L’Essentiel : M. [X] [C] a confié la gestion de son immeuble à l’association Immobilière Sociale 59. Un bail signé avec Mme [G] [O] a entraîné des impayés, conduisant M. [X] [C] à déclarer un sinistre à son assureur, qui a refusé de couvrir les loyers en raison de l’absence de dépôt de garantie. M. [X] [C] a alors assigné l’association en justice. Le tribunal a reconnu une faute de l’agence pour ne pas avoir vérifié le dépôt de garantie, entraînant un préjudice pour M. [X] [C], qui a été indemnisé pour ses pertes et frais de justice.
|
Exposé du litigeM. [X] [C] a confié la gestion locative de son immeuble à l’association Immobilière Sociale 59. Un contrat de bail a été signé avec Mme [G] [O] le 23 octobre 2019, stipulant un loyer mensuel de 459,51 euros et des charges de 65 euros. Suite à des impayés, M. [X] [C] a déclaré un sinistre à son assureur, la SADA, qui a refusé de couvrir les loyers impayés en raison de l’absence de dépôt de garantie de la locataire. M. [X] [C] a alors assigné Immobilière Sociale 59 en justice pour obtenir des dommages-intérêts. Constitution d’avocat et clôture de l’affaireImmobilière Sociale 59 a constitué avocat et l’affaire a été mise en délibéré pour une audience prévue le 5 novembre 2024. Des demandes de rabat de clôture ont été formulées par les deux parties pour régulariser leurs conclusions suite à l’intervention d’un liquidateur amiable. Demandes de M. [X] [C]M. [X] [C] a demandé au tribunal de débouter Immobilière Sociale 59 de ses prétentions et de lui verser des sommes pour divers préjudices, incluant des loyers impayés, un préjudice moral, et des frais de procédure. Il a soutenu que l’agence avait manqué à ses obligations en ne vérifiant pas la solvabilité de la locataire. Réponse d’Immobilière Sociale 59Immobilière Sociale 59 a demandé à être déboutée de toutes les demandes de M. [X] [C] et a justifié son action par le caractère social de son mandat, arguant qu’elle avait agi conformément à ses obligations. Elle a également contesté la responsabilité de M. [X] [C] dans la procédure d’expulsion. Motifs de la décisionLe tribunal a décidé de révoquer l’ordonnance de clôture et a jugé que Immobilière Sociale 59 avait commis une faute en ne s’assurant pas que le dépôt de garantie avait été versé, ce qui a conduit au refus de l’assureur de couvrir les impayés. M. [X] [C] a été reconnu comme ayant subi un préjudice en raison de cette faute. Évaluation des préjudicesLe tribunal a évalué le préjudice de M. [X] [C] à 12.211,58 euros pour la perte de chance de recouvrer les loyers impayés, ainsi qu’à 437,27 euros pour des inexécutions contractuelles. Une perte de chance de 705,12 euros a également été reconnue pour la non-révision du loyer d’un autre bien. Condamnation d’Immobilière Sociale 59Immobilière Sociale 59 a été condamnée à verser les sommes dues à M. [X] [C], ainsi qu’à payer 3.000 euros pour les frais de justice. Le tribunal a également décidé qu’Immobilière Sociale 59 serait responsable des dépens de l’instance. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelles sont les obligations du mandataire en matière de gestion locative selon le Code civil ?Le Code civil, notamment à travers les articles 1991 et 1992, précise les obligations du mandataire dans le cadre d’un mandat de gestion. L’article 1991 stipule que « le mandataire est tenu d’exécuter le mandat qui lui a été confié avec soin et diligence ». Cela implique que le mandataire doit agir dans l’intérêt du mandant et veiller à la bonne gestion des biens qui lui sont confiés. L’article 1992 précise que « le mandataire doit rendre compte de sa gestion et justifier des actes qu’il a accomplis ». Cela signifie que le mandataire doit non seulement gérer le bien, mais aussi informer le mandant des actions entreprises et des résultats obtenus. Dans le cas présent, M. [X] [C] soutient qu’Immobilière Sociale 59 a manqué à ses obligations en ne vérifiant pas la solvabilité de la locataire et en ne s’assurant pas du versement du dépôt de garantie, ce qui a conduit à un refus de prise en charge par l’assureur. Quelle est la responsabilité du mandataire en cas de faute dans l’exécution de son mandat ?L’article 1792 du Code civil énonce que « le mandataire répond non seulement du dol, mais encore des fautes qu’il commet dans sa gestion ». Cela signifie que le mandataire peut être tenu responsable des préjudices causés par ses fautes dans l’exécution de son mandat. Dans le litige, il est allégué qu’Immobilière Sociale 59 a commis une faute en ne s’assurant pas que le dépôt de garantie ait été versé par la locataire avant son entrée dans les lieux. Cette négligence a conduit à un refus de l’assureur de couvrir les loyers impayés. La jurisprudence a établi que la responsabilité du mandataire peut être engagée si sa gestion est jugée défaillante. Dans ce cas, le tribunal a constaté que l’agence immobilière n’a pas respecté ses obligations, ce qui a causé un préjudice à M. [X] [C]. Comment évaluer le préjudice subi par le mandant en cas de faute du mandataire ?L’article 1231-1 du Code civil précise que « les dommages-intérêts dus au créancier sont, en général, de la perte qu’il a faite et du gain dont il a été privé ». Cela signifie que le préjudice doit être évalué en tenant compte des pertes subies par le mandant. Dans le cas présent, M. [X] [C] a évalué son préjudice en prenant en compte plusieurs éléments, tels que les loyers impayés, les écarts de gestion, et les frais de procédure. Le tribunal a également pris en compte la notion de perte de chance, en évaluant la possibilité pour M. [X] [C] d’obtenir une indemnisation de la part de l’assureur. Cette perte de chance a été estimée à 80 % de la somme potentiellement récupérable, soit 12.211,58 euros. Quelles sont les conséquences d’une défaillance dans la procédure d’expulsion pour le mandant ?La défaillance dans la procédure d’expulsion peut avoir des conséquences sur la capacité du mandant à récupérer les loyers impayés. Toutefois, il n’est pas exigé du mandant de prouver l’irrecouvrabilité de sa créance pour obtenir une indemnisation de la part de l’assureur. Le tribunal a constaté que M. [X] [C] avait agi avec diligence dans la procédure d’expulsion, et que les pièces versées aux débats démontraient ses efforts pour récupérer les loyers dus. Ainsi, la responsabilité d’Immobilière Sociale 59 a été engagée, car la défaillance dans la gestion locative a conduit à des pertes financières pour M. [X] [C], indépendamment de la procédure d’expulsion. Quelles sont les implications de l’article 700 du Code de procédure civile dans ce litige ?L’article 700 du Code de procédure civile stipule que « la partie perdante est condamnée à payer à l’autre partie une somme au titre des frais exposés non compris dans les dépens ». Cela permet à la partie gagnante de récupérer une partie de ses frais de justice. Dans ce litige, M. [X] [C] a demandé une indemnisation de 4.000 euros en application de cet article. Le tribunal a décidé de condamner Immobilière Sociale 59 à verser 3.000 euros à M. [X] [C] au titre de l’article 700, en raison de sa position de partie perdante dans le litige. Cette disposition vise à compenser les frais engagés par la partie qui a dû défendre ses droits en justice, renforçant ainsi l’équité dans le processus judiciaire. |
-o-o-o-o-o-o-o-o-o-
Chambre 01
N° RG 22/06345 – N° Portalis DBZS-W-B7G-WQHL
JUGEMENT DU 10 JANVIER 2025
DEMANDEUR:
M. [X] [C]
[Adresse 2]
[Localité 5]
représenté par Me Aurélie JEANSON, avocat au barreau de LILLE
DÉFENDERESSE:
Association IMMOBILIERE SOCIALE 59 exerçant sous l’enseigne AIVS 59
[Adresse 6]
[Localité 4]
représentée par Me Caroline LOSFELD-PINCEEL, avocat au barreau de LILLE
La SELARL R&D, représentée par Me [H] [F],
INTERVENANT VOLONTAIRE
es qualité de liquidateur amaible de IMMOBILIERE SOCIALE 59
[Adresse 3]
[Localité 4]
représentée par Me Caroline LOSFELD-PINCEEL, avocat au barreau de LILLE
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Président : Marie TERRIER,
Assesseur : Juliette BEUSCHAERT,
Assesseur : Nicolas VERMEULEN,
Greffier : Benjamin LAPLUME,
DÉBATS
Vu l’ordonnance de clôture en date du 10 Novembre 2023.
A l’audience publique du 05 Novembre 2024, date à laquelle l’affaire a été mise en délibéré,les avocats ont été avisés que le jugement serait rendu le 10 Janvier 2025.
