L’Essentiel : Un salarié intérimaire de l’entreprise [6] a subi un accident du travail le 27 novembre 2018 en tant qu’opérateur de production. L’accident s’est produit lors d’une opération de meulage, entraînant une fracture des doigts et un taux d’incapacité permanente partielle de 7 %. Le salarié a saisi le tribunal judiciaire de Lyon pour obtenir la reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur et de l’entreprise utilisatrice, arguant d’un manque de formation à la sécurité. Le tribunal a reconnu la faute inexcusable de l’entreprise utilisatrice, majorant l’indemnisation du salarié et ordonnant une expertise médicale pour évaluer ses préjudices.
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Accident du travail de Monsieur [I] [V]Monsieur [I] [V], salarié intérimaire de l’entreprise [6], a subi un accident du travail le 27 novembre 2018 alors qu’il était affecté à la société [7] en tant qu’opérateur de production. L’accident s’est produit lors d’une opération de meulage et d’ébavurage d’une pièce en acier, où il s’est coincé les doigts de la main droite entre un aimant et une élingue textile. Le certificat médical a révélé une fracture des doigts, et un taux d’incapacité permanente partielle de 7 % a été attribué. Procédure judiciaire engagée par Monsieur [V]Monsieur [V] a saisi le tribunal judiciaire de Lyon le 9 juin 2021 pour obtenir la reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur et de l’entreprise utilisatrice. Il a soutenu qu’il n’avait pas reçu la formation adéquate à la sécurité, malgré le caractère à risque de son poste. Il a demandé au tribunal de présumer la faute inexcusable des sociétés [6] et [7] et a sollicité une expertise pour évaluer ses préjudices. Arguments des partiesLa société [6] a contesté la présomption de faute inexcusable, affirmant que la formation à la manutention des pièces métalliques était de la responsabilité de l’entreprise utilisatrice. Elle a demandé le rejet des demandes de Monsieur [V] et a sollicité une garantie de la société [7] pour les conséquences financières. De son côté, la société [7] a soutenu avoir dispensé une formation adéquate à Monsieur [V] et a mis en avant des mesures de prévention des risques, tout en affirmant que l’accident était dû à une erreur de manutention de la part de Monsieur [V]. Décision du tribunalLe tribunal a reconnu la faute inexcusable de la société [7], soulignant qu’elle n’avait pas fourni à Monsieur [V] la formation renforcée nécessaire pour manipuler des pièces lourdes. Il a également noté que la société [7] avait conscience des risques liés à la manutention des pièces. En conséquence, le capital attribué à Monsieur [V] a été majoré au taux maximum prévu par la loi, et une expertise médicale a été ordonnée pour évaluer ses préjudices. Indemnisation et frais d’expertiseMonsieur [V] a été alloué une provision de 4 000 euros pour ses préjudices, et la caisse primaire d’assurance maladie a été chargée de faire l’avance des frais d’expertise. La société [7] a été condamnée à garantir la société [6] pour les sommes mises à sa charge, y compris les frais d’expertise et l’indemnité allouée au titre de l’article 700 du CPC. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelles sont les conditions de reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur ?La reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur repose sur les dispositions des articles L. 452-1 du Code de la sécurité sociale et L. 4121-1 et L. 4121-2 du Code du travail. Selon l’article L. 452-1 du Code de la sécurité sociale : « La faute inexcusable de l’employeur est caractérisée lorsque celui-ci a eu ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver. » Ainsi, il suffit que la faute commise par l’employeur soit une cause nécessaire de l’accident pour que sa responsabilité soit engagée, même si d’autres fautes ont contribué au dommage. Dans le cas présent, l’employeur, en l’occurrence la société utilisatrice, n’a pas dispensé à la victime une formation renforcée à la sécurité, ce qui constitue un manquement à son obligation de sécurité. Quelles sont les obligations de l’employeur en matière de sécurité au travail ?Les obligations de l’employeur en matière de