavis ;

– la somme de 456,30€ brut à titre d’indemnité compensatrice de congés payés ;

– la somme de 1 200€ brut à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

– la somme de 1 500€ net sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Confirme le jugement pour le surplus, sauf à dire que le contrat de travail est inopposable à la procédure collective ;

Rejette toute autre demande ;

Condamne [V] [E] aux dépens.

La greffière Le président


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