Vu l’article 804 du Code de procédure civile, Nicolas VERMEULEN, juge préalablement désigné par le Président, entendu en son rapport oral, et qui, ayant entendu la plaidoirie, en a rendu compte au Tribunal.
JUGEMENT : contradictoire, en premier ressort, mis à disposition au Greffe le 10 Janvier 2025 par Marie TERRIER, Présidente, assistée de Benjamin LAPLUME, Greffier.
M. [X] [C], a confié la gestion locative de l’immeuble situé [Adresse 7] à [Localité 9] à l’association Immobilière Sociale 59.
En exécution de ce mandat, Immobilière Sociale 59 a régularisé le 23 octobre 2019 un contrat de bail d’habitation à Mme [G] [O] moyennant un loyer mensuel de 459,51 euros, outre une provision pour charges mensuelles de 65 euros.
Se plaignant de l’absence de paiement des premiers loyers, M. [X] [C] a effectué une déclaration de sinistre auprès de la SADA, assureur en garantie de loyers impayés. Cette dernière lui a refusé la prise en charge de la dette locative faute de versement du dépôt de garantie par Mme [G] [O] avant son entrée dans les lieux.
Estimant que l’assureur locatif a refusé la prise en charge des impayés locatifs par la faute de son mandataire, par acte de commissaire de justice en date du 5 octobre 2022, M. [X] [C] a fait assigner Immobilière Sociale 59 devant le tribunal judiciaire de Lille en paiement de dommages-intérêts.
Sur ce, la défenderesse a constitué avocat.
La clôture a été prononcée par ordonnance du 10 novembre 2023 et l’affaire a été fixée à l’audience du 5 novembre 2024.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 29 août 2024, Immobilière Sociale 59 a sollicité le rabat de la clôture afin de prendre acte de l’intervention volontaire de Maître [H] [F], administrateur judiciaire, en sa qualité de liquidateur amiable de Immobilière Sociale 59.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 4 novembre 2024, M. [X] [C] a sollicité le rabat de la clôture afin de régulariser des conclusions à la suite de l’intervention volontaire du liquidateur amiable de la défenderesse.
Au terme de ses conclusions récapitulatives, notifiées par voie électronique le 04 novembre 2024, M. [X] [C] demande de :
Débouter Immobilière Sociale 59 de l’ensemble de ses prétentions ;
La condamner à lui payer les sommes de :
15.701,75 euros au titre du préjudice subi dans le cadre de la gestion du contrat de location de Mme [O], avec intérêts au taux légal sur la somme de 1.102,68 € à compter du 15 avril 2020 et sur le solde à compter de l’assignation ;
2.154,19 euros au titre du préjudice subi dans le cadre de la gestion du contrat de location avec Mme [P], avec intérêts au taux légal à compter de l’assignation ;
2.000 euros à titre de préjudice moral ;
Condamner Immobilière Sociale 59 à lui payer la somme de 4.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
La condamner aux entiers dépens ;
Sur le fondement des articles 1991 et 1992 du code civil, M. [X] [C] dispose qu’il appartient au mandataire à qui la gestion d’un immeuble a été confiée de vérifier la solvabilité du locataire et de vérifier également que celui-ci remplit les conditions pour être couvert des risques locatifs. Il prétend, qu’à défaut, l’agence immobilière a privé par sa faute le propriétaire de la garantie escomptée et doit réparation au propriétaire.
Le requérant rappelle qu’il s’agit d’un mandat onéreux. Il estime que le mandataire a proposé une assurance locative ; qu’il n’a pas vérifié que la locataire ait payé son dépôt de garantie avant l’entrée dans les lieux ; qu’il s’agissait d’une condition de couverture de l’assurance proposée. Il en conclut qu’une faute est caractérisée.
En réponse aux moyens adverses, le requérant énonce qu’il a fait preuve de diligence dans la procédure d’expulsion, qui prévoit des délais incompressibles, outre l’appel de la locataire contre l’ordonnance de référé.
Il estime que son préjudice résulte :
De l’arriéré locatif impayé ;Des écarts entre le décompte de l’agent immobilière et des rapports de gérance ;De la somme séquestrée chez le notaire au profit de l’acquéreur de l’immeuble litigieux par acte du 8 octobre 2021 pour compenser au bénéfice de l’acquéreur la perte de loyer future ;Des frais de procédure pour engager la procédure d’expulsion.Un préjudice moral résultant du stress et des contrariétés liés à l’arriéré locatif.