sécurité au travail sont énoncées dans les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du Code du travail. L’article L. 4121-1 stipule : « L’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. » L’article L. 4121-2 précise que ces mesures comprennent : 1. Éviter les risques ; Dans cette affaire, la société utilisatrice n’a pas respecté ces obligations, notamment en ne fournissant pas une formation adéquate à la victime, ce qui a conduit à l’accident. Comment la présomption de faute inexcusable peut-elle être renversée par l’employeur ?La présomption de faute inexcusable peut être renversée par l’employeur en prouvant qu’il a pris toutes les mesures nécessaires pour assurer la sécurité de ses salariés. L’article L. 452-1 du Code de la sécurité sociale indique que l’employeur doit démontrer qu’il a eu conscience du danger et qu’il a mis en place des mesures de prévention adéquates. Dans le cas présent, la société utilisatrice a tenté de prouver qu’elle avait dispensé une formation à la sécurité à la victime. Cependant, les éléments de preuve fournis, tels que des attestations et des documents de formation, n’ont pas été jugés suffisants pour établir que la formation était conforme aux exigences de sécurité requises pour le poste occupé par la victime. Ainsi, la société utilisatrice n’a pas réussi à renverser la présomption de faute inexcusable. Quelles sont les conséquences de la reconnaissance de la faute inexcusable sur l’indemnisation de la victime ?La reconnaissance de la faute inexcusable a des conséquences significatives sur l’indemnisation de la victime, conformément à l’article L. 452-3 du Code de la sécurité sociale. Cet article stipule que : « Lorsque l’accident est imputable à la faute inexcusable de l’employeur, la victime peut demander réparation de l’ensemble des dommages non couverts par le livre IV de la sécurité sociale. » Cela signifie que la victime a le droit de réclamer une indemnisation pour tous les préjudices subis, y compris ceux qui ne sont pas pris en charge par la sécurité sociale, tels que les pertes de gains professionnels futurs, les souffrances physiques et morales, ainsi que les préjudices esthétiques. Dans cette affaire, la victime a été reconnue comme ayant subi un accident du travail imputable à la faute inexcusable de la société utilisatrice, ce qui lui permet de bénéficier d’une indemnisation majorée et d’une expertise médicale pour évaluer ses préjudices. |
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE LYON
POLE SOCIAL – CONTENTIEUX GENERAL
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
JUGEMENT DU :
MAGISTRAT :
ASSESSEURS :
DÉBATS :
PRONONCE :
AFFAIRE :
NUMÉRO R.G :
3 février 2025
Florence AUGIER, présidente
Marie-José MARQUES, assesseur collège salarié
assistées lors des débats et du prononcé du jugement par Sophie RAOU, greffière
tenus en audience publique le 2 décembre 2024
jugement contradictoire, rendu en premier ressort, le 3 février 2025 par le même magistrat
Monsieur [I] [V]
C/ S.A.S.U. [7], Société [6]
N° RG 21/01257 – N° Portalis DB2H-W-B7F-V5IH
DEMANDEUR
Monsieur [I] [V], demeurant [Adresse 4], comparant en personne assisté de la SELARL TEYSSIER BARRIER AVOCATS, avocats au barreau de LYON, vestiaire : 559
DÉFENDERESSES
S.A.S.U. [7], dont le siège social est sis [Adresse 1], représentée par Me Stéphanie DOS SANTOS, avocate au barreau de BORDEAUX
Société [6] ([6], dont le siège social est sis [Adresse 2], représentée par la SELARL ABDOU ET ASSOCIES, avocats au barreau de LYON, vestiaire : 2
PARTIE INTERVENANTE
CPAM DU RHONE, dont le siège social est sis [Adresse 8], représentée par Mme [J] [P], munie d’un pouvoir
Notification le :
Une copie certifiée conforme à :
[I] [V], S.A.S.U. [7], Société [6], CPAM DU RHONE, la SELARL ABDOU ET ASSOCIES, vestiaire : 2 ; la SELARL TEYSSIER BARRIER AVOCATS, vestiaire : 559 ; Me Stéphanie DOS SANTOS
Une copie revêtue de la formule exécutoire : la SELARL TEYSSIER BARRIER AVOCATS, vestiaire : 559
2 copies certifiées conforme au dossier
Monsieur [I] [V], salarié de l’entreprise de travail temporaire [6], mis à la disposition de la société [7] en qualité d’opérateur de production, a été victime d’un accident du travail le 27 novembre 2018.