Il soutient que la responsabilité de Immobilière Sociale 59 est engagée en raison d’un deuxième mandat locatif s’agissant d’un immeuble situé [Adresse 1] à [Localité 8] aux motifs que :
L’agence immobilière n’a pas procédé à la réévaluation du loyer, comme sollicitée par le bailleur ;L’agence immobilière n’a pas appelé deux échéances (du 18 octobre au 30 novembre 2017)
Au terme de ses conclusions récapitulatives, notifiées par voie électronique le 29 août 2024, Immobilière Sociale 59 demande de :
Acter l’intervention volontaire Maître [H] [F], en qualité de liquidateur amiable de l’agence immobilière ;
Débouter M. [X] [C] de ses demandes ;
Le condamner à lui payer la somme de 3.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
Le condamner aux entiers dépens de l’instance.
Immobilière Sociale 59 entend rappeler qu’il s’agit d’une agence immobilière à vocation sociale. Elle prétend que la régularisation d’un bail sans vérifier au préalable que la locataire avait procédé au paiement du montant du dépôt de garantie n’est pas fautif.
Elle estime que le mandat litigieux (bien situé à [Localité 9]) comporte une obligation de moyen et que par sa nature sociale elle prend en charge des candidatures de locataires en situation financière délicate.
Elle énonce avoir vérifié que la locataire avait entamé des démarches auprès du fond de solidarité logement pour la prise en charge de son loyer, et qui ne peut lui être reproché le fait qu’elle n’a pas régularisé son dossier par la suite.
Elle prétend que les exigences sociales conduisent à des pratiques entraînant un décalage temporel entre le versement du dépôt de garantie et l’entrée dans les lieux du locataire.
Immobilière Sociale 59 soutient par ailleurs que le mandant a été défaillant dans la procédure d’expulsion, de sorte qu’il est à l’origine du préjudice relatif aux impayés locatifs ; elle énonce par ailleurs que la preuve de l’irrécouvrabilité n’est pas démontrée.
S’agissant du second mandat de gestion locative, (bien situé [Adresse 1] à [Localité 8]) Immobilière Sociale 59 soutient que :
– Il appartenait au mandant d’appeler les loyers litigieux (18 octobre au 30 novembre 2017), celui-ci ayant repris la gestion personnelle de l’immeuble ;
– Le mandant a cédé le bien immobilier le 3 octobre 2022, de sorte que la demande qui tend à compenser des pertes jusqu’en 2025 n’est pas fondée.
En application de l’article 455 du code de procédure civile, il sera renvoyé aux conclusions susvisées pour plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties.
L’affaire a été mise en délibéré au 10 janvier 2025.
1. A titre préliminaire, en application des articles 802 et 803 du code de procédure civile, il y a lieu d’ordonner la révocation l’ordonnance de clôture et de déclarer recevable les conclusions respectives des parties notifiées par voie électroniques les 29 août et 4 novembre 2024 tendant à régulariser leurs écritures suite à l’intervention volontaire de Maître [H] [F], administrateur judiciaire, désigné liquidateur amiable de l’association Immobilière sociale 59 par décision d’assemblée générale extraordinaire du 22 avril 2024.
Sur les demandes relatives au mandat de gestion du bien situé [Adresse 7] à [Localité 9]
Sur les fautes alléguées
2. Aux termes de l’alinéa 1 de l’article 1792 du code civil « le mandataire répond non seulement du dol, mais encore des fautes qu’il commet dans sa gestion ».
3. En l’espèce, les parties ont régularisé, par acte sous seing privé le 9 avril 2019, un mandat de gestion ayant pour objet le bien situé [Adresse 7] à [Localité 9].
4. Le mandat stipule en son article 4 que « le mandant pourra s’il le souhaite souscrire une garantie des risques locatifs auprès de SADA Assurances, partenaire de notre fédération la FAPIL. Les conditions seront alors fixées par le contrat d’assurance annexé au présent mandat ».
5. Bien que la police d’assurances des risques locatifs pour le bien litigieux ne soit pas versée aux débats, le requérant verse en pièce n° 5 (et non en pièce n°2 comme indiqué dans le bordereau de communication de pièces) une annexe dans laquelle il sollicite la souscription de garantie des risques locatifs auprès de SADA Assurances pour un immeuble dont l’adresse n’est pas précisée.