La déclaration d’accident du travail régularisée par l’employeur le 29 novembre 2018 mentionne au titre des circonstances de l’accident survenu le 27 novembre 2018 à 06h30 :
« activité de la victime lors de l’accident : meulage et ébavurage de pièce en acier.
nature de l’accident : à 6h30 alors qu’il entendait déplacer une pièce qu’il venait d’ébavurer à l’aide d’une potence M. [V] s’est coincé les doigts de la main droite entre l’aimant et l’élingue textile. »
Le certificat médical initial en date du 27 novembre 2018 fait état de : « doigts de porte, fracture P3 D2 droit ».
Les lésions relatives à l’accident ont été déclarées consolidées le 30 août 2020 avec attribution d’un taux d’incapacité permanente partielle de 7 %.
Monsieur [V] a saisi le pôle social du tribunal judiciaire de Lyon, le 9 juin 2021 aux fins de reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur et de l’entreprise utilisatrice à l’origine de l’accident du travail.
Monsieur [V] expose qu’il occupait un poste à risque au sein de l’entreprise utilisatrice et qu’il n’a pas bénéficié d’une formation renforcée à la sécurité prévue par les dispositions de l’article L. 4154 – 2 du code du travail.
Il demande en conséquence au tribunal de dire et juger que la faute inexcusable des sociétés [6] et [7] est présumée et que l’employeur est dans l’incapacité de renverser cette présomption.
À titre subsidiaire, il fait valoir que l’accident est survenu alors qu’il a eu recours à une potence et à un aimant qui n’était pas l’outil adapté pour le travail qu’il avait à réaliser ; que la société [7] avait connaissance du risque dès lors que le poste d’opérateur de production affecté au pliage de tôles nécessite l’utilisation de machines dangereuses ; qu’elle ne justifie d’aucune mesure de prévention afin d’éviter le risque puisqu’il n’a pas bénéficié de formation spécifique à l’opération de levage qu’il devait réaliser.
Il rappelle que la société, qui ne démontre pas la faute volontaire du salarié d’une exceptionnelle gravité l’exposant sans raison valable à un danger dont il aurait du avoir conscience, ne peut être exonérée de sa propre responsabilité.
Monsieur [V] sollicite en conséquence la majoration au taux maximum de la rente versée par la CPAM, l’organisation d’une expertise aux fins d’évaluer les préjudices personnels subis ainsi que l’allocation des sommes de 15 500 euros à titre de provision et de 2 500 euros par application de l’article 700 du CPC avec exécution provisoire de la décision à intervenir.
La société [6] fait valoir que les éléments versés aux débats démontrent l’existence d’une formation renforcée à la manutention des pièces métalliques et indique en tout état de cause que cette formation renforcée ne peut être dispensée que par l’entreprise utilisatrice au sein de laquelle l’intérimaire est délégué.
Elle expose qu’en l’absence de faute inexcusable présumée, il incombe au demandeur de l’établir à l’encontre de la société utilisatrice.
Elle conclut au débouté des demandes et à titre subsidiaire sollicite la garantie de l’entreprise utilisatrice des conséquences pécuniaires résultant de l’action en faute inexcusable de monsieur [V].
Elle demande que soit écartée de la mission de l’expert : l’évaluation de la perte ou de la diminution des possibilités de promotion professionnelle, de la perte de gains professionnels actuels et futurs, de l’incidence professionnelle, des frais médicaux actuels et futurs pris en charge au titre du livre IV du code de la sécurité sociale.
La société [7] répond qu’elle a bien dispensé à monsieur [V] une formation renforcée à la sécurité en l’informant des procédures et instructions associées à son poste de travail, en lui remettant un livret d’accueil de sécurité ainsi que des fiches de consignes de sécurité et par l’encadrement d’un référent ; qu’il n’est pas exigé que cette formation fasse l’objet d’une formalisation écrite.
Elle fait valoir qu’elle a mis en place toutes les actions de prévention des risques professionnels à savoir : une liste des postes à risques, un document unique d’évaluation des risques, un protocole de sécurité, des interlocuteurs qualité sécurité environnement, le contrôle de ses machines par des tiers qualifiés, des actions d’information et de formation à chaque travailleur, des équipements nécessaires à la protection individuelle que monsieur [V] portait le jour de l’accident, des entretiens et visite du service médical ; que monsieur [V] a reconnu qu’il connaissait la procédure habituelle de levage et qu’il a utilisé sciemment un autre moyen qu’il savait inadapté ; que l’accident ayant pour origine l’erreur de manutention d’une pièce et le non-respect délibéré des consignes de sécurité par le salarié, aucune faute inexcusable ne peut être reprochée à la société.
Elle sollicite à titre subsidiaire que la société [6] soit déboutée de sa demande de garantie au motif que le contrat de travail ne fait pas mention d’un poste à risque nécessitant le suivi d’une formation renforcée à la sécurité et demande la limitation de sa responsabilité dans l’évaluation des conséquences financières découlant de la faute inexcusable.
Elle conclut au rejet des demandes et sollicite la condamnation de monsieur [V] à lui payer la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du CPC.
La CPAM de Lyon ne formule pas d’observation sur la demande reconnaissance de faute inexcusable et demande au tribunal dans l’hypothèse où la faute inexcusable serait reconnue de prendre acte qu’elle procédera au recouvrement de l’intégralité des sommes dont elle serait amenée à faire l’avance directement auprès de l’employeur y compris les frais relatifs à la mise en œuvre d’une éventuelle expertise.
En l’absence d’un assesseur, la présidente a statué seule avec l’accord des parties et après avoir recueilli l’avis de l’assesseur présent, en application des articles L.218-1 et L.211-16 du code l’organisation judiciaire.
Sur la reconnaissance d’une faute inexcusable
En application des articles L. 452 –1 du CSS et L. 4121 –1 et L. 4121 – 2 du code du travail, le manquement à l’obligation légale de sécurité et de protection de la santé, à laquelle l’employeur est tenu envers le travailleur, a le caractère d’une faute inexcusable lorsque l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver.
Il suffit que la faute commise par l’employeur soit une cause nécessaire de l’accident pour que la responsabilité de ce dernier soit engagée alors même que d’autres fautes ont concourus au dommage.
Monsieur [V], salarié intérimaire pour la société [6], qui effectuait sa mission pour le compte de l’entreprise [7] depuis juin 2018 en qualité de cariste/ébavureur, venait de terminer une opération d’ébavurage et de meulage d’une pièce circulaire en forme de couronne pesant environ 250 kg lorsqu’il a entrepris le déplacement de la pièce vers la palette de conditionnement prévue à cet effet.
Le seul moyen à sa disposition, alors que le pont roulant (pont magnétique) n’était pas disponible, était d’utiliser la potence avec aimant.
Monsieur [V] a expliqué qu’il n’a pas pu placer la sangle habituelle en passant par le trou de la pièce car la largeur de la pièce ne le permettait pas ; que l’aimant a lâché à la fin de l’opération alors qu’une partie du disque était déjà posée ; que lorsque l’aimant est remonté cela a provoqué un effet ressort et 3 doigts de sa main droite ont été écrasés.
Monsieur [V] a été embauché par l’entreprise de travail temporaire [6] et mis à disposition de la société [7] à compter de juin 2018 en qualité d’opérateur de production pour des travaux de pliage de tôles, ébavurage de pièces et manutention avec la mention de risques professionnels pour la conduite chariot de type 3.
Les contrats de mise à disposition précisent expressément que le poste de travail ne figure pas sur la liste des postes à risques de l’article L. 4154 – 2 du code du travail.
Il résulte cependant de la liste des postes à risques établis par la société [7] et du document unique d’évaluation des risques professionnels de la société que le poste de travail d’opérateur de découpe, sur lequel monsieur [V] était affecté, a été identifié par la société comme étant un poste à risques, nécessitant une formation particulière à la sécurité, alors qu’il est notamment prévu dans le DUER des risques liés à la mauvaise prise des pièces à l’aimant pouvant entraîner la chute des pièces avec comme mesure de prévention existante le CACES pont, des FCS potence et des consignes lors de la manipulation des pièces à l’aimant.
Monsieur [V] devait en conséquence bénéficier d’une formation renforcée à la sécurité ainsi que d’un accueil et d’une information adaptés dans l’entreprise utilisatrice.
Cette formation renforcée à la sécurité et cette information adaptée doivent être réalisées, quelque soit l’expérience professionnelle du salarié en intérim.