Toutefois, la souscription par M. [X] [C] à l’assurance SADA pour les risques locatifs de l’immeuble litigieux est reconnue expressément par l’association Immobilière sociale 59 que ce soit dans le cadre des correspondances entre les parties ou dans ses écritures devant le tribunal (page 2 conclusions défenderesse).
6. Il est également constant que l’assurance SADA, partenaire de l’agence immobilière à vocation sociale, laisse libre le mandataire de l’appréciation de la solvabilité du locataire mais stipule expressément que la garantie ne sera considérée comme définitivement acquise qu’en cas de dépôt de garantie acquitté.
Or, Mme [G] [O], locataire du bien litigieux suivant convention de bail régularisé le 23 octobre 2019 par Immobilière sociale 59 en sa qualité de mandataire, n’a pas acquitté le dépôt de garantie et n’a pas procédé aux démarches auprès de fonds de solidarité pour le logement (le fonds ayant vocation à acquitter le dépôt de garantie en cas de recevabilité de la demande), de sorte que l’assurance SADA a refusé de prendre en charge les impayés locatifs de la locataire intervenus dès janvier 2020.
7. Le seul refus de la prise en charge du sinistre par l’assureur ne saurait démontrer une faute de gestion du mandataire. Dès lors, il appartient au tribunal d’apprécier si le refus de prise en charge des impayés par la SADA est la conséquence d’une faute de gestion de la part de Immobilière sociale 59.
8. Si l’agence immobilière est tenue d’une obligation de moyen dans sa mission de s’assurer de la solvabilité réelle du preneur, elle est revanche tenue de s’assurer que se trouvent réunies toutes les conditions nécessaires à l’efficacité juridique de la convention dont elle est l’intermédiaire. Ainsi, il appartenait à Immobilière sociale 59, en cas de souscription par le bailleur d’une garantie auprès de la SADA, son partenaire, d’exiger du locataire, n’étant pas en mesure de payer son dépôt de garantie, de justifier de la recevabilité de sa demande auprès du fonds de solidarité pour le logement au moment de l’attribution du bail.
9. Dans le cas présent, il est constant que Immobilière sociale 59 ne s’est pas enquis, le jour de l’entrée dans les lieux de la locataire, du versement d’un dépôt de garantie. Elle prétend que les exigences sociales de toute agence immobilière à vocation sociale amènent à considérer dans les pratiques professionnelles la prise en compte de certificats de recevabilité du fonds de solidarité pour le logement.
Toutefois, par courriel du 15 octobre 2019, l’agence immobilière a sollicité de la locataire l’envoi de pièces justificatives, sans succès ; le bail a été régularisé le 23 octobre 2019, avec prise d’effet le jour même. Par courriel du 21 novembre 2019, soit postérieurement à l’entrée dans les lieux, elle a relancé la locataire pour que cette dernière dépose son dossier auprès du fonds de solidarité pour le logement. Ainsi il ressort des échanges de mail produits aux débats qu’elle n’a pas exigé le certificat de recevabilité avant signature du bail.
10. Immobilière sociale 59 a donc commis une faute de gestion en ne s’assurant pas de la réunion des conditions d’efficacité de l’assurance SADA, qu’elle a elle-même proposé à M. [X] [C].
11. Pour s’exonérer de sa responsabilité, la défenderesse n’est pas fondée à opposer le caractère social de ses missions dès lors qu’elle agit dans le cadre d’un mandat onéreux et que, au surplus, elle ne justifie que de diligences modestes – une relance par courriel courant novembre – après l’entrée dans les lieux de la locataire afin de la mobiliser pour le dépôt d’un dossier auprès du fonds de solidarité pour le logement.
12. En conséquence, Immobilière sociale 59 a commis une faute de gestion ayant causé le refus de prise en charge des risques locatifs par l’assureur SADA.
Sur les préjudices
13. L’article 1231-1 du code civil dispose que les dommages-intérêts dus au créancier sont, en général, de la perte qu’il a faite et du gain dont il a été privé, sauf les exceptions et modifications ci-après.
Il est de jurisprudence constante que la perte de chance constitue une disparition actuelle et certaine d’une éventualité favorable (Civ. 1ère 21 nov. 2006 n°05-15674).