La société [7] produit au titre de la formation délivrée à monsieur [V] la remise d’un livret et d’un questionnaire de sécurité en juin 2018, qui constituent uniquement une formation générale à la sécurité.
Elle fait valoir que monsieur [V] a été formé par monsieur [R] qui travaillait à proximité et verse au débat une attestation de ce dernier qui se borne à indiquer qu’il lui a montré comment utiliser la potence et comment travailler chaque matière.
La simple déclaration de monsieur [R] ne peut suffire à justifier la réalisation d’une formation à la sécurité renforcée alors qu’il résulte de la reconstitution réalisée par l’inspection du travail que ce dernier préconisait une méthode de travail non conforme à celle indiquée par l’entreprise, qui précise dans ses fiches de sécurité que l’utilisation du porteur magnétique est recommandée lorsque la tôle est trop lourde pour être manipulée avec un seul aimant, alors qu’en l’espèce, la forme de couronne et le poids de la pièce soit 244 kg ne permettaient pas son déplacement à l’aide d’un seul aimant et nécessitaient en conséquence l’utilisation d’un palan à potence.
Il résulte en effet des déclarations de monsieur [R] devant l’inspectrice du travail que celui-ci utilisait l’aimant pour soulever uniquement la charge et lorsque le centre de gravité n’était pas évident (comme une pièce évidée en son centre) de positionner une cale en bois ou en fer alors qu’aux termes des explications de la société auprès de l’inspection du travail, la procédure à suivre était l’utilisation du porteur magnétique par ailleurs non disponible le jour de l’accident.
L’utilisation de la potence avec aimant pour simplement soulever la charge afin de poser une cale en dessous apparaît particulièrement dangereuse au vu des circonstances de l’accident survenu le 27 novembre 2018.
Les déclarations de monsieur [R] devant l’inspectrice du travail sont également contradictoires lorsqu’il indique qu’il utilise l’aimant pour soulever la charge et qu’il aurait indiqué à monsieur [V] de ne pas utiliser l’aimant.
L’inspectrice du travail note expressément que monsieur [V] n’a jamais reconnu que monsieur [R] était son formateur alors par ailleurs qu’il n’existe aucun élément de suivi ni d’évaluation de la formation alléguée ; qu’il a par ailleurs expressément indiqué qu’il n’a jamais reçu aucune formation sur la procédure de levage de ce type de pièces.
La société [7] reconnaît d’ailleurs dans son courrier du 19 février 2019 à l’inspection du travail que monsieur [V] n’avait pas de formation pour le levage au moyen de potence et de pont et qu’il n’aurait pas dû procéder lui-même au choix des moyens de levage de la pièce.
Il n’a jamais été établi que l’entreprise utilisatrice avait interdit à monsieur [V] de procéder au levage des charges afin de les déplacer sur les palettes de conditionnement ni qu’il devait expressément demander à monsieur [R] de procéder au choix du moyen de levage adapté.
L’attestation de madame [B], salariée de l’entreprise, ne peut suffire à contredire les déclarations des différents intervenants lors de la reconstitution, reprises dans le procès-verbal de l’inspectrice du travail qui est assermentée.
L’autorisation de conduite d’un chariot élévateur de catégorie 3 obtenue par monsieur [V] ne saurait signifier qu’il était formé à l’utilisation des engins de levage comme une potence ou un pont de levage alors que son CACES concerne uniquement la capacité à la conduite d’un chariot automoteur élévateur frontal en porte-à-faux, étant rappelé que l’expérience professionnelle d’un salarié ne peut remplacer la formation à la sécurité renforcée.
En l’absence de formation renforcée dispensée à monsieur [V], la faute inexcusable est présumée.
La société [7] ne peut s’exonérer de sa responsabilité en invoquant la faute de monsieur [V].
En toute hypothèse il résulte des mentions du document unique d’évaluation des risques établis par la société [7] que cette dernière avait conscience des risques liés à la manutention mécanique des pièces et notamment à l’utilisation de la potence avec aimant pour leur levage.
Elle indique avoir établi des fiches de consignes de sécurité au poste et verse aux débats différentes fiches de consignes de sécurité dont l’une était affichée sur le poste de travail et qui préconise uniquement d’utiliser le matériel et les accessoires de levage adaptés en fonction du poids et de l’encombrement des pièces et de s’assurer du bon équilibre de la charge ce qui ne saurait suffire à établir que monsieur [V] connaissait la procédure à suivre pour le levage d’une pièce en forme de couronne.
Les autres fiches de consignes de sécurité concernant l’utilisation de la potence et du porteur magnétique versées aux débats ne préconisent pas non plus de procédures particulières pour le levage des pièces en forme de couronne et il n’est pas justifié que ces fiches aient été portées à la connaissance du salarié.
Monsieur [V] n’a jamais reconnu qu’il connaissait la procédure à suivre alors que monsieur [R] a pour sa part indiqué à l’inspectrice du travail qu’il n’y avait pas de procédure formalisée pour le déplacement des pièces en forme de couronne telles que celles déplacées par Monsieur [V] le jour de l’accident.
La société [7] qui n’a pas délivré à monsieur [V] une formation pratique et appropriée aux opérations de levage qu’il a dû effectuer le jour de l’accident et qui est directement en lien avec le choix d’un équipement de travail inadapté a commis une faute inexcusable.
Il y a lieu en conséquence de dire et juger que l’accident du travail dont a été victime monsieur [I] [V] le 27 novembre 2018 est imputable à la faute inexcusable de la société [7].
La responsabilité de la société [6] ne sera pas retenue alors que la société [7] ne lui a pas indiqué que le poste sur lequel monsieur [V] était affecté était un poste à risque.
Sur les conséquences de la reconnaissance de la faute inexcusable
Compte tenu des circonstances de l’accident monsieur [V] n’a pas commis de faute inexcusable.
En conséquence le capital attribué à monsieur [V] doit être majoré au taux maximum prévu par la loi.
Avant-dire droit sur l’indemnisation, une expertise médicale de la victime est nécessaire pour évaluer ses préjudices.
Par décision n° 2010 -8 QPC du 18 juin 2010, le conseil constitutionnel, apportant une réserve à l’article L. 452 -3 du code de la sécurité sociale, a reconnu aux salariés victimes d’un accident du travail imputable à la faute inexcusable l’employeur, la possibilité de pouvoir réclamer devant les juridictions de sécurité sociale la réparation de l’ensemble des dommages non couverts par le livre IV de la sécurité sociale.
L’expert doit donc avoir pour mission de déterminer l’ensemble des préjudices non couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale subis par monsieur [V], sans qu’il ne soit nécessaire à ce dernier, à ce stade de la procédure, de discuter de l’étendue de l’indemnisation à laquelle il peut prétendre et de justifier de l’étendue de ses préjudices.
Les éléments médicaux versés aux débats justifient qu’il soit alloué à monsieur [V] la somme de 4 000 euros à titre de provision à valoir sur ses préjudices.
La caisse primaire d’assurance maladie doit faire l’avance des frais d’expertise médicale et de la provision.
En application des dispositions des articles L. 452 – 2L. 452 – 3 –1 et D. 452 –1 la caisse recouvre auprès l’employeur l’intégralité des sommes dont elle est amenée à faire l’avance y compris les frais relatifs à la mise en oeuvre de l’expertise.
L’équité commande qu’il soit alloué à monsieur [V] une somme de 2 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
Lorsque l’accident survenu à un travailleur intérimaire est imputable à une faute inexcusable, la société de travail temporaire qui est tenu en sa qualité d’employeur a le droit d’engager une action récursoire contre l’entreprise utilisatrice.
Il n’est pas justifié que la société [6] ait commis une faute justifiant un partage de responsabilité.
En conséquence la société [6] doit être relevée et garantie par la société [7] des conséquences résultant de la faute inexcusable au titre de la majoration du capital, des frais d’expertise, de l’indemnisation des préjudices personnels y compris la provision et de la somme allouée au titre de l’article 700 du CPC.
L’exécution provisoire ne sera pas prononcée en l’état de l’expertise médicale ordonnée avant-dire droit sur la réparation des préjudices.
La présidente du pôle social du tribunal judiciaire Lyon, statuant seule après avoir recueilli l’avis de l’assesseur présent, par jugement mis à disposition, contradictoire et en premier ressort,
Dit que l’accident du travail dont monsieur [I] [V] a été victime le 27 novembre 2018 est imputable à la faute inexcusable de l’entreprise utilisatrice substituée à l’entreprise de travail temporaire.