14. M. [X] [C] évalue son préjudice comme suit :
– loyers impayés arrêté au 20 septembre 2021, date à laquelle il a cédé l’immeuble, soustraction faite des frais de gestion et des frais d’assurance : 6.927,66 euros ; (pièce n° 23 relevé de compte)
– Ecarts entre le décompte de l’agence immobilière et les rapports de gérance : 437,27 euros ; (pièce n° 24 rapport de gérance)
– somme séquestrée chez le notaire pour compenser la perte des loyers de l’acquéreur : 3.676,80 euros ; (pièce n° 22 acte de vente)
– frais de procédure en expulsion : 4.660,03 euros (pièces n°14 à 21 et 27 à 32 et 41)
TOTAL : 15.701,75 euros.
15. Toutefois, en ne s’assurant pas de la réunion des conditions pour efficacité de l’assurance risques locatifs, Immobilière sociale 59 a causé au requérant un préjudice lequel ne consiste pas directement en la non prise en charge intégrale des risques locatifs mais en la perte de chance de les recouvrer auprès d’un assureur, lequel peut encore contractuellement prévoir des conditions d’indemnisation et cas d’exclusion.
16. Il est rappelé que la police d’assurance n’est pas versée aux débats (point 5.) ; en revanche, la police type SADA versée aux débats couvre une protection juridique d’un montant de 3000 euros et les impayés locatifs d’une durée de 36 mois et d’un montant maximum de 25.000 euros. Compte tenu de ces éléments, il convient d’évaluer la perte de chance pour le requérant d’obtenir le remboursement du sinistre de la part de la compagnie d’assurance à 80 %, soit la somme de 12.211,58 euros. ((loyers impayés + sommes séquestrées et attribuées à l’acquéreur + frais de procédure) * 0,80 = 12.211,58)
La perte de chance de M. [X] [C] est donc évaluée à la somme de 12.211,58 euros.
17. Immobilière sociale 59 n’est pas fondée à opposer une faute de M. [X] [C] dans la mise en œuvre de la procédure d’expulsion locative dès lors que les pièces de la procédure en expulsion locative sont versées aux débats par le bailleur et démontrent les diligences de celui-ci dans les délais impartis que ce soit au stade de la première instance ou à hauteur d’appel.
18. Encore, il n’est pas exigé de M. [X] [C] de rapporter la preuve du caractère irrecouvrable de sa créance dès lors qu’il ne s’agit pas d’une condition de la prise en charge de l’assureur, qui dispose en toute hypothèse d’une action récursoire.
19. Immobilière sociale 59 sera donc condamnée au paiement de la somme de 12.211,58 euros.
20. Par ailleurs, M. [X] [C] est bien fondé à solliciter les sommes perçues et non reversées par l’agence immobilière de Mme [G] [O] au titre du loyer, soit la somme de 437,27 euros.
Immobilière sociale 59 sera donc condamnée au paiement de cette somme.
21. En revanche, M. [X] [C] ne démontre pas que l’immeuble a été cédé à la baisse eu égard au contentieux locatif en cours et ne justifie pas d’un préjudice distinct. Il convient donc de le débouter de sa demande au titre du préjudice moral.
22. En application de l’article 1231-7 du code civil, s’agissant principalement de sommes portant indemnisation d’un préjudice, il convient de fixer le point de départ des intérêts au taux légal à compter de la demande en justice, soit au 5 octobre 2022.
Sur les demandes relatives au mandat de gestion du bien situé [Adresse 1] à [Localité 8]
23. Aux termes de l’alinéa 1 de l’article 1792 du code civil dispose que « le mandataire répond non seulement du dol, mais encore des fautes qu’il commet dans sa gestion ».
24. Bien que le mandat de gestion ne soit pas versé aux débats, il est constant (p. 3 conclusions défenderesse) que par acte sous seing privé en date du 18 octobre 2017, M. [X] [C] a confié à Immobilière sociale 59 la gestion locative d’un immeuble situé au [Adresse 1] à [Localité 8], donné à bail à Mme [W] [P], en remplacement de l’ancien gestionnaire du bien, la société Pact Métropole Nord.
25. L’association Immobilière sociale 59 n’a commencé à appeler les loyers auprès de Mme [W] [P] qu’à compter du 1er décembre 2017.
26. Afin de solliciter judiciairement le paiement des loyers à Immobilière sociale 59, M. [X] [C] verse aux débats des échanges de courriels avec le mandataire en date du 29 novembre 2017 aux termes desquels :
-Courriel de l’agence à M. [X] [C] : « Comme vous pourrez le constater, SOLIHA (précédent mandataire), a encaissé la totalité des loyers d’octobre et novembre, nous nous chargeons par conséquent de la quittancer à compter du 1er décembre »
-Courriel en réponse du mandant à Immobilière sociale 59 « Que Mme [P], sans doute de bonne foi, ait réglé ses loyers à untel ou untel m’importe peu, dès lors que ce ne fut pas à l’AIVS 59 qui en avait pourtant la gestion. Dès lors, nous sommes en présence de deux impayés sous gestion AIVS 59 et je vous invite à faire gérer ce dossier comme tel. Je ne sais pas ce que vous envisagez pour les recouvrir mais pour ma part – autant le préciser ! – je n’envisage pas de courir après SOLIHA ou après Mme [P] pour obtenir des loyers qui revenaient à l’AIVS 59 ».
27. Dès lors, les seuls éléments versés aux débats pour justifier du principe de sa créance sont des échanges de courriels dans lesquels M. [X] [C] reconnaît que les loyers non appelés avaient vocation à être perçus par Immobilière sociale 59 à titre de rémunération ; ce n’est que par un courriel de mai 2021 que M. [X] [C] revendique les impayés locatifs.
28. Dans ces conditions le tribunal juge que la demande qui tend à reprocher au mandataire le non recouvrement de sommes qu’il avait vocation à percevoir à titre de rémunération n’est pas une faute de gestion.
La demande en paiement d’une somme de 743,95 euros sera donc rejetée.
29. M. [X] [C] reproche également à Immobilière sociale 59 de ne pas avoir réévalué le loyer à l’échéance du bail le 1er juillet 2019 malgré sa demande expresse en ce sens par courriel du 29 juin 2018.
30. Immobilière sociale 59, n’ayant pas mis en œuvre la procédure en révision des loyers telle que prévue par l’article 17-2 de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989 a commis une faute de gestion.
31. M. [X] [C] évalue son préjudice ainsi :
– du 01/01/2020 au 30/06/2020 : 18,08 € * 6 = 108, 48 € ;
– du 01/07/2020 au 30/06/2021 : 36,16 € * 12 = 433,92 € ;
– du 01/01/2021 au 03/06/2022 : 54,24 € * 12 = 650,88 € ;
– du 01/07/2022 au 03/10/2022 : 72,32 € * 9 = 552,40 €
TOTAL : 1.410,24 euros.
32. Toutefois, la procédure de révision prévue par l’article 17-2 de la loi du 6 juillet 1989 met en œuvre une procédure exigeant l’accord du locataire ou la saisine du juge, de sorte qu’elle supporte un aléa non négligeable.
Ainsi, M. [X] [C] ne peut solliciter qu’une perte de chance d’aboutir avec succès à la demande en révision du loyer.
Cette perte de chance sera justement évaluée à la somme de 705,12 euros.
33. Immobilière sociale 59 sera condamnée au paiement de cette somme avec intérêts au taux légal à compter du 5 octobre 2022.
Sur les demandes accessoires.
34. Immobilière sociale 59, partie perdante, sera condamnée aux dépens.
35. Elle sera également condamnée au paiement d’une somme de 3.000 euros au titre de ses frais non compris dans les dépens.
Le tribunal, statuant publiquement, en premier ressort, par jugement contradictoire, et par mise à disposition au greffe
PRONONCE la révocation de l’ordonnance de clôture ;
DECLARE RECEVABLE les conclusions respectives des parties notifiées par voie électroniques les 29 août et 4 novembre 2024 ;
CONDAMNE Immobilière sociale 59 à payer à M. [X] [C] les sommes de :
12.211,58 euros au titre de la perte de chance de recouvrer les loyers impayés du bail portant sur l’immeuble situé [Adresse 7] à [Localité 9] ;
437,27 euros au titre des inexécutions contractuelles du mandat de gestion du 09 avril 2019 ;
705,12 euros au titre de la perte de chance d’obtenir une révision du loyer du bail portant sur l’immeuble situé [Adresse 1] à [Localité 8] ;
DIT que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter du 5 octobre 2022 ;
DEBOUTE M. [X] [C] de ses demandes plus amples et contraires ;
CONDAMNE Immobilière sociale 59 à payer à M. [X] [C] la somme de 3.000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE Immobilière sociale 59 aux dépens.
LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE
Benjamin LAPLUME Marie TERRIER
Laisser un commentaire