Dit que le capital attribué à monsieur [V] doit être majorée au taux maximum prévu par la loi.
Alloue à monsieur [V] une somme de QUATRE MILLE euros (4 000 €) à titre de provision.
Avant-dire droit sur l’indemnisation et sur les autres demandes :
Ordonne une expertise médicale de monsieur [I] [V].
Désigne pour y procéder :
le docteur [W] [M]
[Adresse 3]
[Adresse 3] »
[Localité 5]
Lui donne mission, après avoir convoqué les parties, de :
– se faire communiquer le dossier médical de monsieur [I] [V],
– examiner monsieur [I] [V],
– détailler les blessures provoquées par l’accident du travail du 27 novembre 2018,
– décrire précisément les séquelles consécutives à l’accident du 27 novembre 2018 et indiquer les actes et gestes devenus limités ou impossibles,
– indiquer la durée de la période pendant laquelle la victime a été dans l’incapacité totale de poursuivre ses activités personnelles,
– indiquer la durée de la période pendant laquelle la victime a été dans l’incapacité partielle de poursuivre ses activités personnelles et évaluer le taux de cette incapacité,
– dire si l’état de la victime a nécessité l’assistance constante ou occasionnelle d’une tierce personne avant la consolidation par la sécurité sociale et, dans l’affirmative, préciser la nature de l’assistance et sa durée quotidienne,
– dire si monsieur [I] [V] subit, du fait de l’accident et après consolidation, un déficit fonctionnel permanent définit comme une altération permanente d’une ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles ou mentales, ainsi que des douleurs permanentes ou tout autre trouble de santé entraînant une limitation d’activité ou une restriction de participation à la vie en société, et en évaluer l’importance et en chiffrer le taux,
– dire si l’état de la victime nécessite ou a nécessité un aménagement de son logement,
– dire si l’état de la victime nécessite ou a nécessité un aménagement de son véhicule,
– donner tous éléments pour apprécier si la victime a perdu une chance de promotion professionnelle,
– évaluer les souffrances physiques et morales consécutives à l’accident,
– évaluer le préjudice esthétique consécutif à l’accident,
– évaluer le préjudice d’agrément consécutif à l’accident,
– évaluer le préjudice sexuel consécutif à l’accident,
– dire si la victime subit une perte de chance de réaliser un projet de vie familiale,
– dire si la victime subit des préjudices exceptionnels et s’en expliquer,
– dire si l’état de la victime est susceptible de modifications ;
Dit que l’expert devra prendre en considération les observations et réclamations des parties, qu’il devra les joindre à son avis lorsqu’elles sont écrites et que les parties le demandent et qu’il devra faire mention des suites qui leur aura donné ;
Dit qu’il pourra pour ce faire adresser un pré-rapport aux parties et rappelle que lorsqu’il a fixé aux parties un délai pour formuler leurs observations et réclamations, l’expert n’est pas tenu de prendre en compte celles qui ont été faites après l’expiration de ce délai, à moins qu’il n’existe une cause grave et dûment justifiée, auquel cas il en fait rapport au juge ;
Dit que l’expert déposera son rapport au greffe du pôle social du Tribunal judiciaire de LYON dans les 6 mois de sa saisine et en transmettra une copie à chacune des parties.
Dit que la caisse primaire d’assurance maladie doit faire l’avance de la provision et des frais de l’expertise médicale et qu’elle procédera au recouvrement de l’intégralité des sommes dont elle serait amenée à faire l’avance directement auprès de l’employeur.
Dit que la société [7] doit garantir la société [6] des sommes mises à sa charge au titre du capital servi, des indemnisations allouées en réparation des préjudices subis, des frais d’expertise et de l’indemnité allouée au titre de l’article 700 du CPC.
Condamne la société [6] garantie par la société [7] à payer à monsieur [V] la somme de DEUX MILLE euros (2 000 €) au titre de l’article 700 du CPC.
Déboute les parties de leurs autres demandes.
Réserve les dépens.
Ainsi jugé et mis à disposition au greffe du tribunal le 3 février 2025 et signé par la présidente et la greffière.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE
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